CASS. CIV. 3e, 9 mars 2005
CERCLAB - DOCUMENT N° 1940
CASS. CIV. 3e, 9 mars 2005 : pourvoi n° 01-18039 ; arrêt n° 311
Extrait : « attendu qu'ayant énoncé à bon droit que les charges récupérables étaient limitativement énumérées par le décret du 26 août 1987 et que n'y figuraient pas les dépenses de financement ou de remboursement, directement ou indirectement, du prix de la réalisation des installations de chauffage d'un immeuble, la cour d'appel a, par ces seuls motifs, exactement retenu, sans violer le principe de la contradiction et sans dénaturation, que le montage mis en place constituait le détournement d'une disposition légale d'ordre public ».
RÉPUBLIQUE FRANÇAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
COUR DE CASSATION
TROISIÈME CHAMBRE CIVILE
ARRÊT DU 9 MARS 2005
ÉLÉMENTS D’IDENTIFICATION DE LA DÉCISION (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)
N° de pourvoi : 01-18039. Arrêt n° 311.
DEMANDEUR à la cassation : Groupement d’intérêt économique Calliance Gestion
DÉFENDEUR à la cassation : Monsieur M. et consorts
Président : M. WEBER
Sur le premier moyen :
RAPPEL DES FAITS ET DE LA PROCÉDURE (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)
Attendu, selon l'arrêt attaqué (Lyon, 11 septembre 2001 rectifié par l'arrêt du 13 novembre 2001), que la société Barioz gestion, mandataire des différents propriétaires de l'immeuble […], a donné en location des appartements, au visa de la loi du 6 juillet 1989, les baux stipulant que les locataires devaient faire leur affaire personnelle de la souscription d'un contrat de vente de chaleur auprès de la société Calliance ; que certains locataires, après avoir souscrit de tels contrats, ont contesté la régularité des facturations émises par celle-ci, aucune distinction n'étant opérée entre les dépenses locatives et les dépenses d'amortissement de l'installation de chauffage et des grosses réparations, incombant seules au bailleur ; qu'ils ont assigné la société Barioz gestion et la société Calliance, à laquelle s'est substitué le GIE Calliance gestion (le GIE), pour obtenir la production des justifications des charges de chauffage et la restitution d'éventuels trop perçus sur les dépenses d'amortissement et d'investissement ; que le GIE a réclamé, à l'encontre d'autres locataires qui n'avaient pas conclu de contrats de vente de chaleur tout en bénéficiant des prestations correspondantes, le paiement du coût de celles-ci ;
MOYEN (critiques juridiques formulées par le demandeur) (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)
Attendu que le GIE fait grief à l'arrêt de déclarer non écrite la clause des contrats de vente de chaleur relative à la fixation des conditions de prix et d'abonnement, de dire que les locataires ne sont redevables envers lui que des dépenses relatives à l'eau chaude distribuée dans leurs logements et à la fourniture d'énergie pour le chauffage de ceux-ci ainsi que des dépenses d'exploitation d'entretien courant et de menues réparations telles que les dépenses sont définies suivant la liste du paragraphe II de l'annexe au décret n° 87-713 du 26 août 1987, et de le débouter de ses demandes tendant au paiement par les locataires d'autres frais ou dépenses au titre des contrats signés avec certains d'entre eux ou au titre de l'enrichissement sans cause, alors, selon le moyen :
1°/ que le décret n° 87-713 du 26 août 1987 (annexe II), pris en application de l'article 18 de la loi du 23 décembre 1986, n'interdit de faire supporter à un locataire des dépenses relatives à l'amortissement et au gros entretien d'une installation de chauffage collectif et d'eau chaude sanitaire que lorsque ce service est assuré par le bailleur lui-même ; que ne contrevient pas aux dispositions de ces textes la clause d'un contrat de vente de chaleur individuelle conclu avec un locataire et intégrant dans le prix facturé à celui-ci des sommes représentant le coût d'amortissement et de gros entretien des installations au moyen desquelles cette chaleur lui est vendue, dès lors que cette prestation est fournie par un tiers au contrat de bail et que lesdites installations ne sont pas la propriété du bailleur ; qu'en déclarant illicite au regard de la réglementation susvisée la clause des conditions financières du contrat de vente de chaleur conclu par les locataires avec le GIE Calliance, dont la décision attaquée ne conteste pas la qualité de propriétaire des installations de chauffage de l'immeuble de la résidence […], au motif que le prix facturé à ces derniers intégrait des sommes représentatives des dépenses de gros entretien et d'amortissement desdites installations acquittées par le GIE Calliance, la cour d'appel a violé les textes susvisés ;
2°/ qu'en déclarant illicite et inopposable aux locataires la clause de leur contrat fixant les conditions et le mode de calcul du prix, aux motifs que le contrat de vente lui-même et le montage juridique dans lequel ils s'inséraient constitueraient un prétendu détournement de la législation d'ordre public fixant le statut de la copropriété des immeubles bâtis et en particulier de l'article 10 de la loi du 10 juillet 1965 obligeant les copropriétaires à supporter les charges afférentes aux services collectifs et aux équipements communs, sans inviter les parties à s'expliquer sur ce moyen relevé d'office, la cour d'appel a violé l'article 16 du nouveau Code de procédure civile ;
3°/ qu'en tout état de cause, ne relève pas des « services collectifs ou des équipements communs » au sens du texte susvisé une installation de production et de distribution de chaleur que le règlement de copropriété a exclu des parties communes et au moyen de laquelle une entreprise, juridiquement distincte des copropriétaires, fournit à ces derniers ou à leurs locataires, dans le cadre d'un contrat de vente de chaleur qu'il leur est loisible de conclure, l'approvisionnement en eau chaude sanitaire et en chauffage nécessaire à leur besoin ; qu'en déclarant que la partie du prix payée par les locataires, et représentative des frais d'amortissement et de gros entretien des installations nécessaires à la production de la chaleur par eux achetée, constituait la contrepartie d'un « service collectif » que les copropriétaires auraient dû, à ce titre, nécessairement et obligatoirement prendre à leur charge, sans pouvoir en confier l'exécution à un tiers, la cour d'appel a violé, par fausse interprétation, l'article 10 de la loi du 10 juillet 1965, ensemble l'article 18 de la loi du 23 décembre 1986, 23 de la loi du 6 juillet 1989 et les articles 1, 2 et 3 du décret du 26 août 1987 ;
4°/ qu'en statuant comme elle l'a fait, la cour d'appel a dénaturé, en violation de l'article 1134 du Code civil, le règlement de copropriété, le contrat de bail et le contrat de vente conclus par les locataires, dont les termes clairs et précis indiquaient que le GIE Calliance s'engageait à vendre à chaque occupant ayant souscrit un contrat à cet effet la quantité de chaleur nécessaire à ses besoins propres et fabriquée au moyen d'installations lui appartenant en propre et expressément exclues des parties communes de l'immeuble ;
5°/ qu'en frappant d'inefficacité dans son ensemble, au moyen d'une révision judiciaire et forcée du prix du contrat, le système de vente individuelle de chaleur mis en place par le GIE Calliance, pour le motif qu'il conduisait à placer les parties hors du champ de la réglementation d'ordre public sur la récupérabilité des charges dans les rapports locatifs (décret du 26 août 1987) et sur la copropriété des immeubles bâtis (article 10 de la loi du 10 juillet 1965), la cour d'appel a méconnu le principe constitutionnel de la liberté contractuelle et violé outre les textes susvisés, l'article 1134 du Code civil, ensemble le préambule de la constitution du 4 octobre 1958 ;
6°/ que, selon l'article L. 132-1 du Code de la consommation, dans sa rédaction applicable au moment de la conclusion des contrats litigieux, l'appréciation du caractère abusif d'une clause ne peut porter ni sur la définition de l'objet principal du contrat, ni sur l'adéquation du prix ou de la rémunération au bien vendu ou au service offert ; en sorte qu'en qualifiant d'abusive et en réputant non écrite la clause du contrat de vente de chaleur fixant le montant et les modalités de calcul du prix, la cour d'appel a violé le texte susvisé ;
7°/ que nonobstant son prétendu manque de clarté, une clause n'est abusive au sens de l'article L. 132-1 du Code de la consommation que si, par son objet ou ses effets, elle est de nature à créer un déséquilibre significatif au profit du professionnel et au détriment du consommateur ; qu'en déclarant abusive et réputant non écrite la clause du contrat de vente de chaleur fixant les modalités de calcul du prix, au motif que celui-ci intégrait dans ses composantes des sommes représentatives du coût d'amortissement des installations nécessaires à la fabrication de la chose vendue, ce qui ne caractérise en soi aucun abus de la part d'un vendeur professionnel, la cour d'appel a violé le texte susvisé ;
8°/ qu'en statuant ainsi, la cour d'appel, qui ne relève pas que le GIE Calliance aurait mis à la charge de l'acquéreur de chaleur des sommes représentatives de charges ou de dépenses sans rapport avec la prestation fournie ou qu'il n'aurait pas supportées en propre, prive sa décision de base légale au regard du texte susvisé ;
9°/ que, selon l'article L. 132-1, alinéa 8, du Code de la consommation, l'existence d'une clause abusive doit entraîner la nullité du contrat en son entier s'il ne peut subsister sans ladite clause ; que le prix étant un élément déterminant de la formation du contrat de vente, le juge ne peut réputer abusive la clause du contrat fixant les modalités de calcul du prix sans annuler le contrat pour le tout ; qu'en procédant à une réfaction du contrat au prétexte que la clause qui fixait les conditions et mode de calcul du prix présentait un caractère abusif, la cour d'appel a violé l'article L. 132-1, alinéa 8, du Code de la consommation ;
RÉPONSE DE LA COUR DE CASSATION AU MOYEN (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)
Mais attendu qu'ayant énoncé à bon droit que les charges récupérables étaient limitativement énumérées par le décret du 26 août 1987 et que n'y figuraient pas les dépenses de financement ou de remboursement, directement ou indirectement, du prix de la réalisation des installations de chauffage d'un immeuble, la cour d'appel a, par ces seuls motifs, exactement retenu, sans violer le principe de la contradiction et sans dénaturation, que le montage mis en place constituait le détournement d'une disposition légale d'ordre public ;
D'où il suit que le moyen n'est pas fondé ;
Et attendu qu'il n'y a pas lieu de statuer sur le deuxième et le troisième moyens qui ne seraient pas de nature à permettre l'admission du pourvoi ;
DISPOSITIF (décision proprement dite) (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)
PAR CES MOTIFS : REJETTE le pourvoi ;
Condamne le GIE Calliance gestion aux dépens ;
Vu l'article 700 du nouveau Code de procédure civile, rejette la demande de la société Barioz gestion ;
Ainsi fait et jugé par la Cour de Cassation, Troisième chambre civile, et prononcé par le président en son audience publique du neuf mars deux mille cinq.
- 5849 - Code de la consommation - Domaine d’application - Personne soumise à la protection - Notion de professionnel - Principes
- 6075 - Code de la consommation - Notion de clause abusive - Présentation par clause - Consentement - Existence du Consentement - Consentement forcé du consommateur
- 6299 - Code de la consommation - Présentation par contrat - Chaleur (fourniture de)
- 6395 - Code de la consommation - Présentation par contrat - Location (bail) - Location d’immeuble - Bail d’habitation (3) - Obligations du locataire : paiement du prix