CA AGEN (1re ch.), 12 septembre 2006
CERCLAB/CRDP - DOCUMENT N° 1311
CA AGEN (1re ch.), 12 septembre 2006 : RG n° 05/00812 ; arrêt n° 835/06
(sur pourvoi Cass. civ. 1re, 13 novembre 2008 : pourvoi n° 07-19282 ; Bull. civ. I, n° 261)
COUR D’APPEL D’AGEN
PREMIÈRE CHAMBRE
ARRÊT DU 12 SEPTEMBRE 2006
ÉLÉMENTS D’IDENTIFICATION DE LA DÉCISION (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)
R.G. n° 05/00812. Arrêt n° 835-06. Prononcé par mise à disposition au greffe conformément au second alinéa de l'article 450 et 453 du nouveau Code de procédure civile le douze septembre deux mille six, par Nicole ROGER, Conseiller faisant fonctions de Présidente de Chambre, LA COUR D'APPEL D'AGEN, 1ère Chambre dans l'affaire,
ENTRE :
Monsieur X.
né le [date] à [ville], Demeurant [adresse], (bénéficie d'une aide juridictionnelle Totale numéro 2005/XX du [date] accordée par le bureau d'aide juridictionnelle d'AGEN), représenté par la SCP VIMONT J. ET E., avoués, assisté de Maître Anne-Marie DAVELU-CHAVIN, avocat, APPELANT d'un jugement rendu par le Tribunal d'Instance de VILLENEUVE SUR LOT en date du 8 Avril 2005, D'une part,
ET :
SA FINAREF
prise en la personne de son représentant légal actuellement en fonctions domicilié en cette qualité au siège, Dont le siège social est [adresse], représentée par la SCP Henri TANDONNET, avoués assistée de Maître Béatrice GALLISSAIRES-BEYRIE, avocat
Madame Y. épouse X.
née le [date] à [ville], Demeurant [adresse], (bénéficie d'une aide juridictionnelle Totale numéro 2005/XX du [date] accordée par le bureau d'aide juridictionnelle d'AGEN), représentée par la SCP TESTON - LLAMAS, avoués assistée de Maître Fatima TEREA, avocat
INTIMÉES ; D'autre part,
[minute page 2]
a rendu l'arrêt contradictoire suivant après que la cause ait été débattue et plaidée en audience publique, le 20 juin 2006, devant Nicole ROGER, Conseiller faisant fonctions de Présidente de Chambre, Christian COMBES, Conseiller et Françoise MARTRES, Conseiller (laquelle, désignée par le Président de Chambre, a fait un rapport oral préalable), assistés de Dominique SALEY, Greffier, et qu'il en ait été délibéré par les magistrats du siège ayant assisté aux débats, les parties ayant été avisées par le Président, à l'issue des débats, de la date à laquelle l'arrêt serait prononcé par sa mise à disposition au greffe (de la juridiction) à la date qu'il indique.
EXPOSÉ DU LITIGE (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)
FAITS ET PROCÉDURE :
Le 8 septembre 1998, la SA FINAREF a consenti à Mme Y. devenue X. un crédit « Printemps » utilisable par fractions portant autorisation de découvert maximum de 140.000 Francs au taux révisable de 18,72 %.
Plusieurs échéances étant demeurées impayées, la SA FINAREF a obtenu le 9 avril 2004 une ordonnance en injonction de payer délivrée à l'encontre de Mme X. pour une somme de 4.281,15 euros avec intérêts au taux de 16,14 % à compter du 19 mars 2004, plus 50,85 euros au titre des intérêts de retard au 5 mars 2004 et 326,08 euros en intérêts échus au 16 janvier 2004.
Cette ordonnance a été signifiée à Mme X. par acte d'huissier du 10 mai 2004.
Par lettre recommandée avec accusé de réception en date du 2 juin 2004, Mme X. a formé opposition à l'ordonnance en injonction de payer.
M. X. est intervenu volontairement sur la procédure.
Mme X. ne contestait pas le montant des sommes réclamées mais demandait la condamnation solidaire de son époux au paiement de cette dette, s'agissant d'une dette de communauté contractée pour les besoins du ménage.
M. X. soutenait que la dette avait été contractée par son épouse à son insu comme de nombreux autres. Il estimait ne pas être tenu solidairement.
Par jugement du 8 avril 2005, le Tribunal d'Instance de VILLENEUVE SUR LOT a :
- déclaré recevable en la forme l'opposition formée par Mme X. ;
- mis à néant l'ordonnance d'injonction de payer du 9 avril 2004 ;
- donné acte à M. X. de son intervention volontaire ;
- [minute page 3] condamné Mme X. à payer à la SA FINAREF la somme de 4.659,08 euros avec intérêts au taux conventionnels de 16,14 % l'an à compter du 28 janvier 2004 sur 4.252,55 euros ;
- dit que M. X. était solidairement tenu avec Mme X. au paiement de cette dette ;
- ordonné l'exécution provisoire de la décision ;
- condamné Mme X. à payer à la SA FINAREF la somme de 100 euros au titre de l'article 700 du Nouveau Code de Procédure Civile ;
- condamné solidairement les époux X. aux entiers dépens. M. X. a relevé appel de cette décision.
MOYENS ET PRÉTENTIONS DES PARTIES :
M. X. rappelle qu'il s'est marié le 25 juin 1994 sous le régime de la communauté universelle avec Mme X.
Les époux sont actuellement en instance de divorce. Après le départ de Mme X. du domicile conjugal, M. X. a reçu de multiples actes d'huissiers relatifs à des prêts contractés par son épouse à son insu, imitant pour certains d'entre eux sa signature.
Une plainte pour faux est actuellement instruite par le Doyen des Juges d'Instruction à AGEN.
Il conteste la nature communautaire de la dette, faisant valoir que le prêt a été conclu par Mme X. à son insu. Les époux sont certes mariés sous le régime de la communauté universelle, mais pour que la solidarité puisse être retenue, le consentement de M. X. et le caractère modeste et nécessaire des dépenses doivent être établis.
Or, il n'a pas donné son consentement à de tels engagements dont le montant total s'élève à 90.000 euros.
La mauvaise foi de Mme X. est patente puisqu'elle a imité dans certains contrats la signature de son mari.
Il demande donc à la Cour :
- de réformer le jugement du 8 avril 2005 ;
- de dire et juger que la dette contractée par Mme X. ne l'obligeait pas solidairement ;
- de condamner Mme X. aux entiers dépens dont distraction au profit de la SCP VIMONT.
[minute page 4]
Mme X. sollicite la confirmation de la décision déférée. Elle souligne qu'elle n'a nullement imité la signature de son époux puisqu'elle est personnellement et seule signataire de ce prêt.
Elle rappelle que les époux se sont mariés sous le régime de la communauté universelle suivant contrat du 17 juin 2004. Le contrat stipule expressément que la communauté X. est tenue de toutes les dettes et charges actuelles et futures des époux à l'exception de celles afférentes aux biens propres qui seront supportés par l'époux propriétaire de ces biens.
Elle rappelle en outre que si elle a seule contracté le prêt, il s'agit d'un contrat renouvelable et utilisable par fractions, les sommes ont été utilisées par le couple, les virements effectués sur leur compte joint étant relativement modestes.
Le crédit a été utilisé pour l'achat de vêtements et de petit mobilier. Il a servi à financer les besoins du ménage et M. X. ne peut se soustraire à la solidarité.
Elle précise enfin que la plainte pour faux déposée par M. X. a fait l'objet d'un non lieu du juge d'instruction qui a souligné la mauvaise foi de ce dernier, alors qu'il ne pouvait ignorer les prêts qui ont toujours été honorés par prélèvements sur le compte joint jusqu'à la séparation des époux.
Elle sollicite la confirmation pure et simple du jugement dont appel et la condamnation de M. X. aux entiers dépens dont distraction au profit de la SCP TESTON-LLAMAS.
La SA FINAREF sollicite la confirmation du jugement dont appel.
Elle souligne que comme l'a retenu le premier juge, les époux se sont mariés sous le régime de la communauté universelle et qu'il découle du contrat que les dettes souscrites pour une autre cause qu'un bien propre sont des dettes de communauté.
Le prêt a été renouvelé chaque année pendant le mariage des époux, et le crédit a été utilisé au financement des besoins du ménage. Les sommes utilisées sont modestes et nécessaires au besoin de la vie courante. Elles n'apparaissent pas excessives.
Elle sollicite donc la confirmation de la décision déférée et la condamnation de M et Mme X. aux entiers dépens dont distraction au profit de la SCP Henri TANDONNET.
À titre subsidiaire, M. X. soutient que la SA FINAREF, qui a octroyé 4 crédits à la consommation à Mme X. a fait preuve de légèreté en ne vérifiant pas ses capacités financières alors qu'elle n'a jamais été salariée au Bar de Z. comme indiqué au moment de la souscription. Cette légèreté lui cause donc un grave préjudice alors qu'il ignorait tout des crédits successifs et excessifs accordés à son épouse. La Cour de Cassation a rappelé par 4 arrêts du 12 juillet 2005 que les établissements de crédit sont tenus d'une obligation d'information et de mise en garde visant d'une part à éclairer le client et d'autre part à s'assurer de ses facultés contributives.
[minute page 5] Il demande donc à la Cour à titre subsidiaire:
- de condamner la SA FINAREF à lui régler à titre de dommages et intérêts le montant des sommes dues en principal et intérêts ;
- de prononcer la compensation ;
- de condamner la SA FINAREF à lui payer la somme de 1.000 euros au titre de l'article 700 du Nouveau Code de Procédure Civile ainsi qu'aux entiers dépens dont distraction au profit de la SCP VIMONT.
La SA FINAREF souligne qu'il s'agit d'une demande nouvelle totalement irrecevable en appel en application de l'article 564 du Code de Procédure Civil, la demande n'ayant pas été formulée en première instance.
En second lieu, elle soutient qu'aucun manquement à une quelconque obligation de conseil ne peut lui être reprochée. En effet, il résulte des pièces versées aux différents dossiers que Mme X. avait déclaré être employée au Bar Z. Le montant des ressources déclarées était compatible avec les crédits sollicités, puisque les 4 crédits finalement contractés entraînaient des remboursements de l'ordre de 1.650 Francs par mois pour des ressources de l'ordre de 10.600 Francs par mois sur 13 mois. En outre, Mme X. a honoré ses engagements pendant plusieurs années.
Elle sollicite la condamnation des époux X. au paiement de la somme de 1.000 euros au titre de l'article 700 du Nouveau Code de Procédure Civile et aux entiers dépens.
MOTIFS (justification de la décision) (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)
MOTIFS DE LA DÉCISION :
Attendu que par contrat du 8 septembre 1998, la SA FINAREF a consenti à Corinne Y. devenue X. un crédit « Printemps » utilisable par fractions et portant autorisation de découvert maximum de 140.000 Francs ;
Que pour contester la nature communautaire de la dette ainsi contractée et sa condamnation solidaire à son paiement, M. X. soutient que si le prêt a été consenti pendant le mariage, le régime de la communauté universelle sous lequel ils sont mariés ne dispense par Mme X. de rapporter la preuve de ce qu'il avait donné son consentement à l'engagement alors que la dette n'apparaît ni modeste ni nécessaire
Qu'il invoque la mauvaise foi de son épouse qui aurait souscrit un nombre très important de crédits sans son consentement ou en imitant sa signature ; que le total des engagements ainsi contractés dépasse le cadre des achats ménagers et modestes au sens de l'article 220 du Code Civil ;
[minute page 6] Attendu que les époux se sont mariés sous le régime de la communauté universelle en 1994 ; que les dettes contractées pendant le mariage sont des dettes de communauté à l'exception des dettes contractées pour un bien propre ce qui n'est pas le cas en l'espèce ;
Qu'en l'espèce, le prêt est un prêt de consommation courante et a été contracté pour le financement d'achats modestes auprès du Printemps de telle sorte que l'article 1415 du Code Civil, qui exige le consentement de l'époux n'est pas applicable en l'espèce ; qu'en effet la situation des époux doit être examinée au niveau de chaque prêt et non au niveau de leur endettement global ;
Attendu en outre que M. X., qui invoque la déloyauté de son épouse, n'en rapporte pas la preuve ; qu'il ressort en effet de l'ordonnance de non lieu prononcée à la suite de la plainte pour faux qu'il avait déposée contre Mme X. que s'il n'a pas signé lui même un certain nombre de contrats, il utilisait les cartes de crédit qui étaient délivrées et ne pouvait ignorer l'existence de ses engagements dont il tirait bénéfice, qui étaient versés sur le compte commun du couple et dont les remboursements étaient prélevés sur le même compte ;
Attendu en conséquence qu'il convient de confirmer la décision déférée en ce qu'elle a dit que M. X. était solidairement tenu au remboursement de la dette contractée avec son épouse ;
Attendu que M. X. demande à la Cour, à titre subsidiaire, de constater que la SA FINAREF a commis une faute en faisant preuve de légèreté dans la conclusion du contrat de prêt souscrit par son épouse et sollicite la condamnation de cet établissement au paiement de dommages et intérêts venant en compensation de la dette ;
Attendu que la demande ainsi présentée devant la Cour est recevable, au sens de l'article 564 du Code de Procédure Civile, s'agissant d'une demande ayant pour effet d'écarter les prétentions de la SA FINAREF ;
Attendu sur le fond qu'il est établi que la SA FINAREF a consenti 4 prêts à Mme X. les 20 novembre 1992, 11 novembre 1996, 8 septembre 1998 et 25 janvier 2002 ;
Que ces prêts sont essentiellement des prêts de consommation courante assortis de cartes de crédit permettant le financement d'achats auprès de grands magasins ;
Que les prêts ont été établis sur la base des déclarations de Mme X. prétendant bénéficier d'un salaire évoluant de 7.000 Francs à 10.000 Francs par mois et d'un endettement minimum ; que les mensualités de remboursement se sont élevées au maximum à 1.650 F par mois ; que les prêts ont été remboursés pendant plusieurs années et que les incidents de paiement sérieux ne sont intervenus qu'après la conclusion du dernier prêt ;
Attendu que si l'établissement bancaire a l'obligation de vérifier l'adéquation des ressources de l'emprunteur avec les engagements mis à sa charge, il n'en découle pas une obligation pour lui de se livrer à une enquête pour vérifier les déclarations qui lui sont faites et les documents qui lui sont remis ; qu'en l'espèce, il n'apparaît pas que le prêt litigieux, ni même la totalité des engagements ainsi souscrits, excédaient les facultés contributives de Mme X. ; qu'il y a lieu en conséquence de débouter M. X., qui ne démontre pas l'existence d'une faute de la SA FINAREF, de la demande présentée à ce titre ;
[minute page 7] Attendu qu'il n'est pas inéquitable de laisser à la charge des parties les frais non compris dans les dépens ; que les demandes présentées au titre de l'article 700 du Nouveau Code de Procédure Civile doivent être rejetées ;
Attendu que M. X. succombe et sera condamné aux dépens d'appel ;
DISPOSITIF (décision proprement dite) (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)
PAR CES MOTIFS :
La Cour, après en avoir délibéré conformément à la loi, statuant par arrêt contradictoire et en dernier ressort,
Déclare recevable l'appel jugé régulier en la forme,
Confirme le jugement déféré dans toutes ses dispositions
Rejette les demandes présentées au titre de l'article 700 du Nouveau Code de Procédure Civile ;
Condamne M. X. aux entiers dépens dont distraction au profit de la SCP Henri TANDONNET, avoués, conformément aux dispositions de l'article 699 du nouveau Code de procédure civile.
Le présent arrêt a été signé par Nicole ROGER, Conseiller faisant fonctions de Présidente de Chambre et Dominique SALEY, Greffier.
Le Greffier La Présidente
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