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CA PARIS (5e ch. sect. B), 16 mai 1991

Nature : Décision
Titre : CA PARIS (5e ch. sect. B), 16 mai 1991
Pays : France
Juridiction : Paris (CA), 5e ch. sect. B
Demande : 88/7126
Date : 16/05/1991
Nature de la décision : Confirmation
Mode de publication : Lamyline
Date de la demande : 2/03/1988
Décision antérieure : T. COM. PARIS (7e ch.), 12 janvier 1988
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CERCLAB/CRDP - DOCUMENT N° 1303

CA PARIS (5e ch. sect. B), 16 mai 1991 : RG n° 88/7126 et n° 88/7539

Publication : Lamyline

 

Extrait : « Considérant que la société Amerford ne saurait se prévaloir de l'article 35 de la loi du 78-23 du 10 janvier 1978 relative à la protection des consommateurs contre les clauses abusives ; qu'en effet ce texte a trait aux relations entre professionnels et non professionnels ou consommateurs alors que le contrat litigieux a été conclu entre deux transporteurs pour une opération relevant de leur activité professionnelle ».

 

COUR D’APPEL DE PARIS

CINQUIÈME CHAMBRE SECTION B

ARRÊT DU 16 MAI 1991

 

ÉLÉMENTS D’IDENTIFICATION DE LA DÉCISION                                      (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)

R.G. n° 88-7126 et n° 88-7539.

 

PARTIES EN CAUSE :

1°) La société AMERFORD FRANCE

[adresse] Appelante, Représentée par Maître Huyghe, Avocat Assisté de Maître Plichon, avocat

2°) La société France Handling

[adresse] Appelante et intimée, Représentée par Maître Mira avoué, Assisté de Maître Tinayre, avocat

3°) La société TRANSCO PAVY INTERNATIONAL

[adresse], Intimée, Représentée par la SCP Bernabe, avocat Assisté de Maître Lutz, avocat.

4°) La société Compagnie Aérienne K.L.M

[adresse], Intimée, Représentée par Maître Valdelievre, Assisté de la SCP Lefevre, avocat, plaidant par Maître Dirat, avocat.

5°) La Compagnie EAGLE STAR L'INDEPENDA

[adresse]

6°) La compagnie HANSA

[adresse]

7°) La Compagnie le Languedoc Rhin et Moselle

[adresse]

8°) La COMPAGNIE POOL MARITIME ET TRANSPORTS DROUOT MUTUELLES UNIES

[adresse], Intimées, Représentées par Maître Valdelievre, avoué, Assisté de Maître Rossignol, avocat.

9°) La Compagnie LIGNA FRANCE

[adresse], Intervenante volontaire, Représentée par Maître Huyghe, avoué, Assisté de Maître Plichon, avocat.

 

COMPOSITION DE LA COUR : Président : Monsieur Schoux. Conseillers : Monsieur Bourrelly et Madame Vigneron.

ARRÊT : CONTRADICTOIRE.

 

EXPOSÉ DU LITIGE                                                                                         (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)

Par déclarations remises au Secrétariat Greffe le 2 mars 1988 et le 6 avril 1988, la société Amerford et la société France Handling ont interjeté appel du jugement du 12 janvier 1988 par lequel le Tribunal de Commerce de Paris a :

- mis hors de cause la Compagnie Aérienne KLM,

- déclaré irrecevables les demandes formées par les Compagnies d'Assurances EagleStar l'Independance, Hansa, Languedoc, Rhin et Moselle, Pool Maritime et transports Drouot Mutuelles Unies (ci-après dénommées les Compagnies d'Assurances) et par la société Transco Pavy contre la société France Handling,

- condamné la société Transco Pavy à payer aux Compagnies d'Assurances la somme de 907.409 francs avec intérêts légaux à compter du 15 mai 1986,

- condamné la société Amerford à garantir la société Transco Pavy de cette condamnation,

- condamné la société France Handling à garantir la société Amerford de cette condamnation dans la limite de la somme de 1.800 francs pour le principal,

- condamné au titre des frais non répétibles :

1°) la société France Handling à payer à la Compagnie Aérienne KLM et à la société Amerford respectivement les sommes de 3.000 francs et de 2.000 francs,

2°) la société Transco Pavy à payer à la Compagnie Aérienne KLM la somme de 1.000 francs avec la garantie de la société Amerford elle-même garantie par la société France Handling,

3°) La société Amerford à payer à la société Transco Pavy la somme de 5.000 francs avec la garantie de la société France Handling,

- enfin condamné cette société aux dépens.

 

Il est constant et non contesté que le 14 mai 1985 la société Ribert a confié à la société Transco Pavy, commissionnaire de transport, l'organisation d'un transport de 6 colis contenant du matériel de précision de Rueil Malmaison à Séoul - (Corée). Pour la partie aérienne de ce transport, la société Transco Pavy s'est substituée la société Amerford qui a choisi la Compagnie KLM.

Le 15 mai 1985, la société Transco Pavy a enlevé la marchandise chez l'expéditionnaire et sur les indications de la société Amerford l’a acheminée, par route, jusqu'à l'entrée de l'entrepôt de la société France Handling, situé à l'aéroport de Roissy. La société France Handling a procédé au déchargement des 6 colis du camion à son entrepôt. Au cours de cette opération qui a été effectuée à l'aide d'un chariot élévateur, cet engin a heurté une cale ce qui a entraîné son déséquilibre et la chute d'un des colis qu'il portait. Le dommage ainsi causé au matériel contenu dans ce colis s'est élevé à la somme non contestée de 907.409 francs qui a été réglée à la société Ribert par les compagnies d'assurances. Celles-ci sont donc subrogées dans les droits de la victime du sinistre.

La société Amerford fait grief au Tribunal d'avoir déclaré que le sinistre est survenu au cours de l'exécution du contrat de prestations spéciales que son préposé avait conclu directement avec la société France Handling et qui contient une clause limitative de responsabilité alors qu'au moment de l'accident, la caisse était sous la garde de la compagnie KLM destinataire du transport terrestre en vue du transport aérien et qu'en conséquence sa responsabilité ne saurait excéder celle de ce transporteur telle qu'elle est définie par la convention de Varsovie de sorte qu'elle réclame sa garantie.

A titre subsidiaire, la société Amerford sollicite la garantie de la société France Handling, responsable du sinistre, et demande de déclarer nulle la clause limitative de responsabilité aux motifs que son préposé n'avait pas le pouvoir de l'engager, que cette clause institue une limitation dérisoire de responsabilité et qu'enfin elle est abusive au sens des articles 35 et suivants de la loi 78-23 du 10 janvier 1978.

A titre infiniment subsidiaire la société Amerford soutient que l'accident a pour cause une faute lourde de la société France Handling ce qui l'empêche de se prévaloir de la dite clause.

Par conclusions additionnelles, la société Amerford demande à titre principal de déclarer nul le contrat qu'elle a passé avec la société France Handling au motif qu'il s'agit d'une prestation liée imposée par le transporteur aérien ce qui est interdit par les articles 37 et 50 de l'ordonnance du 30 juin 1945.

A titre subsidiaire, la société Amerford demande se surseoir à statuer jusqu'à la décision du Conseil de la Concurrence saisi de ces faits qualifiées d'abus de position dominante prohibés par les articles 7 et 8 de l'ordonnance du 1er décembre 1986 et plus subsidiairement encore de solliciter l'avis de cet organisme.

Enfin la société Amerford invoque également le contrat liant la société France Handling à la Compagnie Aérienne KLM pour prétendre que la première a déchargé la marchandise en qualité de mandataire de la seconde.

La compagnie Cigna France, assureur de la société Amerford, intervient à l'instance pour demander de condamner solidairement les compagnies d'assurances à lui restituer la somme de 1.083.886,65 francs qu'elle leur a réglée en vertu du jugement assorti de l'exécution provisoire, et ce, majorée des intérêts de droit à compter du 15 juin 1988 date du paiement ;

La société France Handling conclut a titre principal, à la confirmation du jugement dont elle reprend les motifs et sollicite, en outre, la condamnation des autres parties à lui payer la somme de 70.000 francs au titre de ses frais non répétibles ;

A titre subsidiaire la société France Handling demande de condamner la Compagnie KLM à la garantir des condamnations susceptibles d'être prononcées contre elle.

Dans ses conclusions déposées le 21 mars 1990 la société France Handling demande de déclarer les Compagnies d'Assurances irrecevables à agir au motif qu'elles ont été indemnisées par la Compagnie Cigna de sorte que les actions subséquentes en garantie de la société Transco Pavy et de la société Amerford sont également irrecevables.

Enfin, la société France Handling sollicite la condamnation de la société Amerford à lui payer la somme de 300.000 francs à titre de dommages et intérêts en réparation du préjudice qu'elle lui a causé en s'emparant de la dénonciation des faits litigieux au Conseil de la Concurrence par les soins de la Compagnie Cigna son assureur.

Les Compagnies d'Assurances et la société Transco Pavy sollicitent essentiellement la confirmation du jugement les premières du chef des condamnations prononcées à leur profit et la seconde du chef de la condamnation à garantie de la société Amerford.

La société Transco Pavy réclame en outre la condamnation solidaire de la société Amerford, de la Compagnie KLM et de la société France Handling à lui payer la somme de 20.000 francs au titre de ses frais non répétibles.

La Compagnie KLM conclut à la confirmation du jugement en ce qu'il l'a mise hors de cause et demande, en outre, de condamner la société Amerford, la société France Handling et la société Transco Pavy à lui payer chacune la somme de 5.000 francs et les Compagnies d'Assurances solidairement entre elles à lui régler la somme de 15.000 francs au titre de ses frais non répétibles.

 

MOTIFS (justification de la décision)                                                                 (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)

Sur le fond du litige :

Considérant tout d'abord qu'il convient de déclarer recevable l'action des compagnie d'Assurance et par voie de conséquence les actions en garantie subséquentes de la société Transco Pavy et de la société Amerford compte tenu que l'assureur de celle ci a réglé le montant du dommage litigieux aux Compagnies d'assurances en raison du caractère exécutoire du jugement déféré et non volontairement,

Considérant qu'il résulte des faits analysés ci-dessus que le sinistre est survenu au cours d'une opération de déchargement de la société France Handling ;

Qu'il y a lieu de rechercher si cette société agissait pour son compte personnel ou en qualité d'agent de handling de la compagnie KLM dans le cadre de l'exécution du transport aérien ;

Qu'au soutien de cette première hypothèse, la société France Handling produit le contrat de prestations spéciales pour le déchargement litigieux qu'elle a conclu avec la société Amerford et qui contient une clause limitative de responsabilité à concurrence de 1.800 francs par colis perdu ou avarié,

Considérant qu'avant d'analyser le sens et la portée de ce contrat il y a lieu de le déclarer parfaitement valable, et applicable en l'espèce ;

Qu'en effet il a été conclu par un des préposés de la société Amerford dont il n'est pas démontré qu'il n'avait pas qualité pour engager son employeur ;

Que la société Amerford ne peut davantage soutenir avec pertinence que la clause limitative de responsabilité est nulle en raison de son caractère dérisoire dès lors qu'elle n'a pas fait au préalable, une déclaration de valeur de la marchandise ;

Considérant que la société Amerford ne saurait se prévaloir de l'article 35 de la loi du 78-23 du 10 janvier 1978 relative à la protection des consommateurs contre les clauses abusives ; qu'en effet ce texte a trait aux relations entre professionnels et non professionnels ou consommateurs alors que le contrat litigieux a été conclu entre deux transporteurs pour une opération relevant de leur activité professionnelle ;

Que la société Amerford n'est pas fondée à soutenir que la société France Handling lui a imposé illégalement ses services ;

Qu'il résulte d'une lettre du 10 juillet 1989 émanant du Service du marketing et de Frêt des Aéroports de Paris qu'il n'existe aucune obligation sur ces aéroports de confier aux prestataires de service des transporteurs aériens les opérations de manutention effectuées en zone publique pour la remise des colis à expédier à ces transporteurs ;

Qu'enfin la société Amerford ne justifie pas, même partiellement que la société France Handling se livre abusivement à des pratiques anticoncurrentielles prohibées par les articles 7 et 8 de l'ordonnance du 1er décembre 1986,

Qu'elle n'a pas saisi personnellement le conseil de la concurrence conformément à l'article 11 de ce texte ; qu'il n'y a donc pas lieu de solliciter l'avis de cet organisme et dans cette attente, de surseoir à statuer,

Considérant sur le sens et la portée du contrat de prestations spéciales de déchargement qu'en concluant ce contrat qui contient une clause limitative de responsabilité bien plus restreinte que la limitation légale de garantie prévue par la Convention de Varsovie sus visée, la société Amerford qui est un professionnel averti de la législation des Transports, a implicitement mais nécessairement reconnu que les prestations de manutention n'entraient pas dans le cadre du transport aérien et que la société France Handling qui devait les effectuer, agissait à titre personnel et non en qualité d'agent de handling de la société KLM ;

Qu'en outre, il ne résulte pas du contrat liant la Compagnie KLM et la société France Handling que la prestation litigieuse était comprise dans la mission d'agent de handling de ce transporteur aérien ;

Que la société Amerford ne saurait se fonder avec pertinence, sur l'article 3-3-9 de l'annexe A-1-0 de cette convention qui concerne le fret en correspondance ce qui n'est pas le cas en l'espèce ;

Que c'est donc à bon droit que le Tribunal a mis hors de cause la Compagnie KLM ;

Considérant que la société France Handling reconnaît que le sinistre lui est imputable tout en se prévalant de la clause limitative de responsabilité prévue dans le contrat la liant à la société Amerford ;

Mais considérant que cette clause est inapplicable en raison de la faute lourde du préposé de la société France Handling qui est à l'origine du dommage ;

Qu'en effet, celui-ci qui conduisait le chariot élévateur chargé du colis litigieux non arrimé, pesant 920 kilogrammes et mesurant plus de 2 mètres de haut, selon les constatations de l'expert judiciaire, a agi avec témérité et grave imprudence en n'évitant pas une cale qui se trouvait sur son aire de circulation alors qu'il aurait du avoir conscience que cet obstacle allait entraîner une rupture d'équilibre de son engin instable et la chute du colis ;

Qu'en conséquence, il y a lieu d'infirmer partiellement le jugement en faisant droit entièrement à l'action en garantie de la société Amerford contre la société France Handling ;

Qu'il convient de confirmer les autres dispositions du jugement non critiquées en appel ;

Considérant que la société Amerford étant tenue de garantir la société Transco Pavy de la condamnation prononcée contre celle ci au profit des compagnies d'assurances, la demande de la société Cigna France en restitution des sommes d'argent qu'elle a versée à ce titre en qualité d'assureur de la société Amerford, doit être rejeter ;

Considérant qu'il échet de débouter la société France Handling de sa demande en paiement de dommages et intérêts, faute pour elle de rapporter la preuve que la société Amerford lui a causé un préjudice en soutenant, sans fondement, qu'elle se livre à des pratiques anti-concurrentielles,

Considérant qu'eu égard aux circonstances de la cause, il parait inéquitable de laisser à la charge de la société Transco Pavy et de la société KLM leurs frais non répétibles exposés en appel à concurrence de 3 000 francs pour la première et de 5.000 francs pour la seconde qui devront être supportés par la société France Handling, succombant seule dans cette instance ;

 

DISPOSITIF (décision proprement dite)                                                            (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)

PAR CES MOTIFS :

La Cour,

Confirme le jugement déféré à l'exception du montant de la condamnation de la société France Handling au profit de la société Amerford,

L'infirmant de ce chef,

Condamne la société France Handling à garantir la société Amerford de la condamnation prononcée contre elle au profit de la société Transco Pavy,

Y ajoutant,

Déboute la société Cigna France de ses prétentions et la société France Handling de sa demande en paiement de dommages-intérêts,

Condamne celle ci à payer à la société Transco Pavy et à la société KLM respectivement les sommes de 3.000 francs et de 5 000 francs au titre des frais non répétibles,

Condamne la société France Handling aux dépens d'appel ;

Accorde un droit de recouvrement direct au profit de Maître Valdelievre, de la SCP Bernabe et de Maître Huyghe.