CEntre de Recherche sur les CLauses ABusives
Résultats de la recherche

CA MONTPELLIER (1re ch. sect. AO1), 18 avril 2006

Nature : Décision
Titre : CA MONTPELLIER (1re ch. sect. AO1), 18 avril 2006
Pays : France
Juridiction : Montpellier (CA), 1re ch. sect. A01
Demande : 04/03822
Décision : A06.1A1/2198
Date : 18/04/2006
Nature de la décision : Infirmation
Mode de publication : Juris Data
Décision antérieure : CASS. CIV. 3e, 9 octobre 2007, TGI RODEZ, 8 juillet 2004
Numéro de la décision : 2198
Imprimer ce document

 

CERCLAB - DOCUMENT N° 1847

CA MONTPELLIER (1re ch. sect. AO1), 18 avril 2006 : RG n° 04/03822 ; arrêt n° A06.1A1/2198 

(sur pourvoi Cass. civ. 3e, 9 octobre 2007 : pourvoi n° 06-16404 ; arrêt n° 920)

Publication : Juris-Data n° 310908

 

Extrait : « Quant aux demandes dirigées contre monsieur X., la clause contractuelle signée par le maître d'ouvrage monsieur W. et l'architecte, stipulant qu'en cas de litige portant sur l'exécution du contrat, les parties conviennent de saisir le conseil Régional de l'Ordre des architectes pour avis avant toute procédure judiciaire, s'applique en l'espèce. La demande porte bien sur une faute commise dans et pendant l'exécution du contrat, important peu qu'elle ait été invoquée alors qu'il a pris fin. Aucune limite temporelle n'est mise à cette obligation de saisine pour avis qui s'impose en vertu de la force obligatoire du contrat posée par l'article 1134 du code civil. La lettre de monsieur X. en date du 15 mars 1996, adressée au seul monsieur AZORIN, n'est pas une renonciation non équivoque à cette clause alors qu'elle demande à l'entrepreneur de faire une déclaration de sinistre à son assureur. Les demandes dirigées contre monsieur X. ne sont pas recevables. »

 

COUR D’APPEL DE MONTPELLIER

PREMIÈRE CHAMBRE SECTION AO1

ARRÊT DU 18 AVRIL 2006

 

ÉLÉMENTS D’IDENTIFICATION DE LA DÉCISION       (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)

R.G. n° 04/03822. Arrêt n° A06.1A1/2198. Décision déférée à la Cour : Jugement du 8 JUILLET 2004 TRIBUNAL DE GRANDE INSTANCE DE RODEZ N° RG 00/680.

 

APPELANT :

Monsieur X.

né le [date] à [ville], [adresse], représenté par la SCP JOUGLA – JOUGLA, avoués à la Cour, assisté de la SCP DELMAS-RIGAUD-LEVY, avocats au barreau de MONTPELLIER

 

INTIMÉS :

SA ÉTABLISSEMENTS J. PASCAL AZORIN CARRELAGE,

prise en la personne de son Directeur en exercice, domicilié en cette qualité au siège social sis [adresse], représentée par la SCP SALVIGNOL-GUILHEM, avoués à la Cour, assistée de Maître SALLES, avocat au barreau de RODEZ

Monsieur Y.

le [date] à [ville], représenté par la SCP TOUZERY-COTTALORDA, avoués à la Cour, assisté de Maître Elian GAUDY, avocat au barreau de RODEZ

[minute page 2]

Monsieur Z.

[adresse], représenté par la SCP CAPDEVILA-VEDEL-SALLES, avoués à la Cour

SARL Z.,

prise en la personne de son Gérant en exercice, domicilié en cette qualité au siège social sis [adresse], représentée par la sep CAPDEVILA-VEDEL-SALLES, avoués à la Cour

SA GENERALI ASSURANCES venant aux droits de la SA CONTINENT IARD,

prise en la personne de son Directeur en exercice, domicilié en cette qualité au siège social sis [adresse], représentée par la SCP NEGRE-PEPRATX-NEGRE, avoués à la Cour

Monsieur W.,

décédé le [date], né le [date] à [ville], de nationalité Française, représenté par la SCP ARGELLIES-TRAVIER-WATREMET, avoués à la Cour

 

INTERVENANTE :

Madame W.

agissant tant en son nom personnel qu'en qualité d'héritière de Serge W. et agissant en sa qualité d'administratrice légale sous contrôle judiciaire de sa fille Lucie W. née à [ville] le [date],

elle-même prise en sa qualité d'héritière de monsieur Serge W. décédé à TOULOUSE LE [date], née le [date] à [ville], de nationalité Française, représentée par la SCP ARGELLIES-TRAVIER-WATREMET, avoués à la Cour, assistée de Maître AUBY, loco Maître Pierre CHATEL, avocat au barreau de MONTPELLIER

[minute page 3]

ORDONNANCE DE CLÔTURE DU 9 Mars 2006

COMPOSITION DE LA COUR : L'affaire a été débattue le 14 MARS 2006, en audience publique, Madame Nicole FOSSORIER ayant fait le rapport prescrit par l'article 785 du Nouveau Code de Procédure Civile, devant la Cour composée de : Mme Nicole FOSSORIER, Président, M. Claude ANDRIEUX, Conseiller, Madame Catherine SIROL, Vice-Présidente placée (désignée par ord. du 15/12/2005), qui en ont délibéré.

Greffier, lors des débats : Mme Josiane MARAND

ARRÊT : - CONTRADICTOIRE - prononcé publiquement par Mme Nicole FOSSORIER, Président - signé par Mme Nicole FOSSORIER, Président, et par Mme Josiane MARAND présent lors du prononcé.

 

EXPOSÉ DU LITIGE                                                           (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)

Monsieur W. a fait construire une maison individuelle par monsieur X., architecte chargé d'une mission complète de maître d'œuvre, monsieur Y., maçon, l'entreprise Z. et la SA AZORIN assurée par Le Continent, respectivement chargés des lots gros-œuvre, chauffage par le sol et pose des carrelages. L'ouvrage a été réceptionné le 18 juillet 1989. Des micro fissures sont apparues en 1991. En 1992, puis 1996, la société SARETEC expert du Continent a conclu à des défauts d'aspect. En Mars 1998 monsieur C. expert judiciaire a retenu qu'il s'agissait de désordres de caractère esthétique.

Les fissures se multipliant et s'aggravant monsieur W. a assigné les constructeurs sus-visés le 26 août 2000, sur le fondement des garantie décennale, subsidiairement contractuelle. Le Continent a été appelé en garantie par LA SA AZORIN le 20 février 2001. Monsieur D., expert judiciaire désigné en 2002 a conclu en l'état faute d'avoir perçu un complément d'honoraires.

Par jugement rendu le 8 juillet 2004, le Tribunal de Grande Instance de RODEZ rejette l'exception d'irrecevabilité pour défaut de saisine préalable du conseil de l'Ordre des architectes, [minute page 4] retient le caractère décennal des désordres et en déclare responsables les intervenants sus-visés, dit que l'assureur doit sa garantie à la SA AZORIN, ordonne un complément d'expertise confié à monsieur D. pour définir la raison des désordres et définir en conséquence le coût de reprise des travaux. Appel en a été interjeté par monsieur X. le 23 juillet 2004 ;

Vu les conclusions d'appel principal notifiées le 7 octobre 2004, par monsieur X. qui demande d'infirmer cette décision, de juger l'action irrecevable pour défaut de saisine du Conseil Régional de l'Ordre des Architectes,

Subsidiairement pour inapplicabilité de l'article 1792 du code civil en l'absence de désordre de nature décennale et de l'article 1147 en l'absence de faute prouvée,

Plus subsidiairement, de condamner la SA PASCAL AZORIN solidairement avec la SA LE CONTINENT, à le garantir de toutes condamnations ;

de condamner W. au paiement de la somme de 1.000 euros à titre de frais et honoraires non compris dans les dépens ;

Vu les conclusions notifiées le 14 février 2006, par madame W. qui demande de confirmer le jugement déféré, subsidiairement par application de l'article 1147 du code civil, et de condamner in solidum monsieur X., la SA AZORIN CARRELAGE, messieurs Y. ET Z., la SARL Z. au paiement de la somme de 5.000 euros à titre de frais et honoraires non compris dans les dépens ;

Vu les conclusions notifiées le 24 juin 2005, par monsieur Y. qui demande de statuer ce que de droit sur l'appel principal et les appels incidents, de condamner la partie qui succombera aux dépens ;

Vu les conclusions d'appel incident notifiées le 6 janvier 2006, par monsieur Z. et la SARL Robert Z. qui demandent de débouter monsieur W. de ses prétentions dirigées contre monsieur Z. personnellement, de statuer ce que de droit sur la responsabilité décennale de la SARL Robert Z., de condamner en tout cas la SA J.P. AZORIN à la garantir des condamnations éventuellement prononcées à son encontre, de la condamner au paiement de la somme de 1.500 euros à titre de frais et honoraires non compris dans les dépens ;

[minute page 5] Vu les· conclusions d'appel incident notifiées le 2 février 2006, par la SA  J. Pascal AZORIN CARRELAGE qui demande vu les articles 1792, 1147 et 1382 du code civil, de débouter monsieur X. de l'appel du jugement, qui s'en rapporte à l'appréciation de la Cour sur l'existence de désordres de nature décennale du carrelage, qui demande de confirmer ce jugement en ce qu'il rejette l'exception de non garantie soulevée par la SA LE CONTINENT et la condamne à garantir la SA AZORIN sur le fondement de l'article 1792 du code civil, de condamner solidairement monsieur X. et la SA CONTINENT au paiement de la somme de 2.000 euros à titre de frais et honoraires non compris dans les dépens ;

Vu les conclusions d'appel incident notifiées le 8 février 2006, par la SA GENERALI ASSURANCES venant aux droits de CONTINENT IARD qui demande de juger prescrite l'action de la SA AZORIN à son encontre, de constater que pendant le délai décennal aucun désordre de cette nature n'a été constaté,

Subsidiairement, de constater que le demandeur principal visant la responsabilité contractuelle de la SA AZORIN, sa responsabilité ne peut pas être mise en cause et en tout cas ne peut pas être retenue ;

de condamner la SA P. AZORIN au paiement de la somme de 3.000 euros à titre de frais et honoraires non compris dans les dépens ;

 

MOTIFS (justification de la décision)                                   (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)

SUR QUOI :

Ensuite du décès de monsieur W. en cours de procédure, madame W. intervient volontairement à l'instance personnellement et en qualité d'administratrice légale de sa fille mineure, intervention qui sera déclarée recevable.

Il y a lieu de mettre hors de cause monsieur Z. personnellement, la SARL Robert Z. venant à ses droits.

Quant aux demandes dirigées contre monsieur X., la clause contractuelle signée par le maître d'ouvrage monsieur W. et l'architecte, stipulant qu'en cas de litige portant sur l'exécution du contrat, les parties conviennent de saisir le conseil Régional de l'Ordre des architectes pour avis avant toute procédure judiciaire, s'applique en l'espèce. La demande porte bien sur une faute commise dans et pendant l'exécution du contrat, important peu qu'elle ait été invoquée alors qu'il a pris fin. Aucune limite temporelle n'est mise à cette obligation de saisine pour avis qui s'impose en vertu de la force [minute page 6] obligatoire du contrat posée par l'article 1134 du code civil. La lettre de monsieur X. en date du 15 mars 1996, adressée au seul monsieur AZORIN, n'est pas une renonciation non équivoque à cette clause alors qu'elle demande à l'entrepreneur de faire une déclaration de sinistre à son assureur. Les demandes dirigées contre monsieur X. ne sont pas recevables.

 

SUR LA NATURE DES DÉSORDRES :

La garantie décennale ne peut s'appliquer qu'aux désordres dont la gravité entraine pendant le délai de dix ans partant de la réception de l'ouvrage le 18 juillet 1989, une impropriété à sa destination ou une atteinte à sa solidité. Même si le caractère évolutif des désordres apparus après expiration de ce délai peut permettre de les prendre en compte, encore est-ce à la condition de démontrer qu'ils présentaient déjà pendant le délai de 10 ans, le caractère de gravité voulu par l'article 1792 du code civil.

Or, les rapports d'expertise officieux de l'assureur en 1992 et 1996, puis de l'expert judiciaire monsieur C. le 18 novembre 1998, prouvent que l'évolution des fissures du carrelage n'a été que très lente et que sa dégradation ne se manifestait jusqu'en juillet 1989 que par des fissures « comprimées », sans décollement, en nombre relativement minime puisque monsieur C. en relève 7 limitées à une partie de la villa, et ne présentant aucun désaffleurement. Les photographies jointes à son rapport d'expertise judiciaire, ainsi qu'au procès-verbal de constat du 11 juin 1997 décrivant des micro-fissures, des petites fissures et un défaut de planimétrie, confirment, ainsi que le retient l'expert, que ni la solidité ni l'impropriété de l'ouvrage à sa destination n'étaient établies en 1998, restant possible de circuler et d'utiliser le carrelage, encore fut-ce avec une gêne ponctuelle.

Ce n'est qu'en mars 2000 que l'expert de l'assureur de monsieur W., constatait l'ampleur des dépressions du carrelage et des fissures ouvertes constituant des lignes tranchantes, le rendant alors par sa dangerosité impropre à sa destination. Monsieur D. expert judiciaire, confirme seulement en 2004 que les désordres sont évolutifs, non stabilisés. S'il rappelle qu'en 2002 les affaissements sont à l'origine de fissures décalant les arêtes des carreaux qui sont tranchantes et présentent un danger de coupure, il ne précise pas que ceci serait antérieur à juillet 1998 et la preuve n'est donc pas incontestablement rapportée de ce que les désordres étaient de nature décennale avant cette date. Le jugement est infirmé en ce qu'il retient la responsabilité décennale des entrepreneurs.

[minute page 7]

SUR LA RESPONSABILITE CONTRACTUELLE :

Il revient à madame W. de démontrer une faute contractuelle des entrepreneurs dont elle sollicite condamnation. Il résulte du rapport de monsieur D. dont les constatations et les conclusions ne sont pas critiquées, que les affaissements constatés sont dus à l'insuffisance de dosage du mortier d'enrobage des tubes de chauffage ainsi qu'à sa trop forte porosité. Ce mortier a été mis en œuvre par l'entreprise AZORIN. Il n'est relevé aucune faute à l'encontre de monsieur Y., ni de la SARL Z. qui n'ont pas concouru à la réalisation des désordres. En conséquence, seule la responsabilité de la SA AZORIN est démontrée dans la survenance du dommage et elle sera seule condamnée au paiement de la provision de 6.000 euros.

Si madame W. ne demande pas à la Cour d'évoquer les points non jugés portant essentiellement sur le dédommagement du préjudice subi, la cour a la faculté d'user de cette possibilité, en application de l'article 568 du nouveau code de procédure civile. Or, l'expert ayant déposé le rapport suivant la mission ordonnée par le jugement déféré, et donné les éléments d'appréciation du préjudice, il est de bonne justice de donner une fin rapide à un dommage ancien. Il y a lieu de renvoyer cette affaire à une audience ultérieure afin de permettre à madame W. de conclure sur ce point.

 

SUR LA GARANTIE DE LA SA GENERALI ASSURANCES :

La garantie de l'assureur n'est invoquée qu'au titre de la responsabilité décennale, et est par conséquence inapplicable. Le jugement sera également infirmé en ce qu'il condamne l'assureur à garantir la société AZORIN.

 

Les entiers dépens de première instance et d'appel exposés à ce jour par la SA. GENERALI ASSURANCES, messieurs Z. et Y. et la SARL Z. doivent être mis à la charge de la SA AZORIN dont les prétentions sont écartées, en application de l'article 696 du nouveau code de procédure civile. Ceux de première instance et d'appel exposés par monsieur X. sont mis à la charge de madame W. dont l'action n'est irrecevable que par son fait. Il est équitable d'allouer à la SARL R. Z. et à la SA GENERALI ASSURANCES la somme de MILLE TROIS CENTS euros chacune au titre des honoraires d'avocat, ainsi que des frais non compris dans les dépens qu'elles ont exposés en application de l'article 700 du nouveau code de procédure civile au paiement de laquelle sera condamnée la société AZORIN. Il est équitable d'allouer à monsieur X. la [minute page 8] somme de MILLE euros au paiement de laquelle sera condamnée madame W..

 

DISPOSITIF (décision proprement dite)                             (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)

PAR CES MOTIFS :

LACOUR

Statuant publiquement, par décision contradictoire, en dernier ressort,

Reçoit l'appel régulier en la forme et dans les délais ainsi que l'intervention en cours d'instance de madame W. ;

Met hors de cause monsieur Z. personnellement ;

Constate que l'expertise ordonnée par le jugement a été exécutée ;

Infirme la décision dont appel en ce qu'elle juge que l'action contre monsieur X. est recevable, que les désordres en cause sont de nature décennale et condamne in solidum les divers intervenants, ainsi que l'assureur de la société AZORIN ;

Statuant à nouveau, déclare irrecevable l'action dirigée contre monsieur Maxime X. ;

Rejette les demandes dirigées contre la SARL Z. et monsieur Y. ;

Déclare la SA J.P AZORIN CARRELAGE responsable des désordres et la condamne au paiement de la provision de SIX MILLE euros à madame W. ;

Rejette la demande en garantie dirigée par la SA J.P. AZORIN contre la SA GENERALI ASSURANCES ;

Condamne la SA J.P. AZORIN à payer à la SARL R. Z. et à la SA GENERALI ASSURANCES la somme de MILLE TROIS CENTS euros chacune à titre d'honoraires d'avocat, ainsi que de frais non compris dans les dépens et madame W. à payer à monsieur X. la somme de Mille euros ;

Condamne la SA J.P. AZORIN aux entiers dépens de première instance qui comprendront les frais d'expertise judiciaire de monsieur D. et d'appel, exposés par la SA GENERALI ASSURANCES, messieurs Y., Z. et la SARL Z., condamne madame W. aux entiers dépens de première instance et d'appel exposés par monsieur X. et dit que pour ceux d'appel, ils seront [minute page 9] recouvrés par les Avoués de la cause, en application de l'article 699 du nouveau code de procédure civile ;

Evoque sur les autres chefs dont le préjudice subi par madame W., et ordonne la réouverture des débats afin de permettre à la SA J.P. AZORIN et à madame W. de conclure sur ce point ;

Renvoie l'affaire à J'audience du mardi 13 JUIN 2006, 14 heures ;

Réserve les dépens restants ;

LE GREFFIER         LE PRÉSIDENT