CA GRENOBLE (ch. com.), 7 janvier 2010
CERCLAB - DOCUMENT N° 2271
CA GRENOBLE (ch. com.), 7 janvier 2010 : RG n° 08/02889
Extrait : « Attendu qu'il est constant que la présente vente a été conclue dans le cadre d'un démarchage à domicile ; Attendu qu'il ne saurait être contesté qu'un contrat d'abonnement de visiosurveillance échappe à la compétence professionnelle de la commerçante qui exploite une boutique de prêt-à-porter pour femmes et accessoires ; Attendu en outre que l'activité exercée par Madame Y. qui consiste dans l'exploitation d'une boutique de prêt-à-porter pour femmes et ses accessoires ne l'expose pas à des risques particuliers comme ce serait le cas par exemple pour une bijouterie ou pour un commerce de vente de spiritueux ou de produits de luxe de sorte qu'il y a lieu de considérer que le contrat litigieux n'a pas de rapport direct avec cette activité ; Attendu qu'il s'en suit que Madame Y. est recevable et bien fondée à se prévaloir des dispositions protectrices du Code de la Consommation ».
AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
COUR D’APPEL DE GRENOBLE
CHAMBRE COMMERCIALE
ARRÊT DU 7 JANVIER 2010
ÉLÉMENTS D’IDENTIFICATION DE LA DÉCISION (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)
R.G. n° 08/02889. Appel d'une décision (N° RG 2007J285) rendue par le Tribunal de Commerce de GRENOBLE en date du 16 mai 2008 suivant déclaration d'appel du 3 juillet 2008.
APPELANTE :
Madame Y. épouse X.
[adresse], représentée par la SCP GRIMAUD, avoués à la Cour.
INTIMEE :
SAS INNOVATYS SECURITE INFORMATIQUE poursuites et diligences de son représentant légal en exercice, domicilié en cette qualité audit siège
[adresse], [minute Jurica page 2] défaillante.
COMPOSITION DE LA COUR : LORS DES DÉBATS ET DU DELIBÉRÉ : Monsieur Daniel MULLER, Président de Chambre, M. Jean-Louis BERNAUD, Conseiller, Madame Françoise CUNY, Conseiller,
Assistés lors des débats de Madame Nadine LEICKNER, Greffier.
DÉBATS : Audience publique du 5 novembre 2009, Monsieur MULLER, Président a été entendu en son rapport. Les avoués et les avocats ont été entendus en leurs conclusions et plaidoiries. Puis l'affaire a été mise en délibéré pour l'arrêt être rendu ce jour.
EXPOSÉ DU LITIGE (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)
EXPOSÉ DU LITIGE :
La société INNOVATYS est une société de conseil en informatique en particulier en matière de sauvegarde de données informatiques de visio surveillance.
Le 17 février 2006, la SAS INNOVATYS a conclu un contrat de prestation de visiosurveillance par IP et de location avec Madame X., commerçante, exploitant une boutique de prêt à porter, [adresse] à [ville M.].
Le 21 février 2006, Madame X. a envoyé une télécopie à la SAS INNOVATYS suivie d'une confirmation par courrier recommandé avec AR lui notifiant qu'elle n'entendait pas donner suite au contrat du 17 février 2006.
Par courrier recommandé du 7 mars 2006, la société INNOVATYS a mis en demeure Madame X. de fixer un rendez-vous sous huitaine pour l'installation du contrat de prestation.
Le 13 mars 2006, Madame X. a adressé un nouveau courrier à la société INNOVATYS pour lui confirmer son mécontentement à l'égard de Monsieur A. et son refus de donner suite au contrat.
Le 1er juin 2006, le Conseil de la SAS INNOVATYS, par courrier recommandé avec AR, a rappelé à Madame X. qu'elle avait souscrit le 2 décembre 2005 un contrat de télésurveillance sécurisée avec levée de doute par caméra numérique et l'a mise en demeure de prendre contact pour planifier l'installation du service, ajoutant qu'à défaut, la juridiction compétente serait saisie.
Par acte d'huissier en date du 13 avril 2007, la société INNOVATYS a fait assigner Madame X. devant le Tribunal de Commerce de Grenoble pour faire constater la régularité du contrat souscrit le 17 février 2006, le refus de Madame X. d'accepter l'installation, la résolution du contrat et la condamnation de Madame X. au paiement de la somme de 5.544 € en application de l'article 11-1 [minute Jurica page 3] du contrat et de celle de 1.500 € en application de l'article 700 du Code de procédure civile et sa condamnation aux entiers dépens.
Par jugement rendu contradictoirement le 16 mai 2008 après que Madame X. ait conclu mais ne se soit ni présentée ni fait représenter à l'audience, le Tribunal de Commerce de Grenoble a statué comme suit :
« Déboute Madame X. née Y. de l'ensemble de ses demandes, fins et conclusions.
Condamne Madame X. née Y. à payer à la société INNOVATYS les sommes de :
* 5.554 € à titre principal,
* 200 € au titre de l'article 700 du NCPC,
Condamne Madame X. née Y. aux entiers dépens de la procédure. »
Madame X. a relevé appel de ce jugement.
Par voie de conclusions déposées au greffe le 3 novembre 2008, elle fait valoir :
- qu'elle tient une boutique de confection et accessoires pour femme, et qu'à ce titre, les appareils et systèmes de visio-surveillance lui sont parfaitement étrangers, qu'en outre ces appareils sont sans rapport direct avec son activité n'ayant pas pour objet de satisfaire son développement et sa rentabilité, que dès lors, la loi sur le démarchage lui est applicable, qu'elle avait donc une faculté de rétractation dans le délai de huit jours,
- que de plus en lui faisant signer une autorisation de prélèvement concomitamment au contrat, la société INNOVATYS SECURITE INFORMATIQUE a commis une infraction à l'article L. 121-26 du Code de la consommation, sanctionnée par la nullité,
- qu'enfin, la jurisprudence utilise également pour déterminer le domaine d'application de la législation sur les clauses abusives, le critère du rapport entre l'objet du contrat et l'activité professionnelle, qu'il a d'ores et déjà été démontré l'absence de rapport de sorte que les clauses du contrat qui ont pour objet ou pour effet de créer à son détriment un déséquilibre significatif entre les droits et obligations des parties au contrat peuvent être qualifiées d'abusives et par conséquent réputées non écrites, que l'article 11-1 du contrat constitue une clause abusive, qu'elle constitue à tout le moins une clause pénale susceptible de réduction,
- que lors du démarchage, les commerciaux ont fait preuve d'une attitude agressive à son égard, que suite à sa rétractation, elle a été harcelée téléphoniquement, qu'au vu du jugement dont appel, pourtant non assorti de l'exécution provisoire, la société INNOVATYS lui a fait signifier un commandement aux fins de saisie vente.
Elle demande à la Cour de :
« Juger recevable bien-fondé l'appel de la société INNOVATYS,
Vu le bordereau de pièces annexée
Vu les dispositions du Code de la consommation,
Réformer le jugement dont appel,
[minute Jurica page 4] Constater la nullité du contrat et subsidiairement dire que la clause article 11-1 du contrat est réputée non écrite,
Condamner la société INNOVATYS à payer à Madame X. les sommes suivantes :
* 5.000 € à titre de dommages et intérêts,
* les sommes indûment perçues au titre de l'exécution du jugement outre intérêts,
* 3.500 € au titre de l'article 700 du Code de procédure civile,
Condamner la société INNOVATYS à payer les entiers dépens de première instance et d'appel et autoriser la SCP GRIMAUD à les recouvrer directement contre elle. »
Assignée par acte d'huissier en date du 13 novembre 2008 à une personne habilitée, la société INNOVATYS SECURITE INFORMATIQUE n'a pas constitué avoué.
MOTIFS (justification de la décision) (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)
SUR CE, LA COUR :
Attendu qu'il est constant que la présente vente a été conclue dans le cadre d'un démarchage à domicile ;
Attendu qu'il ne saurait être contesté qu'un contrat d'abonnement de visiosurveillance échappe à la compétence professionnelle de la commerçante qui exploite une boutique de prêt-à-porter pour femmes et accessoires ;
Attendu en outre que l'activité exercée par Madame Y. qui consiste dans l'exploitation d'une boutique de prêt-à-porter pour femmes et ses accessoires ne l'expose pas à des risques particuliers comme ce serait le cas par exemple pour une bijouterie ou pour un commerce de vente de spiritueux ou de produits de luxe de sorte qu'il y a lieu de considérer que le contrat litigieux n'a pas de rapport direct avec cette activité ;
Attendu qu'il s'en suit que Madame Y. est recevable et bien fondée à se prévaloir des dispositions protectrices du Code de la Consommation ;
Attendu qu'en vertu de l'article L. 121-23 de ce Code, le contrat dont la société INNOVATYS SECURITE INFORMATIQUE poursuit l'application devait, à peine de nullité, comporter un certain nombre de mentions, dont notamment la faculté de renonciation prévue à l'article L. 121-25 ainsi que les conditions d'exercice de cette faculté, et de façon apparente, le texte intégral des articles L. 121-23, L. 121-24, L. 121-25 et L. 121-26 ;
Attendu que l'exemplaire du contrat litigieux en date du 17 février 2006 qui figure au dossier ne faisait pas mention de la faculté de renonciation et des conditions de sa mise en œuvre et ne rappelait pas les dispositions des articles L. 121-23, L. 121-24, L. 121-25 et L. 121-26 du Code de la Consommation ; que d'ailleurs, dans ses écritures devant le Tribunal, la société INNOVATYS SECURITE INFORMATIQUE n'a pas contesté l'absence de ces mentions ;
Attendu que le défaut de mention de la faculté de renonciation, de ses conditions d'exercice et des dispositions des articles L. 121-23, L. 121-24, L. 121-25 et L. 121-26 du Code de la Consommation suffisent à rendre le contrat nul et de nul effet ;
Attendu par ailleurs que Madame Y. justifie avoir notifié à la société INNOVATYS par télécopie du 21 février 2006 et par lettre recommandée expédiée le 23 février 2006 dont la société INNOVATYS a accusé réception le 24 février 2006 qu'elle n'entendait pas donner suite au contrat, [minute Jurica page 5] usant ce faisant dans le délai de 7 jours de la faculté de rétractation qui lui était ouverte ; qu'en effet, elle écrivait : « Suite à notre entretien téléphonique de ce jour, je vous confirme par fax de ne pas traiter mon dossier. Comme convenu vous attendiez mon accord définitif. Je ne fais pas suite à votre contrat...... » ; et que dans ses écritures devant la Cour, la société INNOVATYS, SECURITE INFORMATIQUE, qui ne saurait reprocher à Madame Y. de ne pas avoir respecté les conditions formelles de la renonciation alors qu'elle ne l'avait pas informée de celles-ci, a reconnu avoir reçu la télécopie susvisée ; qu'en l'état de cette renonciation, l'installation n'a du reste pas été mise en œuvre et qu'il n'y a pas eu de commencement d'exécution du contrat ;
Attendu en conséquence que la demande de la société INNOVATYS SECURITE INFORMATIQUE apparaît mal fondée et qu'elle doit en être déboutée ce, sans même qu'il soit besoin de se prononcer sur la signature d'une autorisation de prélèvement concomitamment à la signature du contrat et sur le caractère abusif ou non de la clause résultant de l'article 11-1 du contrat ;
Attendu que l'infirmation du jugement dont appel implique restitution des sommes qui auraient été perçues par la société INNOVATYS SECURITE INFORMATIQUE au titre de l'exécution dudit jugement ; que dès lors que ce jugement n'était pas assorti de l'exécution provisoire, les intérêts au taux légal sur lesdites sommes courront à compter du 13 novembre 2008, date de l'assignation contenant demande de restitution, laquelle vaut mise en demeure ;
Attendu qu'il n'est pas établi que la société INNOVATYS SECURITE INFORMATIQUE ait harcelé Madame Y. après que celle-ci ait notifié sa renonciation à donner suite au contrat ; qu'il n'est pas non plus établi que cette société ait diligenté la présente procédure de mauvaise foi, par intention malicieuse ou malveillante, dans des conditions caractérisant un abus du droit d'ester en justice ; qu'en revanche, elle n'a pas hésité à faire délivrer à Madame Y. en vertu du jugement dont appel qui n'était pas assorti de l'exécution provisoire, qui avait fait l'objet d'un appel et qui n'était donc pas exécutoire un commandement aux fins de saisie-vente en date du 23 juillet 2008, qui ne constitue pas un acte préparatoire à la procédure de saisie mais une mesure d'exécution ; qu'elle a ce faisant commis une faute qui a causé un préjudice au moins moral à Madame Y. en réparation duquel elle sera condamnée à lui verser la somme de 400,00 € à titre de dommages et intérêts ;
Attendu qu'il serait enfin inéquitable de laisser à la charge de Madame Y. l'intégralité des frais irrépétibles que lui a occasionnés la présente procédure ; que la société INNOVATYS SECURITE INFORMATIQUE sera tenue de lui verser la somme de 1.500 € en application de l'article 700 du Code de procédure civile au titre des frais irrépétibles de première instance et d'appel confondus; que cette société supportera quant à elle l'intégralité de ses propres frais irrépétibles et les entiers dépens de première instance et d'appel ;
DISPOSITIF (décision proprement dite) (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)
PAR CES MOTIFS :
LA COUR
Statuant par arrêt réputé contradictoire, par mise à disposition au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du Code de procédure civile et après en avoir délibéré conformément à la loi,
Infirme le jugement dont appel,
Statuant à nouveau,
[minute Jurica page 6] Constate la nullité du contrat en date du 17 février 2006 entre la société INNOVATYS SECURITE INFORMATIQUE et Madame Y.,
Déboute la société INNOVATYS SECURITE INFORMATIQUE de toutes ses demandes,
Dit qu'en conséquence de l'infirmation de la condamnation prononcée à son profit, elle sera tenue de restituer les sommes éventuellement perçues au titre de l'exécution du jugement dont appel avec intérêts au taux légal à compter du 13 novembre 2008,
La condamne à payer à Madame Y. :
- la somme de 400 € à titre de dommages et intérêts,
- celle de 1.500 € en application de l'article 700 du Code de procédure civile,
Déboute les parties de toutes autres demandes plus amples ou contraires,
Condamne la société INNOVATYS aux entiers dépens de première instance et d'appel, avec droit de recouvrement direct au profit de la SCP GRIMAUD, avoués, conformément à l'article 699 du Code de procédure civile.
SIGNÉ par Monsieur MULLER, Président et par Madame LEICKNER, Greffier auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.
- 5885 - Code de la consommation - Domaine d’application - Bénéficiaire de la protection - Notion de professionnel - Critères - Clauses abusives - Critères combinés : rapport direct et compétence
- 5905 - Code de la consommation - Domaine d’application - Bénéficiaire de la protection - Notion de professionnel - Indices - Finalité du contrat - Protection et sécurisation de l’activité
- 5953 - Code de la consommation - Domaine d’application - Bénéficiaire de la protection - Notion de professionnel - Illustrations - Contrats conclus pendant l’activité - Protection de l’entreprise - Alarmes et surveillance : présentation générale
- 5954 - Code de la consommation - Domaine d’application - Bénéficiaire de la protection - Notion de professionnel - Illustrations - Contrats conclus pendant l’activité - Protection de l’entreprise - Alarmes et surveillance : présentation par activité
- 5955 - Code de la consommation - Domaine d’application - Bénéficiaire de la protection - Notion de professionnel - Illustrations - Contrats conclus pendant l’activité - Protection de l’entreprise - Alarmes et surveillance : présentation par cour d’appel