CA VERSAILLES (1re ch. B), 24 mars 2000
CERCLAB - DOCUMENT N° 1740
CA VERSAILLES (1re ch. B), 24 mars 2000 : RG n° 1998/4317
Publication : Legifrance ; Lamyline
Extrait « Considérant que la non déclaration du sinistre de chômage dans le délai tout à fait raisonnable de 180 jours ne permet pas à l'assureur de le prendre en compte dans sa gestion des risques assurés ; que le report de la garantie à la date de la déclaration constitue la réparation mesurée du préjudice subi par l'assureur du fait de l'impossibilité pour lui, imputable à l'assuré, de prendre en compte le sinistre à la date de sa survenance ; que cette clause ne crée donc pas de déséquilibre entre les parties et ne peut être qualifiée d'abusive et réputée non écrite ».
COUR D’APPEL DE VERSAILLES
PREMIÈRE CHAMBRE B
ARRÊT DU 24 MARS 2000
ÉLÉMENTS D’IDENTIFICATION DE LA DÉCISION (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)
Arrêt RG n° 1998-4317. Appel d’un jugement rendu le 3 février 1998 par le Tribunal d’Instance d’Ecouen.
COMPOSITION DE LA COUR : Présidence : M. A. CHAIX, Conseillers : Mme M-C. Le Boursicot et M. D. Clouet.
APPELANT (S) :
GIE AXA COURTAGE aux droits du CRÉDIT UNIVERSEL
INTIMÉ :
Monsieur X.
EXPOSÉ DU LITIGE (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)
FAITS ET PROCÉDURE :
Suivant acte sous seing privé en date du 11 juin 1987, Monsieur X. a obtenu un prêt auprès du CREDIT UNIVERSEL, assorti d'une assurance souscrite auprès de L'UNION DES ASSURANCES DE PARIS, couvrant notamment le risque de chômage.
Monsieur X., au chômage depuis le 20 août 1995, a demandé sa prise en charge au titre de l'assurance le 19 décembre 1996.
Par courrier du 3 juin 1997, le GIE AXA COURTAGE venant aux droits du CREDIT UNIVERSEL lui a signifié son accord pour prendre en charge le sinistre chômage, mais a reporté son intervention à l'échéance suivant la déclaration de chômage, soit celle du 10 janvier 1997.
Par acte d'huissier en date du 7 juillet 1997, Monsieur X. a fait assigner le GIE AXA COURTAGE devant le tribunal d'instance d'ECOUEN, afin de voir :
- dire et juger que la clause du contrat qui stipule que « si l'état de chômage est déclaré plus de six mois après le début du chômage, celui-ci sera considéré, pour l'appréciation des garanties, comme s'étant produit au jour où la déclaration en aura été faite », doit être considérée comme non écrite,
- dire et juger que le GIE AXA COURTAGE à lui verser la somme due en vertu du contrat d'assurance emprunteur, à savoir 29.161,74 francs avec intérêts au taux légal à compter de la date du 5 juin 1997, date de la mise en demeure, ainsi que celle de 12.000 francs sur le fondement de l'article 700 du Nouveau Code de Procédure Civile,
- assortir la décision de l'exécution provisoire.
A l'appui de sa demande, Monsieur X. a exposé que la clause litigieuse, s'analysant comme une clause de déchéance de garantie en cas de déclaration tardive de sinistre, n'était pas conforme aux dispositions des articles L. 113-2 et L. 112-4 du code des assurances, et devait être qualifiée d'abusive au sens de l'article L. 132-1 du code de la consommation.
Le GIE AXA COURTAGE s'est opposé à la demande, au motif que la clause litigieuse ne pouvait être assimilée à une clause de déchéance, et a sollicité une somme de 10.000 francs sur le fondement de l'article 700 du Nouveau Code de Procédure Civile.
Le tribunal, par décision contradictoire en date du 3 février 1998, retenant que la clause litigieuse entrant dans le cadre des prévisions de l'article L 112-4 dernier alinéa du code des assurances n'avait pas été imprimée en termes très apparents, comme le requiert cet article, a rendu la décision suivante :
- condamne le GIE AXA COURTAGE à verser à Monsieur X. la somme de 29.161,74 francs avec intérêts au taux légal à compter du 5 juin 1997, ainsi que celle de 2.500 francs sur le fondement de l'article 700 du Nouveau Code de Procédure Civile,
- ordonne l'exécution provisoire de la décision, à l'exception de la condamnation fondée sur l'article 70 du Nouveau Code de Procédure Civile,
- condamne le GIE AXA COURTAGE aux dépens.
Le 7 mai 1998, le GIE AXA COURTAGE a interjeté appel de ce jugement.
Le GIE AXA COURTAGE conteste l'application des dispositions de l'article L. 112-4 dernier alinéa du code des assurances, la clause litigieuse ne pouvant être interprétée comme une clause de déchéance au sens des dispositions dudit article.
A titre subsidiaire, le GIE AXA COURTAGE invoque le caractère parfaitement apparent de la clause litigieuse, imprimée avec des caractères lisibles et analogues à l'ensemble des dispositions contractuelles, comme l'autorise la jurisprudence de la Cour de cassation (Civ.1ère, 28 juin 1988).
Enfin, le GIE AXA COURTAGE soutient que l'article L. 113-2 du code des assurances ne saurait être appliqué qu'à l'occasion de la mise en oeuvre d'une clause de déchéance, ce qui n'est pas le cas en l'espèce, et que Monsieur X. ne saurait donc s'en prévaloir, pas plus que des dispositions de l'article L. 132-1 du code de la consommation, la clause litigieuse n'ayant pas été qualifiée d'abusive par la Commission des clauses abusives.
Par conséquent, le GIE AXA COURTAGE prie la Cour de :
- le recevoir en son appel,
- l'y déclarer bien fondé,
Y faisant droit,
- infirmer la décision entreprise en toutes ses dispositions et décharger le GIE AXA COURTAGE en vertu de l'exécution provisoire dont était assortie la décision entreprise, avec intérêts au taux légal à compter de leur versement,
- condamner Monsieur X. à payer au concluant la somme de 10.000 francs sur le fondement de l'article 700 du Nouveau Code de Procédure Civile, au titre des frais irrépétibles d'appel,
- le condamner également aux entiers dépens de première instance et d'appel qui seront recouvrés, pour ceux la concernant, par la SCP JULLIEN LECHARNY ROL, société titulaire d'un office d'avoués conformément aux dispositions de l'article 699 du Nouveau Code de Procédure Civile.
Monsieur X., intimé, fait valoir en réplique que le report de la garantie à une date d'effet postérieure à la déclaration revient à déchoir l'assuré de la garantie allant de la date du sinistre à la date de déclaration, et que la clause litigieuse doit donc s'analyser comme une clause de déchéance soumise aux exigences de l'article L. 112-4 du code des assurances, exigences qu'elle ne satisfait pas en l'espèce, et aux dispositions de l'article L. 113-2 alinéa 4, imposant à l'assureur d'établir que le retard dans la déclaration lui a causé un préjudice, préjudice non établi en l'espèce.
De plus, il soutient que la commission des clauses abusives qualifie d'abusive ce type de clause dans une recommandation n° 90-01, B, 9, dès lors qu'une telle clause sanctionne la déclaration tardive par la déchéance ou par une sanction plus grave qu'une condamnation à indemniser l'assureur du dommage que cette faute lui a causé, comme c'est le cas en l'espèce.
Par conséquent, il prie la Cour de :
- déclarer le GIE AXA COURTAGE irrecevable et mal fondé en son appel formé à l'encontre du jugement du 3 février 1998 rendu par le tribunal d'instance d'ECOUEN :
- confirmer la décision du tribunal d'ECOUEN qui a jugé que la clause du contrat qui stipule que « si l'état de chômage est déclaré plus de six mois après le début de chômage, celui-ci sera considéré pour l'appréciation des garanties, comme s'étant produit au jour où la déclaration en aura été faite » est inopposable à Monsieur X.,
- débouter le GIE AXA COURTAGE de toutes ses demandes fins et conclusions,
- condamner le GIE AXA COURTAGE au paiement de 20.000 francs sur le fondement de l'article 700 du Nouveau Code de Procédure Civile,
- condamner le GIE AXA COURTAGE aux entiers dépens,
- dire que ceux d'appel pourront être recouvrés directement par la SCP LISSARRAGUE DUPUIS ET ASSOCIES, avoués, conformément aux dispositions de l'article 699 du Nouveau Code de Procédure Civile.
L'ordonnance de clôture a été signée le 6 janvier 2000 et l'affaire a été appelée à l'audience du 18 février 2000.
MOTIFS (justification de la décision) (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)
SUR CE, LA COUR,
Considérant qu'aux termes de l'article L. 112-4 du code des assurances, « les clauses des polices édictant des nullités, des déchéances ou des exclusions ne sont valables que si elles sont mentionnées en caractères très apparents » ;
Considérant que la clause litigieuse opposée par le GIE AXA COURTAGE à Monsieur X., est rédigée en ces termes : « Si l'état de chômage est déclaré plus de six mois après le début du chômage, celui-ci sera considéra pour l'appréciation des garanties, comme s'étant produit au jour où la déclaration en aura été faite » ; que le retard dans la déclaration du sinistre n'entraîne donc pas l'exclusion de la garantie, mais son effet différé dans le temps et ne s'analyse donc pas en une clause de déchéance de celle-ci, de sorte que les dispositions de l'article L. 112-4 du code des assurances ne lui sont pas applicables ;
Considérant qu'à titre surabondant, la clause litigieuse est le dernier paragraphe de la partie du contrat intitulée « Déclaration de chômage » ; qu'elle est imprimée dans les mêmes caractères très apparents que les autres paragraphes de cette section, en particulier celui qui énonce que l'assuré devra déclarer son état de chômeur avant le 181ème jour de chômage ; qu'en tout état de cause, cette clause est donc opposable à Monsieur X. ;
Considérant qu'aux termes de l'article L. 113-2 du code des assurances, « Lorsqu'elle est prévue par une clause du contrat, la déchéance pour déclaration tardive...ne peut être opposée à l'assuré que si l'assureur établit que le retard dans la déclaration lui a causé un préjudice » ;
Considérant que ces dispositions ne peuvent s'appliquer à la clause litigieuse, qui ne s'analyse pas en une clause de déchéance ;
Considérant que la recommandation n° 90-01, B9 de la commission des clauses abusives, invoquée par l'intimé, est relative aux contrats d'assurance complémentaire à un contrat de crédit à la consommation ou immobilier ou à un contrat de location avec option d'achat ; que cette recommandation évoque expressément les clauses prévoyant le report de la garantie en cas de déclaration du sinistre après le délai prévu au contrat ; qu'elle énonce que le consommateur est ainsi pénalisé « par le fait que certaines échéances du prêt qui auraient pu être prises en charge par l'assurance ne le seront pas » ; qu'elle retient comme abusives les clauses qui assortissent la méconnaissance par l'assuré de ses obligations par la déchéance totale du bénéfice de l'assurance, « la seule sanction admissible étant l'indemnité mesurée au dommage effectivement subi par l'assureur du fait de la négligence constatée » ;
Considérant que la non déclaration du sinistre de chômage dans le délai tout à fait raisonnable de 180 jours ne permet pas à l'assureur de le prendre en compte dans sa gestion des risques assurés ; que le report de la garantie à la date de la déclaration constitue la réparation mesurée du préjudice subi par l'assureur du fait de l'impossibilité pour lui, imputable à l'assuré, de prendre en compte le sinistre à la date de sa survenance ; que cette clause ne crée donc pas de déséquilibre entre les parties et ne peut être qualifiée d'abusive et réputée non écrite ;
Considérant que, par conséquent, la cour, infirmant le jugement déféré, déboute Monsieur X. de toutes ses demandes; qu'en tant que de besoin, elle ordonne la restitution par celui-ci des sommes qui lui auraient été versées par le GIE AXA COURTAGE en vertu du jugement déféré assorti de l'exécution provisoire, avec intérêts au taux légal à compter de leur versement ;
Considérant que l'équité ne commande pas de faire application des dispositions de l'article 700 du nouveau code de procédure civile en faveur du GIE AXA COURTAGE ;
DISPOSITIF (décision proprement dite) (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)
PAR CES MOTIFS,
LA COUR statuant publiquement, contradictoirement et en dernier ressort :
INFIRME le jugement déféré en toutes ses dispositions ;
ET STATUANT À NOUVEAU :
DEBOUTE Monsieur X. des fins de toutes ses demandes ;
En tant que de besoin, ORDONNE la restitution par celui-ci des sommes qui lui auraient été versées par le GIE AXA COURTAGE en vertu du jugement déféré assorti de l'exécution provisoire, avec intérêts au taux légal à compter de leur versement ;
DIT n'y avoir lieu à application de l'article 700 du nouveau code de procédure civile ;
CONDAMNE Monsieur X. à tous les dépens de première instance et d'appel qui seront recouvrés directement contre lui par la SCP JULLIEN LECHARNY ROL, conformément aux dispositions de l'article 699 du nouveau code de procédure civile.
Et ont signé le présent arrêt : Le Président, Alban CHAIX, Le Greffier, B. TANGUY.
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