TI RENNES, 20 septembre 2001
CERCLAB - DOCUMENT N° 1757
TI RENNES, 20 septembre 2001 : RG n° 01/000836
(sur appel CA Rennes, 24 octobre 2002 : RG n° 01/06590)
Extrait : « Les deux contrats soumis à la signature de Madame Y. dépassent le simple cadre de prestations de services publicitaires puisqu'il s'agit de la location de matériels et de la fourniture de prestations informatiques qui échappent à la compétence professionnelle de la demanderesse exploitante d'un commerce de lingerie féminine et n'ont donc pas de rapport direct avec l'activité qu'elle exerce.
La stipulation de l'article 1 des conditions générales des contrats qui précise que la commande est faite pour les besoins de l'activité professionnelle du client, n'a d'autre objet que de détourner les dispositions légales protectrices des personnes démarchées en excluant les personnes contactées par la SA FOCADINE du bénéfice de la réglementation.
Les contrats en cause ne sauraient donc être exclus des dispositions des articles L. 121-21 et suivants du Code de la Consommation qui s'appliquent à la SA FOCADINE, dans la mesure où cette société qui pratique et fait pratiquer le démarchage est intervenue sur le lieu de travail de Madame Y.
[…] Les mentions de l'article 1 des conditions générales qui rappellent que toute commande passée est ferme et définitive sont nulles et non avenues en ce qu'elles sont exclusivement destinées à amener le client à abandonner le droit de renonciation dont il dispose par l'effet de la loi ».
TRIBUNAL D’INSTANCE DE RENNES
JUGEMENT DU 20 SEPTEMBRE 2001
ÉLÉMENTS D’IDENTIFICATION DE LA DÉCISION (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)
R.G. n° 11-01-000836. A l'audience publique du Tribunal d'Instance tenue le 20 Septembre 2001 ; Sous la Présidence de GÉRALDINE BERHAULT, Juge d'Instance, assisté de FRANÇOISE CRINON, Greffier ; Après débats à l'audience du 5 juillet 2001, le jugement suivant a été rendu ;
ENTRE :
DEMANDEUR(S) :
Madame X.
[adresse], représenté(e) par Maître GUILLEMOT, avocat du barreau de RENNES
ET :
DÉFENDEUR(S) :
SOCIÉTÉ ANONYME FOCADINE
[adresse], non comparant
EXPOSÉ DU LITIGE (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)
[minute page 2] JUGEMENT
EXPOSÉ DU LITIGE :
Démarchée sur les lieux du commerce de lingerie féminine qu'elle exploite sous l'enseigne […], [adresse], Madame Y. épouse X. a conclu avec la SA FOCADINE en date du 22 novembre 2000 le bon de commande de matériels et prestations relatifs à une configuration informatique essentiellement destinée à la création et à la maintenance d'un site marchand client sur internet pour un coût mensuel TTC de 1.542,84 Francs et moyennant la remise à la commande d'un chèque de garantie de 9.000 Francs.
Le même jour et dans le cadre de la même opération de démarchage, Madame Y.-X. a signé auprès de la SA FOCADINE un contrat de participation commerciale moyennant la rétrocession d'une participation à son chiffre d'affaires mensuel Hors Taxes.
Par lettre recommandée avec accusé de réception du 27 novembre 2000, madame Y.-X. a dénoncé ces contrats à la société FOCADINE.
Invoquant le bénéfice d'une faculté de rétractation en application de la réglementation sur le démarchage à domicile et le défaut de validité des contrats en raison d'un vice du consentement sur le fondement des article 1109 et suivants du Code Civil, Madame Y. épouse X., par acte d'huissier en date du 18 mai 2001, a assigné devant ce tribunal la SA FOCADINE en annulation des contrats passés et en paiement des sommes suivantes :
- la somme de 9.000 Francs en restitution du montant du chèque de garantie encaissé par la défenderesse, outre les intérêts au taux légal à compter du 10 janvier 2001,
- la somme de 20.000 Francs à titre de dommages et intérêts en réparation de ses préjudices matériels et moraux.
Madame Y. épouse X. demande également le prononcé de l'exécution provisoire et le versement d'une indemnité de 6 000 Francs sur le fondement de l'article 700 du Nouveau Code de Procédure Civile.
Madame Y. estime qu'elle doit bénéficier des dispositions des articles L. 121-21 et suivants du Code de la Consommation sur le démarchage à domicile dès lors que la commande en cause ne peut être exclue de cette réglementation puisqu'elle porte sur une activité de configuration informatique pour exploitation sur Internet qui n'a aucun rapport direct, au sens de l'article L. 121-22-4°, avec l'activité de commerce de lingerie féminine qu'elle exploite ; qu'elle est donc fondée à se prévaloir de la faculté de renonciation prévue à l'article L. 121-25 du [minute page 3] même code.
Madame Y. ajoute qu'au moment où elle a conclu les contrats, sollicitée par l'agent commercial de la SA FOCADINE, ses facultés de jugement étaient altérées par des troubles psychiques comme a pu le certifier le Docteur A., psychiatre à [ville] ; qu'elle peut donc valablement se prévaloir d'un vice du consentement pour obtenir l'annulation des contrats.
Régulièrement citée par procès-verbal de recherches infructueuses, la SA FOCADINE ne comparaît pas et n'est pas représentée.
MOTIFS (justification de la décision) (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)
MOTIFS DE LA DÉCISION :
Aux termes de l'article 472 du Nouveau Code de Procédure Civile, si le défendeur ne comparait pas, il est néanmoins statué sur le fond, le juge ne faisant droit à la demande que dans la mesure où il l'estime régulière, recevable et bien fondée.
L'article L. 121-21 soumet aux dispositions de la section du code de la consommation dont il fait partie, relative au démarchage, quiconque pratique ou fait pratiquer le démarchage au domicile d'une personne physique, à sa résidence ou à son lieu de travail, même à sa demande, afin de lui proposer l'achat, la vente, la location, la location-vente ou la location avec option d'achat de biens ou la fourniture de services.
L'article L. 121-22 exclut notamment de ces dispositions les ventes, locations ou prestations de service, lorsqu'elles ont un rapport direct avec les activités exercées dans le cadre d'une exploitation agricole, industrielle, commerciale ou artisanale ou de toute autre profession.
Aux termes de l'article L. 121-25, dans les sept jours, jours fériés compris, à compter de la commande ou de l'engagement d'achat, le client a la faculté d'y renoncer par lettre recommandée avec accusé de réception et toute clause par laquelle le client abandonne son droit de renoncer est nulle et non avenue.
Les deux contrats soumis à la signature de Madame Y. dépassent le simple cadre de prestations de services publicitaires puisqu'il s'agit de la location de matériels et de la fourniture de prestations informatiques qui échappent à la compétence professionnelle de la demanderesse exploitante d'un commerce de lingerie féminine et n'ont donc pas de rapport direct avec l'activité qu'elle exerce.
La stipulation de l'article 1 des conditions générales des contrats qui précise que la commande est faite pour les besoins de l'activité [minute page 4] professionnelle du client, n'a d'autre objet que de détourner les dispositions légales protectrices des personnes démarchées en excluant les personnes contactées par la SA FOCADINE du bénéfice de la réglementation.
Les contrats en cause ne sauraient donc être exclus des dispositions des articles L. 121-21 et suivants du Code de la Consommation qui s'appliquent à la SA FOCADINE, dans la mesure où cette société qui pratique et fait pratiquer le démarchage est intervenue sur le lieu de travail de Madame Y.
Or, les contrats ont été passés le 22 novembre 2000 et dès le 25 novembre suivant, par lettre recommandée avec accusé de réception du 27 novembre 2000, Madame Y. a fait connaître à la SA FOCADINE sa décision d'y renoncer.
Les mentions de l'article 1 des conditions générales qui rappellent que toute commande passée est ferme et définitive sont nulles et non avenues en ce qu'elles sont exclusivement destinées à amener le client à abandonner le droit de renonciation dont il dispose par l'effet de la loi.
Dans ces conditions, il suffit de constater que le 27 novembre 2000, dans les sept jours de la commande, Madame Y. a usé de son droit de renonciation en dénonçant les contrats et que ces contrats sont de ce fait inexistants.
Il s'ensuit que la SA FOCADINE doit être tenue de restituer la somme de 9 000 Francs qui lui avait été remise à la commande par un chèque de garantie qu'elle a encaissé le 16 décembre 2000 et cette somme portera intérêts au taux légal à compter de la mise en demeure du 10 janvier 2001.
Par ailleurs, ayant tenté de détourner les dispositions légales sur le démarchage au détriment de Madame Y., et, loin de se borner à résister à ses demandes de restitution du dépôt de garantie, ayant relancé à plusieurs reprises la demanderesse afin d'obtenir le paiement d'une facture de dédit exorbitante de 13.216,90 Francs représentant 30 % du montant de la location en application d'une clause manifestement excessive du contrat, la SA FOCADINE a causé à Madame Y. un préjudice moral certain qu'il conviendra de réparer par l'allocation de dommages et intérêts d'un montant de 10.000 Francs.
Compte tenu du caractère non sérieusement contestable de la demande et au regard de l'urgence, il convient d'ordonner l'exécution provisoire de la présente décision.
Tenue aux dépens, la SA FOCADINE doit également être condamnée au paiement de la somme de 2.000 Francs au titre des frais exposés et non compris dans les dépens.
DISPOSITIF (décision proprement dite) (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)
[minute page 4] PAR CES MOTIFS :
Statuant publiquement, par jugement réputé contradictoire et en premier ressort ;
LE TRIBUNAL,
vu l'article L. 121-25 du Code de la Consommation ;
- CONSTATE que dans les sept jours à compter des contrats en date du 22 novembre 2000, Madame Y. épouse X. a usé valablement de son droit de renonciation en dénonçant lesdits contrats.
- CONSTATE que ces contrats sont dès lors inexistants.
- CONDAMNE en conséquence la SA FOCADINE à payer à Madame Y. épouse X. la somme de 9.000 Francs (neuf mille francs) soit 1.372,04 euros, au titre de la restitution du montant du chèque de garantie encaissé le 16 décembre 2000, outre les intérêts au taux légal à compter du 10 janvier 2001.
- CONDAMNE la SA FOCADINE à payer à Madame Y. épouse X. la somme de 10.000 Francs (dix mille francs) soit 1.524,49 euros, à titre de dommages et intérêts en réparation de son préjudice moral.
- ORDONNE l'exécution provisoire de la présente décision.
- CONDAMNE la SA FOCADINE à payer à Madame Y. épouse X. la somme de 2.000 Francs (deux mille francs), 304,90 euros au titre de l'article 700 du Nouveau Code de Procédure Civile.
- REJETTE le surplus de la demande.
- CONDAMNE la SA FOCADINE aux dépens de l'instance.
AINSI JUGÉ ET PRONONCÉ EN AUDIENCE PUBLIQUE, LE VINGT SEPTEMBRE DEUX MILLE UN ET NOUS AVONS SIGNÉ AVEC LE GREFFIER.
LE GREFFIER LE JUGE
- 5826 - Code de la consommation - Clauses abusives - Nature de la protection - Législation d’ordre public - Principe
- 5829 - Code de la consommation - Clauses abusives - Nature de la protection - Législation d’ordre public - Conséquences : reconnaissance du caractère professionnel du contrat
- 5888 - Code de la consommation - Domaine d’application - Bénéficiaire de la protection - Notion de professionnel - Critères – Démarchage - Identité temporaire de critère avec les clauses abusives (rapport direct)
- 5944 - Code de la consommation - Domaine d’application - Bénéficiaire de la protection - Notion de professionnel - Illustrations - Contrats conclus pendant l’activité - Promotion de l’activité : site internet