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CASS. CIV. 1re, 10 février 2004

Nature : Décision
Titre : CASS. CIV. 1re, 10 février 2004
Pays : France
Juridiction : Cour de cassation Ch. civile 1
Demande : 02-12424
Date : 10/02/2004
Nature de la décision : Cassation avec renvoi
Décision antérieure : CA NANCY (1re ch. civ.), 17 décembre 2001, CA NANCY (1re ch. civ.), 12 octobre 2006
Numéro de la décision : 234
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CERCLAB - DOCUMENT N° 2011

CASS. CIV. 1re, 10 février 2004 : pourvoi n° 02-12424 ; arrêt n° 234

(sur renvoi : CA Nancy (1re ch. civ.), 12 octobre 2006 : RG n° 04/00873 ; arrêt n° 2320/2006)

 

Extrait : « Attendu qu'en soumettant le contrat conclu entre les parties à un texte qui n'existait pas au moment de sa conclusion, la cour d'appel a violé le texte susvisé ».

 

RÉPUBLIQUE FRANÇAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

 

COUR DE CASSATION

PREMIÈRE CHAMBRE CIVILE

ARRÊT DU 10 FÉVRIER 2004

 

ÉLÉMENTS D’IDENTIFICATION DE LA DÉCISION                                      (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)

N° de pourvoi : 02-12424. Arrêt n° 234.

DEMANDEUR à la cassation : 1°/ Monsieur X. 2°/ SCI Y.

DÉFENDEUR à la cassation : CNP assurances

Président : M. LEMONTEY

 

MOTIFS (justification de la décision)                                                                 (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)

LA COUR DE CASSATION, PREMIERE CHAMBRE CIVILE, a rendu l'arrêt suivant :

Sur le moyen relevé d'office, après l'avertissement prévu à l'article 1015 du nouveau Code de procédure civile :

VISA (texte ou principe violé par la décision attaquée)                                        (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)

Vu l'article L. 132-1 du Code de la Consommation dans sa rédaction antérieure à la loi n° 95-96 du 1er février 1995 applicable en la cause ;

 

RAPPEL DES FAITS ET DE LA PROCÉDURE                                                  (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)

Attendu que la SCI Y. a contracté, le 20 juillet 1992, un prêt immobilier garanti par le cautionnement de M. X., son gérant, lequel a adhéré à l'assurance de groupe souscrite par l'établissement prêteur auprès de la CNP en vue de garantir le remboursement de l'emprunt en cas de décès, invalidité permanente et absolue, incapacité temporaire totale de travail ; que placé le 2 septembre 1994 en arrêt de travail et reconnu inapte totalement depuis le 7 avril 1995 à exercer son activité professionnelle de plâtrier-peintre, M. X. a demandé à l'assureur l'exécution de la garantie ; que celui-ci ayant refusé sa garantie, M. X. l'a assigné en remboursement des échéances du prêt avec effet rétroactif au 6 avril 1995, sur le fondement de l'article 2-3 du contrat d'assurance relatif à la garantie en cas d'ITT ; qu'il a demandé à voir déclarer abusive la clause prévoyant un délai de carence de cent vingt jours et celle subordonnant la prise en charge au titre de l'ITT à « être dans l'impossibilité absolue de reprendre une activité professionnelle quelconque, même à temps partiel » ;

 

RAPPEL DE LA DÉCISION ATTAQUÉE                                                           (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)

Attendu que pour débouter M. X. de ses demandes, l'arrêt attaqué retient que la clause litigieuse « ne constitue pas un déséquilibre significatif entre les droits et obligations des parties au sens de l'article L. 132-1 du Code de la Consommation ; que la détermination des conditions de la garantie de l'ITT qui entrent dans la définition de l'objet principal du contrat est exclue du champ d'application de l'article L. 132-1 en application de l'article 7 de ce texte ; que le délai de carence de 120 jours n'est pas constitutif d'un déséquilibre significatif... » ;

 

CRITIQUE DE LA COUR DE CASSATION                                                       (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)

Attendu qu'en soumettant le contrat conclu entre les parties à un texte qui n'existait pas au moment de sa conclusion, la cour d'appel a violé le texte susvisé ;

 

DISPOSITIF (décision proprement dite)                                                            (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)

PAR CES MOTIFS, et sans qu'il y ait lieu de statuer sur le moyen unique du pourvoi : CASSE ET ANNULE, dans toutes ses dispositions, l'arrêt rendu le 17 décembre 2001, entre les parties, par la cour d'appel de Nancy ; remet, en conséquence, la cause et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant ledit arrêt et, pour être fait droit, les renvoie devant la cour d'appel de Nancy, autrement composée ;

Condamne la compagnie CNP assurances aux dépens ;

Vu l'article 700 du nouveau Code de procédure civile, rejette les demandes ;

Dit que sur les diligences du procureur général près la Cour de Cassation, le présent arrêt sera transmis pour être transcrit en marge ou à la suite de l'arrêt cassé ;

Ainsi fait et jugé par la Cour de Cassation, Première chambre civile, et prononcé par le président en son audience publique du dix février deux mille quatre.

 

ANNEXE : MOYEN (critiques juridiques formulées par le demandeur)              (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)

Moyen produit par la SCP Masse-Dessen et Thouvenin, avocat aux Conseils pour M. Dxxxx et la SCI X.

 

MOYEN DE CASSATION

RAPPEL DU DISPOSITIF DE LA DÉCISION ATTAQUÉE PAR LE MOYEN  (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)

Le moyen reproche à l'arrêt infirmatif attaqué d'avoir débouté l'adhérent à un contrat d'assurance de groupe (M. Dxxxx, exposant et gérant de la société X, également exposante) de sa demande tendant à la prise en charge par l'assureur (la CNP ASSURANCES) du remboursement des échéances d'un crédit ;

 

RAPPEL DES MOTIFS DE LA DÉCISION ATTAQUÉE PAR LE MOYEN       (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)

AUX MOTIFS QUE l'incapacité temporaire totale de travail qui constituait un des risques couverts par l'assureur se trouvait caractérisée, au sens contractuel et plus précisément par l'article 2.3 de la convention d'assurance, par l'impossibilité absolue de reprendre une activité professionnelle quelconque même à temps partiel ; qu'il ressortait du rapport d'expertise médicale établi par le docteur Pierre NORMAND le 27 janvier 1996 que M. Dxxxx était totalement inapte à exercer son activité de plâtrier peintre dans la mesure où cette profession requérait l'intégrité des membres inférieurs mais qu'il était cependant apte à exercer partiellement une activité socialement équivalente ou une autre activité professionnelle excluant les déplacements ou des stations debout prolongées et ce depuis le 7 avril 1995 ; que dans la mesure où l'incapacité temporaire totale de travail définie par le contrat d'assurance consistait dans l'impossibilité absolue de reprendre une activité professionnelle quelconque même à temps partiel et non l'activité de plâtrier peintre exercée par M. Dxxxx, ce dernier ne pouvait prétendre que les conditions de l'ITT telles que définies par le contrat d'assurance se trouvaient réunies ; qu'il ne pouvait non plus être soutenu que l'exercice d'une profession même manuelle à temps partiel excluant des déplacements ou la station debout de manière prolongée serait utopique, même pour M. Dxxxx qui ne justifiait pas être dans l'impossibilité absolue d'exercer une activité professionnelle autre que la sienne ; que dès lors l'exclusion du risque garanti au titre de l'incapacité temporaire totale de travail en cas d'aptitude physique à exercer une profession dans de telles conditions ne constituait pas un déséquilibre significatif entre les droits et obligations des parties au contrat au sens de l'article L.132-1 du Code de la consommation , les primes d'assurance étant versées en contrepartie d'une garantie couvrant non seulement l'incapacité temporaire totale de travail telle que définie au contrat mais également le décès et l'incapacité permanente absolue ; qu'en outre la détermination des conditions de la garantie de l'ITT par l'article 2.3 du contrat, qui entraient dans la définition de l'objet principal du contrat, était exclue du champ d'application de l'article L.132-1, alinéa 1er, du Code de la consommation , en application de l'alinéa 7 de ce texte ; que M. Dxxxx faisait par ailleurs valoir que le délai de carence de 120 jours prévu par le contrat en matière d'ITT était également constitutif d'un déséquilibre significatif au sens de l'article L. 132-1 du Code de la consommation ; que la portée de cette stipulation se trouvait cependant réduite par l'absence d'application d'un nouveau délai de carence en cas de nouvelle incapacité temporaire totale de travail si la durée de la reprise d'activité était inférieure à 91 jours ; que si le paiement de primes durant le délai de carence s'opérait sans contrepartie de garantie au titre de l'ITT, il était cependant avéré que se trouvaient également couverts en contrepartie des primes versées le risque décès et le risque incapacité permanente absolue ; qu'en conséquence, le délai de carence de 120 jours en matière d'ITT n'était pas constitutif d'un déséquilibre significatif entre les droits et obligations des parties au contrat ;

 

MOYEN (critiques juridiques formulées par le demandeur)                                (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)

ALORS QUE, d'une part, dans les contrats conclus entre professionnels et non professionnels ou consommateurs, sont abusives les clauses qui ont pour objet ou pour effet de créer, au détriment du non-professionnel ou du consommateur, un déséquilibre significatif entre les droits et obligations des parties ; que la clause stipulée à l'article 2.3 du contrat d'assurance subordonnant le risque garanti au titre de l'incapacité temporaire totale de travail à ''l'impossibilité absolue de reprendre une activité professionnelle quelconque, même à temps partiel'', avait pour effet, d'un côté, de priver la garantie de toute application possible, l'adhérent disposant toujours de la faculté de se livrer à une activité, même strictement intellectuelle, de l'autre, de conférer à l'assureur la possibilité, en toute hypothèse, de décliner sa garantie de façon quasi systématique, ce dont il ressortait qu'elle conférait à l'assureur un avantage excessif en réduisant l'aléa au point de le rendre exceptionnel et revêtait par là même un caractère abusif ; qu'en décidant le contraire, après avoir relevé que l'assuré ne justifiait pas d'une incapacité correspondant à la définition qu'en donnait le contrat, pour retenir que l'exclusion du risque garanti au titre de l'ITT ne constituait pas un déséquilibre significatif des droits et obligations des parties, les primes d'assurance étant versées en contrepartie d'une garantie couvrant non seulement l'incapacité temporaire totale de travail telle que définie au contrat mais également le décès et l'invalidité permanente absolue, sans même vérifier que, indépendamment de l'existence d'une contrepartie, la clause litigieuse créait en elle-même un déséquilibre significatif entre les parties, la Cour d'appel n'a pas légalement justifié sa décision au regard de l'article L.132-1 du Code de la consommation ;

ALORS QUE, en outre, si les clauses portant sur la définition de l'objet principal du contrat ou sur l'adéquation du prix ou de la rémunération au bien vendu ou au service offert échappent à un contrôle de leur caractère abusif, cela ne vaut que pour autant qu'elles sont rédigées de façon claire et compréhensible ; qu'en affirmant péremptoirement, pour exclure toute appréciation du caractère abusif de la clause définissant l'ITT, que la détermination des conditions de cette garantie, qui entraient dans la définition de l'objet principal du contrat, était exclue du champ d'application de l'article L.132-1, alinéa 1er, du Code de la consommation , en application de l'alinéa 7 de ce texte, sans s'expliquer sur la clarté et l'intelligibilité de ladite clause ni rechercher si elle nécessitait une interprétation qui pouvait en révéler le caractère abusif, la Cour d'appel a privé sa décision de toute base légale au regard des articles 1134 du Code civil et L.132-1 du Code de la consommation ;

ALORS QUE, d'autre part, dans les contrats d'assurance liés à une opération de crédit, sont abusives les clauses prévoyant un délai de carence d'une durée telle qu'il dénature les garanties concernées en considération notamment de la durée du prêt auquel elles se rapportent ; qu'en se bornant à énoncer, pour décider que le délai de carence de 120 jours n'était pas constitutif d'un déséquilibre significatif, qu'étaient assurés en contrepartie des primes versées au cours de cette période le risque décès et le risque incapacité permanente absolue, quand elle devait s'expliquer sur la durée du délai de carence comparativement à celle convenue pour le remboursement du prêt, ne caractérisant ainsi nullement l'absence d'avantage excessif, la Cour d'appel n'a pas conféré de base légale à sa décision au regard de l'article L.132-1 du Code de la consommation .