TI VERSAILLES, 9 décembre 1999
CERCLAB - DOCUMENT N° 1694
TI VERSAILLES, 9 décembre 1999 : RG n° 11/99/01508 ; jugement n° 990/99
(sur appel CA Versailles (1re ch. B), 21 décembre 2001 : RG n° 2000-2407)
Extraits : 1/ « Qu'il a apposé sa signature sur ce contrat et en dessous de la mention « j'ai lu et accepté les conditions stipulées ci-contre et au verso de ce contrat », Que dans ces conditions, par sa signature apposée sur le contrat et au-dessus d'une telle clause, le preneur est obligé par les clauses contenues dans les conditions générales énoncées au verso ».
2/ « Attendu que la clause prévoyant l'obligation pour le preneur de restituer les clefs et la carte grise suite au vol du véhicule et excluant la protection du preneur en cas de négligence, ne peut s'analyser en une clause abusive, Qu'en effet il est expressément stipulé dans cet article qu'un acte de négligence engage le preneur sauf motif légitime, Que par conséquent, le preneur peut se dégager de cette responsabilité s'il argue d'un motif légitime, Qu'il n'y a donc pas un déséquilibre significatif entre les droits et obligations des parties au contrat et donc caractère abusif de cette clause ».
AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
TRIBUNAL D’INSTANCE DE VERSAILLES
JUGEMENT DU 9 DÉCEMBRE 1999
ÉLÉMENTS D’IDENTIFICATION DE LA DÉCISION (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)
R.G. n° 11-99-01508. Jugement n° 990/99. A l'audience publique de ce Tribunal, tenue le 09 décembre 1999. Au nom du peuple français. Il a été rendu le jugement suivant.
PARTIE DEMANDERESSE :
La Société AVIS LOCATION DE VOITURES
Société Anonyme Demeurant [adresse], Immatriculée au Registre du Commerce et des sociétés de NANTERRE sous le numéro XX - agissant poursuites et diligences de ses représentants légaux domiciliés en cette qualité audit siège, Représentée par le CABINET CASTEL - Société d'Avocats au Barreau de PARIS
PARTIE DÉFENDERESSE :
Monsieur X.
Demeurant [adresse], Représenté par Maître Hervé KEROUREDAN - Avocat au Barreau de VERSAILLES - CASE 40
[minute page 1 bis]
PARTIE DEMANDERESSE :
Monsieur X.
né le [date] à [ville] - de nationalité française - cadre commercial [adresse], Représenté par Maître Hervé KEROUREDAN - Avocat au Barreau de VERSAILLES - CASE 40
PARTIE DÉFENDERESSE :
La SNC INTERPAR
RCS PARIS YY - Exploitant le relais TOTAL [adresse], Demeurant [adresse], Prise en la personne de ses représentants légaux domiciliés en cette qualité audit siège, Représentée par Maître BOIZARD - Avocat au Barreau de PARIS
COMPOSITION DU TRIBUNAL :
JUGE : Mme HUNTER-FALCK
GREFFIER : Mlle MADELAINE
DÉBATS : À l'audience publique du 22 novembre 1999, le Tribunal a entendu les parties et a mis l'affaire en délibéré. Le Président a indiqué que le jugement serait rendu le 09 décembre 1999.
EXPOSÉ DU LITIGE (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)
[minute page 1 ter – N.B. : page 1 sur la minute originale] Suivant un contrat en date du 13 février 1999, la SA AVIS LOCATION DE VOITURES loué un véhicule automobile RENAULT SCENIC immatriculé ZZ, à M. X. Ce véhicule devant être restitué le 14 février 1999. Cependant le 14 février 1999, M. X. a déclaré le vol de ce véhicule au commissariat de VERSAILLES et a déposé une plainte.
Par courrier en date du 22 mars 1999, la SA AVIS a adressé une facture à M. X. pour un montant de 92.500 Francs correspondant à « l'indemnité compensatrice de préjudice suite au vol du véhicule » en visant l'article 6 des conditions générales de location.
M. X., par LRAR [N.B. lettre recommandée avec accusé de réception] du 23 mai 1999, a contesté le bien-fondé de cette réclamation en se prévalant de l'assurance prévue au contrat.
Le 16 juin 1999, une lettre de mise en demeure est adressée à M. X. par le conseil de la société AVIS.
Le véhicule ayant été retrouvé le 14 juin 1999, la SA AVIS a limité sa réclamation à la somme de 37.558,90 Francs. correspondant à 121 jours de location. Elle rappelle les dispositions de l'article 6 du contrat disposant que le client n'est pas couvert en cas de négligence de sa part.
Par acte délivré le 6 septembre 1999 et enrôlé sous le numéro 787/99, la SA AVIS a assigné M. X. aux fins de voir, avec le bénéfice de l'exécution provisoire, celui-ci condamné à payer :
- la somme de 37.558, 90 Francs. avec intérêts au taux légal à compter du 30 juin 1999, date de la mise en demeure, et ce jusqu'au paiement définitif ;
- la somme de 5.000 Francs. sur le fondement de l'article 700 du nouveau code de procédure civile.
Au soutien de ses demandes, la SA AVIS fait valoir que si M. X. a bien souscrit à une police d'assurance contre le vol en apposant son paraphe sur la case 51 A et 51 B, il n'a en revanche pas respecté les conditions imposées telles qu'indiquées au verso et ne peut donc en bénéficier. Le fait de laisser le véhicule ouvert avec les clefs sur le contact et les papiers à l'intérieur constitue une négligence engageant la responsabilité de M. X. selon les dispositions contractuelles.
[minute page 2] La SA AVIS maintient pour sa part ses prétentions en précisant n'avoir pas contesté que M. X. avait souscrit une assurance contre le vol garantie par elle-même, étant son propre assureur.
À l'audience du 22 novembre 1999 et en réponse, M. X. sollicite du tribunal le débouté de toutes les demandes de la SA AVIS. Il a également appelé en garantie par acte signifié le 07 octobre 1999 la SNC INTERPAR et enregistré sous le numéro 1508/99. Il souhaite en outre que la SA AVIS ou le SNC INTERPAR soit condamnée au paiement de la somme de 5.000 Francs sur le fondement de l'article 700 du NCPC. Il fait valoir les arguments suivants :
En premier lieu, M. X. considère que le véhicule loué était assuré contre le vol. Il se réfère pour cela à l'article 6-2 du contrat de location, qui précise que la responsabilité du preneur est limitée au montant de la franchise. Il ajoute que le fait qu'il ait apposé son paraphe sur les cases 51 A, 51 B et 52 B a pour effet de lui assurer un complément de protection en matière de vol. Lors de son audition par les services de police M. A., employé AVIS, a déclaré le 14 juin 1999 que l'assureur était la compagnie ZURICH ASSURANCES police n° […]. Cette police non communiquée ne lui est pas opposable.
De même, concernant le contrat de location, M. X. soutient que la disposition selon laquelle le preneur qui ne restitue pas les clefs et la carte grise dans les 48 H n'est couvert par la garantie, constitue une clause abusive, vidant le contrat de son contenu ; Cela d'autant plus que ces clauses sont inscrites en petit caractère, au verso, noyées parmi les conditions générales. Il se prévaut de la jurisprudence de la Cour de Cassation en matière d'introduction clandestine.
En outre M. X. met en exergue le fait que le contrat n'envisage pas l'hypothèse de la découverte ultérieure du véhicule. Le tribunal devra donc rejeter la demande de la SA AVIS visant à réparer le préjudice subi, du fait de la non location par le paiement de 121 jours de location. Ce préjudice étant au surplus tout à fait hypothétique.
A titre surabondant, M. X. demande au tribunal de considérer qu'aux vues des circonstances, il n'a commis aucune faute ni négligence.
Il excipe d'un motif légitime en raison du fait que le véhicule était muni d'une commande automatique pour l'ouverture du réservoir le dispensant de retirer les clés du contact alors que le véhicule restait visible.
[minute page 3] En dernier lieu et à titre subsidiaire, au cas où le tribunal ferait droit aux demandes de la SA AVIS, M. X. a fait assigner en garantie par acte signifié le 8 octobre 1999, la SNC INTERPAR sur le fondement de l'article 1147 du Code Civil. Il demande que soit ordonnée la jonction des procédures.
M. X. soutient qu'en sa qualité d'exploitant du Relais TOTAL à l'intérieur duquel le vol a eu lieu, la SNC INTERPAR a manqué à son obligation de surveillance, laquelle ne peut s'analyser qu'en une obligation de résultat. M. X. considère, en effet que l'exploitant de la station service, en sa qualité de gardien et en application des normes de sécurité, est tenu d'assurer la surveillance des véhicules stationnés devant les pompes pendant que les clients se trouvent à l'intérieur de la boutique pour payer le carburant. Il sollicite de ce fait la production de la police d'assurance souscrite par la SNC INTERPAR.
En réponse à cette action en garantie, la SNC INTERPAR demande au tribunal de rejeter toutes les prétentions formulées par M. X. à son égard et de le condamner à payer la somme de 8.000 Fransc au titre de l'article 700 du NCPC.
La SNC INTERPAR considère qu'il n'existe aucune obligation de surveillance, imposée par la loi ou la jurisprudence, à la charge d'un exploitant de station service, dont les seules prestations sont la vente, la réparation et l'entretien de véhicules. Le seul fait d'accueillir un public obligé de venir avec un objet personnel, n'entraîne pas une obligation de surveillance, l'exploitant de la station n'ayant à aucun moment eu la garde de l'objet en question et ne s'étant pas fait remettre les clés du véhicule.
En dernier lieu, la SNC INTERPAR estime, qu'en raison de la négligence de M. X., le vol ne peut être imputable qu'à lui seul.
MOTIFS (justification de la décision) (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)
[minute page 4] DISCUSSION :
Sur la jonction :
Attendu qu'il convient d'ordonner une jonction, des deux instances dans l'intérêt d'une bonne administration de la justice.
Sur le principe de responsabilité :
* Sur le contrat de location :
Attendu qu'il résulte de l'article 6-2 et 6-3 du contrat de location, signé par M. X., qu'en cas de vol du véhicule, le preneur est tenu de déclarer le vol dans les 48 h aux services de police et de restituer dans les délais les plus brefs et au plus tard dans les 48 h la carte grise et les clefs,
Que le preneur ne sera alors responsable qu'à hauteur de la franchise, sauf s'il a souscrit au complément de protection (case 51 B), et hormis la franchise non rachetable,
Que cependant, sauf motif légitime, toute négligence prouvée du preneur engagera sa responsabilité, et la valeur du véhicule volé diminuée de l'amortissement fiscal lui sera facturée ;
Attendu que M. X. a souscrit à ce contrat de location le 13 février 1999,
Qu'il a opté pour les compléments de protection en paraphant les cases 51 A, 51 B et 52 A,
Qu'il a apposé sa signature sur ce contrat et en dessous de la mention « j'ai lu et accepté les conditions stipulées ci-contre et au verso de ce contrat »,
Que dans ces conditions, par sa signature apposée sur le contrat et au-dessus d'une telle clause, le preneur est obligé par les clauses contenues dans les conditions générales énoncées au verso ;
[minute page 5]
* Sur le caractère abusif de la clause de l'article 6 :
Attendu que la clause prévoyant l'obligation pour le preneur de restituer les clefs et la carte grise suite au vol du véhicule et excluant la protection du preneur en cas de négligence, ne peut s'analyser en une clause abusive,
Qu'en effet il est expressément stipulé dans cet article qu'un acte de négligence engage le preneur sauf motif légitime,
Que par conséquent, le preneur peut se dégager de cette responsabilité s'il argue d'un motif légitime,
Qu'il n'y a donc pas un déséquilibre significatif entre les droits et obligations des parties au contrat et donc caractère abusif de cette clause ;
Attendu que M. X. ne remplit pas les conditions pour bénéficier de l'assurance et du complément de protection,
Qu'il y a bien négligence dans le fait de laisser non seulement les clefs sur le contact et mais également la carte grise à l'intérieur du véhicule resté ouvert le plein étant fait,
Que ne constitue pas un motif légitime le fait que M. X. n'ait pas eu besoin de prendre les clefs pour ouvrir son réservoir à essence, ni le fait qu'il soit resté à quelques mètres du véhicule dans l'enceinte de la station service, alors qu'il reconnaît lui-même ne pas l'avoir eu constamment sous ses yeux ainsi qu'il ressort du procès verbal de police,
Que M. X. aurait du penser qu'en s'éloignant, même de très peu, de son véhicule alors que les clefs sont sur le contact et les portes non verrouillées, il est possible qu'un tiers non autorisé et habile s'y introduise en profitant de cette inattention et s'en empare ;
Attendu qu'en conséquence, la responsabilité de M. X. doit être totalement engagée en raison des négligences fautives qui lui sont imputables.
[minute page 6]
Sur le préjudice subi par la SA AVIS :
Attendu que les dommages et intérêts dus au créancier sont en général de la perte qu'il a faite et du gain dont il a été privé pour ce qui est une suite immédiate et directe de l'inexécution de la convention ;
Attendu que le contrat de location stipule que sauf motif légitime, tout acte de négligence prouvé engagera la responsabilité du preneur auquel sera facturée la valeur du véhicule volé ;
Qu'en l'espèce il est démontré que M. X. a bien commis une négligence fautive qui n'a pu l'exonérer le véhicule en temps et en heure, en laissant dans le véhicule les clefs et la carte grise et qu'il est bien responsable ;
Attendu que la société AVIS sollicite en réparation de son préjudice le paiement de la somme de 37.558,90 Francs correspondant au prix de la location, au tarif le plus avantageux, du 14 février au 14 juin 1999, période pendant laquelle le véhicule n'a pu être donné en location et non la valeur du véhicule volé au prix du catalogue diminué de l'amortissement fiscal de base mensuel prévu au contrat et ce en raison de la restitution du véhicule volé ;
Que cette demande correspond au gain dont la société a été privée en ne pouvant mettre en location le véhicule litigieux sous la réserve d'une durée probable de location limitée à 100 jours en raison de remises en état vraisemblable ;
Attendu qu'il convient de ce fait de faire droit à la demande de la société AVIS et de condamner M. X. à payer à la société AVIS la somme de 26.534 Francs en réparation du préjudice subi suite au vol du véhicule, avec intérêts aux taux légal à compter du 16 août 1999 en raison du caractère indemnitaire de la créance.
[minute page 7]
Sur l'appel en garantie de la SNC INTERPAR :
Attendu que la nature des prestations offertes par la station de service est exclusivement la vente de carburant et d'autres marchandises, la réparation et l'entretien des véhicules qui lui sont confiés ;
Que s'agissant de la réparation et de l'entretien de véhicule, le propriétaire de celui-ci est amené à remettre à l'exploitant de la station les clefs du véhicule et opère par ce biais un transfert provisoire de la garde du véhicule vers le gérant ;
Qu'en revanche lors de la vente de carburant, la garde du véhicule reste le fait du propriétaire ou locataire du véhicule qui en a conservé l'usage, la direction et le contrôle et ce en l'absence de cause étrangère ou de cas fortuit en l'espèce non démontré,
Que de ce fait aucune obligation de surveillance sur les véhicules, qui se trouvant dans l'enceinte de la station, ne peut reposer sur l'exploitant de la station service lorsque celui-ci procède uniquement à la vente de carburant, hormis celle relative à l'application des normes de sécurité qui ne peuvent cependant pas s'appliquer dans le cas d'une négligence fautive du client ;
Attendu que par conséquent, il ne peut être reproché à la SNC INTERPAR un défaut de surveillance lors du vol du véhicule loué par M. X. et que l'appel en garantie formulé par M. X. doit être déclaré sans objet.
Attendu que l'exécution provisoire apparaît nécessaire et est compatible avec la nature de l'affaire.
Attendu que l'équité commande de condamner M. X. à payer à la société AVIS la somme de 2.000 Francs au titre de l'article 700 du NCPC et à la SNC INTERPAR la somme de 2.000 Francs sur le même fondement.
DISPOSITIF (décision proprement dite) (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)
[minute page 8] PAR CES MOTIFS :
Le Tribunal statuant publiquement, de manière contradictoire et en premier ressort ;
Ordonne la jonction des instances numéro 787/99 et numéro 1508/99 ;
Déclare Monsieur X. responsable du vol du véhicule RENAULT SCENIC immatriculé ZZ subi par la société AVIS ;
Dit qu'il ne peut bénéficier de clauses contractuelles relatives à l'assurance contre le vol en raison de sa négligence fautive ;
Le condamne à payer à la société AVIS la somme de 26.534 Francs (4.045,08 Euros) en réparation du préjudice subi par la SA AVIS, avec intérêts au taux légal à compter du 26 août 1999 ;
Déboute Monsieur X. de son appel en garantie à l'encontre de la SNC INTERPAR ;
Déboute les parties du surplus de leurs demandes ;
Ordonne l'exécution provisoire ;
Condamne Monsieur X. à payer à la société AVIS la somme de 2.000 Francs et à la SNC INTERPAR la somme de 2.000 Francs au titre de l'article 700 du Nouveau Code de Procédure Civile ;
Condamne Monsieur X. aux entiers dépens.
AINSI JUGÉ, LU ET PRONONCÉ À L'AUDIENCE DE CE JOUR.
LE GREFFIER LE PRÉSIDENT
- 6051 - Code de la consommation - Notion de clauses abusives - Appréciation du déséquilibre - Déséquilibre injustifié - Exécution du contrat - Comportement des parties - Consommateur - Imprudences
- 6087 - Code de la consommation - Notion de clause abusive - Présentation par clause - Contenu initial du contrat - Opposabilité des conditions générales - Conditions figurant sur l’écrit signé par le consommateur - Clauses de reconnaissance et d’acceptation
- 6288 - Code de la consommation - Présentation par contrat - Location de meuble (bail mobilier) - Location de voiture (6) - Durée et fin du contrat