CA BASSE-TERRE (1re ch. civ.), 2 février 2009
CERCLAB - DOCUMENT N° 1860
CA BASSE-TERRE (1re ch. civ.), 2 février 2009 : RG n° 06/00216 ; arrêt n° 101
Publication : Juris-Data n° 2009-379971
Extraits : 1/ « Attendu que la demande relative à la nullité du mandat de vente exclusif, au motif que la loi sur le démarchage à domicile n'a pas été respectée ne saurait s'analyser en une demande nouvelle au sens de l'article 564 du Code de Procédure Civile ; Qu'il s'agit d'un moyen nouveau tendant à la même fin que ceux développés devant le tribunal, à savoir la nullité du contrat ; Que ce moyen est parfaitement recevable devant la cour d'appel ».
2/ « Attendu que la loi n° 70-9 du 2 janvier 1970 qui organise la réglementation des professionnels de l'immobilier, ne comporte pas de dispositions particulières relatives au démarchage à domicile ; Qu'ainsi, les dispositions du Code de Consommation en matière de démarchage à domicile s'appliquent aux professionnels de l'immobilier ; Que tel est le cas lorsqu'un agent immobilier fait souscrire à un consommateur un contrat d'intermédiaire immobilier en dehors de l'établissement commercial ».
3/ « Attendu que compte tenu de cette nullité d'ordre public, l'intimée ne peut solliciter application de la clause pénale prévue au contrat ».
COUR D’APPEL DE BASSE-TERRE
PREMIÈRE CHAMBRE CIVILE
ARRÊT DU 2 FÉVRIER 2009
ÉLÉMENTS D’IDENTIFICATION DE LA DÉCISION (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)
R.G n° 06/00216. Arrêt n° 101. Décision déférée à la Cour : Jugement du Tribunal de Grande Instance de POINTE À PITRE en date du 8 décembre 2005, enregistré sous le n° 04/00059.
APPELANTE :
Madame X.
[adresse], représentée par Maître Brigitte WINTER-DURENNEL (TOQUE 83), avocat au barreau de GUADELOUPE
INTIMÉE :
SARL PROMO INVEST
[adresse], représentée par Maître Anne-Marie ROLIN (TOQUE 18), avocat au barreau de GUADELOUPE
COMPOSITION DE LA COUR : L'affaire a été débattue le 1er décembre 2008, en audience publique, devant la cour composée de : M. Jean-Luc POISOT, président de chambre, président, M. Marc SALVATICO, conseiller, Mme Marie-Hélène CABANNES, conseillère, rapporteur qui en ont délibéré. Les parties ont été avisées à l'issue des débats que l'arrêt sera prononcé par sa mise à disposition au greffe de la cour le 2 février 2009.
GREFFIER : Lors des débats : Mme Juliette GERAN, adjointe administrative, faisant fonction de greffière.
ARRÊT : Contradictoire, prononcé publiquement par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la cour, les parties en ayant été préalablement avisées conformément à l'article 450 al. 2 du Code de procédure civile. Signé par M. Jean-Luc POISOT, président de chambre, président et par Mme Maryse PLOMQUITTE, greffière, à laquelle la décision a été remise par le magistrat signataire.
EXPOSÉ DU LITIGE (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)
[minute page 2] Par jugement en date du 8 décembre 2005, le tribunal de grande instance de Pointe à Pitre a :
- rejeté la demande de nullité du contrat conclu entre Madame X et la société PROMO INVEST SARL le 1er septembre 2003,
- condamné Madame X. à payer à la société PROMO INVEST SARL la somme de 9.200 € à titre de dommages et intérêts et celle de 2.000€ sur le fondement de l'article 700 du Code de Procédure Civile,
- débouté la société PROMO INVEST SARL de ses demandes à l'encontre des époux Y.,
- dit n'y avoir lieu à application de l'article 700 du Code de Procédure Civile au bénéfice des époux Y.,
- prononcé l'exécution provisoire des dispositions de la décision,
- condamné Madame X. aux entiers dépens.
Par déclaration remise au secrétariat-greffe de la cour d'appel le 10 février 2006, Madame X. a interjeté appel de cette décision.
Par conclusions en date du 8 septembre 2008, l'appelante expose que suivant mandat exclusif de vente signé à [ville A] à son domicile le 1er septembre 2003, elle a donné mandat exclusif à la société PROMO INVEST, de vendre une parcelle de terre d'une superficie de 2.672 m² située à [ville A].
En date du 14 octobre 2003, Madame X. a fait savoir à la société PROMO INVEST, qu'elle entendait « retirer son terrain de la vente ».
Par lettre du 22 octobre 2003, la société PROMO INVEST lui a répondu que le mandat de vente venait à échéance le 30 novembre 2003, et qu'elle avait appris que les époux Y. projetaient d'acquérir le bien directement alors qu'ils lui avaient été présentés par l'agence.
Selon Madame X., le mandat de vente est nul car la réglementation du démarchage en vue d'opérations relatives à des immeubles n'a pas été respectée et ainsi la clause pénale, contenue dans un contrat nul, ne pourrait recevoir application.
À titre subsidiaire, Madame X. demande à la cour de modérer cette clause, la société PROMO INVEST ne démontrant nullement une exécution partielle de ses obligations ni même lui avoir procuré un quelconque avantage.
En outre, l'appelante s'oppose à la demande de dommages et intérêts formulée par la société intimée qui ne serait pas justifiée et soutient qu'elle-même a subi des désagréments du fait du comportement de la société PROMO INVEST
Madame X. demande à la cour d'infirmer le jugement frappé d'appel et statuant à nouveau:
- de dire que le mandat du 1er septembre 2003 conclu entre Madame X. et la société PROMO INVEST est nul,
- de débouter la société PROMO INVEST de toutes ses demandes,
- de la condamner à payer la somme de 252,58€ outre intérêts légaux à compter du 11 mai 2006, 2.400€ outre intérêts légaux à compter du 21 août 2006, 5.000€ à titre de dommages et intérêts, 3.500€ en application des dispositions de l'article 700 du Code de Procédure Civile, et les entiers dépens.
[minute page 3] La société PROMO INVEST, par écritures en date du 15 mai 2008, fait valoir qu'elle a parfaitement rempli sa mission et a trouvé des acquéreurs pour le bien de l'appelante.
Madame X. quant à elle n'aurait pas respecté les termes du contrat puisqu'elle aurait rompu le lien contractuel sans raison avant son terme et aurait vendu le bien immobilier aux époux Y. qui lui avaient été présentés par l'agence.
L'intimée serait donc fondée à solliciter la condamnation au paiement de la somme de 9.200 € sur le fondement des articles 1147 et 1134 du Code Civil correspondant au montant des honoraires qu'elle aurait dû percevoir, outre une somme de 5.000 € de dommages et intérêts en réparation du préjudice moral et économique subi,
S'agissant du non-respect du délai de réflexion invoqué par l'appelante, la société PROMO INVEST soutient que les contrats exclusifs de vente conclus dans le cadre professionnel de l'activité d'une agence immobilière sont exclus de la loi relative au démarchage à domicile car soumis aux dispositions propres à cette activité et édictées par la loi du 2 janvier 1970.
La société intimée sollicite dés lors la confirmation de la décision entreprise ainsi que la condamnation de Madame X. au paiement d'une indemnité de 5.000 € à titre de dommages et intérêts, ainsi qu'au paiement d'une indemnité de 5.000 € en application des dispositions de l'article 700 du Code de Procédure Civile, outre le paiement des entiers dépens.
MOTIFS (justification de la décision) (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)
SUR CE :
Attendu que la demande relative à la nullité du mandat de vente exclusif, au motif que la loi sur le démarchage à domicile n'a pas été respectée ne saurait s'analyser en une demande nouvelle au sens de l'article 564 du Code de Procédure Civile ;
Qu'il s'agit d'un moyen nouveau tendant à la même fin que ceux développés devant le tribunal, à savoir la nullité du contrat ;
Que ce moyen est parfaitement recevable devant la cour d'appel ;
Sur la nullité du contrat :
Attendu que l'appelante fait valoir que le démarchage en vue d'opérations relatives à des immeubles entre dans le champ d'application de l'article L. 121-21 du Code de la Consommation ;
Que le mandat de vente obtenu au domicile du mandant doit par conséquent notamment comporter à peine de nullité, la mention de la faculté de rétractation et le formulaire y afférent ainsi que l'énumération apparente des dispositions des articles L. 121-23 à L. 121-26 du Code de la Consommation ;
Attendu que la SARL PROMO INVEST soutient que conformément aux dispositions de l'article L. 121-22 du Code de la Consommation, ne sont pas soumises aux dispositions des articles L. 121-3 à L. 121-29 du même code réglementant le démarchage à domicile, les activités pour lesquelles le démarchage fait l'objet d'une réglementation par un texte législatif particulier ;
Que tel est le cas des professionnels de la vente de biens immobiliers dont l'activité est régie par la loi n° 70-9 du 2 janvier 1970, qui ne prévoit pas de délai de réflexion 7 jours en cas de démarchage à [minute page 4] domicile ;
Attendu qu'il n'est pas contesté par les parties que le mandat exclusif de vente a été signé le 1er septembre 2003, au domicile de Madame X. ;
Attendu que la loi n° 70-9 du 2 janvier 1970 qui organise la réglementation des professionnels de l'immobilier, ne comporte pas de dispositions particulières relatives au démarchage à domicile ; Qu'ainsi, les dispositions du Code de Consommation en matière de démarchage à domicile s'appliquent aux professionnels de l'immobilier ; Que tel est le cas lorsqu'un agent immobilier fait souscrire à un consommateur un contrat d'intermédiaire immobilier en dehors de l'établissement commercial ;
Attendu que l'échange des consentements entre les parties en ce qui concerne le mandat exclusif de vente s'étant opéré au domicile de Madame X., le contrat proposé par l'agent immobilier aurait dû, conformément aux dispositions de l'article L. 121-23 du Code de la Consommation, comporter un formulaire permettant l'exercice par le mandant, de la faculté de rétractation ;
Qu'en l'absence de cette mention, le mandat doit être déclaré nul et de nul effet ;
Attendu que compte tenu de cette nullité d'ordre public, l'intimée ne peut solliciter application de la clause pénale prévue au contrat ; Que la société PROMO INVEST sera déboutée de ses demandes ;
Attendu que l'obligation de rembourser les sommes perçues en exécution du jugement frappé d'appel, résulte de plein droit de la réformation de la décision de première instance ayant alloué ces sommes ;
Que la demande de Madame X. visant à voir prononcer la condamnation de la société PROMO INVEST à payer la somme de 252,58 € outre intérêts légaux à compter du 11 mai 2006, 2.400 € outre intérêts légaux à compter du 21 août 2006, est sans objet ;
Attendu que l'appelante qui sollicite le versement de la somme de 5.000 € à titre de dommages et intérêts ne justifie pas d'un préjudice particulier à l'appui de sa demande ;
Que Madame X. sera déboutée de ce chef de demande ;
Sur l'article 700 du Code de procédure civile et les dépens :
Attendu que l'équité ne justifie pas qu'il soit fait application des dispositions de l'article 700 du Code de Procédure Civile ;
Que l'appelante sera déboutée de sa demande formulée sur le fondement de l'article 700 du Code de Procédure Civile ;
DISPOSITIF (décision proprement dite) (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)
PAR CES MOTIFS :
Infirme le jugement frappé d'appel ;
Déclare recevable la demande en nullité du contrat de vente conclu en violation des dispositions des articles L. 121-3 et suivants du Code de la Consommation ;
[minute page 5] Prononce la nullité du mandat exclusif de vente en date du 1er septembre 2003 ;
Déboute la société PROMO INVEST de l'ensemble de ses demandes ;
Déboute Madame X. de sa demande de dommages et intérêts ;
Déclare sans objet la demande de Madame X. au titre de la restitution des sommes perçues par la société PROMO INVEST en exécution du jugement réformé ;
Dit n'y avoir lieu à application des dispositions de l'article 700 du Code de Procédure Civile ;
Condamne la société PROMO INVEST au paiement des entiers dépens.
Et ont signé le président et la greffière,
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