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TI SAINT-ETIENNE, 16 février 1999

Nature : Décision
Titre : TI SAINT-ETIENNE, 16 février 1999
Pays : France
Juridiction : Saint-Etienne (TI)
Demande : 97/000003
Date : 16/02/1999
Nature de la décision : Admission
Date de la demande : 7/11/1996
Décision antérieure : CCA AVIS, 19 juin 1997
Décision antérieure :
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CERCLAB/CRDP - DOCUMENT N° 133

TI SAINT-ETIENNE, 16 février 1999 : RG n° 97/000003

Publication : Site CCAB

 

Extrait : « Attendu que le TRIBUNAL de céans n'est pas persuadé que la clause d'exclusion litigieuse concerne la définition de l'objet principal du contrat ; Qu'en effet, si cela était, une Compagnie d'Assurance pourrait exclure de la garantie un très grand nombre de situations et transformer son contrat en coquille vide sans que l'assuré ne puisse se prévaloir de la Loi sur les clauses abusives ; Il appartient en toute hypothèse, à Mlle Y. de rapporter la preuve que la clause litigieuse avait pour objet ou pour effet de créer, à son détriment, un déséquilibre significatif entre les droits et obligations des parties au contrat (Art. L 132-1 du Code de la Consommation) ».

«  Que les sociétés défenderesses ne rapportent pas la preuve qu'il avait été remis à Mlle Y., avant la conclusion du contrat, les documents mentionnés à l'article L. 112-2 du contrat d'assurance et notamment une notice d'information décrivant précisément les garanties assorties des exclusions ; […] Attendu que les sociétés défenderesses (qui ne peuvent se décharger de leurs obligations sur l'agence de voyages qui, au surplus, n'est pas présente à l'instance) ont donc enfreint les dispositions de l'article L. 111-1 du Code de Consommation qui obligent tout prestataire de services, avant de conclure un contrat, à mettre le consommateur en mesure de connaître les caractéristiques essentielles du service ».

 

TRIBUNAL D’INSTANCE DE SAINT-ÉTIENNE

JUGEMENT DU 16 FÉVRIER 1999

 

ÉLÉMENTS D’IDENTIFICATION DE LA DÉCISION                      (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)

RG n ° 11-97-000003. Code : 569.  Canton : SUD EST

 

DEMANDEUR (S) :

- Mademoiselle Y.

[adresse] représentée par Maître PEYCELON Gilles, avocat au barreau de SAINT-ETIENNE Aide juridictionnelle n° […] du […]

 

DÉFENDEUR(S) :

- Société CONTACT ASSISTANCE

[adresse] PARIS, non comparant

- SA COMPAGNIE UAP France INCENDIE

[adresse], représenté(e) par Maître DREVET-RIVAL Nathalie, avocat au barreau de SAINT-ETIENNE

 

COMPOSITION DU TRIBUNAL : Président : Henry HELFRE.

Greffier : Eliane FRERY

DÉBATS : Audience publique du 15 septembre 1998

JUGEMENT : réputé contradictoire, en dernier ressort, prononcé publiquement.

 

EXPOSÉ DU LITIGE                                                                         (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)

FAITS, PROCÉDURE ET PRÉTENTIONS DES PARTIES :

Le 4 juillet 1996, Mlle Y. a s'est inscrite auprès de l'agence de voyage WASTEELS pour un transport LYON-PALERME aller-retour au prix de 1.400 Francs (plus 50 Francs de frais de dossier et 42 Francs de frais d'assurances), le trajet aller devant avoir lieu le 12 juillet et le retour le 2 août.

L'assurance souscrite auprès de la société de courtage d'assurances « CONTACT ASSISTANCE ». couvrait les frais d'annulation du voyage.

[minute page 2] Le 8 juillet 1996 Mlle Y. a annulé son voyage

Conformément au contrat (annulation de 7 à 2 jours avant le départ), la Société WASTEELS lui a retenu 75 % du prix versé et ne lui a donc remboursé que 350 Francs.

Mlle Y. a rempli une déclaration de sinistre en indiquant que son annulation était motivée par une maladie.

Elle a également remis à la Société CONTACT ASSISTANCE  un questionnaire rempli par son médecin traitant qui indiquait qu'elle connaissait des dépressions nerveuses et que la nature de la maladie à l'origine de l'annulation du voyage était des bouffées d'angoisse survenues après un coup de téléphone de ses parents concernant ce voyage.

Suite à ces indications, la société CONTACT ASSISTANCE  a fait savoir à Mlle Y., par courrier du 7 août 1996, que le motif de son annulation faisait partie des exclusions de garantie prévues à son contrat d'assurance (« Ne sont pas garanties les annulations consécutives à ... une maladie psychique, mentale, dépressive ou nerveuse »).

Contestant cette décision, Mlle Y. a saisi le TRIBUNAL de céans par déclaration enregistrée au Greffe le 7 novembre 1996.

Par jugement du 29 avril 1997 auquel il convient de se reporter pour en connaître les motifs, le TRIBUNAL a demandé à la Commission des Clauses Abusives son avis sur le caractère abusif ou non de l'exclusion de garantie prévue au contrat d'assurance annulation contracté par Mlle Y.

Par décision du 19 juin 1997, ladite Commission a dit n'y avoir lieu à avis, considérant que la clause d'exclusion de garantie portait sur la définition de l'objet principal du contrat et qu'elle relevait, en conséquence, de l'exclusion prévue par le 7ème alinéa de l'article L. 132.1 du Code de la Consommation.

Mlle Y. critique cette décision qu'elle estime avoir été rendue « à la Ponce Pilate » dans la mesure où la clause d'exclusion litigieuse est plus assimilable à une clause d'exonération de responsabilité qu'à une clause portant sur la définition même de l'objet du contrat.

Elle soutient que l'objet du contrat est seulement le remboursement des frais d'annulation restés à la charge du souscripteur suite à une maladie grave notamment, et que cet objet est défini dans l'article 1 de la convention et non dans l'article 3 qui prévoit les exclusions de garantie.

A titre principal, elle fait valoir que la clause d'exclusion de garantie litigieuse et que l'article 3 de la convention dans son entier sont abusifs et elle demande au TRIBUNAL de les déclarer nuls et réputés non écrits.

Elle invoque l'article 35 de la Loi du 10 juillet 1978 et la directive du Conseil des Communautés Européennes du 5 avril 1993.

[minute page 3] Elle soutient, en effet, qu'en lui faisant signer un contrat d'adhésion sans l'informer des risques garantis, la société CONTACT ASSISTANCE a abusé de sa puissance économique et en réduisant à la portion congrue les possibilités où la garantie remboursement frais d'annulation peut jouer, elle s'est procurée un avantage excessif.

Mlle Y. ajoute qu'il ne saurait être soutenu que sa maladie n'était pas grave puisque cette maladie l'a obligée à cesser toute activité professionnelle.

A titre subsidiaire, elle fait valoir que la société CONTACT ASSISTANCE  n'a pas respecté l'article L. 111-1 du Code de la Consommation qui précise que tout professionnel doit, avant la conclusion du contrat, mettre le consommateur en mesure de connaître les caractéristiques essentielles du bien ou du service.

Elle soutient, en effet, que la garantie proposée n'a fait l'objet que d'une case sur le bulletin d'inscription au voyage et que la société CONTACT ASSISTANCE  ne l'a jamais informée des caractéristiques du contrat d'assurance, se gardant bien de lui adresser ce dernier.

Elle ajoute qu'elle n'a signé aucune déclaration de bonne santé et qu'on ne lui a pas demandé de passer une visite médicale avant la souscription du contrat.

Elle estime, par suite, que la société CONTACT ASSISTANCE  a commis une faute en ne respectant pas les dispositions légales.

Elle demande en conséquence, au TRIBUNAL de condamner la société CONTACT ASSISTANCE  à lui payer la somme de 1.142 Francs montant du prix du voyage charge, la somme de 2.000 Francs à titre de dommages et intérêts et celle de 3.000 francs de l'article 700 du Nouveau Code de Procédure Civile.

La Compagnie UAP, qui intervient volontairement, conclut au rejet de la demande et à la condamnation de Mlle Y. à lui payer la somme de 15.000 Francs à titre intérêts et celle de 3.000 Francs au titre de l'article 700 du Nouveau Code de Procédure civile.

Elle fait valoir tout d'abord, que l'article 3 du contrat porte bien, comme l'article 1, sur la définition de l'objet du contrat puisqu'il vient restreindre le principe général de garantie posé par l'article 1.

Elle fait valoir, ensuite que Mlle Y. n'établit pas qu'elle n'a pas eu connaissance des termes de l'assurance souscrite et qu'elle a même signé le bulletin d'inscription sur lequel elle certifie avoir pris connaissance « des informations et conditions ci-dessus » au nombre desquelles figurait l'acceptation de l'assurance multirisque proposée par la société CONTACT ASSISTANCE.

Elle estime qu'en toute hypothèse, si manque d'informations il y avait, il serait imputable à l'agence de voyages.

Elle fait valoir encore, que Mlle Y. ne pouvait se prévaloir d'une maladie grave car elle était traitée régulièrement pour une dépression connue dont les manifestations étaient plus ou moins importantes, alors que la maladie grave s'entend de l'altération brutale de l'état de santé nécessitant la cessation de toute activité professionnelle.

[minute page 4] Elle soutient, par suite, que la clause litigieuse n'est pas abusive, qu'elle est d'ailleurs présente fréquemment dans les contrats d'assurance et qu'elle ne figure pas dans la liste des clauses abusives annexée à l'article L. 132-1 du Code de la Consommation ni parmi les recommandations de la Commission des Clauses Abusives en matière d'assurance.

 

MOTIFS (justification de la décision)                                                 (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)

MOTIFS :

Attendu que le TRIBUNAL de céans n'est pas persuadé que la clause d'exclusion litigieuse concerne la définition de l'objet principal du contrat ;

Qu'en effet, si cela était, une Compagnie d'Assurance pourrait exclure de la garantie un très grand nombre de situations et transformer son contrat en coquille vide sans que l'assuré ne puisse se prévaloir de la Loi sur les clauses abusives ;

Mais attendu qu'il appartient en toute hypothèse, à Mlle Y. de rapporter la preuve que la clause litigieuse avait pour objet ou pour effet de créer, à son détriment, un déséquilibre significatif entre les droits et obligations des parties au contrat (Art. L 132-1 du Code de la Consommation) ;

Attendu que la Compagnie d'Assurance ne pouvait pas savoir que Mlle Y. risquait d'être atteinte d'une maladie psychique ou nerveuse puisqu'elle n'avait pas connaissance de l'état de santé de cette personne ;

Qu'elle n'a donc pas entendu profiter plus particulièrement de cette clause de non garantie ;

Que par ailleurs, la prime d'assurance par son montant (42 Francs), ne représentait pas pour Mlle Y. un engagement financier pouvant laisser penser qu'elle souscrivait à un contrat d'assurance la couvrant du risque encouru quelle que soit la cause de la survenance de ce risque ;

Attendu qu'il y a donc lieu de dire que la preuve du caractère abusif de la clause litigieuse n'est pas rapportée et de rejeter, en conséquence, la demande présentée à titre principal ;

Attendu par contre, sur la demande subsidiaire, qu'il ne résulte nullement du contrat de transport que Mlle Y. a reconnu avoir pris connaissance des conditions du contrat d'assurance qu'elle souscrivait ou avoir reçu un exemplaire de ces conditions ou une notice d'information sur ce contrat ;

Que Mlle Y. a simplement accepté de souscrire une assurance multirisques au prix de 42 Francs, l'assureur indiqué étant la société CONTACT (adresse non précisée) ;

Que les sociétés défenderesses ne rapportent pas la preuve qu'il avait été remis à Mlle Y., avant la conclusion du contrat, les documents mentionnés à l'article L. 112-2 du contrat d'assurance et notamment une notice d'information décrivant précisément les garanties assorties des exclusions ;

[minute page 5] Que la Compagnie UAP ne conteste d'ailleurs pas vraiment l'insuffisance d'informations données à Mlle Y. puisqu'elle écrit, dans ses conclusions : « En tout état, si manque d'informations il y avait, il serait imputable à l'agence de voyages » ;

Attendu que les sociétés défenderesses (qui ne peuvent se décharger de leurs obligations sur l'agence de voyages qui, au surplus, n'est pas présente à l'instance) ont donc enfreint les dispositions de l'article L. 111-1 du Code de Consommation qui obligent tout prestataire de services, avant de conclure un contrat, à mettre le consommateur en mesure de connaître les caractéristiques essentielles du service ;

Que c'est, en conséquence, avec raison que Mlle Y. soutient que la société CONTACT ASSISTANCE  a commis une faute en ne l'informant pas des conditions de l'assurance qu'elle souscrivait ;

Attendu que le préjudice subi par Mlle Y. peut être fixé à la somme de 1.142 Francs + 1.500 Francs pour les désagréments, soucis et pertes de temps que lui a cause cette affaire ;

Attendu par contre, que Mlle Y. qui bénéfice de l'aide juridictionnelle totale, ne peut obtenir une indemnité complémentaire au titre de l'article 700 du Nouveau Code de Procédure Civile ;

Attendu qu'aucune demande n'étant faite contre la Compagnie UAP seule la société CONTACT ASSISTANCE  sera condamné aux sommes sus-indiquées ;

Et attendu que la Compagnie UAP, qui succombe en ses prétentions, ne peut qu'être déboutée de ses demandes reconventionnelles ;

 

DISPOSITIF (décision proprement dite)                                            (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)

PAR CES MOTIFS

LE TRIBUNAL,

Vu le jugement rendu par le TRIBUNAL de céans le 29 avril 1997

Vu l'avis de la Commission des Clauses Abusives du 19 juin 1997,

Vu l'article L. 112-2 du Code d'Assurance et l'article L. 111-1 du Code de la Consommation,

Condamne la société CONTACT ASSISTANCE  à payer à Mlle Y. la somme de 2.642 Francs (DEUX MILLE SIX CENT QUARANTE DEUX FRANCS) à titre de dommages et intérêts,

Rejette toutes autres demandes,

Condamne la société CONTACT ASSISTANCE aux dépens, qui seront recouvrés conformément à la procédure applicable en matière d'aide juridictionnelle.

Ainsi jugé et prononcé les jour, mois et an que dessus.