CA AMIENS (1re ch. 2e sect.), 15 novembre 2007
CERCLAB - DOCUMENT N° 2231
CA AMIENS (1re ch. 2e sect.), 15 novembre 2007 : RG n° 06/01528
Extraits : 1/ « Attendu que la cour ne saurait statuer sur la validité ou la nullité du contrat de fourniture et de maintenance de matériel informatique conclu le 6 mars 2002 entre Madame X. et la société PROTECNICOM FRANCE, sans que les organes de la procédure de liquidation judiciaire de la société PROTECNICOM FRANCE SA aient été appelés en cause, étant observé qu'ils n'ont pas davantage été partie en première instance ; Attendu que la demande formée par Madame X. tendant à l'annulation du contrat de fourniture et de maintenance du 6 mars 2002 est donc irrecevable ».
2/ « Qu'en effet, contrairement à ce que soutient la société GRENKE LOCATION, le contrat de location d'un ordinateur et d'une imprimante conclu par Madame X. n'a pas un rapport direct avec l'activité d'exploitant agricole et d'éleveur canin exercée par celle-ci dans la mesure où cette société ne démontre pas que le dit contrat de location a eu pour effet par lui-même de développer son activité de production et de commercialisation de ses produits, autrement dit d'accroître son potentiel commercial, quand bien même il résulte des mentions pré-imprimées du contrat de location que Madame X. a déclaré et attesté que « le matériel loué est strictement et exclusivement destiné à l'exercice de son activité sociale ou professionnelle et qu'il est en rapport direct avec celle-ci » ; Qu'en conséquence, Madame X. doit être considérée comme un consommateur non professionnel, bénéficiant à ce titre des dispositions législatives précitées ».
COUR D’APPEL D’AMIENS
PREMIÈRE CHAMBRE, DEUXIÈME SECTION
ARRÊT DU 15 NOVEMBRE 2007
ÉLÉMENTS D’IDENTIFICATION DE LA DÉCISION (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)
R.G. n° 06/01528. APPEL DES JUGEMENTS DU TRIBUNAL D'INSTANCE DE SAINT-QUENTIN des 5 juillet 2005 et 20 janvier 2006.
PARTIES EN CAUSE :
APPELANTE :
SA GRENKE LOCATION
[adresse], représentée par la SCP LE ROY, avoué à la Cour et ayant pour avocat Maître ANTONINI du barreau de SAINT-QUENTIN.
ET :
INTIMÉE :
Madame X.
[adresse], représentée par la SCP SELOSSE BOUVET ET ANDRE, avoués à la Cour et plaidant par Maître LOMBARD, avocat au barreau de SAINT-QUENTIN. Bénéficiaire d'une aide juridictionnelle Totale numéro 2006/XX du [date] accordée par le bureau d'aide juridictionnelle d'AMIENS.
[minute Jurica page 2]
DÉBATS : A l'audience publique du 18 septembre 2007 devant Madame SCHOENDOERFFER, Président et M. FLORENTIN, Conseiller, entendu en son rapport, magistrats siégeant à deux, sans opposition des avocats, en vertu de l'article 786 du nouveau Code de procédure civile. Le Président a avisé les parties à l'issue des débats que l'arrêt sera prononcé par sa mise à disposition au greffe le 15 novembre 2007.
GREFFIER : Madame AZAMA
COMPOSITION DE LA COUR LORS DU DÉLIBÉRÉ : Madame Le Président et M. Le Conseiller en ont rendu compte à la Cour composée de : Madame SCHOENDOERFFER, Président, M. FLORENTIN et Madame CORBEL, Conseillers qui en ont délibéré conformément à la Loi.
ARRÊT : Prononcé publiquement le 15 novembre 2007 par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du nouveau Code de procédure civile ; Madame SCHOENDOERFFER, Président, a signé la minute avec M. DROUVIN, Greffier.
MOTIFS (justification de la décision) (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)
DÉCISION :
Vu le jugement contradictoire rendu le 5 juillet 2005 par le tribunal d'instance de SAINT-QUENTIN ;
Vu le jugement contradictoire rendu le 20 janvier 2006 par le tribunal d'instance de SAINT-QUENTIN ;
Vu l'appel formé le 11 avril 2006 par la société GRENKE LOCATION SA ;
Vu les dernières conclusions déposées le 15 février 2007 pour la société GRENKE LOCATION SA ;
Vu les conclusions déposées le 6 décembre 2006 pour Madame X. ;
Vu l'ordonnance de clôture du 11 avril 2007 ;
EXPOSÉ DU LITIGE (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)
Dans le cadre d'un démarchage à domicile et par acte sous seing privé en date du 6 mars 2002, Madame X. a souscrit auprès de la société PROTECNICOM FRANCE, exerçant sous l'enseigne « WEB AND COM INTERNET SERVICES », un contrat « d'abonnement en informatique » [minute Jurica page 3] portant sur la fourniture et la maintenance de matériel informatique (ordinateur Hewlett Packard et imprimante).
Selon un « procès-verbal de prise en charge de l'installation » en date du 14 mars 2002, Madame X. a réceptionné le dit matériel informatique.
Par acte sous seing privé en date du 19 mars 2002, Madame X. a souscrit auprès de la société GRENKE LOCATION un « contrat de location » portant sur le dit matériel informatique, moyennant le paiement de 16 loyers trimestriels de 295,36 € TTC chacun.
Madame X. ayant interrompu les prélèvements des loyers sur son compte bancaire, à compter du mois de septembre 2003, au motif que le matériel informatique ne lui donnait pas satisfaction, la société GRENKE LOCATION s'est, par lettre recommandée du 12 décembre 2003 avec avis de réception, prévalue de la résiliation anticipée du contrat de location du fait du non paiement des loyers et l'a mise en demeure de restituer le matériel mis à sa disposition et de lui payer une indemnité de résiliation s'élevant à la somme de 3.052,08 €.
La mise en demeure du 12 décembre 2003 étant restée sans effet, la société GRENKE LOCATION a, par assignation du 25 août 2004, saisi le tribunal de commerce de SAINT-QUENTIN d'une demande à l'encontre de Madame X. en paiement de sa créance.
Le tribunal de commerce de SAINT-QUENTIN s'est déclaré incompétent, au motif que Madame X. avait le statut d'exploitant agricole et non celui de commerçant, et a renvoyé l'affaire devant le tribunal d'instance de SAINT-QUENTIN.
En l'absence de contredit et par le jugement du 5 juillet 2005 susvisé, le tribunal d'instance de SAINT-QUENTIN a statué en ces termes :
- prononce la nullité des contrats de location en date des 6 et 19 mars 2002 souscrits par Madame X. auprès de la société GRENKE LOCATION,
- dit que Madame X. devra restituer le matériel objet de la location, si ce n'est déjà fait,
- ordonne la réouverture des débats au 16 septembre 2005 et la production par Madame X. d'un décompte des sommes versées par elle depuis l'origine,
- dit n'y avoir lieu à exécution provisoire,
- réserve les dépens.
Par le jugement du 20 janvier 2006 susvisé, le tribunal a statué en ces termes :
- condamne la société GRENKE LOCATION à restituer à Madame X. la somme de 1.901,99 €,
- condamne la société GRENKE LOCATION aux dépens.
La société GRENKE LOCATION conclut à l'infirmation des deux jugements entrepris et demande à la cour de condamner Madame X. à lui payer la somme de 3.052,08 €, avec intérêts au taux légal à compter du 12 décembre 2003, date d'une mise en demeure ; elle sollicite la somme de 1.500 € sur le fondement de l'article 700 du nouveau code de procédure civile.
Elle fait valoir, en premier lieu, que le tribunal ne pouvait pas prononcer la nullité du contrat de fourniture et de maintenance du 6 mars 2002 et celle du contrat de location du 19 mars 2002 sans [minute Jurica page 4] avoir mis en cause la société PROTECNICOM FRANCE ; que la demande tendant à l'annulation des dits contrats est donc irrecevable.
En second lieu, elle indique que les dispositions des articles L. 121-23 à L. 121-28 du Code de la consommation, relatives aux opérations de démarchage visées à l'article L. 121-21 du dit code, ne sont pas applicables en l'espèce, dès lors que Madame X. a loué du matériel informatique dans le cadre de son activité professionnelle d'élevage canin, étant observé que le contrat d'abonnement a été établi au nom de l’« Élevage canin de la Ferme du Moulin de Pierre » sur lequel Madame X. a mentionné son numéro de Siret en se désignant « gérante » ; en outre, elle indique que le tribunal a commis une erreur en invoquant d'office les dispositions des articles L. 311-23 et 311-24 du Code de la consommation, relatives aux crédits affectés, dans la mesure où il résulte de l'article L. 311-3 du dit code que sont exclus de leur champ d'application les contrats destinés à financer les besoins d'une activité professionnelle.
Madame X. conclut à la confirmation des deux jugements entrepris et sollicite la somme de 2.000 € sur le fondement de l'article 700 du nouveau code de procédure civile.
Elle indique, en premier lieu, ne pas avoir à mettre en cause la société PROTECNICOM France qui a fait l'objet d'une mesure de liquidation judiciaire par jugement du tribunal de commerce de NANCY du 1er juillet 2003.
Elle fait, en second lieu, valoir que le contrat de fourniture de matériel informatique du 6 mars 2002 est soumis aux dispositions relatives au démarchage à domicile ; qu'elle n'a pas contracté en qualité de professionnelle ; que ni l'un ni l'autre des deux contrats ne prévoit de faculté de renonciation (article L. 121-23 du Code de la consommation) ni de formulaire détachable (article L. 121-24 du même code) ; qu'en conséquence, les deux contrats de fourniture de matériel informatique et de location sont nuls, conformément aux dispositions de l'article L. 121-23 du Code de la consommation, faisant observer que l'annulation du contrat principal de fourniture de matériel entraîne celle du contrat accessoire de location.
MOTIFS (justification de la décision) (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)
I - Sur la nullité du contrat de fourniture et de maintenance de matériel informatique du 6 mars 2002 :
Attendu que, selon un extrait k-bis du registre du commerce et des sociétés du tribunal de commerce de NANCY, la dite juridiction a, par jugement du 20 mai 2003, ouvert une procédure de redressement judiciaire à l'égard de la société PROTECNICOM FRANCE SA, qui a été convertie en liquidation judiciaire par jugement de ce même tribunal du 1er juillet 2003, Maître B., mandataire judiciaire à [ville V.], ayant été désigné en qualité de liquidateur ;
Attendu que la cour ne saurait statuer sur la validité ou la nullité du contrat de fourniture et de maintenance de matériel informatique conclu le 6 mars 2002 entre Madame X. et la société PROTECNICOM FRANCE, sans que les organes de la procédure de liquidation judiciaire de la société PROTECNICOM FRANCE SA aient été appelés en cause, étant observé qu'ils n'ont pas davantage été partie en première instance ;
Attendu que la demande formée par Madame X. tendant à l'annulation du contrat de fourniture et de maintenance du 6 mars 2002 est donc irrecevable ;
Attendu, en conséquence, qu'il y a lieu d'infirmer le jugement du 10 juin 2005 en ses dispositions qui ont déclaré nul le contrat de fourniture de matériel et de maintenance en date du 6 mars 2002 et [minute Jurica page 5] statuant à nouveau, de déclarer irrecevable la demande formée par Madame X. à ce titre ;
II - Sur la nullité du contrat de location du 19 mars 2002 :
Attendu que le contrat conclu le 19 mars 2002 entre la société GRENKE LOCATION et Madame X. étant un contrat de location et non un contrat de crédit affecté, les dispositions des articles L. 311-23 et suivants du Code de la consommation, visées par le premier juge, sont inapplicables en l'espèce ;
Attendu que le dit contrat de location, ayant été conclu dans le cadre d'un démarchage au domicile de Madame X., personne physique, est soumis aux dispositions des articles L. 121-21 et suivants du Code la consommation relatif aux opérations de démarchage :
Qu'en effet, contrairement à ce que soutient la société GRENKE LOCATION, le contrat de location d'un ordinateur et d'une imprimante conclu par Madame X. n'a pas un rapport direct avec l'activité d'exploitant agricole et d'éleveur canin exercée par celle-ci dans la mesure où cette société ne démontre pas que le dit contrat de location a eu pour effet par lui-même de développer son activité de production et de commercialisation de ses produits, autrement dit d'accroître son potentiel commercial, quand bien même il résulte des mentions pré-imprimées du contrat de location que Madame X. a déclaré et attesté que « le matériel loué est strictement et exclusivement destiné à l'exercice de son activité sociale ou professionnelle et qu'il est en rapport direct avec celle-ci » ;
Qu'en conséquence, Madame X. doit être considérée comme un consommateur non professionnel, bénéficiant à ce titre des dispositions législatives précitées ;
Attendu qu'en application des dispositions de l'article L. 121-23 7° du Code de la consommation, le contrat de location en cause doit comporter, à peine de nullité, « la faculté de renonciation prévue par l'article L. 121-25, ainsi que les conditions d'exercice de cette faculté et de façon apparente, le texte intégral des articles L. 121-23, L 121-24, L. 121-25 et L. 121-26 » ;
Attendu que ni le contrat de location du 19 mars 2002 ni les « conditions générales du contrat de location de longue durée » qui y sont annexées, ne comportent aucune des mentions précitées ; que le dit contrat de location est donc nul ;
Attendu, en conséquence, qu'il convient de confirmer le jugement du 10 juin 2005 entrepris en ses dispositions qui ont prononcé la nullité du contrat de location du 19 mars 2002 et dit que Madame X. devra restituer à la société GRENKE LOCATION le matériel objet dudit contrat, si ce n'est déjà fait ;
Attendu qu'il y a lieu, également, de confirmer le jugement du 20 janvier 2006 en ses dispositions qui ont condamné la société GRENKE LOCATION à restituer à Mme X. la somme de 1.901,99 €, correspondant aux loyers que celle-ci lui a versés en exécution du dit contrat de location, étant rappelé que l'annulation d'un contrat a un effet rétroactif et que si, dans un contrat à exécution successive (comme le contrat de location) celui qui a profité de l'exécution de ce contrat est débiteur d'une indemnité, encore faut-il que le créancier de celle-ci l'ait sollicitée, ce qui n'est pas le cas en l'espèce de la société GRENKE LOCATION, puisque cette société se borne à demander le paiement de loyers impayés et de ceux restant dus au titre de la résiliation du contrat ;
III - Attendu que la société GRENKE LOCATION, qui succombe, doit être condamnée aux dépens de première instance et d'appel ;
Attendu que la société GRENKE LOCATION étant condamnée aux dépens, sa demande formée au [minute Jurica page 6] titre des frais irrépétibles doit être rejetée ;
Attendu qu'il serait inéquitable que Madame X. conserve la charge des frais irrépétibles qu'elle a exposés ; qu'il convient donc de confirmer le jugement du 20 janvier 2006 en ses dispositions qui ont condamné la société GRENKE LOCATION à lui payer la somme de 1.000 € à ce titre et de la condamner à lui payer la somme complémentaire en cause d'appel de 1.000 € sur le fondement de l'article 700 du nouveau code de procédure civile ;
DISPOSITIF (décision proprement dite) (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)
PAR CES MOTIFS :
La Cour, statuant contradictoirement,
Confirme le jugement du 5 juillet 2005, sauf en ses dispositions qui ont prononcé la nullité du contrat de fourniture et de maintenance de matériel informatique conclu entre Madame X. et la société PROTECNICOM FRANCE le 6 mars 2002 ;
L'infirme de ce chef et statuant à nouveau,
Déclare irrecevable la demande formée par Madame X. tendant à l'annulation du contrat de fourniture et de maintenance de matériel informatique qu'elle a conclu avec la société PROTECNICOM FRANCE le 6 mars 2002 ;
Confirme en toutes ses dispositions le jugement du 20 janvier 2006 ;
Y ajoutant,
Déboute la société GRENKE LOCATION de sa demande formée sur le fondement de l'article 700 du nouveau code de procédure civile ;
Condamne la société GRENKE LOCATION à payer à Madame X. la somme complémentaire en cause d'appel de 1.000 € sur le fondement de l'article 700 du nouveau code de procédure civile ;
Condamne la société GRENKE LOCATION aux dépens d'appel qui pourront être recouvrés conformément aux dispositions de l'article 699 du nouveau code de procédure civile.
LE GREFFIER, LE PRÉSIDENT,
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