CEntre de Recherche sur les CLauses ABusives
Résultats de la recherche

CA NANCY (1re ch. civ.), 17 décembre 2001

Nature : Décision
Titre : CA NANCY (1re ch. civ.), 17 décembre 2001
Pays : France
Juridiction : Nancy (CA), 1re ch. civ.
Demande : 99/01709
Décision : 2721/01
Date : 17/12/2001
Nature de la décision : Infirmation
Date de la demande : 14/06/1999
Décision antérieure : TGI EPINAL, 4 juin 1999, CASS. CIV. 1re, 10 février 2004, CA NANCY (1re ch. civ.), 12 octobre 2006
Numéro de la décision : 2721
Imprimer ce document

 

CERCLAB - DOCUMENT N° 1568

CA NANCY (1re ch. civ.), 17 décembre 2001 : RG n° 99/01709 ; arrêt n° 2721/01

(sur pourvoi : Cass. civ. 1er, 10 février 2004 : pourvoi n° 02-12.424 (cassation))

 

Extrait  « Que dès lors l'exclusion du risque garanti au titre de l'incapacité totale de travail en cas d'aptitude physique à exercer une profession dans de telles conditions ne constitue pas un déséquilibre significatif entre les droits et obligations des parties au contrat au sens de l'article L. 132-1 du code de la consommation, les primes d'assurance étant versées en contrepartie d'une garantie couvrant non seulement l'incapacité totale de travail telle que définie au contrat mais également le décès et l'invalidité permanente et absolue ; Qu'en outre la détermination des conditions de la garantie de l'I.T.T. par l'article 2.3 du contrat qui entrent dans la définition de l'objet principal du contrat sont exclus du champ d'application de l'article L. 132-1 alinéa 1er du code de la consommation, en application de l'alinéa 7 de ce texte ;

Attendu que Monsieur X. fait valoir que le délai de carence de 120 jours prévu par le contrat en matière d'I.T.T. est également constitutif d'un déséquilibre significatif au sens de l'article L.132-1 du Code de la consommation ; Mais attendu que la portée de cette disposition contractuelle se trouve réduite par l'absence d'application d'un nouveau délai de carence en cas de nouvelle incapacité totale de travail si la durée de la reprise d'activité a été inférieure à 91 jours ; Que si le paiement de primes durant le délai de carence s'opère sans contrepartie de garantie au titre de l'I.T.T., il est cependant avéré que se trouvent également couverts en contrepartie des primes versées le risque décès et le risque incapacité permanente et absolue ; Attendu en conséquence que le délai de carence de 120 jours, en matière d'I.T.T. n'est pas constitutif d'un déséquilibre significatif entre les droits et obligations des parties au contrat ».

 

REPUBLIQUE FRANCAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS

 

COUR D’APPEL DE NANCY

PREMIÈRE CHAMBRE CIVILE

ARRET DU 17 DÉCEMBRE 2001

 

ÉLÉMENTS D’IDENTIFICATION DE LA DÉCISION                      (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)

R.G. n° 99/01709. Arrêt n° 2721/01. Sur appel de TGI Épinal 4 juin 1999 : RG n° 96/02467.

LA COUR D'APPEL DE NANCY, première chambre civile a rendu l'arrêt suivant :

 

APPELANTE :

Compagnie d'assurances CNP ASSURANCES

ayant son siège [adresse], agissant poursuites et diligences de ses représentants légaux pour ce, domiciliés audit siège, représentée par la SCP BONET-LEINSTER-WISNIEWSKI, avoués à la Cour ; assistée de Maître VOGEL, avocat au barreau d'ÉPINAL ;

 

INTIMÉ :

Monsieur X.,

le […], demeurant [adresse], agissant tant en son nom personnel qu'en qualité de gérant de la SCI Y., dont le siège est lieudit [adresse], représenté par la SCP Alain CHARDON, avoué associé à la Cour, dont la nouvelle dénomination est désormais la SCP CHARDON-NAVREZ, avoués associés à la Cour ; assisté de Maître WELZER, substitué par Maître LEVREY, avocats au barreau d'ÉPINAL ;

 

COMPOSITION DE LA COUR : Lors des débats : Président de Chambre : Madame Monique DORY, Conseillers : Madame Martine CONTE, Monsieur Gérard SCHAMBER,

Greffier : Madame Agnès STUTZMANN,

Lors du délibéré : Président de Chambre : Madame Monique DORY, Conseillers : Madame Martine CONTE, Monsieur Gérard SCHAMBER,

DÉBATS : A l'audience publique du 19 novembre 2001 ; L'affaire a été mise en délibéré pour l'arrêt être rendu le 17 décembre 2001 ; A l'audience du 17 décembre 2001, la Cour après en avoir délibéré conformément à la Loi, a rendu l'arrêt dont la teneur suit :

[minute page 2]

EXPOSÉ DU LITIGE                                                                         (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)

EXPOSÉ DU LITIGE :

Le 20 juillet 1992, la SCI Y. a souscrit un prêt de 800.000 francs auprès de la Banque la Hénin, garantie par la caution de son gérant Monsieur X., artisan peintre, qui a adhéré à un contrat d'assurance groupe auprès de CNP Assurances, garantissant les risques décès, invalidité permanente et absolue (I.P.A.) et incapacité temporaire totale de travail (I.T.T.).

En août 1994, Monsieur X. a ressenti des douleurs au pied gauche et a été mis en arrêt de travail le 2 septembre 1994 ; depuis le 1er décembre 1994, sa caisse d'assurance sociale, l'A.V.A. de Lorraine, lui verse une pension d'incapacité totale à exercer son métier.

Après expertise, CNP Assurances a refusé la prise en charge de Monsieur X. avec effet au 6 avril 1995.

Par acte du 14 novembre 1996, Monsieur X. a fait assigner CNP Assurances devant le Tribunal de Grande Instance d'ÉPINAL aux fins de prise en charge du remboursement des échéances du prêt avec effet rétroactif au 6 avril 1995 sur le fondement de l'article 2.3 du contrat d'assurance concernant la garantie en cas d'I.T.T. ; il demandait de déclarer abusive la clause prévoyant un délai de carence de 120 jours et celle subordonnant la prise en charge au titre de l'I.T.T. à « être dans l'impossibilité absolue de reprendre une activité professionnelle quelconque même à temps partiel » ; il sollicitait, en outre, 50.000 francs de dommages et intérêts pour résistance abusive et 5.000 francs au titre de l'article 700 du Nouveau Code de Procédure Civile.

CNP Assurances concluait au débouté de toutes les demandes et sollicitait 5.000 francs au titre de l'article 700 du Nouveau Code de Procédure Civile ;

Par jugement rendu le 4 juin 1999, le Tribunal de Grande Instance d'ÉPINAL a :

- Déclaré réputée non écrite la clause de l'article 2.3 du contrat d'assurance ainsi conçue : « dans l'impossibilité absolue de reprendre une activité professionnelle quelconque, même à temps partiel ».

- [minute page 3] Condamné CNP Assurances à prendre en charge les mensualités du prêt souscrit par la SCI Y. auprès de la banque « La Hénin » à compter du 5 août 1995 et dit que pour les mensualités payées par Monsieur X. à compter de cette date la CNP Assurances est condamnée à les lui rembourser.

- Condamné CNP Assurances à payer à Monsieur X. 35.000 francs de dommages-intérêts avec intérêts au taux légal à compter de ce jour.

- Ordonné l'exécution provisoire.

- Condamné CNP Assurances à payer à Monsieur X. 5.000 francs, sur le fondement de l'article 700 du Nouveau Code de Procédure Civile.

- Débouté les parties du surplus de leurs demandes.

- Condamné CNP Assurances aux dépens.

Appel de cette décision a été interjeté par CNP Assurances suivant déclaration du 14 juin 1999 ; elle demande à la Cour de :

- Déclarer recevable et bien fondé son appel ; y faire droit.

- Infirmer en conséquence le jugement entrepris et statuant à nouveau.

- Débouter le sieur X. de sa demande tendant à obtenir la condamnation de la compagnie concluante à prendre en charge les mensualités du prêt souscrit par la SCI Y. auprès de la banque « LA HENIN » à compter du 5 août 1995.

- Le débouter également de sa demande de dommages et intérêts.

- Le débouter de toutes ses demandes, fins et conclusions contraires, y compris celles relatives à l'article 700 du Nouveau Code de Procédure Civile.

- Le condamner en tous les dépens d'instance et d'appel, ces derniers étant recouvrés directement par la SCP BONET, LEINSTER et WISNIEWSKI, avoués associés, conformément aux dispositions de l'article 699 du Nouveau Code de Procédure Civile.

[minute page 4] Par conclusions de son mandataire, Monsieur X., formant appel incident, demande à la Cour de :

- Déclarer la CNP Assurances mal fondée en son appel.

- Le débouter de toutes ses demandes, fins et conclusions.

- Confirmer le jugement entrepris en toutes ses dispositions et notamment en ce qu'il a déclaré réputée non écrite la clause de l'article 2.3 du contrat d'assurance ainsi conçue : « dans l'impossibilité absolue de reprendre une activité professionnelle quelconque, même à temps partiel » et a condamné la CNP Assurances à prendre en charge les mensualités du prêt souscrit par la SCI Y. auprès de la Banque LA HENIN et l'a condamnée à rembourser les mensualités payées par Monsieur X.

- Confirmer également le jugement entrepris en ce qu'il a condamné la CNP Assurances à payer à Monsieur X. la somme de 35.000 francs à titre de dommages et intérêts avec intérêts au taux légal à compter de la date du jugement entrepris.

Et, recevant Monsieur X. en sa demande reconventionnelle,

- Déclarer également réputée non écrite la clause de l'article 2.3 du contrat d'assurance prévoyant un délai de carence de 120 jours.

En conséquence,

- Condamner la CNP Assurances à prendre en charge les mensualités du prêt souscrit par la SCI Y. auprès de la Banque LA HÉNIN à compter du 7 avril 1995, date à laquelle a été fixée l'incapacité de travail professionnelle de Monsieur X. et dire que, pour les mensualité payées par Monsieur X. à compter de cette date, la C.N.P Assurances est condamnée à les lui rembourser.

- Condamner en tout état de cause la CNP Assurances à payer à Monsieur X. la somme de 10.000 francs au titre de l'article 700 du Nouveau Code de Procédure Civile.

- [minute page 5] La condamner également aux entiers dépens de première instance et d'appel dont le montant pourra être recouvré directement par la SCP CHARDON, avoué associé, conformément aux dispositions de l'article 699 du Nouveau Code de Procédure Civile.

 

MOTIFS (justification de la décision)                                                 (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)

SUR CE :

Vu la décision entreprise ;

Vu les dernières conclusions déposées par la SCP BONET, LEINSTER et WISNIEWSKI le 14 octobre 1999 et par la SCP CHARDON le 13 décembre 2000 ;

Vu l'ordonnance de clôture en date du 26 mars 2001 ;

Attendu que la CNP Assurances critique la décision du premier juge qui a considéré que la clause de l'article 2.3 du contrat caractérisant l'I.T.T. comme étant « l'impossibilité absolue de reprendre une activité professionnelle quelconque, même à temps partiel » est abusive au sens de l'article L. 132-1 du code de la consommation, dans la mesure où :

- eu égard à l'état de Monsieur X. ce dernier ne peut exercer qu'une activité théorique dans la mesure où il est travailleur manuel et qu'il ne peut opérer de déplacements ni observer de stations debout prolongées

- la cotisation d'assurance est de 240,47 francs par mois soit pour les 12 années correspondant au contrat de prêt 30.539,69 francs

- le délai d'attente est de 360 jours

- l'I.P.A. ne peut être indemnisée qu'en cas d'état végétatif de l'assuré ;

Qu'elle fait valoir en effet que l'I.T.T. est clairement définie comme l'impossibilité par Monsieur X. d'exercer une activité professionnelle et non son activité professionnelle, que le risque garanti est bien réel et ne peut revêtir un caractère abusif dès lors que le taux de prime fixé correspond à la catégorie de ce risque et à l'importance de la garantie ;

[minute page 6] Que Monsieur X. estime qu'en réalité il se trouve bien en I.T.T. et que les dispositions de l'article 2.3 du contrat qui doivent trouver à s'appliquer sont manifestement abusives dans la mesure où, ne pouvant plus exercer sa profession, il ne peut non plus exercer une autre activité eu égard à ses capacités de travailleur manuel et aux caractéristiques de son état médical, ce qui est le cas pour tout assuré qui ne peut prétendre réunir toutes les conditions requises pour constituer l'I.T.T. au sens contractuel

Attendu que l'incapacité totale de travail qui constitue l'un des risques couverts par l'assureur se trouve caractérisée, au sens contractuel et plus précisément par l'article 2.3 de la convention d'assurance liant les parties par l'impossibilité absolue de reprendre une activité professionnelle quelconque même à temps partiel ;

Attendu qu'il ressort du rapport d'expertise médicale établi par le docteur Z. le 27 janvier 1996 que Monsieur X. est totalement inapte à exercer son activité de plâtrier peintre dans la mesure où cette profession requiert l'intégrité des membres inférieurs mais qu'il est cependant apte à exercer partiellement une activité socialement équivalente ou une autre activité professionnelle excluant les déplacements ou des stations debout prolongées et ce depuis le 7 avril 1995 ;

Que dans la mesure où l'incapacité totale de travail définie par le contrat d'assurance consiste dans l'impossibilité absolue de reprendre une activité professionnelle quelconque même à temps partiel et non l'activité de plâtrier peintre exercée par Monsieur X., ce dernier ne saurait prétendre que les conditions de l'I.T.T. telles que définies au contrat d'assurance se trouvent réunies ;

Qu'il ne saurait non plus être soutenu que l'exercice d'une profession même manuelle à temps partiel excluant des déplacements ou la station debout de manière prolongée serait utopique, même pour Monsieur X. qui ne justifie pas être dans l'impossibilité absolue d'être capable d'exercer une activité professionnelle autre que la sienne

Que dès lors l'exclusion du risque garanti au titre de l'incapacité totale de travail en cas d'aptitude physique à exercer une profession dans de telles conditions ne constitue pas un déséquilibre significatif entre les droits et obligations des parties au contrat au sens de l'article L. 132-1 du code de la consommation, les primes d'assurance étant versées en contrepartie d'une garantie couvrant non seulement l'incapacité totale de travail telle que définie au contrat mais également le décès et l'invalidité permanente et absolue ;

[minute page 7] Qu'en outre la détermination des conditions de la garantie de l'I.T.T. par l'article 2.3 du contrat qui entrent dans la définition de l'objet principal du contrat sont exclus du champ d'application de l'article L. 132-1 alinéa 1er du code de la consommation, en application de l'alinéa 7 de ce texte ;

Attendu que Monsieur X. fait valoir que le délai de carence de 120 jours prévu par le contrat en matière d'I.T.T. est également constitutif d'un déséquilibre significatif au sens de l'article L.132-1 du Code de la consommation ;

Mais attendu que la portée de cette disposition contractuelle se trouve réduite par l'absence d'application d'un nouveau délai de carence en cas de nouvelle incapacité totale de travail si la durée de la reprise d'activité a été inférieure à 91 jours ;

Que si le paiement de primes durant le délai de carence s'opère sans contrepartie de garantie au titre de l'I.T.T., il est cependant avéré que se trouvent également couverts en contrepartie des primes versées le risque décès et le risque incapacité permanente et absolue ;

Attendu en conséquence que le délai de carence de 120 jours, en matière d'I.T.T. n'est pas constitutif d'un déséquilibre significatif entre les droits et obligations des parties au contrat ;

Attendu en conséquence qu'il convient d'infirmer la décision entreprise en toutes ses dispositions, et de débouter Monsieur X. de l'ensemble de ses demandes ;

Attendu que Monsieur X. qui succombe doit être condamné aux dépens de première instance et d'appel et débouté de sa demande fondée sur l'article 700 du Nouveau Code de Procédure Civile ;

 

DISPOSITIF (décision proprement dite)                                            (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)

PAR CES MOTIFS :

LA COUR, statuant publiquement et contradictoirement,

Déclare la compagnie CNP Assurances recevable en son appel dirigé contre un jugement rendu le 4 juin 1999 par le Tribunal de Grande Instance d' ÉPINAL ;

Infirme le jugement entrepris ;

[minute page 8] et statuant à nouveau :

Déboute Monsieur X. de l'ensemble de ses demandes ;

Le condamne aux dépens de première instance et d'appel et autorise la SCP BONET, LEINSTER et WISNIEWSKI, avoués associés à la Cour, à faire application de l'article 699 du Nouveau Code de Procédure Civile.

L'arrêt a été prononcé à l'audience publique du dix sept Décembre deux mille un par Madame DORY, Présidente de la première chambre civile à la Cour d'Appel de NANCY, conformément à l'article 452 du Nouveau Code de Procédure Civile, assistée de Madame STUTZMANN, greffière.

Et Madame la Présidente a signé le présent arrêt ainsi que la Greffière.