CA AIX-EN-PROVENCE (2e ch.), 14 février 2008
CERCLAB - DOCUMENT N° 2217
CA AIX-EN-PROVENCE (2e ch.), 14 février 2008 : RG n° 06/13873 ; arrêt n° 2008/69
Extrait : « Il est admis que la société WINCO a démarché la société APPIA par l'intermédiaire de l'un de ses agents commerciaux, pour lui proposer l'installation et le financement d'un système de conditionnement d'air dans ses locaux professionnels. Cependant la société APPIA ne peut se prévaloir des dispositions des articles L. 121-21 et suivants du Code de la consommation lui ouvrant un délai de réflexion avec faculté de rétractation dans la mesure ou l'article L. 121-22 de ce code exclut « les ventes ou locations-ventes de biens lorsqu'elles ont un rapport direct avec les activités exercées dans le cadre d'une exploitation agricole, industrielle, commerciale ou artisanale ». En effet, ce matériel étant destiné à équiper la salle de restaurant et les locaux annexes exploités par la société APPIA, et à assurer le confort tant de la clientèle que du personnel, participe incontestablement aux conditions d'exploitation et donc à l'activité commerciale. C'est donc à bon droit que les premiers juges ont écarté les dispositions précitées pour trancher le litige. »
COUR D’APPEL D’AIX-EN-PROVENCE
DEUXIÈME CHAMBRE
ARRÊT DU 14 FÉVRIER 2008
ÉLÉMENTS D’IDENTIFICATION DE LA DÉCISION (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)
R.G. n° 06/13873. Arrêt n° 2008/69.
Décision déférée à la Cour : Jugement du Tribunal de Commerce de MARSEILLE en date du 29 juin 2006 enregistré au répertoire général sous le n° 2005F03120.
APPELANTE :
SARL WINCO
dont le siège est sis [adresse], représentée par la SCP DE SAINT FERREOL-TOUBOUL, avoués à la Cour, plaidant par Maître Etienne SACOUN, avocat au barreau de MARSEILLE.
INTIMÉE :
SARL APPIA
dont le siège est sis [adresse], représentée par la SCP BOTTAI-GEREUX-BOULAN, avoués à la Cour, plaidant par Maître Michel BOULAN substitué par Maître Richard DAZIN, avocats au barreau d'AIX EN PROVENCE.
[minute Jurica page 2]
COMPOSITION DE LA COUR : L'affaire a été débattue le 17 janvier 2008 en audience publique devant la Cour composée de :
Monsieur Robert SIMON, Président
Monsieur Baudouin FOHLEN, Conseiller
Monsieur André JACQUOT, Conseiller
qui en ont délibéré.
Greffier lors des débats : Madame Mireille MASTRANTUONO
Les parties ont été avisées que le prononcé public de la décision aurait lieu par mise à disposition au greffe le 14 février 2008.
ARRÊT : Contradictoire. Prononcé par mise à disposition au greffe le 14 février 2008. Signé par Monsieur Robert SIMON, Président, et Madame Mireille MASTRANTUONO, greffier auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.
EXPOSÉ DU LITIGE (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)
Les faits :
Selon acte sous seing privés du 5 avril 2005, la société APPIA a souscrit auprès de la société WINCO un contrat de location et de maintenance d'un matériel de conditionnement d'air pour le local commercial qu'elle exploite à [ville C.] à l'enseigne RISTORANTE X. et ce pour une durée de 48 mois moyennant un loyer mensuel de 215,28 euros TTC.
L'installation du matériel, nécessitant la pose d'un appareil en façade extérieure, le bailleur du local s'opposait à cet aménagement. Selon courrier recommandé du 7 avril 2005, la société APPIA en informait la société WINCO et dénonçait le contrat. Elle confirmait cette résiliation par nouveau courrier recommandé du 12 avril 2005 en invoquant un délai de rétractation de sept jours. Selon courrier en réplique du 14 avril 2005, la société WINCO s'y est opposée.
La procédure :
Sur assignation en résiliation et paiement de dommages intérêts de la société WINCO, le Tribunal de Commerce de Marseille par jugement contradictoire du 29 juin 2006 a :
- constaté la résiliation de plein droit du contrat du 5 avril 2005 ;
- condamné la société APPIA à payer à la société WINCO les sommes de 232,50 euros avec intérêts au taux mensuel de 1,5 % et de un euro à titre principal et celle de 100 euros en application de l'article 700 du nouveau code de procédure civile.
[minute Jurica page 3] La société WINCO a relevé appel de ce jugement le 28 juillet 2005, et soutient dans ses conclusions récapitulatives du 6 décembre 2007 que :
- une société commerciale ne peut bénéficier des dispositions du code de la consommation relatives au délai de rétractation ;
- ce n'est que par la seule obstruction de la société APPIA que le matériel n'a pu être livré ;
- le contrat a reçu un commencement d'exécution puisque le matériel a été commandé et qu'un dossier de financement a été mis en place ;
- le contrat a été résilié de plein droit en l'état de la carence de la société APPIA mise en demeure de l'exécuter depuis le 15 avril 2005 ;
- les articles 13 du contrat de location et 8 du contrat de maintenance constituent des clauses résolutoires et non des clauses pénales et seule la majoration de 10% relève de la clause pénale.
La société WINCO conclut à la confirmation du jugement en ce qu'il porte condamnation au paiement des mensualités impayées pour 232,50 euros et à son infirmation pour le surplus. Elle réclame paiement des sommes de 11.129,97 euros à titre principal et de 1.500 euros pour frais de procédure.
Dans ses conclusions du 16 février 2007, la société APPIA soutient pour sa part que :
- la prestation de conditionnement d'air n'ayant pas un rapport direct avec l'activité de restauration, un professionnel peut bénéficier de la protection conférée par le code de la consommation en matière de démarchage à domicile et le jugement doit être réformé en ce sens ;
- le contrat a été souscrit sous la condition suspensive explicite d'obtenir un financement et de réaliser l'installation du matériel et sous la condition implicite d'obtenir l'autorisation du bailleur ;
- seule la livraison et l'installation emportent exécution définitive et irrévocable du contrat ;
- la société WINCO ne peut se prévaloir des causes et conditions de la résiliation figurant au paragraphe 13 du contrat de location, aucune des situations visées ne correspondant à l'objet du litige ;
- en tout état de cause, la société WINCO ne peut prétendre en application de l'article 1152 du Code civil qu'au paiement d'une indemnité correspondant au préjudice réellement subi ;
- aucune installation n'ayant eu lieu, l'indemnité arbitrée à un euro par le Tribunal est justifiée.
La société APPIA conclut au rejet des demandes de la société WINCO et subsidiairement à la confirmation du jugement déféré ainsi qu'au paiement par la société WINCO d'une indemnité de 1.000 euros pour frais de procédure.
L'ordonnance de clôture a été rendue le 17 décembre 2007.
MOTIFS (justification de la décision) (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)
DISCUSSION :
Sur le démarchage :
Il est admis que la société WINCO a démarché la société APPIA par l'intermédiaire de l'un de ses agents commerciaux, pour lui proposer l'installation et le financement d'un système de [minute Jurica page 4] conditionnement d'air dans ses locaux professionnels.
Cependant la société APPIA ne peut se prévaloir des dispositions des articles L. 121-21 et suivants du Code de la consommation lui ouvrant un délai de réflexion avec faculté de rétractation dans la mesure ou l'article L. 121-22 de ce code exclut « les ventes ou locations-ventes de biens lorsqu'elles ont un rapport direct avec les activités exercées dans le cadre d'une exploitation agricole, industrielle, commerciale ou artisanale ».
En effet, ce matériel étant destiné à équiper la salle de restaurant et les locaux annexes exploités par la société APPIA, et à assurer le confort tant de la clientèle que du personnel, participe incontestablement aux conditions d'exploitation et donc à l'activité commerciale.
C'est donc à bon droit que les premiers juges ont écarté les dispositions précitées pour trancher le litige.
Au fond :
La société APPIA ayant bénéficié d'un accord de financement de la société KBC LEASE, ainsi qu'il ressort de la télécopie adressée le 6 avril 2005 par cet établissement financier à la société WINCO, la condition suspensive a été réalisée par le fournisseur et la société APPIA ne peut plus l'opposer à la société WINCO. De même c'est en vain qu'elle tente de se prévaloir d'une condition implicite à savoir l'acceptation par le bailleur de la pose d'un module extérieur en façade alors que d'une part la société WINCO la conteste faute de production d'un règlement de copropriété interdisant l'installation de climatisateurs en façade et que d'autre part la société APPIA ne s'explique pas sur la faculté invoquée par la société WINCO d'installer, à coût égal, un système de conditionnement sans groupe extérieur.
Aucune cause de nullité n'affecte ainsi la convention litigieuse.
* * *
Sa résiliation est imputable à la société APPIA qui n'a pas réglé les loyers convenus et n'a pas réceptionné le matériel.
En prévoyant qu'elle impose au locataire de régler « une somme égale à la totalité des loyers restant à courir jusqu'à la fin du contrat telle que prévue à l'origine », les parties ont nécessairement convenu d'évaluer forfaitairement et à l'avance l'indemnité devant revenir au bailleur. L'article 13 du contrat de location relève donc de la clause pénale prévue à l'article 1152 du Code civil que le juge peut modérer lorsqu'elle est manifestement excessive. Il en va de même des dispositions de l'article 8 du contrat de prestation de conditionnement d'air indiquant que « le solde des mensualités de la période contractuelle deviendra immédiatement exigible pour compensation de préjudice » résultant de la résiliation du contrat. Or la société APPIA soutient utilement que le matériel n'a pas été mis en œuvre, et pouvait ainsi être utilisé à d'autres fins, la société WINCO ne justifiant aucunement de son caractère spécifique ou d'une adaptation exclusive aux locaux de la société APPIA. La Cour ajoute que le financement n'a pas plus été mis en place et que rien n'indique que le matériel litigieux ait été commandé ou stocké.
C'est donc à bon droit que les premiers juges ont fixé à un euro les dommages intérêts devant revenir à la société WINCO.
* * *
Aucune circonstance économique ou d'équité ne conduit la Cour à écarter l'application de l'article 700 du Code de procédure civile.
La société WINCO qui succombe dans son recours en supportera les dépens.
DISPOSITIF (décision proprement dite) (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)
[minute Jurica page 5] PAR CES MOTIFS :
LA COUR, statuant publiquement et contradictoirement, par arrêt mis à disposition au greffe,
Reçoit l'appel ;
Confirme le jugement déféré rendu par le Tribunal de Commerce de Marseille ;
Y ajoutant :
Condamne la société WINCO à payer à la société APPIA la somme de 1.000 € (mille euros) en application de l'article 700 du Code de procédure civile.
La condamne aux dépens et autorise la SCP BOTTAÏ-GEREUX, avoués à les recouvrer selon les modalités prévues aux dispositions de l'article 699 du Code de procédure civile.
LE GREFFIER LE PRÉSIDENT
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