CA RENNES (1re ch. B), 6 juillet 2001
CERCLAB - DOCUMENT N° 1804
CA RENNES (1re ch. B), 6 juillet 2001 : RG n° 00/03741 ; arrêt n° 641
Extrait : « Considérant qu'en l'espèce c'est à tort que le Premier Juge, bien qu'ayant expressément relevé que l'appareil téléphonique installé avait vocation à servir exclusivement la clientèle du café qui l'utilisait à sa guise contre monnaie, a estimé que cette location était soumise aux dispositions protectrices relatives au démarchage à domicile des personnes physiques au motif qu'elle ne pouvait se rattacher à l'activité spécifique de limonadier alors que l'objet de ce contrat avait un rapport direct avec l'activité professionnelle exercée par le locataire puisque destinée à satisfaire aux besoins de la clientèle et à lui procurer un profit financier. »
REPUBLIQUE FRANCAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS
COUR D’APPEL DE RENNES
PREMIÈRE CHAMBRE B
ARRET DU 6 JUILLET 2001
ÉLÉMENTS D’IDENTIFICATION DE LA DÉCISION (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)
R.G. n° 00/03741. Arrêt n° 641.
COMPOSITION DE LA COUR LORS DU DÉLIBÉRÉ : Monsieur PIPERAUD, Président de Chambre, Mme Annie SABATIER, conseiller, Monsieur Jean-Malo BOHUON, conseiller,
GREFFIER : Mme Patricia IBARA, lors des débats et lors du prononcé.
DÉBATS : A l'audience publique du 08 juin 2001 devant Monsieur PIPERAUD, magistrat rapporteur, tenant seul l'audience, sans opposition des représentants des parties, et qui a rendu compte au délibéré collégial
ARRÊT : Contradictoire, prononcé par Monsieur PIPERAUD, Président de Chambre, à l'audience publique du 06 juillet 2001, date indiquée à l'issue des débats.
APPELANTE :
SA LOCAM - LOCATION AUTOMOBILES ET MATÉRIEL
[adresse], représentée par la SCP BAZILLE & GENICON, avoués assistée de Maître LEBEL, avocat.
INTIMÉ :
Monsieur X. exerçant sous l'enseigne « […] »
[adresse], représenté par la SCP CASTRES COLLEU & PEROT, avoués assisté de Maître MERAND, avocat.
EXPOSÉ DU LITIGE (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)
[minute page 2] Au motif que le contrat de location d'un appareil téléphonique destiné à être utilisé par la clientèle d'un débit de boissons était soumis au Code de la Consommation dont il ne respectait pas les dispositions le Tribunal de Commerce de NANTES, par jugement du 20 mars 2000 a prononcé la nullité de la convention conclue le 20 novembre 1997 entre X. et la Société LOCAM, a ordonné la restitution du matériel et a condamné la Société LOCAM à payer à Monsieur X. la somme de 3.000 francs en application de l'article 700 de Nouveau code de Procédure Civile ;
La Société LOCAM a régulièrement interjeté appel de cette décision et, par écritures du 17 mai 2001 contenant l'exposé détaillé de ses moyens et arguments a conclu à son infirmation et à la condamnation de Monsieur X. à lui verser la somme de 17.141,90 francs outre les intérêts au taux légal à compter du 9 avril 1998 et la somme de 1.726,33 francs à titre de clause pénale, à lui restituer le matériel sous astreinte et à lui payer la somme de 10.000 francs au titre de l'article 700 du Nouveau Code de Procédure Civile en exposant que s'agissant d'une location en rapport direct avec l'activité professionnelle du locataire les dispositions du Code de la Consommation relatives au démarchage à domicile ne s'appliquaient pas, qu'il n'y avait eu aucune manoeuvre dolosive de sa part et aucune erreur sur le prix de la part de Monsieur X., qu'enfin la clause pénale était contractuellement prévue ;
Monsieur X. a conclu pour sa part, par écritures du 5 juin 2001 exposant ses moyens et arguments au principal à la confirmation du jugement en ce qu'il avait prononcé la nullité du contrat de location pour violation des dispositions relatives au démarchage à domicile, subsidiairement à la nullité du contrat pour dol et erreur sur le prix, à titre, plus subsidiaire au caractère excessif de la clause pénale, en tout état de cause à la condamnation de l'appelante à lui payer la somme de 10.000 francs au titre de l'article 700 du Nouveau Code de Procédure Civile ,
MOTIFS (justification de la décision) (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)
SUR QUOI :
Considérant qu'il résulte des pièces versées aux débats qu'à la suite d'un démarchage à domicile Monsieur X. a conclu le 20 novembre 1997 avec la Société LOCAM un contrat de location d'un appareil téléphonique fourni par la Société HAPPENING moyennant 48 loyers de 372,65 francs chacun ;
Considérant qu'il est constant que cet appareil, loué en remplacement d'un Point phone à pièces antérieurement loué par Monsieur X. auprès de France-Télécom, était destiné à la clientèle du débit de boissons exploité par le locataire ;
Considérant que l'article L. 121-22 du Code de la Consommation prévoit que les dispositions relatives au démarchage à domicile, concernant notamment la faculté de rétraction, ne sont pas applicables aux locations ayant un rapport [minute page 3] direct avec les activités exercées dans le cadre d'une exploitation agricole, industrielle, commerciale ou artisanale ou de toute autre profession ;
Considérant qu'en l'espèce c'est à tort que le Premier Juge, bien qu'ayant expressément relevé que l'appareil téléphonique installé avait vocation à servir exclusivement la clientèle du café qui l'utilisait à sa guise contre monnaie, a estimé que cette location était soumise aux dispositions protectrices relatives au démarchage à domicile des personnes physiques au motif qu'elle ne pouvait se rattacher à l'activité spécifique de limonadier alors que l'objet de ce contrat avait un rapport direct avec l'activité professionnelle exercée par le locataire puisque destinée à satisfaire aux besoins de la clientèle et à lui procurer un profit financier.
Considérant que le jugement entrepris sera donc réformé, Monsieur X. étant mal fondé à invoquer les dispositions du Code de la Consommation,
Considérant que l'intimé verse aux débats deux attestations de clients de son établissement rapportant avoir entendu le démarcheur déclarer que le téléphone, loué « devait normalement lui revenir moins cher que France-Télécom ».
Considérant que cette seule déclaration ne suffit pas à établir l'existence de manoeuvres dolosives de la part du démarcheur, agissant pour le compte de la Société LOCAM, dès lors qu'elle ne revêtait en premier lieu aucun caractère catégorique, qu'il n'est pas établi que le démarcheur connaissait le prix payé par Monsieur X. auprès de France-Télécom, qu'enfin, et en tout état de cause, le contrat signé par le locataire portait clairement mention du montant du loyer, 372,65 francs, du nombre de loyers, 48, et de leurs échéances, du 30 janvier 1998 au 30 novembre 2001, en sorte que Monsieur X. avait une pleine connaissance du montant de chacune des 48 échéances mensuelles et était donc apte à le comparer avec le prix qu'il payait à France-Télécom ;
Considérant que l'intéressé est donc mal fondé tant en sa demande reconventionnelle en nullité pour dol qu'en sa demande de nullité pour erreur sur le prix ;
Considérant, sur la créance de la Société LOCAM, que la résiliation de la location pour défaut de paiement des échéances des 30 février et 30 mars 1998 est intervenue suivant mise en demeure reçue le 9 avril 1998 ;
Considérant que le contrat conclu entre les parties dispose en son article 6 qu'en cas de résiliation le locataire, outre la restitution du matériel, doit verser au loueur une somme égale au montant des loyers impayés au jour de la résiliation majorée d'une clause pénale de 10 % ainsi qu'une somme égale à la totalité des loyers restant à couvrir jusqu'à la fin du contrat telle que prévue à l'origine majorée d'une clause pénale de 10 %; que l'article 9 prévoit en outre [minute page 4] des intérêts de retard ;
Considérant qu'au titre des loyers impayés, de la clause pénale afférente, qui n'apparaît pas excessive, et des intérêts de retard Monsieur X. est débiteur de la somme de
- 2 mensualités impayées 745,30 Francs
- clause pénale 74,53 Francs
- intérêts de retard 12,15 Francs
Total 831,97 Francs
Considérant, s'agissant des 44 loyers restant à échoir, soit la somme de 16.396,60 francs, que cette somme est due à titre de sanction du manquement du locataire à ses obligations et constitue donc, même si le terme n'est pas expressément employé et n'est utilisé que pour la majoration de 10 %, une clause pénale susceptible d'être réduite par le juge si son montant est manifestement excessif ;
Considérant que le paiement par le locataire à titre de clause pénale d'une somme représentant en l'espèce 44 mensualités, alors que le bailleur récupère le matériel loué après seulement 4 mois d'utilisation et est donc susceptible soit de le relouer, soit de le vendre, constituerait une peine excessive, au regard des dispositions de l'article 1152 du Code Civil, comme excédant manifestement le préjudice résultant pour la société LOCAM de cette résiliation anticipée ;
Considérant que la Cour modère cette peine en application du texte précité et la fixe à la somme de 372,65 francs x 6 = 2.235,90 francs majorée de 10 %, soit la somme de 2.459,49 francs ; qu'en conséquence Monsieur X. sera condamné à payer à la Société LOCAM la somme totale de 3.291,46 francs avec les intérêts au taux légal à compter du 9 avril 1998 ;
Considérant que Monsieur X. devra restituer le matériel; qu'il n'y a pas lieu à astreinte, étant observé que dès le 27 février 1998 le locataire proposait la restitution ;
Considérant qu'en équité la Société LOCAM sera déboutée de sa demande de frais irrépétibles ;
DISPOSITIF (décision proprement dite) (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)
[minute page 5] PAR CES MOTIFS :
La Cour,
Infirme le jugement du Tribunal de Commerce de NANTES du 20 mars 2000,
Déboute Monsieur X. de ses demandes de nullité du contrat de location,
Le condamne à payer à la Société LOCAM la somme de 3.291,46 francs (501,78 euros) avec les intérêts au taux légal à compter du 9 avril 1998,
Le condamne à restituer à la Société LOCAM le matériel loué dans un délai d'un mois suivant la signification du présent arrêt,
Déboute la Société LOCAM de sa demande de frais irrépétibles,
Condamne Monsieur X. aux dépens de première instance et d'appel qui pourront être recouvrés conformément aux dispositions de l'article 699 du Nouveau Code de Procédure Civile.
- 5900 - Code de la consommation - Domaine d’application - Bénéficiaire de la protection - Notion de professionnel - Indices - Finalité du contrat - Amélioration des résultats financiers
- 5904 - Code de la consommation - Domaine d’application - Bénéficiaire de la protection - Notion de professionnel - Indices - Finalité du contrat - Amélioration du service offert au client
- 5916 - Code de la consommation - Domaine d’application - Bénéficiaire de la protection - Notion de professionnel - Illustrations - Contrats conclus en vue d’une activité - Adjonction d’une activité supplémentaire : moyens de communication