T. COM. BOBIGNY (1re ch.), 22 janvier 2004
CERCLAB - DOCUMENT N° 1616
T. COM. BOBIGNY (1re ch.), 22 janvier 2004 : RG n° 2003/00838 ; jugement n° 2004/00106
(sur appel CA Paris (15e ch. B), 6 janvier 2005 : RG n° 04/07135)
Extrait : « Attendu que Mme X. anime un institut de beauté, le tribunal ne saurait lui reconnaître des connaissances commerciales dans le domaine de la distribution de consommables indépendant de son métier et placera le contrat sous l'égide du code de la consommation. ».
TRIBUNAL DE COMMERCE DE BOBIGNY
PREMIÈRE CHAMBRE
JUGEMENT DU 22 JANVIER 2004
ÉLÉMENTS D’IDENTIFICATION DE LA DÉCISION (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)
R.G. n° 2003F00838. Jugement n° 2004F00106.
PARTIES A L'INSTANCE :
DEMANDEUR(S) :
SA KBC LEASE FRANCE ANCIENNEMENT SOCREA LOCATION
[adresse], comparant par Maître DUFFOUR LUCET (ID) MARIE [adresse] PARIS (B0242) et par Maître MICHEL MOREAU [adresse]
DÉFENDEUR(S) :
Madame X.
[adresse], Enseigne : Y. SOLEIL, comparant par Maître OHANA SANDRA [adresse] (C1050) et par Maître ASTRUC [adresse] (P0335)
COMPOSITION DU TRIBUNAL :
Lors des débats : M RELANGE H., Juge Rapporteur
DÉBATS : Audience publique du 7 janvier 2004 devant le Juge rapporteur désigné par la formation de jugement.
JUGEMENT : Décision contradictoire et en premier ressort, Prononcée publiquement par :
Président : M RELANGE H.
Juges : M ROUYER ; M G. VEDRENNE ; M J-P SEROR ; M G. SOPHIE ; Mme N. VERON ; M J-P. BOUQUIN ;
assistés de Mlle M F. TORIBIO, commis assermenté
délibérée par :
Président : M ROUYER
Juges : M RELANGE ; M VEDRENNE ; M SEROR ; M SOPHIE
EXPOSÉ DU LITIGE (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)
[minute page 2] LES FAITS :
Par acte en date du 19 février 2002 KBC LEASE France, 69006 LYON, aurait signé un contrat de location avec Mme X., exploitant un commerce à l'enseigne Y. SOLEIL institut de beauté, [adresse], portant sur : 1 fontaine à eau, 1 distributeur de boissons chaudes.
La société FONTEX devant assurer la livraison du matériel, puis le réassortiment des consommables.
FONTEX a fait l'objet d'une procédure de liquidation judiciaire, par jugement en date du 13 avril 2002.
Sans réassortiment Mme X. n'a plus respecté ses règlements. Ainsi est né le présent litige.
LA PROCÉDURE :
C'est dans ces circonstances que par acte remis à personne habilitée, en date du : 9 avril 2003, KBC LEASE France, assigne, Mme X., exploitant un commerce à l'enseigne Y. SOLEIL devant ce tribunal pour :
Vu les dispositions de l'art. 1134 du C. Civ. et le non-respect par le requis de celui-ci. Débouter le requis de toutes les demandes fins et conclusions qu'il pourrait prendre.
Vu le contrat de location dont s'agit et le non-respect des obligations contractuelles par le requis.
Constatant la résiliation du contrat de bail aux torts du requis.
Condamner le requis à payer à KBC LEASE France :
- la somme de 9.514,43 euros, telle que décomposée dans le corps de l'assignation, outre intérêts de droit à compter de la délivrance de l'assignation et avec application de l'art. 1154 du C. Civ.
- la somme de 800 euros art. 700.
Condamner le requis à restituer à KBC LEASE France le matériel objet de la location et tel que décrit dans le contrat, et ce, sous astreinte de 155 euros par jour de retard qui commencera à courir 3 jours après la signification de la décision à intervenir, par application de l'art. 33 de la Loi du 9 juillet 1991.
Condamner le requis aux dépens de l'instance par application de l'art. 696 du NCPC. Ordonner l'exécution provisoire du jugement à intervenir par application de l'art. 515 NCPC
[minute page 3] Suite aux demandes de renvoi de l'une ou l'autre des parties, celles-ci sont convoquées successivement aux audiences des : 15 mai 2003, 3 juillet 2003, 9 octobre 2003, 6 novembre 2003 & 4 décembre 2003
Par conclusions déposées à l'audience du 9 octobre 2003 Mme X., exploitant un commerce à l'enseigne Y. SOLEIL institut de beauté, demande au tribunal de :
Vu l'art. 1-1 de la loi du 2 juillet 1966 et l'art. 1184 du C. Civ.
Vu les art. 31 et 122 du NCPC.
Il est demandé :
De constater l'absence d'échange de consentement entre Mme X. et KBC LEASE France.
De constater que le contrat régularisé entre Mme X. et FONTEX est un contrat de location longue durée.
De constater que KBC LEASE France ne rapporte pas la preuve qu'elle est propriétaire des deux distributeurs, objet de la location.
En conséquence :
Déclarer KBC LEASE France irrecevable et la débouter de l'ensemble de ses demandes.
A titre subsidiaire, si par extraordinaire, le tribunal devait considérer la demande de KBC LEASE France comme recevable.
Il est demandé :
De constater que le contrat de crédit bail est assorti d'un contrat de prestations de services.
De constater que ces deux contrats sont interdépendants.
De constater la résiliation du contrat de prestation de services le 13 mai 2002.
En conséquence :
De prononcer la résiliation du contrat de crédit bail
En tout état de cause :
Condamner KBC LEASE France à verser à Mme X. la somme de 2.000 euros à titre de dommages et intérêts.
1300 euros art. 700. et les entiers dépens.
Par conclusions déposées à l'audience du 6 novembre 2003 KBC LEASE France réitère ses demandes remplaçant « le requis » par Mme X.
Au cours de l'audience du 4 décembre 2003, l'affaire est confiée à un juge rapporteur conformément aux art. 861 et suivants du NCPC.
[minute page 4] Les parties sont reçues le 7 janvier 2004, au cours de cette audience, KBC LEASE dépose et fait acter des conclusions en réponse, ces conclusions reprennent les termes de ses dernières conclusions sans novation.
Mme X. dépose et fait acter des conclusions récapitulatives et demande au tribunal :
Vu les art. L. 121-23 à L. 121-26 et L. 132-1 du C. de la Conso.
Vu l'art. 1156 du C. Civ.
Vu les pièces versées aux débats.
A titre principal :
Constater que le contrat de location ne comporte pas l'ensemble des mentions obligatoires prévues à l'art L. 121-23 du C. de la Conso.
En conséquence ;
Prononcer la nullité du contrat de location.
Ordonner à KBC LEASE France de reprendre, à ses frais, possession de son matériel, sous astreinte de 155 euros par jour de retard, qui commencera à courir trois jours après la signification de la décision à intervenir.
A titre subsidiaire ;
Constater l'interdépendance du bon de commande et du contrat de location. Déclarer l'art. 6 du contrat de location comme clause réputée non écrite. Constater la résiliation du bon de commande.
En conséquence :
Prononcer la résiliation du contrat de location.
Ordonner à KBC LEASE France de reprendre, à ses frais, possession de son matériel, sous astreinte de 155 euros par jour de retard, qui commencera à courir trois jours après la signification de la décision à intervenir.
A titre infiniment subsidiaire ;
Constater que la location du matériel sur l'ensemble de la période contractuelle ne saurait être supérieure à la somme de 2.017,09 euros.
En tout état de cause :
[minute page 5] Condamner KBC LEASE à 1.300 euros art. 700 et les dépens, ordonner l'exécution provisoire.
Puis, les parties ne s'y étant pas opposées, le juge rapporteur a entendu seul leur plaidoirie, a mis l'affaire en délibéré, et les a avisées que le jugement serait prononcé le : 22 janvier 2004.
DISCUSSION :
KBC LEASE France demandeur expose :
Que Mme X. a signé :
- Un contrat de prestation avec FONTEX relatif à la fourniture de prestations et à l'entretien du matériel ;
- Un contrat de location de matériel avec FONTEX qui a été cédé à KBC LEASE.
Que ces deux contrats sont totalement indépendants l'un de l'autre puisque le locataire peut, en cas de défaillance du prestataire, s'adresser à tout autre prestataire pour obtenir les consommables qu'il désire.
Que ces contrats de prestation et de location ne sont pas interdépendants et indivisibles, ce qu'ont reconnu et accepté les parties en le précisant dans le contrat art 6 & 7.
Que ces conditions font la loi des parties par application de l'art. 1134 du C. Civ. et ne sont pas contraires à l'économie du contrat.
Que le contrat de location de matériel liant les parties est exclu du champ d'application du C. Comm. et ce par référence aux art. L. 121-22 al 4 et L. 311-3 dudit code puisque le contrat à un rapport direct avec l'activité professionnelle du locataire et que ce faisant, toutes les clauses contenues dans le contrat s'imposent aux parties par application de l'art. 1134 du C. Civ.
Qu'elle a au demeurant précisé à Mme X. que diverses sociétés étaient susceptibles de remplacer FONTEX.
Qu'en cessant illégitimement de payer les loyers jusqu'à l'échéance du contrat de location, Mme X. est seule responsable de la résiliation dudit contrat.
Qu'il y a donc lieu de faire droit aux demandes de KBC LEASE.
Mme X. défendeur expose :
Qu'en février 2002 elle a été démarchée par un représentant FONTEX, qui a réussi à la convaincre de la nécessité d'installer des distributeurs de boissons au sein de son institut.
Qu'elle a régularisé avec FONTEX un bon de commande et un contrat de location longue durée portant sur :
- Livraison et location d'un distributeur de boissons chaudes FONTEX et d'une fontaine d'eau à bonbonne FONTEX, sur 48 mois.
- [minute page 6] Livraison mensuelle de consommables
- Prestations, changement trimestriel du circuit d'eau et suivi des livraisons.
Que le prix forfaitaire a été fixé à hauteur de 199 euros HT mensuel, comprenant la consommation annuelle forfaitaire de :
- 7 800 boissons chaudes,
- 12 bonbonnes,
- 1.200 gobelets.
Qu'elle a alors remis à cet effet à FONTEX un RIB et consenti au règlement des loyers par prélèvement automatique.
Que le matériel a été livré courant MARS 2002
Qu'elle a tenté en vain de contacter FONTEX pour obtenir le réassortiment des produits.
Que le 13 mai 2002, FONTEX a fait l'objet d'une procédure de liquidation judiciaire.
Qu'afin d'obtenir de son cocontractant la fourniture et la livraison des consommables, elle a décidé de suspendre l'autorisation de prélèvement accordée.
Que pour toute réponse KBC LEASE l'a mis en demeure d'avoir à régler les loyers impayés, puis l'a assignée devant le tribunal de céans.
Qu'elle entend à titre principal soulever la nullité du contrat, et ce suivant les art. L. 121-23 à L. 121-26 du C. Comm.
Que seuls en sont exclus les contrats ayant un rapport direct avec l'activité professionnelle du démarché.
Que la Cour de Cassation a précisé que le rapport direct s'entend de la spécialité professionnelle du démarché.
Qu'ainsi bénéficie également de la protection, les consommateurs professionnels n'ayant aucune compétence professionnelle en la matière.
Que les dispositions des art. L. 121-23 à L. 121-26 du C. Comm. prescrivent à peine de nullité, certaines mentions obligatoires.
Que ces mentions obligatoires n'ont pas, dans leur intégralité, été portées sur le contrat.
Qu'a titre subsidiaire Mme X. a régularisé deux actes avec FONTEX un bon de commande et un contrat de location, et non comme tente de le laisser entendre KBC LEASE un seul contrat de location.
Que ces deux contrats sont interdépendants et constituent un ensemble indivisible dans la commune intention des parties, puisque dans le cadre du bon de commande
[minute page 7] Mme X. a consenti au payement d'un loyer à due concurrence de 199 euros en contrepartie duquel, FONTEX procédait à :
- La livraison, la location et l'installation de deux distributeurs.
- La fourniture en consommables.
- L'entretien et l'assistance technique du matériel.
Et ce pendant toute la durée du contrat, soit 48 mois.
Qu'en conséquence le bon de commande prévoit expressément, la location et la fourniture des consommables et ce faisant lie les deux prestations.
Que force est de constater l'indivisibilité des deux contrats.
Que KBC LEASE invoque les stipulations de L'ART. 6 du contrat de location.
Que cette clause est en contradiction avec l'économie générale du contrat et qu'elle revêt un caractère abusif.
Qu'en conséquence, en raison de l'interdépendance des deux contrats, il y a lieu de prononcer la résiliation du contrat de location.
MOTIFS (justification de la décision) (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)
SUR CE LE TRIBUNAL :
Connaissance prise du rapport du juge rapporteur et des pièces versées aux débats :
Attendu que l'examen de l'acte introductif d'instance et les pièces versées aux débats indiquent que la demande à été régulièrement engagée, le tribunal la déclarera recevable.
Sur la demande principale :
Attendu que Mme X. anime un institut de beauté, le tribunal ne saurait lui reconnaître des connaissances commerciales dans le domaine de la distribution de consommables indépendant de son métier et placera le contrat sous l'égide du code de la consommation.
Attendu qu'à ce titre le contrat devait comporter, à peine de nullité un ensemble de mentions obligatoires.
Attendu que l'exemplaire « Bon de commande » versé aux débats par Mme X. sur lequel elle a apposé son cachet commercial, n'est pas revêtu du cachet FONTEX et comporte une simple signature illisible.
Attendu que l'exemplaire « Contrat de location longue durée » versé aux débats par Mme X. qu'elle a signé et sur lequel elle a apposé son cachet commercial, n'est ni signé par le fournisseur, ni par le cessionnaire et qu'il ne comporte ni date ni lieu, alors qu'il est précisé que ce document doit être :
[minute page 8] « fait en autant d'exemplaires que de parties à ……..
Signatures + cachet commercial, dater et signer les trois exemplaires du contrat ».
Attendu que le bon de commande ne fait qu'un entre la location et les prestations pour un montant forfaitaire de 199 euros mensuel.
Attendu que KBC LEASE n'a pas cru devoir trouver une solution de remplacement pour les prestations, bien qu'elle argue que cela est possible techniquement, tandis qu'elle entend poursuivre et percevoir les fruits des prestations qu'elle ne fournit plus.
Attendu que le contrat de location ne dissocie pas le coût de la location et des prestations, que s'il y était fait droit à la demande de KBC LEASE cela reviendrait à lui consentir un enrichissement sans cause.
Le tribunal prononcera la résiliation du bon de commande et la nullité du contrat de location.
Recevra KBC LEASE en sa demande principale, la dira mal fondée, l'en déboutera lui laissant les dépens à sa charge.
Dira que KBC LEASE pourra reprendre à ses frais l'ensemble du matériel, et ce dans les trente jours qui suivront le prononcé du jugement, faute de quoi le matériel restera acquis à Mme X. enseigne Y. SOLEIL.
Sur l'article 700 du NCPC. :
Attendu que Mme X. a dû recourir à la justice pour faire valoir ses droits, le tribunal dispose d'éléments suffisants pour faire droit à la demande de ce chef et pour en arrêter le montant à hauteur de 1 000 euros, déboutant Mme X. du surplus.
DISPOSITIF (décision proprement dite) (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)
PAR CES MOTIFS :
Le tribunal, après en avoir délibéré, statuant publiquement, par jugement contradictoire, en premier ressort, place le contrat sous l'égide du code de la consommation.
Prononce la résiliation du bon de commande et la nullité du contrat de location.
Reçoit KBC LEASE en sa demande principale, la dit mal fondée, l'en déboute.
Dit que KBC LEASE pourra reprendre à ses frais l'ensemble du matériel, et ce dans les trente jours qui suivront le prononcé du jugement, faute de quoi le matériel restera acquis à Mme X. enseigne Y. SOLEIL.
Déboute les parties de toutes leurs autres demandes contraires au présent jugement.
[minute page 9] Condamne KBC LEASE à payer à Mme X. La somme de 1.000 euros au titre de l'art 700 du NCPC.
Condamne KBC LEASE aux dépens.
Liquide les dépens à recouvrer par le greffe à la somme de 56,42 euros TTC.
LE GREFFIER LE PRÉSIDENT
- 5870 - Code de la consommation - Domaine d’application - Bénéficiaire de la protection - Notion de professionnel - Notion d’activité professionnelle - Activité globale ou spécifique
- 5885 - Code de la consommation - Domaine d’application - Bénéficiaire de la protection - Notion de professionnel - Critères - Clauses abusives - Critères combinés : rapport direct et compétence
- 5929 - Code de la consommation - Domaine d’application - Bénéficiaire de la protection - Notion de professionnel - Illustrations - Contrats conclus pendant l’activité - Mise à disposition d’un distributeur de boissons