CA NANCY (2e ch. com.), 14 décembre 2005
CERCLAB - DOCUMENT N° 1534
CA NANCY (2e ch. com.), 14 décembre 2005 : RG n° 04/02910 ; arrêt n° 2664/2005
Extrait : « Qu'en outre, chacun de ces deux contrats est conclu moyennant des redevances ou loyers mensuels du même montant de 750 Francs HT, sans aucune répartition de cette somme entre, d'une part, le loyer proprement dit représentant la contrepartie de la location des machines acquises par la SA KBC LEASE FRANCE et, d'autre part, la rémunération de la maintenance et de la fourniture des produits consommables et autres prestations successives ; […] ; Que, dans la logique de la position qu'elle soutient, la SA KBC LEASE FRANCE aurait dû renoncer, dès la défaillance avérée de la SA FONTEX, à la part de redevance perçue en contrepartie des prestations dues par la SA FONTEX telles que la maintenance et la fourniture de produits consommables ; Qu'aucune stipulation des conditions générales du contrat de location longue durée ne lui permettait de s'approprier le prix des prestations qui n'étaient plus assurées à M. X. ; […]
Attendu, enfin, que la SA KBC LEASE FRANCE ne saurait se prévaloir de la stipulation figurant à l'article 6 suivant laquelle « le locataire ne fait pas de la répartition entre la location du matériel et le coût des prestations une condition de son engagement » pour fixer arbitrairement le prix de prestations qui ne sont plus fournies, ce qui revient à une condition purement potestative, au sens de l'article 1170 du Code civil ;
Attendu que les premiers juges ont dûment caractérisé la concomitance des contrats, leur identité d'objet, l'interdépendance des obligations contractées et les relations étroites existant entre le fournisseur et le bailleur, tous deux représentés par le même démarcheur ; Qu'ils en ont déduit avec pertinence le caractère indivisible des conventions passées par les parties et le caractère solidaire des obligations de la SA KBC LEASE FRANCE et de la SA FONTEX concernant la mise à disposition de matériels et la fourniture de consommables et de prestations accessoires ; Qu'il s'ensuit que la défaillance de la SA FONTEX, privant M. X., à la fois, de la maintenance des machines et de la fourniture de produits consommables entraîne la résiliation des conventions des parties dont les premiers juges ont tiré les exactes conséquences ».
COUR D’APPEL DE NANCY
DEUXIÈME CHAMBRE COMMERCIALE
ARRÊT DU 14 DÉCEMBRE 2005
ÉLÉMENTS D’IDENTIFICATION DE LA DÉCISION (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)
R.G. n° 04/02910. Arrêt n° 2664/2005.
APPELANTE :
Société Anonyme KBC LEASE FRANCE
au capital de 3.640.400 €, inscrite au RCS de LYON sous le n°XX, anciennement SOCREA LOCATION, ayant son siège [adresse], agissant poursuites et diligences de ses représentants légaux pour ce, domiciliés audit siège, représentée par la SCP BONET-LEINSTER-WISNIEWSKI, avoués à la Cour ; assistée de Maître MOREAU, avocat au barreau de LYON ; Suivant déclaration d'appel déposée au Greffe de la Cour d'Appel de NANCY le 28 septembre 2004 d'un jugement rendu le 22 septembre 2004 par le Tribunal de Commerce de SAINT-DIÉ DES VOSGES ;
INTIMÉ :
Monsieur X.
exerçant sous l'enseigne [Brocante Dépôt], demeurant [adresse], représenté par la SCP MILLOT-LOGIER - FONTAINE, avoués à la Cour ;
[minute page 2]
DÉBATS : Sans opposition des avocats des parties, en application des dispositions des articles 786 et 910 du Nouveau Code de Procédure Civile, l'affaire a été débattue le 18 octobre 2005, en audience publique, devant Monsieur MOUREU, Président de Chambre, assisté de Madame DEANA, greffier ; Le Président a annoncé que l'arrêt serait rendu à l'audience publique du 13 décembre 2005,
Monsieur MOUREU, Président, a fait rapport à ladite Chambre de la Cour composée de lui-même, de Madame DESPLAN, Conseiller, et de Monsieur RUFF, Conseiller ; Après rapport, il a été délibéré de la cause par les Magistrats susdits ; A l'audience publique du 13 décembre 2005, le Président a annoncé que le délibéré était prorogé au 14 décembre 2005 ; A l'audience publique de ce jour, 14 décembre 2005, la Cour a rendu l'arrêt dont la teneur suit :
EXPOSÉ DU LITIGE (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)
[minute page 3] BASES CONTRACTUELLES DU LITIGE FAITS CONSTANTS ET PROCÉDURE :
A la suite des démarches de M. Y., commercial de la SA FONTEX, sise à MARSEILLE, (dénommée « fournisseur ») auprès de M. X., exploitant le fonds de commerce sous l'enseigne [BROCANTE DEPÔT] à [ville] (dénommé « locataire »), deux contrats ont été établis en date du 21 juin 2001 entre les parties susdites et la SA KBC LEASE FRANCE (dénommée « cessionnaire ») :
- d'une part, un contrat « Service Plus » « comprenant la location d'un distributeur de boissons chaudes FONTEX, d'une fontaine d'eau à bonbonnes FONTEX, la consommation annuelle est estimée à 3.600 boissons chaudes, 12 bonbonnes, 1.200 gobelets, pour un budget mensuel de 750.F HT » ;
- d'autre part, un « contrat de location longue durée » portant sur une machine à café Expresso et une fontaine à eau BB, moyennant 48 loyers mensuels de 750 Francs HT, soit 897 Francs TTC.
Ces deux contrats ont été signés par les trois parties en leurs qualités susdites.
Les deux machines ont été livrées selon énonciations d'un « procès-verbal de livraison et de conformité » du 29 juin 2001 signé par la SA FONTEX et M. X.
A partir d'avril 2002, M. X. n'a plus été approvisionné en boissons et le distributeur de café ne fonctionnait plus.
La SA FONTEX a été mise en redressement judiciaire le 24 avril 2002.
Par lettre du 4 novembre 2003, la SA KBC LEASE FRANCE mettait en demeure M. X. de payer, sous huit jours, des arriérés de « loyers relatifs au matériel et sans la prestation » et une indemnité de retard pour le montant de 1.383,91 euros TTC, faute de quoi la résiliation du contrat entraînant l'exigibilité immédiate de 3.656,06 euros TTC.
VU la demande introduite contre M. X. par la SA KBC LEASE FRANCE selon assignation du 18 novembre 2003 tendant, dans le dernier état de ses conclusions, à la résiliation du bail aux torts exclusifs de M. X., au paiement de 3.656,06 euros et de 800 euros au titre de l'article 700 du Nouveau Code de Procédure Civile et à la restitution du matériel, sous astreinte de 155 euros par jour de retard,
[minute page 4] VU les conclusions de la partie défenderesse tendant au débouté de la SA KBC LEASE FRANCE à la résolution du bail au 24 avril 2002, date du redressement judiciaire de la SA FONTEX, au remboursement par la SA KBC LEASE FRANCE des frais de réparation et de 613,62 euros au titre des loyers indûment prélevés, à ce qu'il soit donné acte à M. X. de son offre de restitution et à l'allocation de 1.000 euros de dommages-intérêts et de 1.500 euros au titre de l'article 700 du Nouveau Code de Procédure Civile,
VU le jugement rendu par le Tribunal de commerce de SAINT-DIÉ DES VOSGES le 22 septembre 2004, non assorti de l'exécution provisoire, qui a prononcé la résiliation du contrat de bail, de vente et de prestation de service avec remise des parties dans la situation du 24 avril 2002, date d'ouverture du redressement judiciaire de la SA FONTEX, débouté la SA KBC LEASE FRANCE de ses demandes, ordonné à la SA KBC LEASE FRANCE de régler la facture de réparation de 120,69 euros à la société ALIMATIQUE et de rembourser à M. X. 613,69 euros au titre des loyers indûment prélevés, donné acte à M. X. de son offre de restituer le matériel, condamné la SA KBC LEASE FRANCE à payer à M. X. 800 euros de dommages-intérêts et 1.000 euros au titre de l'article 700 du Nouveau Code de Procédure Civile,
VU l'appel de ce jugement interjeté par la SA KBC LEASE FRANCE le 28 septembre 2004,
VU les moyens et prétentions de la société appelante exposés dans ses dernières conclusions signifiées le 10 janvier 2005 tendant à la résiliation du bail aux torts exclusifs de M. X., au paiement de 3.656,06 euros avec les intérêts au taux légal à compter de l'assignation et de 1.000 euros au titre de l'article 700 du Nouveau Code de Procédure Civile et à la restitution du matériel, sous astreinte de 155 euros par jour de retard à partir du 3ème jour suivant la signification de l'arrêt,
M. X., quoique représenté devant la Cour par la SCP d'avoués MILLOT-LOGIER-FONTAINE, n'a pas conclu,
MOYENS DE LA SOCIÉTÉ APPELANTE :
Au soutien de son appel, la SA KBC LEASE FRANCE fait valoir que :
- le contrat de prestation signé par M. X. avec la SA FONTEX est totalement indépendant du contrat de location de matériel,
- la Cour n'est saisie que du contrat de location et ne peut pas statuer sur le contrat de prestation signé avec la SA FONTEX,
- [minute page 5] les contrats ne sont ni interdépendants ni indivisibles,
- le contrat de location, qui a été publié au greffe du Tribunal de commerce, a été exécuté par M. X. qui a payé les loyers,
- la SA KBC LEASE FRANCE a réglé le prix du matériel à la SA FONTEX,
- selon l'article 6 des conditions générales stipule que « le locataire ne fait pas de la répartition entre location du matériel et le coût des prestations une condition de son engagement », que « l'attention du locataire a été attirée sur l'indépendance juridique du contrat de location et de prestation liant le locataire au fournisseur » et que le locataire « renonce à toute suspension ou réduction du loyer qui serait motivée par un litige avec le fournisseur »,
- la défaillance de la SA FONTEX ne dispense pas le locataire de payer les loyers,
- le locataire exerce tous droits et actions en garantie vis à vis du fournisseur.
MOTIFS (justification de la décision) (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)
MOTIFS :
Attendu que la SA KBC LEASE FRANCE n'a présenté en appel aucun moyen nouveau de droit ou de fait qui justifie de remettre en cause le jugement attaqué, lequel repose sur des motifs pertinents résultant d'une analyse correcte des éléments de la procédure, notamment des dispositions contractuelles adoptées par les parties, et de la juste application de la loi et des principes régissant la matière ;
Attendu qu'il résulte des motifs incontestés du jugement que le contrat « Service Plus » et le « contrat de location longue durée », datés du 21 juin 2001, ont été tous deux signés par des représentants de la SA FONTEX en tant que « fournisseur » et de la SA KBC LEASE FRANCE en tant que « cessionnaire » avec apposition de leurs cachets respectifs ;
Que les cocontractants de M. X. ont sciemment entretenu la confusion entre l'objet de ces contrats puisque,
- d'une part, le contrat « Service Plus » a pour objet « la location d'un distributeur de boissons chaudes FONTEX, d'une fontaine d'eau à bonbonnes FONTEX, la consommation annuelle est estimée à 3.600 boissons chaudes, 12 bonbonnes, 1.200 gobelets, pour un budget mensuel de 750 Francs HT »,
- d'autre part, le « contrat de location longue durée » porte sur la même machine à café Expresso et la même fontaine à eau BB, moyennant 48 loyers mensuels de 750 Francs HT, soit 897 Francs TTC ;
[minute page 6] Que les deux contrat énoncent donc le même objet : la location des machines litigieuses ;
Qu'en outre, chacun de ces deux contrats est conclu moyennant des redevances ou loyers mensuels du même montant de 750 Francs HT, sans aucune répartition de cette somme entre, d'une part, le loyer proprement dit représentant la contrepartie de la location des machines acquises par la SA KBC LEASE FRANCE et, d'autre part, la rémunération de la maintenance et de la fourniture des produits consommables et autres prestations successives ;
Qu'à cet égard, la SA KBC LEASE FRANCE - qui n'a pas versé aux débats l'échéancier remis au locataire à la conclusion du contrat - ne saurait se prévaloir de la production d'un échéancier daté du 27 janvier 2003 (pièce N ° 6 de l'appelante), donc postérieur à la défaillance de la SA FONTEX, et sur lequel apparaît, pour les besoins de la cause, une répartition de la redevance mensuelle totale de 114,34 euros HT entre le loyer et les prestations ;
Que, d'ailleurs, la SA KBC LEASE FRANCE n'explique pas pourquoi cette répartition aurait ainsi varié à partir de janvier 2003 :
loyers HT prestations HT
de juillet 2001 à décembre 2002 87,66 euros 26,68 euros
de janvier 2003 à juin 2005 64,34 euros 50,00 euros
Que, dans la logique de la position qu'elle soutient, la SA KBC LEASE FRANCE aurait dû renoncer, dès la défaillance avérée de la SA FONTEX, à la part de redevance perçue en contrepartie des prestations dues par la SA FONTEX telles que la maintenance et la fourniture de produits consommables ;
Qu'aucune stipulation des conditions générales du contrat de location longue durée ne lui permettait de s'approprier le prix des prestations qui n'étaient plus assurées à M. X. ;
Qu'il apparaît que, contrairement à l'article 5 des conditions générales du contrat de location longue durée, les prestations annexes n'ont jamais fait l'objet d'aucune facturation ;
Attendu, enfin, que la SA KBC LEASE FRANCE ne saurait se prévaloir de la stipulation figurant à l'article 6 suivant laquelle « le locataire ne fait pas de la répartition entre la location du matériel et le coût des prestations une condition de son engagement » pour fixer arbitrairement le prix de prestations qui ne sont plus fournies, [minute page 7] ce qui revient à une condition purement potestative, au sens de l'article 1170 du Code civil ;
Attendu que les premiers juges ont dûment caractérisé la concomitance des contrats, leur identité d'objet, l'interdépendance des obligations contractées et les relations étroites existant entre le fournisseur et le bailleur, tous deux représentés par le même démarcheur ;
Qu'ils en ont déduit avec pertinence le caractère indivisible des conventions passées par les parties et le caractère solidaire des obligations de la SA KBC LEASE FRANCE et de la SA FONTEX concernant la mise à disposition de matériels et la fourniture de consommables et de prestations accessoires ;
Qu'il s'ensuit que la défaillance de la SA FONTEX, privant M. X., à la fois, de la maintenance des machines et de la fourniture de produits consommables entraîne la résiliation des conventions des parties dont les premiers juges ont tiré les exactes conséquences ;
DISPOSITIF (décision proprement dite) (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)
PAR CES MOTIFS :
Et, adoptant ceux non contraires des Premiers Juges,
LA COUR, statuant publiquement, contradictoirement et en dernier ressort,
CONFIRME le jugement déféré en toutes ses dispositions,
CONDAMNE la SA KBC LEASE FRANCE aux dépens d'appel.
L'arrêt a été prononcé à l'audience publique du quatorze décembre deux mil cinq par Monsieur MOUREU, Président, en application de l'article 452 du Nouveau Code de Procédure Civile, assisté de Madame STUTZMANN, greffier.
Et Monsieur le Président a signé le présent arrêt ainsi que le Greffier.
LE GREFFIER LE PRÉSIDENT
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