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CA VERSAILLES (3e ch.), 19 octobre 2001

Nature : Décision
Titre : CA VERSAILLES (3e ch.), 19 octobre 2001
Pays : France
Juridiction : Versailles (CA), 3e ch.
Demande : 99/04213
Date : 19/10/2001
Nature de la décision : Confirmation
Numéro de la décision : 515
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CERCLAB - DOCUMENT N° 1729

CA VERSAILLES (3e ch.), 19 octobre 2001 : RG n° 99/04213 ; arrêt n° 515

 

Extraits : 1/ « Que les premiers juges ont ajouté que l'UFC Que Choisir était fondée à critiquer les clauses qui, dans des termes semblables, avaient été formulées par SFR dans les différentes versions du contrat ; Que cette analyse doit être approuvée, dès lors que, - compte tenu de la reprise de clauses identiques dans les versions successives du contrat, fût-ce sous une numérotation distincte -, elle ne contrevient nullement aux dispositions de l'article L. 421-6 du code de la consommation qui permettent aux associations de consommateurs agréées de demander la suppression de clauses abusives dans les modèles de conventions « habituellement proposés » ».

2/ « Que contrairement à ce que soutient la Société SFR, l'action et les demandes de L'UNION FEDERALE DES CONSOMMATEURS - UFC Que Choisir, agissant à titre principal aux fins de suppression de clauses abusives sur le fondement de l'article L. 421-6 du code de la consommation, demeurent recevables, même si, comme il est allégué par l'intimée, les clauses du contrat critiqué ont été modifiées postérieurement au jugement, en tenant compte de cette décision, au demeurant assortie de l'exécution provisoire ».

3/ « Mais considérant qu'une association agréée de défense des consommateurs est en droit de demander devant les juridictions civiles la réparation de tout préjudice direct ou indirect à l'intérêt collectif des consommateurs ; Que l'UFC Que Choisir est une association agréée au sens de l'article L. 411-1 du code de la consommation ; Que dès lors qu'il est constant que plusieurs des clauses du contrat proposé par la société SFR étaient abusives, la conclusion de contrats comportant de telles clauses - jusqu'à leur modification -, a nécessairement porté atteinte à l'intérêt collectif des consommateurs ; que l'association appelante doit, pour assurer la défense de ces derniers, relayer leur action auprès des pouvoirs publics, et engager pour ce faire des moyens importants ».

4/ « Considérant, en ce qui concerne la publication de la décision, sollicitée en application de l'article L. 421-9 du code de la consommation, que cette mesure est nécessaire pour l'information du public, la radiotéléphonie concernant un large marché de consommateurs, très exposé aux éventuels abus de professionnels ; qu'il n'est pas démontré que l'atteinte à l'intérêt collectif des consommateurs ait été à ce jour intégralement réparé ainsi que le soutient la société SFR, et que, dans ces conditions, la publication du présent arrêt constitue une réparation appropriée ».

  

RÉPUBLIQUE FRANCAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS

 

COUR D’APPEL DE VERSAILLES

TROISIÈME CHAMBRE

ARRÊT DU 19 OCTOBRE 2001

 

ÉLÉMENTS D’IDENTIFICATION DE LA DÉCISION                                      (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)

R.G. n° 99/04213. Arrêt n° 515. Appel d’un jugement rendu le 17 mars 1999 par le TGI de Nanterre (1re ch. A).

LE DIX NEUF OCTOBRE DEUX MILLE UN, La cour d'appel de VERSAILLES, 3ème chambre, a rendu l'arrêt CONTRADICTOIRE suivant, prononcé en audience publique, La cause ayant été débattue à l'audience publique du 21 Septembre 2001, DEVANT : Madame Dominique GUIRIMAND, président chargé du rapport, les conseils des parties ne s'y étant pas opposés, en application de l'article 786 du nouveau code de procédure civile, assisté de Madame Michèle MOREAU, greffier,

Le magistrat rapporteur en a rendu compte à la cour, dans son délibéré, celle-ci étant composée de : Madame Dominique GUIRIMAND, président, Madame Françoise SIMONNOT, conseiller, Monsieur François GRANDPIERRE, conseiller, et ces mêmes magistrats en ayant délibéré conformément à la loi, DANS L'AFFAIRE, ENTRE :

 

APPELANTE :

UNION FÉDÉRALE DES CONSOMMATEURS - UFC QUE CHOISIR,

association de consommateurs agréée [adresse], agissant poursuites et diligences de ses représentants légaux domiciliés en cette qualité audit siège, [minute page 2] CONCLUANT par la SCP DEBRAY - CHEMIN, avoués près la cour d'appel de VERSAILLES, PLAIDANT par maître BRASSEUR, avocat au barreau de GRENOBLE APPELANTE

ET

Société SFR (SOCIETE FRANCAISE DU RADIOTELEPHONE)

[adresse], prise en la personne de ses représentants légaux domiciliés en cette qualité audit siège, CONCLUANT par la SCP LISSARRAGUE-DUPUIS et ASSOCIES, avoués près la cour d'appel de VERSAILLES, PLAIDANT par maître BENARD substituant maître LENOIR de la SCP ARCHIBALD, avocat au barreau de NANTERRE (728), INTIMEE - APPEL INCIDENT

 

EXPOSÉ DU LITIGE                                                                                         (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)

[minute page 3] FAITS ET PROCÉDURE :

L'Association « UNION FEDERALE DES CONSOMMATEURS - UFC Que Choisir », ci-après dénommée UFC Que Choisir, a interjeté appel du jugement rendu le 17 mars 1999 par le tribunal de grande instance de NANTERRE qui, sur son assignation tendant à voir déclarer abusives ainsi qu'à supprimer quatorze clauses figurant dans les contrats proposés aux consommateurs par la Société..., dite SFR, et à obtenir diverses réparations, a

- déclaré abusives et réputées non écrites plusieurs clauses, dans la version du contrat du mois de septembre 1997 (2.11, 8.2 et 8.4, 9.1, 11.1, 11.25ème alinéa, 13.2 - 2ème alinéa, et 14.2- 2ème alinéa),

- déclaré irrecevable l'action en suppression de la clause 8.5,

- déclaré irrecevable la demande de dommages-et-intérêts,

- ordonné l'exécution provisoire,

- condamné la société SFR à payer à l'UFC Que Choisir la somme de 20.000,00 francs (3.048,98 euros) sur le fondement de l'article 700 du nouveau code de procédure civile, ainsi qu'aux dépens.

L'Association appelante, qui déclare limiter son recours au refus du tribunal de faire droit à sa demande de dommages-et-intérêts et de publication, prie la cour de condamner la société SFR à lui [minute page 4] verser une indemnité de 250.000,00 francs (38.112,25 euros), étant recevable à prétendre à une telle réparation, pour le préjudice direct ou indirect causé à l'intérêt collectif des consommateurs, et de faire droit à sa demande de publication de l'arrêt à intervenir dans les journaux LE MONDE, LE FIGARO et LIBERATION, à concurrence de 30.000,00 francs (4.573,47 euros) par insertion.

Elle précise que si l'intimée prétend avoir adressé un nouveau contrat à tous ses abonnés, elle n'en justifie nullement, ne communiquant notamment aucune copie de lettre adressée à un abonné antérieure à la modification de son contrat.

Elle sollicite en outre une indemnité sur le fondement de l'article 700 du nouveau code de procédure civile (20.000,00 francs, soit 3.048,98 euros).

Elle ajoute que l'appel incident et les demandes formés par SFR sont irrecevables puisque le contrat proposé aux consommateurs a été modifié depuis la décision de première instance, et que la société n'a pas relevé appel principal du jugement.

La société SFR, appelante incidente, prie la cour de dire et juger que l'action de l'UFC est irrecevable, faute d'intérêt actuel, puisque les contrats à ce jour proposés aux consommateurs ont été modifiés, et en tout cas, mal fondée.

Elle prie la cour, en toute hypothèse, de déclarer irrecevables les demandes en nullité formulées par l'UFC Que [minute page 5] Choisir, s'agissant des clauses contenues dans les conditions générales d'abonnement de novembre 1995 et d'octobre 1996.

Elle conclut à la confirmation du jugement, en celles de ses dispositions ayant déclaré irrecevables les demandes de dommages-et-intérêts et de publication présentées par l'UFC, en ajoutant que l'UFC Que Choisir ne justifie pas, au surplus, du quantum du préjudice dont elle demande la réparation.

Elle sollicite la somme de 50.000,00 francs (7.622,45 euros) sur le fondement de l'article 700 du nouveau code de procédure civile, et la condamnation de l'UFC en tous les dépens.

L'instruction de l'affaire a été déclarée close le 13 septembre 2001.

 

MOTIFS (justification de la décision)                                                                 (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)

DISCUSSION ET MOTIFS DE LA DÉCISION :

 

I - SUR LA RECEVABILITÉ DE L'APPEL INCIDENT DE LA SOCIETE SFR :

Considérant que l'UFC Que Choisir ne saurait soutenir que l'appel de la société SFR est irrecevable puisque le jugement a été exécuté, dès lors que l'appel de cette société, qui est un appel incident, a été relevé à l'encontre d'un jugement revêtu de l'exécution provisoire ;

[minute page 6]

II - AU FOND :

Considérant que, dans ses écritures en première instance, l'UFC Que Choisir avait critiqué certaines des clauses figurant, sous des numéros différents, dans les versions des contrats de novembre 1995, d'octobre 1996, de mars 1997 et de septembre 1997 ;

Considérant que le tribunal a relevé que les clauses dénoncées par l'UFC - Que Choisir se retrouvaient en des termes identiques dans les quatre versions du contrat proposé par SFR aux consommateurs depuis le mois de novembre 1995 ;

Que les premiers juges ont ajouté que l'UFC Que Choisir était fondée à critiquer les clauses qui, dans des termes semblables, avaient été formulées par SFR dans les différentes versions du contrat ;

Que cette analyse doit être approuvée, dès lors que, - compte tenu de la reprise de clauses identiques dans les versions successives du contrat, fût-ce sous une numérotation distincte -, elle ne contrevient nullement aux dispositions de l'article L. 421-6 du code de la consommation qui permettent aux associations de consommateurs agréées de demander la suppression de clauses abusives dans les modèles de conventions « habituellement proposés » ;

Que tel étant le cas en la circonstance, les conclusions de la société SFR, en ce qu'elles tendent à voir déclarer irrecevables les demandes présentées pour les clauses relatives aux conditions d'abonnement des mois de novembre 1995 et d'octobre 1996, doivent être écartées ;

[minute page 7]  Considérant que la société SFR indique que les demandes présentées par l'UFC Que Choisir sont également irrecevables, en ce qui concerne la version 1997 du contrat, puisque, depuis le jugement, le contrat litigieux a été modifié ;

Mais considérant qu'il convient de relever que l'action de l'UNION FEDERALE DES CONSOMMATEURS - Que Choisir n'a pas été engagée sur le fondement de l'article L. 421-7 du code de la consommation qui ne concerne que l'intervention des associations en justice, lorsque la demande initiale a pour objet la réparation d'un préjudice subi par un ou plusieurs consommateurs à raison de faits non constitutifs d'une infraction pénale ;

Que contrairement à ce que soutient la Société SFR, l'action et les demandes de L'UNION FEDERALE DES CONSOMMATEURS - UFC Que Choisir, agissant à titre principal aux fins de suppression de clauses abusives sur le fondement de l'article L. 421-6 du code de la consommation, demeurent recevables, même si, comme il est allégué par l'intimée, les clauses du contrat critiqué ont été modifiées postérieurement au jugement, en tenant compte de cette décision, au demeurant assortie de l'exécution provisoire ;

Que l'argumentation de la société SFR ne peut être accueillie ;

Considérant que le jugement déféré n'est pas discuté par l'UFC Que Choisir en ses dispositions relatives aux clauses générales du contrat d'abonnement aux services de radiotéléphonie de la société SFR, telles qu'appréciées par les premiers juges ;

[minute page 8]  Que le tribunal a déclaré abusives les clauses, dans la version du contrat datant de septembre 1997, concernant :

- la faculté discrétionnaire réservée à l'opérateur de modifier sans préavis le numéro d'appel,

- la faculté d'émettre des factures intermédiaires ou de faire varier la périodicité de leur émission, normalement mensuelle,

- les renseignements relatifs à la taxation SFR, servant de mode de preuve en cas de litige avec l'abonné,

- le versement d'un dépôt de garantie, pouvant varier en fonction de nouvelles techniques de gestion,

- l'exonération de responsabilité pour tout dysfonctionnement ayant pour origine ses agissements ou ceux des tiers,

- les cas de résiliation sans indemnisation en faveur de l'abonné.

Considérant que l'association UFC Que Choisir remet seulement en discussion la décision des premiers juges relative à sa demande en dommages-et-intérêts présentée sur le fondement de l'article L. 421-6 du code de la consommation, et à sa demande de publication ;

Considérant que le tribunal a estimé que si l'article L. 421-1 dudit code reconnaissait aux associations agréées la faculté d'exercer les droits reconnus à la partie civile pour les faits portant un [minute page 9] préjudice direct ou indirect à l'intérêt collectif des consommateurs, et s'il admettait pleinement le droit d'agir dans le cas où un tel intérêt était lésé par une infraction pénale, l'article L. 421-6 du même code, en revanche, n'autorisait leur action en l'absence d'infraction pénale que pour demander la suppression des clauses abusives, tandis que l'article L. 421-7 dudit code avait pour seul objet l'intervention d'une association agréée devant les juridictions civiles au soutien d'une action engagée par un ou plusieurs consommateurs ;

Mais considérant qu'une association agréée de défense des consommateurs est en droit de demander devant les juridictions civiles la réparation de tout préjudice direct ou indirect à l'intérêt collectif des consommateurs ;

Que l'UFC Que Choisir est une association agréée au sens de l'article L. 411-1 du code de la consommation ;

Que dès lors qu'il est constant que plusieurs des clauses du contrat proposé par la société SFR étaient abusives, la conclusion de contrats comportant de telles clauses - jusqu'à leur modification -, a nécessairement porté atteinte à l'intérêt collectif des consommateurs ; que l'association appelante doit, pour assurer la défense de ces derniers, relayer leur action auprès des pouvoirs publics, et engager pour ce faire des moyens importants ;

Que la cour dispose d'éléments lui permettant de fixer à 100.000,00 francs (15.244,90 euros) le montant des dommages-et-intérêts propres à réparer le préjudice causé, en la circonstance, à l'intérêt collectif des consommateurs que l'association appelante est chargée de défendre, au regard de l'importance du déséquilibre créé en faveur de la société SFR par les clauses abusives dénoncées ;

[minute page 10] Considérant, en ce qui concerne la publication de la décision, sollicitée en application de l'article L. 421-9 du code de la consommation, que cette mesure est nécessaire pour l'information du public, la radiotéléphonie concernant un large marché de consommateurs, très exposé aux éventuels abus de professionnels ; qu'il n'est pas démontré que l'atteinte à l'intérêt collectif des consommateurs ait été à ce jour intégralement réparé ainsi que le soutient la société SFR, et que, dans ces conditions, la publication du présent arrêt constitue une réparation appropriée ;

Qu'il conviendra d'ordonner la publication de la présente décision, dans les journaux LE MONDE, LE FIGARO et LIBERATION, à concurrence de 30.000,00 francs (4.573,47 euros) par insertion ;

Que le jugement doit être confirmé en ses dispositions relatives à l'application de l'article 700 du nouveau code de procédure civile et aux dépens, qui sont justifiées ;

Que l'équité commande de faire application de l'article 700 du code précité en cause d'appel, en faveur de l'UFC Que Choisir, à hauteur de 10.000,00 francs (1.524,49 euros) ;

Que la société SFR doit être condamnée aux dépens d'appel, dans les conditions visées au dispositif ci-après ;

 

DISPOSITIF (décision proprement dite)                                                            (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)

[minute page 11] PAR CES MOTIFS :

Statuant publiquement, contradictoirement et en dernier ressort,

Reçoit les appels formés,

Confirme le jugement en ses dispositions portant condamnation de la SOCIETE FRANCAISE DU RADIOTELEPHONE, dite SFR, en application de l'article L. 421-6 du code de la consommation autorisant la suppression de clauses abusives dans les modèles de conventions habituellement proposés aux consommateurs, ainsi qu'en celles relatives à l'application de l'article 700 du nouveau code de procédure civile et aux dépens,

Le réforme en ses dispositions concernant les demandes de dommages-et-intérêts et de publication de la décision présentées par L'UNION FEDERALE DES CONSOMMATEURS - UFC Que Choisir,

Et statuant à nouveau sur ces points

Condamne la Société SFR à verser à L'UNION FEDERALE DES CONSOMMATEURS - UFC Que Choisir la somme de 100.000,00 francs (15.244,90 euros) à titre de dommages-et-intérêts, ainsi que la somme complémentaire de 10.000,00 francs (1.524,49 euros) sur le fondement de l'article 700 du nouveau code de procédure civile, pour les frais irrépétibles engagés en cause d'appel,

[minute page 12] Ordonne, aux frais de la Société SFR, la publication du présent arrêt dans les journaux LE MONDE, LE FIGARO et LIBERATION, à concurrence de 30.000,00 francs (4.573,47 euros) par insertion,

Condamne la SOCIETE FRANCAISE DE RADIOTELEPHONE - S.F.R. aux dépens d'appel, qui pourront être recouvrés en priorité au profit de la SCP DEBRAY CHEMIN, titulaire d'un office d'avoué, conformément à l'article 699 du nouveau code de procédure civile.

Arrêt prononcé par madame GUIRIMAND, président, Assisté de madame MOREAU, greffier,

Et ont signé le présent arrêt, Madame GUIRIMAND, président, Madame MOREAU, greffier.