CA RENNES (1re ch. B), 7 décembre 2000
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CERCLAB - DOCUMENT N° 1810
CA RENNES (1re ch. B), 7 décembre 2000 : RG n° 99/08202 ; arrêt n° 1055
(sur ordonnance de désistement, 6 juin 2001)
Extrait « Qu'ainsi la clause de l'article 4e) du contrat qui stipule que le prêteur pourra en cas d'inexécution de « l'une quelconque des clauses du contrat » exiger le remboursement immédiat du capital majoré des intérêts échus non payés est une clause qui aggrave la situation de l'emprunteur, dans la mesure où elle prévoit la résiliation du contrat dans des conditions de résiliation non prévue dans le modèle établi par le comité de réglementation bancaire qui limite la résiliation au cas de défaillance dans le remboursement du prêt ; qu'ainsi la clause de résiliation en cas de cessation de domiciliation de ses salaires et revenus, et la clause qui prévoit, de plein droit l'exigibilité immédiate des prêts consentis antérieurement par le prêteur ou toute autre caisse affiliée au CRÉDIT MUTUEL DE BRETAGNE, créent manifestement un déséquilibre entre les droits et obligations de chacune des parties ;
Qu'il en est de même pour les clauses contenues dans l'offre préalable de l'ouverture de crédit qui prévoit la résiliation de plein droit, en cas de séparation de corps et de biens ou divorce du bénéficiaire, en cas de cessation d'activité ou de diminution de solvabilité, en cas de saisie mobilière ou immobilière, en cas de règlement judiciaire, en cas de cessation de domiciliation de salaires ou revenus ;
Que la Cour estime que ces clauses qui aggravent la situation de l'emprunteur suffisent à constater que les offres préalables de prêt du 10 mars 1996 et de crédit du 27 février 1997 ne satisfont pas aux exigences de l'article L. 311-13 du Code de la Consommation et entraînent déchéance du droit aux intérêts du CRÉDIT MUTUEL ».
RÉPUBLIQUE FRANCAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS
COUR D’APPEL DE RENNES
PREMIÈRE CHAMBRE B
ARRÊT DU 7 DÉCEMBRE 2000
ÉLÉMENTS D’IDENTIFICATION DE LA DÉCISION (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)
R.G. n° : 99/08202. ARRÊT N° 1055.
COMPOSITION DE LA COUR LORS DU DÉLIBÉRÉ : Mme Monique BOIVIN, Président, Mme Rosine NIVELLE, Conseiller, Monsieur Jean-Malo BOHUON, conseiller.
GREFFIER : Mme Jacqueline ROUAULT, lors des débats et lors du prononcé.
DÉBATS : À l'audience publique du 13 octobre 2000 devant Mme Monique BOIVIN, magistrat rapporteur, tenant seul l'audience, sans opposition des représentants des parties, et qui a rendu compte au délibéré collégial.
ARRÊT : Contradictoire, prononcé par Mme Monique BOIVIN, Président, à l'audience publique du 07 décembre 2000.
APPELANTS :
- Monsieur X.
[adresse], représenté par la SCP LEROYER BARBARAT GAUVAIN et DEMIDOFF, avoués, assisté de Maître DESAUNAY Mathieu avocat, entendu en sa plaidoirie (bénéficie d'une aide juridictionnelle Totale numéro […] du [date], accordée par le bureau d'aide juridictionnelle de [ville])
[minute originale : seconde page non paginée]
- Madame Y. épouse X.
[adresse], représentée par la SCP LEROYER BARBARAT GAUVAIN et DEMIDOFF avoués, assistée de Maître DESAUNAY Mathieu, avocat, entendu en sa plaidoirie (bénéficie d'une aide juridictionnelle Totale numéro […] du [date] accordée par le bureau d'aide juridictionnelle de [ville])
INTIMÉE :
CAISSE DE CRÉDIT MUTUEL DE PACE VEZIN, Société Coopérative de Crédit à capital variable et à responsabilité limitée
[adresse], représentée par la SCP CASTRES COLLEU et PEROT avoués, assistée de Maître Anne DAUGAN GILLARD avocat, entendu en sa plaidoirie
EXPOSÉ DU LITIGE (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)
[minute page 2] Suivant offre préalable acceptée le 10 mars 1996 le CRÉDIT MUTUEL DE BRETAGNE a consenti aux époux X. un prêt personnel d'un montant de 20.000 Francs au taux effectif global de 14,27 % l'an pour une durée de 24 mois.
Le 27 février 1997 le CRÉDIT MUTUEL DE BRETAGNE a consenti aux époux X. une autorisation de découvert d'un montant de 10.000 Francs au taux de base de 15,50 % l'an pour une durée d'un an renouvelable, découvert qui a été transformé par un jeu d'écriture en un prêt de 15.020 Francs le 8 juillet 1997.
Le 10 juin 1998, les époux X. se prévalant de la violation des dispositions du Code de la Consommation, ont assigné le CRÉDIT MUTUEL DE BRETAGNE en déchéance du droit aux intérêts du prêt du 10 mars 1996 et de l'ouverture de crédit du 27 février 1997 et en remboursement ou imputation sur le capital restant dû des sommes perçues au titre des intérêts.
Par jugement du 28 octobre 1999 le Tribunal d'Instance de RENNES a notamment condamné solidairement les époux X. à payer à la CRÉDIT MUTUEL DE BRETAGNE :
- 10.229,62 Francs au titre du solde du prêt du 10 mars 1996, avec intérêt légal à compter du 19 février 1998,
- 15.020 Francs au titre du solde du prêt du 27 février 1997 avec intérêts au taux légal à compter du 19 février 1998.
Les époux X. ont interjeté appel.
Ils sollicitent la réformation du jugement, la déchéance du droit aux intérêts des prêts du 10 mars 1996, et 27 février 1997, et demandent à la Cour de dire que les sommes perçues au titre des intérêts, qui sont productives d'intérêts au taux légal à compter du jour de leur versement, seront restituées par le prêteur ou imputées sur le capital restant dû.
Ils sollicitent encore une indemnité de 10.000 Francs sur le fondement des articles 37 et 75 de la loi du 10 juillet 1991.
[minute page 3] Ils font grief au tribunal de ne pas avoir examiné les demandes de déchéance du droit aux intérêts, ce qui était demandé étant financièrement plus intéressant que ce qui leur a été alloué, la réduction de la créance de la banque au seul capital restant dû, comme l'a fait le tribunal, implique la prise en compte des intérêts perçus illégalement auparavant.
Ils s'opposent à la forclusion invoquée par le CRÉDIT MUTUEL DE BRETAGNE, et invoquent l'application de l'article 38 du décret du 19 décembre 1991 sur l'Aide Juridictionnelle.
Ils dénoncent le caractère illicite de l'article 4e) de l'offre de prêt qui prévoit qu'en cas d'inexécution de l'une quelconque des clauses du contrat, le prêteur pourra exiger instantanément le remboursement immédiat du capital restant majoré des intérêts échus non payés, alors que la loi ne prévoit la résiliation du contrat qu'en cas de défaillance dans les remboursements ; mais encore l'emprunteur pourra exiger le remboursement des autres contrats signés avec l'emprunteur, clauses illicites, créant des déséquilibres entre les parties de nature à entraîner l'irrégularité de l'offre préalable sanctionnée par la déchéance du droit aux intérêts, sanction de plein droit de tout manquement aux règles de forme.
Pour les mêmes motifs ils dénoncent le caractère illicite des clauses du contrat d'ouverture de crédit.
Le CRÉDIT MUTUEL DE BRETAGNE DE PACE VEZIN, soulève l'irrecevabilité de l'appel des époux X., qui a fait droit à leur demande en ne retenant qu'une condamnation au capital restant dû, appel devenu sans objet, la Cour n'ayant pas à examiner la régularité de l'offre préalable du prêt et de l'autorisation de découvert.
A titre subsidiaire il soulève la forclusion de l'action en déchéance, comme étant formée plus de deux ans avant la conclusion de l'offre de crédit.
Il conteste le caractère abusif des clauses dénoncées par les époux X., clauses qui n'entraînent pas un déséquilibre significatif entre les droits et obligations des parties, le contrat de crédit n'a pas à être une copie servile des modèles types il est possible d'y ajouter d'autres clauses, le prêteur ayant le droit de se prémunir contre la défaillance de l'emprunteur; il n'y a pas abus de puissance économique, la banque peut se prévaloir en cas de cessation d'activité ou de procédure collective de l'inexécution des autres contrats.
MOTIFS (justification de la décision) (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)
[minute page 4] DISCUSSION :
* SUR LA RECEVABILITÉ DE L'APPEL :
Attendu que les époux X. avaient sollicité en première instance la déchéance de la caisse du droit aux intérêts, sur les deux prêts objets du litige, et le remboursement ou l'imputation sur le capital restant dû des sommes perçues au titre de ces intérêts ;
Qu'en ne se prononçant pas sur le principe de la régularité de l'offre préalable, en réduisant la créance de la banque au capital restant dû, notion qui implique la prise en compte des intérêts perçus, le Premier Juge n'a pas répondu aux demandes des appelants ; que les époux X., ont manifestement un intérêts à agir, leur appel sera jugé recevable.
* SUR LA FORCLUSION :
Attendu qu'en application de l'article L. 311-37 du Code de la Consommation, le point de départ du délai de forclusion biennale opposable à l'emprunteur qui conteste la régularité de l'offre préalable est la date à la quelle le contrat de crédit a été définitivement formé ;
Attendu que les époux X. ont formé le 10 juin 1998 leur contestation de la régularité de l'offre préalable-du prêt en date du 10 mars 1996 ;
Que toutefois il résulte des pièces de la cause que Madame X. a déposé le 10 février 1998 un dossier d'Aide Juridictionnelle et a obtenu le 24 avril 1998 une décision d'admission qui lui a été notifiée le 19 mai 1998 ; que par application de l'article 38 du décret du 19 décembre 1991 sur l'Aide Juridictionnelle la demande des époux X. est réputée avoir été intentée dans le délai de l'article L. 311-37 du Code de la Consommation.
* SUR LA RÉGULARITÉ DE L'OFFRE DU 10 MARS 1996 :
Attendu que l'article L. 311-33 du code de la Consommation dispose que le prêteur qui accorde un crédit sans saisir l'emprunteur d'une offre préalable satisfaisant aux conditions des articles L. 311-8 à L. 311-13 est déchu du droit aux intérêts ;
Que l'article L. 311-13 du Code de la Consommation fait obligation au prêteur d'établir l'offre préalable selon l'un des modèles types ; que s'il n'est pas exclu d'ajouter au modèle type des clauses spécifiques, celles-ci ne doivent pas conduire à une aggravation des obligations mises à la charge de l'emprunteur par le modèle type ;
[minute page 5] Qu'ainsi la clause de l'article 4e) du contrat qui stipule que le prêteur pourra en cas d'inexécution de « l'une quelconque des clauses du contrat » exiger le remboursement immédiat du capital majoré des intérêts échus non payés est une clause qui aggrave la situation de l'emprunteur, dans la mesure où elle prévoit la résiliation du contrat dans des conditions de résiliation non prévue dans le modèle établi par le comité de réglementation bancaire qui limite la résiliation au cas de défaillance dans le remboursement du prêt ; qu'ainsi la clause de résiliation en cas de cessation de domiciliation de ses salaires et revenus, et la clause qui prévoit, de plein droit l'exigibilité immédiate des prêts consentis antérieurement par le prêteur ou toute autre caisse affiliée au CRÉDIT MUTUEL DE BRETAGNE, créent manifestement un déséquilibre entre les droits et obligations de chacune des parties ;
Qu'il en est de même pour les clauses contenues dans l'offre préalable de l'ouverture de crédit qui prévoit la résiliation de plein droit, en cas de séparation de corps et de biens ou divorce du bénéficiaire, en cas de cessation d'activité ou de diminution de solvabilité, en cas de saisie mobilière ou immobilière, en cas de règlement judiciaire, en cas de cessation de domiciliation de salaires ou revenus ;
Que la Cour estime que ces clauses qui aggravent la situation de l'emprunteur suffisent à constater que les offres préalables de prêt du 10 mars 1996 et de crédit du 27 février 1997 ne satisfont pas aux exigences de l'article L. 311-13 du Code de la Consommation et entraînent déchéance du droit aux intérêts du CRÉDIT MUTUEL ; que les sommes ainsi perçues au titre des intérêts seront restituées aux emprunteurs ou imputées sur le capital restant dû ;
Attendu qu'il n'est pas inéquitable d'allouer aux époux X. une indemnité de 4.000 Francs au titre des articles 37 et 75 de la loi du 10 juillet 1991.
DISPOSITIF (décision proprement dite) (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)
DÉCISION :
PAR CES MOTIFS :
La Cour,
Déclare recevable l'appel des époux X.
Infirme le jugement du 28 octobre 1999,
Dit que la CAISSE DE CRÉDIT MUTUEL DE PACE VEZIN est déchue du droit aux intérêts du prêt du 10 mars 1996,
[minute page 6] Dit que les sommes perçues au titre des intérêts, qui sont productives d'intérêts au taux légal à compter du jour de leur versement seront restituées par le prêteur ou imputées sur le capital restant dû,
Dit que la CAISSE DE CRÉDIT MUTUEL DE PACE VEZIN est déchue du droit aux intérêts du prêt du 27 février 1997,
Dit que les sommes perçues au titre des intérêts, qui sont productives d'intérêts au taux légal à compter du jour de leur versement, seront restituées par le prêteur ou imputées sur le capital restant dû,
Condamne la CAISSE DE CRÉDIT MUTUEL DE PACE VEZIN à verser aux époux X. une somme de 4.000 Francs sur le fondement des articles 37 et 75 de la loi du 10 juillet 1991,
Condamne la même aux entiers dépens qui seront recouvrés comme en matière d'Aide Juridictionnelle.
- 5749 - Code de la consommation - Régime de la protection - Consommateur - Effets de l’action - Autres effets - Déchéance des intérêts
- 6621 - Code de la consommation - Présentation par contrat - Banque - Crédit à la consommation - Régime général - Obligations de l’emprunteur - Déchéance et résiliation - Présentation générale
- 6622 - Code de la consommation - Présentation par contrat - Banque - Crédit à la consommation - Régime général - Obligations de l’emprunteur - Déchéance et résiliation - Griefs généraux
- 6623 - Code de la consommation - Présentation par contrat - Banque - Crédit à la consommation - Régime général - Obligations de l’emprunteur - Déchéance et résiliation - Nature des manquements