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TGI PARIS (1re ch. 1re sect.), 12 mai 1993

Nature : Décision
Titre : TGI PARIS (1re ch. 1re sect.), 12 mai 1993
Pays : France
Juridiction : TGI Paris. 1re ch. sect. 1
Demande : 8517/92
Date : 12/05/1993
Nature de la décision : Rejet
Date de la demande : 18/03/1992
Décision antérieure : CA PARIS (1re ch. sect. A), 10 mai 1994
Numéro de la décision : 59746
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CERCLAB/CRDP - DOCUMENT N° 1354

TGI PARIS (1re ch. 1re sect.), 12 mai 1993 : RG n° 8517/92 ; RP n° 59746

(sur appel CA Paris (1re ch. A), 10 mai 1994 : RG n° 93/15450)

 

Extrait : « Attendu que l'UFC ne saurait prétendre que l'article 10 du contrat contient des clauses abusives et est contraire à la recommandation des Communautés Européennes du 17 novembre 1988 ;

Qu'en effet, il est indiqué que « l'abonné est seul responsable de l'utilisation et de la conservation de sa carte » et que sa responsabilité « est engagée intégralement pour les communications téléphoniques antérieures à la réception de la notification écrite de l'opposition » ; qu'en revanche, « en cas d'opposition, la responsabilité de l'abonné est dégagée pour toutes communications téléphoniques effectuées après la mise en opposition » ; […]

Qu'enfin, les clauses mentionnées à l'article 10 alinéas 3 et 4 se contentent de dégager la responsabilité de FRANCE TELECOM en cas de dysfonctionnement des réseaux téléphoniques étrangers, des matériels de FRANCE TELECOM ou d'une mauvaise utilisation de la carte, d'autant que « FRANCE TELECOM s'engage à remplacer la carte défectueuse, « hormis les cas où la détérioration résulterait du fait de l'abonné ».

 

TRIBUNAL DE GRANDE INSTANCE DE PARIS

PREMIÈRE CHAMBRE PREMIÈRE SECTION

JUGEMENT DU 12 MAI 1993

 

ÉLÉMENTS D’IDENTIFICATION DE LA DÉCISION       (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)

RG n° 8517/92 ; RP n° 59746. Assignation du 21 décembre 2001.

 

DEMANDERESSE :

L'UNION FÉDÉRALE DES CONSOMMATEURS - UFC QUE CHOISIR

dont le siège est à [adresse], représentée par Maître Luc BIHL, avocat - R 2130.

 

DÉFENDERESSE :

La Société FRANCE TELECOM

dont le siège est à [adresse], représentée par Maître Emmanuel MICHAU, avocat - A 2324.

[minute page 2]

MINISTÈRE PUBLIC : Monsieur LAUTRU, Premier Substitut.

COMPOSITION DU TRIBUNAL : Magistrats ayant délibéré : Monsieur COULON, Président - Monsieur BREILLAT, Vice-Président, Madame MENARD, Juge.

GREFFIER : Madame BAYARD.

DÉBATS : À l'audience du 24 mars 1993, tenue publiquement,

JUGEMENT : Prononcé en audience publique, contradictoire, susceptible d'appel.

 

EXPOSÉ DU LITIGE            (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)

FRANCE TELECOM a mis sur le marché un système de paiement des communications téléphoniques intitulé « Carte Pastel » qui permet à l'abonné d'obtenir que toutes ses communications téléphoniques aussi bien en France qu'à l'étranger soient facturées sur un même compte, quel que soit le téléphone utilisé ou le lieu d'appel.

L'Union Fédérale des Consommateurs (UFC) expose qu'il résulte du « Guide d'utilisation » édité par FRANCE TELECOM que lorsque les communications sont faites par [minute page 3] le biais d'un opérateur, l'abonné n'utilise pas matériellement sa carte, mais indique téléphoniquement le numéro de cette dernière et son code confidentiel, et qu'il est aisé aux opérateurs de communiquer ces éléments, et indique à titre d'exemple qu'un consommateur a découvert son compte débité de deux communications passées le jour, l'une à 21 h 35 de la France vers le Maroc, l'autre à 22 h 05 des USA vers la France.

L'UFC fait valoir que le système de la « Carte Pastel » est en contradiction avec la recommandation de la CEE du 17 novembre 1988, et que le contrat de FRANCE TELECOM se révèle contradictoire et comprend des clauses abusives.

Elle précise que l'article 6 impose à l'abonné de tenir secret son code confidentiel alors qu'il est obligé de le révéler chaque fois qu'il veut téléphoner en passant par un opérateur et que l'article 10 déclare « l'abonné seul responsable de l'utilisation de sa carte » alors que le système même permet à tous les opérateurs de FRANCE TELECOM d'utiliser ladite carte, et que « FRANCE TELECOM ne saurait être tenue pour responsable de l'impossibilité pour l'abonné d'utiliser sa carte par suite du fonctionnement défectueux du matériel de FRANCE TELECOM ».

L'UFC a assigné FRANCE TELECOM, le 18 mars 1992, sur le fondement de la loi du 10 janvier 1988, aux fins de voir dire et juger abusif l'article 10 du contrat de FRANCE TELECOM et le réputer non écrit, que les imprudences de FRANCE TELECOM dans la mise au point de la Carte Pastel causent aux consommateurs un préjudice certain et condamner FRANCE TELECOM à lui payer, en réparation de ce préjudice, la somme de 100.000 francs et celle de 5.000 francs au titre de l'article 700 du Nouveau Code de Procédure Civile.

[minute page 4] Par conclusions signifiées le 7 octobre 1992, FRANCE TELECOM fait observer que le service « Carte Pastel » est destiné principalement à des usagers professionnels et que les opérateurs ayant connaissance du numéro de carte et du code confidentiel de l'abonné sont soumis à une stricte obligation de confidentialité.

FRANCE TELECOM ajoute que l'affaire de Mademoiselle X. a été réglée de manière satisfaisante, puisqu'ayant reçu, le 8 janvier 1992, soit postérieurement à l'opposition pratiquée, une facture comportant des appels Carte Pastel, le Directeur Opérationnel de Créteil de FRANCE TELECOM lui écrivait le 20 janvier pour s'excuser et l'informer d'une diminution de sa facture.

Elle estime que, Mademoiselle X.  n'ayant plus de préjudice, l'UFC ne peut agir sur cette base et que la demande tendant à obtenir l'annulation de la clause du contrat qui met à la charge de l'abonné la responsabilité de l'utilisation de sa carte ne peut aboutir, car elle aurait pour effet d'entraîner la diffusion des numéros de carte et code confidentiels, ce qui entraînerait la facturation aux entreprises de consommations téléphoniques dont l'origine serait impossible à identifier, lesquelles entreprises pourraient se retourner contre FRANCE TELECOM.

FRANCE TELECOM considère que ces consommations étant pour la plupart professionnelles, la loi du 10 janvier 1978 permettant l'interdiction des clauses abusives n'est pas applicable et sollicite le bénéfice de l'allocation d'une somme de 3.500 francs en vertu de l'article 700 du Nouveau Code de Procédure Civile.

Par conclusions signifiées le 27 octobre 1992, l'UFC fait remarquer [minute page 5] que le cas de Mademoiselle X. n'est cité qu'à titre d'illustration des défaillances du système « Carte Pastel » et que FRANCE TELECOM ne fournit pas la preuve que ses cocontractants sont pour la plupart des professionnels et précise que les dispositions de la loi du 10 janvier 1978 s'appliquent au contrat « Carte Pastel » offert à tous les consommateurs abonnés au téléphone.

L'UFC fait valoir que FRANCE TELECOM ne conteste pas le caractère abusif de l'article 6 de son contrat et déclare que l'article 10 a pour objet d'écarter toute responsabilité de FRANCE TELECOM dans tous les cas d'incidents, d'exécution du contrat et de créer une clause d'irresponsabilité, même en cas de défaillance du système ou de faute des préposés de FRANCE TELECOM, laquelle clause est manifestement abusive et contraire à la recommandation CEE.

L'UFC demande que FRANCE TELECOM prenne toutes mesures pour assurer la réelle confidentialité du code, conformément à l'article 6 du contrat.

 

MOTIFS (justification de la décision)    (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)

Attendu que l'UFC est habilitée, conformément à l'article 6 de la loi du 5 janvier 1988, à demander à la juridiction civile la suppression de clauses abusives dans les modèles de conventions habituellement proposés par les professionnels aux consommateurs ;

Attendu que les demandes formulées par l'UFC ne peuvent être appréciées qu'au regard des clauses du contrat « Carte Pastel » ;

Attendu que l'article 6 dispose expressément que chaque « Carte Pastel » comporte un « Code spécifique notifié confidentiellement à l'abonné qui doit le tenir secret » et qui ne doit pas être communiqué « pour les [minute page 6] communications passées depuis l'étranger par l'intermédiaire d'un opérateur de ce pays » ;

Que la demande de l'UFC ne saurait être accueillie de ce chef, dès lors qu'il est précisé d'une manière univoque audit article 6 que « dans le cas contraire, FRANCE TELECOM dégage toute responsabilité » ;

Attendu que l'UFC ne saurait prétendre que l'article 10 du contrat contient des clauses abusives et est contraire à la recommandation des Communautés Européennes du 17 novembre 1988 ;

Qu'en effet, il est indiqué que « l'abonné est seul responsable de l'utilisation et de la conservation de sa carte » et que sa responsabilité « est engagée intégralement pour les communications téléphoniques antérieures à la réception de la notification écrite de l'opposition » ; qu'en revanche, « en cas d'opposition, la responsabilité de l'abonné est dégagée pour toutes communications téléphoniques effectuées après la mise en opposition » ;

Attendu que les parties ne contestent pas que Mademoiselle X. a, elle-même, bénéficié de l'application de cette clause, dès lors que le 20 janvier 1992, le Directeur Opérationnel de Créteil de FRANCE TELECOM lui a écrit pour s'excuser et l'informer d'une diminution de sa facture ;

Qu'enfin, les clauses mentionnées à l'article 10 alinéas 3 et 4 se contentent de dégager la responsabilité de FRANCE TELECOM en cas de dysfonctionnement des réseaux téléphoniques étrangers, des matériels de FRANCE TELECOM ou d'une mauvaise utilisation de la carte, d'autant que « FRANCE TELECOM s'engage à remplacer la carte défectueuse, [minute page 7] « hormis les cas où la détérioration résulterait du fait de l'abonné » ;

Attendu que les conditions d'application de l'article 700 du Nouveau Code de Procédure Civile sont remplies en l'espèce ;

 

DISPOSITIF (décision proprement dite)              (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)

PAR CES MOTIFS :

LE TRIBUNAL,

Statuant contradictoirement,

Déclare recevable l'action engagée par l'UNION FEDERALE DES  CONSOMMATEURS  ;

Déboute l'UFC de ses demandes ;

Condamne l'UFC au paiement de la somme de TROIS MILLE CINQ CENTS francs (3.500) en vertu de l'article 700 du Nouveau Code de Procédure Civile ;

Condamne l'UFC aux dépens.

Fait et jugé à PARIS, le 12 mai 1993.

LE GREFFIER            POUR LE PRÉSIDENT EMPÉCHÉ

P. BAYARD                Y. BREILLAT