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CA PARIS (1re ch. sect. A), 10 mai 1994

Nature : Décision
Titre : CA PARIS (1re ch. sect. A), 10 mai 1994
Pays : France
Juridiction : Paris (CA), 1re ch. sect. A
Demande : 93/15450
Date : 10/05/1994
Nature de la décision : Confirmation
Décision antérieure : CASS. CIV. 1re, 13 novembre 1996, TGI PARIS (1re ch. 1re sect.), 12 mai 1993
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CERCLAB/CRDP - DOCUMENT N° 1297

CA PARIS (1re ch. sect. A), 10 mai 1994 : RG n° 93/15450

(sur pourvoi Cass. civ. 1re, 13 novembre 1996 : pourvoi n° 94-17369 ; arrêt n° 1856)

 

Extraits : 1/ « Que si l'article 6 dont la nullité est sollicitée précise effectivement que « ...Pour les communications passées depuis l'étranger par l'intermédiaire de ce pays, le code ne doit pas être communiqué (et que), dans le cas contraire, FRANCE TELECOM dégage toute responsabilité... », aucune disposition n'indique cependant que lorsque le code est révélé à un opérateur français, FRANCE TELECOM décline également toute responsabilité même au cas de faute de celui-ci ; Que tout au contraire, la disposition précitée n'est manifestement applicable que dans le cas limitativement prévu sans que rien dans sa rédaction ne permette de l'étendre à une autre éventualité ; […] Considérant en effet que nul ne peut par avance s'exonérer des conséquences de sa faute ou de celle d'un de ses préposé agissant dans l'exercice ou à l'occasion de ses fonctions »

2/ « Considérant que, tout à fait courante, la clause aux termes de laquelle « l'usager est seul responsable de l'utilisation et de la conservation de sa carte » n'a aucun caractère abusif et n'est en contradiction ni avec les autres dispositions du contrat, ni avec les principes qui régissent la responsabilité civile ; Considérant par ailleurs qu'il n'est pas contesté que le service offert par la carte PASTEL concerne plusieurs millions d'abonnés et qu'il fonctionne à partir d'un nombre encore plus important de postes publics ou privés ; Que le fait pour la Société intimée d'avoir indiqué à l'article 10 du contrat qu'elle ne saurait être tenue pour responsable des conséquences résultant pour l'abonné de l'altération ou du fonctionnement défectueux de son matériel ou de la mauvaise utilisation de celui-ci, n'est pas non plus abusif »

 

COUR D’APPEL DE PARIS

PREMIÈRE CHAMBRE SECTION A

ARRÊT DU 10 MAI 1994

 

ÉLÉMENTS D’IDENTIFICATION DE LA DÉCISION                                      (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)

N° de répertoire général : 93-15450. Sur appel du jugement du TGI de Paris (1re ch. 1re sect.), du 12 mai 1993. Date de l’ordonnance de clôture : 1er mars 1994.

 

PARTIES EN CAUSE :

1°- L'UNION FÉDÉRALE DES CONSOMMATEURS « UFC » QUE CHOISIR

Association régie par la loi de 1901 dont le siège est [adresse], Appelante, Représentée par Maître RIBAUT, avoué Assistée de Maître Luc BIHL, avocat

2° - La Société FRANCE TELECOM

Etablissement public national dont le siège est [adresse], Intimée, Représentée par la SCP G. et F. TEYTAUD, titulaire d'un office d'avoué, Assistée de Maître Emmanuel MICHAU, avocat

 

COMPOSITION DE LA COUR lors des débats et du délibéré : Président : Madame Violette HANNOUN - Conseillers : Monsieur Denis BARTHELEMY, appelé d'une autre chambre pour compléter la Cour en application de l'article R. 213.10 du Code de l'organisation judiciaire - Monsieur Barthélemy ALBERTINI

GREFFIER : Madame Rolande BIOT

MINISTÈRE PUBLIC : Représenté aux débats par Madame Georgette BENAS, Avocat Général, qui a présenté des observations orales [minute page 2]

DÉBATS : A l'audience publique du 15 mars 1994

ARRÊT : Contradictoire, Prononcé publiquement par Madame HANNOUN, Président, qui a signé la minute, avec Madame BIOT, Greffier

 

EXPOSÉ DU LITIGE                                                                                         (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)

L'UNION FÉDÉRALE DES CONSOMMATEURS « UFC » QUE CHOISIR est appelante du jugement rendu le 12 mai 1993 par le Tribunal de grande instance de Paris qui l'a déboutée de la demande qu'elle a formée contre la Société FRANCE TELECOM, sur le fondement des dispositions de la loi du 10 janvier 1978, pour faire juger abusives les clauses 6 et 10 du contrat d'abonnement permettant l'utilisation de la carte téléphonique dite « PASTEL », commercialisée par cette société.

Référence étant faite à cette décision et aux écritures échangées par les parties pour un plus ample exposé des faits, de la procédure antérieure et des moyens retenus par les premiers juges, il suffit de rappeler que :

La société FRANCE TELECOM a commercialisé une carte téléphonique dénommée « PASTEL » qui permet à ses utilisateurs de téléphoner de tout poste public ou privé situé en France et à l'étranger, sans avoir à payer le prix de la communication dont le montant est débité directement sur le compte du titulaire de la carte auquel une facturation détaillée est ensuite adressée.

Il est constant que cette carte comporte un numéro gravé sur une de ses faces et que, lors de l'adhésion des utilisateurs à ce système, un numéro de code secret est attribué à chacun d'eux.

Lorsque l'abonné téléphone sur le réseau automatique, il compose successivement le numéro qui lui permet d'entrer dans le service, celui qui figure sur sa carte, son code secret, puis le numéro de téléphone de son correspondant.

Lorsqu'il téléphone en France depuis l'étranger sans que la communication soit automatique, il donne à l'opérateur de FRANCE TELECOM le numéro de sa carte, celui de son code et celui du correspondant qu'il désire atteindre.

Ce contrat précise en son article 6 que, « Pour les communications passées depuis l'étranger par l'intermédiaire d'un opérateur de ce pays, le code ne doit pas être communiqué. Dans le cas contraire, FRANCE TELECOM décline toute responsabilité ».

[minute page 3] Soutenant que le fait d'indiquer le numéro secret du code à un opérateur qui n'est pas étranger présente des risques évidents pour l'abonné qui peut voir débiter son compte du montant de communications qu'il n'a pas passées, par acte du 18 mars 1992, l'Association « UNION FÉDÉRALE DES CONSOMMATEURS UFC » a assigné la société FRANCE TELECOM pour le faire constater et faire déclarer abusif et réputé non écrit l'article 10 du contrat permettant l'utilisation de cette carte.

Le Tribunal ayant rendu la décision ci-dessus rappelée, l'UNION FÉDÉRALE DES CONSOMMATEURS QUE CHOISIR en poursuit l'infirmation.

Affirmant avoir reçu de nombreuses plaintes d'usagers victimes du système mis en place du fait de la commercialisation de la carte PASTEL, cette partie fait observer que tandis que l'article 6 du contrat impose à l'abonné de garder secret son code confidentiel, la société FRANCE TELECOM reconnaît elle-même que, lorsque la communication n'est pas automatique, pour téléphoner en France de l'étranger, l'usager doit le révéler à l'opérateur français.

Elle estime que dans ces conditions, les dispositions de l'article 10 qui précisent notamment que « l'usager est seul responsable de l'utilisation et de la conservation de sa carte » sont en contradiction avec celles de l'article 6 du contrat et qu'elles contreviennent en outre aux recommandations de la CEE du 17 novembre 1988.

Elle soutient également que l'article 10 qui précise que FRANCE TELECOM ne peut être déclaré responsable de « l'impossibilité par l'usager d'utiliser sa carte par suite du fonctionnement défectueux du service offert » est abusif et elle en sollicite l'annulation.

Elle prie en conséquence la Cour :

- de dire que l'article 6 du contrat de la carte PASTEL est en contradiction absolue avec le système mis au point par FRANCE TELECOM et avec les dispositions de l'article 10 qui contreviennent elles-mêmes aux recommandations communautaires,

- d'ordonner la suppression de ces deux clauses contractuelles, FRANCE TELECOM commettant un abus manifeste en imposant une confidentialité absolue.

Cette partie sollicite enfin le paiement de 100.000 francs de dommages-intérêts et celui de 10.000 francs par application de l'article 700 du Nouveau Code de procédure civile.

La Société FRANCE TELECOM s'oppose à cette demande.

[minute page 4] Elle rappelle que la carte « PASTEL » est principalement destinée à des professionnels et que son prix est extrêmement faible.

Elle soutient que les cas où le code secret doit être transmis à un de ses opérateurs, lui-même soumis à une stricte confidentialité, sont extrêmement rares et que contrairement aux affirmations de l'association appelante, les problèmes auxquels elle a été confrontée de ce chef ont été solutionnés à l'amiable et à l'entière satisfaction des abonnés concernés.

Soulignant que, contrairement aux affirmations de l'appelante, la carte PASTEL n'est un instrument ni de crédit ni de paiement, la société FRANCE TELECOM sollicite celui de 15.000 francs sur le fondement de l'article 700 du Nouveau Code de procédure civile.

 

MOTIFS (justification de la décision)                                                                 (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)

CELA ETANT EXPOSÉ :

Considérant qu'il est constant que contrairement à ce que soutient l'association appelante, aucune clause du contrat permettant l'accès à la carte PASTEL ne fait allusion au cas de l'abonné qui révèle son numéro de code à un opérateur français préposé de la société intimée ;

Que si l'article 6 dont la nullité est sollicitée précise effectivement que « ...Pour les communications passées depuis l'étranger par l'intermédiaire de ce pays, le code ne doit pas être communiqué (et que), dans le cas contraire, FRANCE TELECOM dégage toute responsabilité... », aucune disposition n'indique cependant que lorsque le code est révélé à un opérateur français, FRANCE TELECOM décline également toute responsabilité même au cas de faute de celui-ci ;

Que tout au contraire, la disposition précitée n'est manifestement applicable que dans le cas limitativement prévu sans que rien dans sa rédaction ne permette de l'étendre à une autre éventualité ;

Que l'ASSOCIATION UFC QUE CHOISIR le sait d'ailleurs pertinemment puisqu'il n'est pas contesté que lors de réclamations formulées dans une autre hypothèse que celle prévue à l'article 6, les abonnés concernés ont tous été indemnisés par FRANCE TELECOM ;

Considérant en effet que nul ne peut par avance s'exonérer des conséquences de sa faute ou de celle d'un de ses préposé agissant dans l'exercice ou à l'occasion de ses fonctions ;

Que la demande d'annulation des dispositions de l'article 6 n'est donc pas justifiée ;

Considérant que, tout à fait courante, la clause aux termes de laquelle « l'usager est seul [minute page 5] responsable de l'utilisation et de la conservation de sa carte » n'a aucun caractère abusif et n'est en contradiction ni avec les autres dispositions du contrat, ni avec les principes qui régissent la responsabilité civile ;

Considérant par ailleurs qu'il n'est pas contesté que le service offert par la carte PASTEL concerne plusieurs millions d'abonnés et qu'il fonctionne à partir d'un nombre encore plus important de postes publics ou privés ;

Que le fait pour la Société intimée d'avoir indiqué à l'article 10 du contrat qu'elle ne saurait être tenue pour responsable des conséquences résultant pour l'abonné de l'altération ou du fonctionnement défectueux de son matériel ou de la mauvaise utilisation de celui-ci, n'est pas non plus abusif ;

Que le système considéré n'étant pas le seul qui permette d'obtenir une communication téléphonique, il est donc toujours loisible à un abonné de recourir à l'utilisation du téléphone dans les conditions ordinaires qui ne sont pas celles de la carte PASTEL ;

Considérant que le service procuré par celle-ci constitue essentiellement un moyen d'accès au réseau FRANCE TELECOM et un service de facturation ;

Qu'il n'entre donc manifestement pas dans le cadre des recommandations communautaires du 17 novembre 1988 qui visent les opérations financières et bancaires ;

Qu'ainsi les deux clauses litigieuses n'apparaissant pas imposées aux abonnés non professionnels de la carte « PASTEL » par un abus de la puissance économique de FRANCE TELECOM et ne conférant pas à cette partie un avantage excessif, c'est à juste titre, pour des motifs pertinents que la Cour adopte, que les premiers juges ont déclaré l'ASSOCIATION UFC QUE CHOISIR mal fondée en toutes ses demandes ;

Considérant qu'il serait inéquitable de laisser à la charge de la partie intimée les frais irrépétibles justifiés par elle exposés du fait de l'appel formé par son adversaire ;

Qu'il convient de condamner l'ASSOCIATION UFC QUE CHOISIR à lui payer 15.000 francs sur le fondement de l'article 700 du Nouveau Code de procédure civile ;

 

DISPOSITIF (décision proprement dite)                                                            (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)

PAR CES MOTIFS :

Confirme en toutes ses dispositions le jugement entrepris ;

Condamne l'ASSOCIATION UFC QUE CHOISIR à payer à la société FRANCE TELECOM la somme de 15.000 [minute page 6] francs sur le fondement de l'article 700 du Nouveau Code de procédure civile ;

La condamne aux dépens ;

Autorise la SCP TEYTAUD à procéder à leur recouvrement dans les conditions prévues à l'article 699 du Nouveau Code de procédure civile.

 

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