CA TOULOUSE (2e ch.), 2 juillet 2024
- T. com. Toulouse, 4 avril 2022 : RG n° 2021J166 ; Dnd
CERCLAB - DOCUMENT N° 23019
CA TOULOUSE (2e ch.), 2 juillet 2024 : RG n° 22/01577 ; arrêt n° 272 bis
Publication : Judilibre
Extrait : « L'article 1171 du code civil dispose que dans un contrat d'adhésion, toute clause qui crée un déséquilibre significatif entre les droits et obligations des parties au contrat est réputée non écrite. L'appréciation du déséquilibre significatif ne porte ni sur l'objet principal du contrat ni sur l'adéquation du prix à la prestation.
La société CLEDICAL demande de réputer non écrite la clause prévue à l'article 13 car elle instaure un déséquilibre significatif du fait de son défaut de réciprocité puisqu'elle ne figure pas dans le contrat principal.
Le droit commun des clauses abusives s'applique aux contrats d'adhésion qui ne relèvent ni de relations commerciales entre partenaires commerciaux ni du code de la consommation. Tel est le cas des contrats de location financière.
Il a été jugé en matière de location financière que le défaut de réciprocité de la clause résolutoire de plein droit pour l'inexécution du contrat prévue aux conditions générales se justifie par la spécificité du contrat et la nature des obligations auxquelles les parties sont respectivement tenues (cassation Cass., com 26 janvier 2022 n°20-16.782).
Dès lors elle n'est pas abusive au sens du texte précité et la société CLEDICAL sera déboutée de ses demandes. »
RÉPUBLIQUE FRANÇAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
COUR D’APPEL DE TOULOUSE
DEUXIÈME CHAMBRE
ARRÊT DU 2 JUILLET 2024
ÉLÉMENTS D’IDENTIFICATION DE LA DÉCISION (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)
R.G. n° 22/01577. Arrêt n° 272 bis. N° Portalis DBVI-V-B7G-OX4K. Décision déférée du 4 avril 2022 - Tribunal de Commerce de TOULOUSE – R.G. n° 2021J166.
APPELANTE :
SARL CLEDICAL
[Adresse 5], [Localité 6], Représentée par Maître Luc PERROUIN de la SCP PAMPONNEAU TERRIE PERROUIN BELLEN-ROTGER, avocat au barreau D'ALBI
INTIMÉS :
SAS HORIZON
prise en la personne de son représentant légal domicilié en cette qualité audit siège, [Adresse 2], [Localité 3], Représentée par Maître Adrien LEPROUX de la SAS LGMA, avocat au barreau de TOULOUSE
SA CORHOFI
agissant poursuites et diligences de ses représentants légaux domiciliés en cette qualité audit siège, [Adresse 1], [Localité 4], Représentée par Maître Ophélie BENOIT-DAIEF, avocat postulant au barreau de TOULOUSE et par Me Jean-Baptiste PILA, avocat plaidant au barreau de LYON
COMPOSITION DE LA COUR : En application des dispositions des articles 805 et 907 du Code de procédure civile B85D525D8D5030285E5B8CDF386E109B 71192CCF7D68F6ECF7E8E35EE0AB5BBF, l'affaire a été débattue le 3 avril 2024, en audience publique, les avocats ne s'y étant pas opposés, devant S. MOULAYES, Conseillère et F. PENAVAYRE, Magistrate honoraire exerçant des fonctions juridictionnelles, chargés du rapport.
Ces magistrats ont rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la Cour, composée de : V. SALMERON, présidente, S. MOULAYES, conseillère, F. PENAVAYRE, conseillère
Greffier, lors des débats : N. DIABY
ARRÊT : - CONTRADICTOIRE - prononcé publiquement par mise à disposition au greffe après avis aux parties - signé par V. SALMERON, présidente, et par A. CAVAN, greffier de chambre.
EXPOSÉ DU LITIGE (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)
EXPOSÉ DU LITIGE :
La SARL CLEDICAL a pour objet social la vente en gros de matériels et produits à destination du secteur médical et paramédical, notamment par le biais de deux sites internet référencés sous les noms suivants :« cledical.fr »et « latabledexamen.com ».
Suivant contrat du 19 septembre 2018, elle a conclu avec la société HORIZON un contrat de prestation de services internet moyennant le paiement de 48 mensualités de 670 € hors-taxes chacune (32.160 € HT au total).
Le même jour, la société CORHOFI a loué à la société CLEDICAL le site internet HORIZON website moyennant le paiement de 48 mensualités de 670 € hors-taxes chacune.
La société CLEDICAL a signé le 8 novembre 2010 un procès-verbal de livraison/réception du site internet.
Suivant facture n° 2106 du 8 novembre 2018, la société CORHOFI a versé à la société CLEDICAL la somme de 25.176 € TTC pour le site internet CLEDICAL.
La société CLEDICAL a dénoncé les contrats par lettres recommandées du 28 septembre 2020 en demandant le remboursement des loyers déjà versés et la restitution des éléments lui permettant de gérer les sites internet.
Le 27 octobre 2020, la société CORHOFI s'est opposée à la résiliation du contrat et a mis en demeure la société CLEDICAL de s'acquitter des loyers impayés, l'informant qu'en défaut, la résiliation du plein droit du contrat serait prononcée.
Le 13 novembre 2020, la société CORHOFI a informé son cocontractant qu'elle mettait fin au contrat et lui a demandé de restituer le matériel outre le paiement des factures en retard et l'indemnité de résiliation.
Par actes d'huissier des 2 et 5 mars 2021, la société CLEDICAL a assigné d'une part la société HORIZON et d'autre part la société CORHOFI devant le tribunal de commerce pour obtenir la nullité du contrat signé entre les sociétés CLEDICAL et CORHOFI et en conséquence, la caducité du contrat signé avec la société HORIZON, et à défaut, la résiliation judiciaire du contrat en raison de l'inexécution de ses obligations contractuelles par la société HORIZON et la caducité du contrat subséquent passé avec la société CORHOFI, outre la réparation de son préjudice.
Par jugement du 4 avril 2022, le tribunal de commerce de Toulouse a :
- rejeté la demande de nullité du contrat conclu entre la SARL CLEDICAL et la société CORHOFI et donc rejeté la demande de caducité du contrat conclu avec la SAS HORIZON
- dit que les contrats conclus entre la SARL CLEDICAL et la SAS HORIZON et entre la SARL CLEDICAL et la société CORHOFI sont interdépendants
- débouté la SARL CLEDICAL de sa demande de résiliation du contrat du 19 septembre 2018 et l'a déboutée également de sa demande de caducité du contrat passé avec la SAS CORHOFI
- débouté la SARLCLEDICAL de sa demande de condamnation de la SAS HORIZON à la relever et garantir des condamnations pécuniaires qui pourraient être prononcées à son encontre
- débouté la SARLCLEDICAL de sa demande de condamnation au paiement de la somme de 19.280,16 € à titre de dommages et intérêts en réparation du préjudice subi par le paiement des loyers
- condamné la SARL CLEDICAL à payer à la société CORHOFI la somme de 19.296 € pour les 24 mois de loyers restants dus (soit 2 loyers impayés à hauteur de 1.608 € et 22 loyers restant à courir à hauteur de 17.688 €) somme assortie des intérêts au taux légal à compter de la date de la mise en demeure du 13 novembre 2020
- condamné la SARL CLEDICAL à payer à la société CORHOFI la somme de 80 € au titre des frais de recouvrement
- rejeté la demande de restitution du site à la SAS CORHOFI
- débouté la SARL CLEDICAL de sa demande en paiement de la somme de 150.000 € à titre de dommages et intérêts en réparation de la perte de chiffre d'affaires
- condamné la SAS HORIZON à restituer à la société CLEDICAL l'ensemble des éléments techniques lui permettant d'assurer elle-même la gestion de ses sites, sous astreinte provisoire de 500 € par jour de retard à compter du paiement intégral par la société CLEDICAL des sommes dues à CORHOFI
- s'est réservé le pouvoir de liquider l'astreinte
- condamné la SARL CLEDICAL à payer aux sociétés défenderesses la somme de 1.000 € à chacune au titre de l'article 700 du code de procédure civile
- mis à sa charge les entiers dépens de l'instance.
Par déclaration enregistrée au greffe le 22 avril 2022 la SARL CLEDICAL a interjeté appel du jugement rendu par le tribunal de Commerce de Toulouse le 4 avril 2022 qu'elle critique en ce qu'il a statué comme ci-dessus indiqué.
[*]
La société CLEDICAL a notifié ses conclusions le 10 novembre 2022. Elle demande, vu les articles 1163, 1178,1217 et suivants, 1186 et suivants, 1231-1 du Code civil :
- de confirmer le jugement entrepris en ce qu'il a constaté l'interdépendance des contrats du 19 septembre 2018 et condamné la société HORIZON à restituer sous astreinte à la société CLEDICAL un accès FTP/SFTP, un accès MYSQL et un accès super ADMIN au Prestashop
- de le réformer pour le surplus
Et statuant à nouveau :
- de prononcer la nullité du contrat signé le 19 septembre 2018 entre les sociétés CLEDICAL et CORHOFI et par voie de conséquence la nullité du contrat signé entre les sociétés CLEDICAL et HORIZON
- d'ordonner la restitution des sommes de 1.929 € et 80 € versées à la société CORHOFI
A titre subsidiaire :
- de constater l'inexécution grave des obligations contractuelles incombant à la société HORIZON
- de prononcer la résiliation du contrat passé le 19 septembre 2018 entre les sociétés CLEDICAL et HORIZON et par conséquent, la caducité du contrat passé entre la société CLEDICAL et la société CORHOFI
À titre infiniment subsidiaire si la cour venait par impossible à confirmer la résiliation de plein droit du contrat conclu entre les sociétés CLEDICAL et CORHOFI
- de condamner la société HORIZON à la relever et garantir des condamnations pécuniaires qui pourraient être prononcées contre elle
En tout état de cause :
-de débouter la société CORHOFI de ses demandes formulées au titre de l'appel incident
- de condamner la société HORIZON à lui verser la somme de 19.296 € à titre de dommages et intérêts en réparation du préjudice subi par le paiement des loyers et 80 € au titre des frais de résiliation
- de condamner la société HORIZON à lui verser la somme de 150.000 € en réparation de la perte de chiffre d'affaires
- de condamner solidairement les succombantes à verser à la société CLEDICAL la somme de 3.000 € sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile pour la première instance et 2.000 € pour les faits en cause d'appel
- de condamner les succombantes aux entiers dépens de première instance et d'appel avec distraction au profit de la SCP PAMPONNEAU PERROUIN BELLE ET ROTGER.
Elle explique qu'elle est propriétaire des 2 sites Internet et qu'elle a confié à la société HORIZON le soin de développer essentiellement le référencement du site « latabledexamen.com », l'autre site étant plus ancien et profitant déjà d'une notoriété sur le Web. Or elle a constaté la défaillance de la société prestataire de services et a été contrainte de mettre fin à leur relation d'affaires.
Elle fait valoir que le contrat conclu avec la société CORHOFI a un objet indéterminé ou indéterminable au sens de l'article 1163 du Code civil, qu'il ne peut s'agir ni d'une location ni d'une création de site puisque les sites préexistaient et que les termes vagues employés dans le formulaire contractuel ne permettent pas de cerner la prestation promise. Elle demande en conséquence de prononcer l'annulation du contrat et compte tenu de l'interdépendance de l'ensemble contractuel, la caducité du contrat conclu avec la société HORIZON.
À titre subsidiaire, elle soutient que la société HORIZON n'a pas rempli ses obligations contractuelles de modification structurelle des sites, qu'il y a des bugs incessants sur l'application Prestashop, qu'elle n'a mis aucun moyen en œuvre pour améliorer le référencement et la gestion de la campagne adwords et qu'elle est défaillante dans le suivi et la gestion des sites. Elle demande la résiliation du contrat aux torts exclusifs de la société HORIZON, la caducité du contrat conclu avec la société CORHOFI, la restitution des loyers indûment versés à hauteur de 19.296 € et des frais de recouvrement (80€) ainsi qu'un manque à gagner évalué à 50.000 € par an, soit 150.000 € au total.
Elle soutient que la société CORHOFI ne peut se prévaloir de bonne foi de la clause résolutoire prévue au contrat car elle avait connaissance des bugs affectant les sites Internet et de l'inexécution de ses obligations contractuelles par la société HORIZON. Elle fait valoir en outre que la clause résolutoire prévue à l'article 13 du contrat liant la société CLEDICAL et la société CORHOFI crée un déséquilibre significatif à son détriment en sorte que la clause doit être réputée non écrite en application de l'article 1171 du Code civil.
Enfin si des condamnations étaient mises à sa charge, elle demande à être entièrement relevée et garantie par la société HORIZON.
[*]
La société HORIZON a conclu le 16 décembre 2022. Elle demande :
A titre principal
- de confirmer le jugement rendu le 4 avril 2022 par le tribunal de commerce de Toulouse en toutes ses dispositions
- de débouter la société CLEDICAL de l'ensemble de ses demandes, fins et prétentions
A titre subsidiaire, si le contrat conclu entre les sociétés CLEDICAL et CORHOFI était anéanti :
- d'ordonner la compensation des créances entre les parties à la procédure
- de condamner la société CORHOFI à restituer des loyers reçus de la société CLEDICAL à la société HORIZON, soit la somme de 38.592 € TTC représentant 48 mensualités (à compenser avec la créance de restitution au titre de la facture n° 2106 du 8 novembre 2018)
- de confirmer le jugement en toutes ses dispositions pour le surplus
- de condamner tout succombant à payer à la société HORIZON la somme de 3.000 € au titre de l'article 700 du code de procédure civile ainsi qu'aux entiers dépens.
Elle fait valoir à titre principal, que le contrat de location est intervenu aux fins de financer les prestations qu'elle a effectuées dans le cadre de la convention, que son objet correspond aux prestations qui y sont définies et qu'il n'est pas dépourvu d'objet.
À titre subsidiaire, elle soutient que l'éventuelle nullité du contrat a été couverte par l'effet de la confirmation tacite puisque la société CLEDICAL a exécuté volontairement l'obligation éventuellement annulable pendant plus d'un an et demi.
Si la cour venait à prononcer la nullité du contrat de financement, elle prétend que l'annulation du contrat ne rend pas impossible l'exécution de la convention de prestations de services qui entraîne seulement pour l'appelante une substitution de créancier et une compensation des sommes dues entre les parties.
Elle demande de confirmer le jugement en ce qu'il a rejeté la demande de résiliation de la convention dès lors que la société appelante ne rapporte pas la preuve que les manquements invoqués revêtent un caractère de gravité suffisant eu égard à l'obligation de moyens qui pèse sur elle alors que les parties ont maintenu leurs relations jusqu'au mois d'août 2022 soit pendant la totalité prévue par la convention.
Elle s'oppose à la demande de dommages et intérêts au motif qu'aucune faute ne lui est imputable, que le préjudice allégué n'est pas établi, et que contrairement à ce qui est soutenu,la société appelante n'a pas connu une baisse du chiffre d'affaires mais une croissance exponentielle depuis 2021.
[*]
Au terme de ses conclusions n° 2 notifiées le 25 novembre 2022, la société CORHOFI demande à la cour de céans :
À titre principal :
- de débouter la société CLEDICAL de l'ensemble de ses demandes, fins et prétentions comme étant infondées et injustifiées
- de confirmer le jugement du tribunal de Commerce de Toulouse du 4 avril 2022 en toutes ses dispositions et de l'infirmer en ce qu'il a :
* jugé que les contrats sont interdépendants
* cantonné la condamnation de la société CLEDICAL à lui payer la somme de 19 296 euros assortie du taux d'intérêt légal à compter du 13 novembre 2020
* rejeté la demande de restitution du site par la société CLEDICAL à la société CORHOFI
Et statuant à nouveau :
- de condamner la société CLEDICAL à lui payer, au titre des factures de loyers et frais impayés, la somme de 2.046,54 euros TTC à majorer des intérêts au taux contractuel de 1,5 % par mois à compter de la mise en demeure du 27 octobre 2020
- de condamner la société CLEDICAL à lui verser la somme de 20.100 € TTC au titre de l'indemnité de résiliation à majorer des intérêts au taux contractuel de 1,50 % par mois à compter du 13 novembre 2020, date de la résiliation du contrat de location, conformément à l'article 15 des conditions générales
À titre subsidiaire, si la cour venait à prononcer la nullité du contrat de location :
- de prononcer la nullité ou, à titre subsidiaire, la caducité du contrat de vente intervenu entre la société CORHOFI et la société HORIZON
- de condamner la société HORIZON à lui payer la somme de 25.176 € TTC en remboursement de la facture d'achat n° 2106
- de condamner la société HORIZON à lui payer la somme de 13.416 € TTC à titre de dommages et intérêts
- débouter la société HORIZON de toutes les demandes formées à son encontre
Si la cour venait à prononcer la caducité du contrat de location du fait de la résiliation du contrat conclu entre les sociétés CLEDICAL et HORIZON
- de prononcer la caducité du contrat de vente intervenu entre la société CLEDICAL et la société HORIZON
- de condamner la société HORIZON à lui payer la somme de 25.176 € TTC en remboursement de la facture d'achat n° 2106
- de condamner la société HORIZON à lui payer la somme de 13.416 € TTC à titre de dommages et intérêts
- de débouter la société HORIZON de toutes les demandes formées à son encontre
Y ajoutant, sur l'omission de statuer des premiers juges :
- de constater ou, à tout le moins, de prononcer la résiliation de plein droit aux torts exclusifs de la société CLEDICAL du contrat de location conclu le 13 novembre 2020
En tout état de cause :
- de condamner tout succombant à lui payer la somme de 3.000 € au titre de l'article 700 du code de procédure civile ainsi qu'aux entiers dépens de l'instance avec distraction au profit de Maître Ophélie BENOÎT DAIEF avocat au barreau de Toulouse.
Elle fait valoir, à titre principal, que les demandes de la société CLEDICAL ne peuvent prospérer car le contrat ne souffre d'aucune cause de nullité tirée du caractère incertain de son objet et les conditions de la caducité des contrats interdépendants prévue par l'article 1186 du Code civil ne sont pas réunies. À titre subsidiaire, s'il est fait droit à la demande de nullité ou de caducité du contrat de location pour défaut d'objet, ou du fait de l'inexécution fautive de la société HORIZON dont elle estime au demeurant que la preuve n'est pas suffisamment rapportée par quelques attestations ou échanges de courriels, elle demande la restitution du prix qu'elle a versé au fournisseur (25.176 € TTC).
Formant appel incident, elle demande à titre reconventionnel :
- de prononcer la résiliation de plein droit du contrat de location, conformément à l'article 13 les conditions générales, aux torts de la société CLEDICAL
- de la condamner à lui payer, conformément à l'article 15 des conditions générales, les loyers et frais impayés et l'indemnité de résiliation, sommes à majorer des intérêts au taux contractuel de 1,5 % par mois.
[*]
Il y a lieu de se reporter expressément aux conclusions susvisées pour plus ample informé sur les faits de la cause, moyens et prétentions des parties, conformément à l'article 455 du code de procédure civile.
L'ordonnance de clôture est en date du 11 mars 2024.
MOTIFS (justification de la décision) (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)
MOTIFS DE LA DÉCISION :
Sur la nullité du contrat conclu avec la société CORHOFI :
La société CLEDICAL sollicite, à titre principal, la nullité du contrat de location conclu avec la société CORHOFI et à titre subsidiaire, la résiliation judiciaire du contrat conclu avec la société HORIZON.
Elle demande, selon qu'il sera fait droit à l'une ou l'autre de ses demandes, de constater la caducité du second contrat qui est interdépendant, sur le fondement l'article 1186 du Code civil qui dispose que lorsque l'exécution de plusieurs contrats est nécessaire à la réalisation d'une même opération et que l'un d'eux disparaît, sont caducs les contrats dont l'exécution est rendue impossible par cette disparition et ceux pour lesquels l'exécution du contrat disparu était une condition déterminante du consentement d'une partie.
La caducité n'intervient que si le contractant contre lequel elle est invoquée connaissait l'existence de l'opération d'ensemble lorsqu'il a donné son consentement.
La société CLEDICAL a conclu le même jour, soit le 19 septembre 2018, deux contrats avec d'une part la société HORIZON et d'autre part la société CORHOFI.
Le « contrat de prestation de services internet » conclu avec la société HORIZON prévoit la location d'un site internet ainsi spécifié :
- l'ajustement graphique des deux sites / responsive design (ce qui signifie l'adaptation du site à la consultation sur téléphone mobile et tablette)
- la gestion des noms de domaine et des hébergements (2 sites)
- le référencement national (2 sites) et la gestion de campagnes Adwords pour « la table d'examen »,
- des rendez-vous de suivi, la modification de textes et de photos illimitées, la modification structurelle à hauteur de 15 heures par an et par site,
- la création de 15 articles par site et par an,
le tout moyennant un loyer TTC de 804 € par mois pendant 48 mois à payer par « l'abonné ».
Il s'agit pour l'essentiel d'un contrat de prestation de services informatiques portant sur des sites internet préexistants, la société CLEDICAL établissant que les sites cledical.fr et latabledexamen.com ont été créés en 2012 et 2014 et que les noms de domaine appartiennent au gérant de la société (pièces numéro 30 à 32).
Selon l'article 1.2 du contrat, le prestataire de services doit fournir au bénéficiaire les logiciels et/ ou programmes informatiques nécessaires à l'exploitation des matériels choisis et/ou l'adresse d'accès à l'hébergement du site Internet, les codes d'accès aux différentes boîtes aux lettres dites e-mail ainsi que les procédures adéquates et utiles pour leur mise en œuvre sur lesdits matériels et/ou sites internet pour leur propre fonctionnement, ce par l'intervention d'une assistance dite « hot-line ».
Il a été fourni notamment à la société CLEDICAL un accès FTP/SFTP, un accès MySQL et un accès super ADMIN sur la plate-forme d'e.commerce Prestashop.
Le second contrat intitulé « contrat de location » dans lequel la société CLEDICAL est désignée comme le locataire et la société CORHOFI comme le bailleur, prévoit la location d'un bien ainsi désigné : « un site internet HORIZON Website ».
Par facture n°2106 du 8 novembre 2019, la société CORHOFI s'est portée acquéreur du « site internet CLEDICAL » auprès de la société HORIZON en lui versant une somme de 25.176 € TTC.
La société CLEDICAL demande de prononcer la nullité du contrat conclu avec la société CORHOFI au motif que l'objet du contrat n'est pas déterminé ou déterminable.
Selon l'article 1163 du Code civil, l'obligation a pour objet une prestation présente ou future. Celle-ci doit être possible et déterminée, ou déterminable. La prestation est déterminable lorsqu'elle peut être déduite du contrat.
Le tribunal a considéré que le contrat a pour vocation de financer le site internet et les prestations faisant l'objet du contrat entre les sociétés CLEDICAL et HORIZON et qu'il s'agit d'une location financière qui a pour objet le financement du travail de la société HORIZON.
Les parties intimées s'abstiennent d'expliciter la finalité d'un tel ensemble contractuel qui associe un contrat d'entreprise, un contrat de louage et un contrat de vente mais elles ne peuvent sérieusement contester qu'ils s'inscrivent dans une opération unique dont elles étaient informées dès le 19 septembre 2018 puisque les contrats principaux ont été conclus le même jour, que la mensualité mise à la charge de la société CLEDICAL est la même, quelque soit le type de contrat, et que la société CORHOFI n'ignorait pas que le site dont elle indique s'être portée acquéreur auprès du fournisseur était le site de la société CLEDICAL ainsi qu'il est mentionné expressément sur la facture n° 2106.
Ainsi la société CORHOFI ne peut être suivie dans ses explications lorsqu'elle prétend qu'elle ignorait tout des obligations contractuelles des sociétés CLEDICAL et HORIZON auxquelles elle serait étrangère, sans s'expliquer sur les conditions dans lesquelles la société HORIZON lui a demandé de financer le contrat conclu avec son client et sur quels éléments elle s'est déterminée pour contracter.
En apposant sa signature sur le contrat, la société CLEDICAL a accepté la substitution de créancier au profit de la société CORHOFI et s'est acquittée de ses obligations en payant les « loyers » pendant près de 24 mois après avoir signé un procès-verbal de livraison/réception attestant de la bonne exécution du contrat et de son accord sur les modalités de paiement convenues.
Dès lors l'objet du contrat est déterminable au sens de l'article 1163 du Code civil par référence aux spécifications du contrat de prestation de services avec lequel le contrat de location forme un tout, que les parties ont entendu exécuter ensemble et qui est indivisible.
En conséquence, il y a lieu de confirmer la décision du Premier juge qui a rejeté les demandes de nullité du contrat de location et dit n'y avoir lieu à prononcer la caducité du contrat interdépendant conclu avec la société HORIZON.
La société CORHOFI n'étant pas propriétaire des contenus informatiques litigieux ne peut en revendiquer la restitution et il y a lieu d'approuver également la décision du Premier juge qui a rejeté sa demande de restitution.
Sur la demande de résiliation du contrat conclu entre les sociétés CLEDICAL et HORIZON :
La société CLEDICAL soutient que la société prestataire de services a manqué à ses obligations contractuelles consistant à gérer les sites, à accroître leur visibilité sur le net et à assurer leur adaptation et maintenance. Or la refonte du site n'a pas été réalisée, il n'y a pas de mise à jour récente et des bugs incessants ont été constatés sur la plateforme Prestashop.
La société HORIZON soutient pour sa part qu'elle a rempli ses obligations et que la preuve contraire n'est pas rapportée.
En matière de contenu de site internet, le prestataire informatique est tenu d'une obligation de moyens et il appartient à la société appelante de rapporter la preuve des dysfonctionnements ou insuffisances qu'elle invoque.
Elle produit un ensemble de courriels dans lequel elle se plaint de dysfonctionnements divers et réclame des interventions urgentes sans que l'on ne puisse les rattacher à un manquement précisément identifié par rapport aux prestations convenues.
En tout état de cause, elle ne fournit aucune note technique ni expertise de nature à étayer ses allégations, les attestations des salariés ne pouvant suppléer sa carence à identifier les points litigieux.
Seules les missions qui sont rentrées dans le champ contractuel seront examinées et à cet égard il y a lieu de noter qu'il n'était nullement prévu de procéder à la refonte complète des sites, la mission du prestataire de services consistant à opérer un ajustement graphique appelé aussi « responsive design » et à veiller au référencement naturel, notamment par des campagnes Adwords.
Selon la définition usuelle, le « responsive web design » ajuste automatiquement l'affichage d'une page Web à la taille d'écran du terminal utilisé pour répondre aux besoins des utilisateurs de se connecter sur le web depuis un appareil mobile. Il vise à améliorer l'ergonomie mobile du site Web. C'est donc un outil de développement pour les entreprises, tant en termes de référencement que pour s'adapter aux nouveaux usages.
L'adaptation du site à de nouveaux usages implique des modifications structurelles mais pas une refonte complète qui relève d'un autre type d'intervention.
Eu égard à ces éléments, il n'est justifié d'aucun manquement de la société HORIZON à ses obligations alors que le procès-verbal de réception signé le 8 novembre 2018 démontre qu'à cette date la mission d'ajustement était achevée.
Il n'est caractérisé aucun manquement au devoir de conseil en matière d'obsolescence des sites, la société HORIZON ayant fourni dès le 28 février 2020 à la demande de son client un devis portant refonte des sites (pièce 7) qui n'a pas été agréé par ce dernier.
La société HORIZON est également chargée de gérer les noms de domaine et les hébergements et de veiller au référencement naturel et à la gestion des campagnes Adwords.
La société CLEDICAL sur laquelle repose la charge de la preuve ne démontre pas l'existence d'une défaillance ou d'un manquement de son contractant dans l'obligation de référencement du site et les campagnes Adwords, la société prestataire de services invoquant une fréquentation du site qui oscille autour de 5.000 utilisateurs par mois sans être démentie sur ce point.
Enfin, dans le cadre d'un suivi annuel, elle doit assurer la création d'articles et des rendez-vous avec le client étant rappelé que pour l'essentiel les interventions se réalisent au moyen de la hotline.
A cet égard le tribunal de commerce a considéré à juste titre que les manquements invoqués ne revêtent pas un caractère de gravité suffisant pour justifier l'annulation du contrat dès lors que la création d'articles repose sur la collaboration du client et qu'il n'est justifié d'aucune demande de rendez-vous qui n'aurait pas été satisfaite, hormis pendant la période d'état d'urgence sanitaire courant 2020.
En l'absence de manquements contractuels caractérisés, il y a lieu de confirmer le jugement qui a rejeté la demande de résiliation du contrat de prestation de services et par voie de conséquence, de débouter la société CLEDICAL de sa demande de caducité du contrat conclu avec la société CORHOFI et de ses demandes indemnitaires pour la perte de chiffres d'affaires.
La demande par laquelle elle sollicite la garantie de la société HORIZON au cas où des condamnations seraient prononcées contre elle ne peut donc prospérer et sera rejetée.
Sur la résiliation du contrat conclu avec la société CORHOFI :
Le contrat de location comprend à l’article 13 des Conditions générales une clause ainsi libellée :
Le bailleur peut demander la résiliation du contrat après une mise en demeure adressée par lettre recommandée non suivie d'effet dans les 15 jours suivant son envoi, en cas de non-respect par le locataire de ses obligations contractuelles, à savoir en cas de défaut de paiement d'un seul terme du loyer ou défaut d'entretien et réparation du matériel... Dans ce cas, la résiliation du contrat de location entraîne de plein droit, au profit du bailleur, le paiement par le locataire, en réparation du préjudice subi, en sus des loyers impayés et de leurs accessoires, d'une indemnité égale aux loyers restant à échoir au jour de la résiliation. Cette indemnité sera majorée d'une somme forfaitaire égale à 10 % à titre de clause pénale.
Selon l'article 15, toute somme due portera intérêts au taux fixé conventionnellement de 1,5 % par mois majoré de la TVA en vigueur à compter de sa date d'exigibilité.
La société CLEDICAL demande de paralyser le jeu de la clause résolutoire prévue à l'article 13 en raison de la mauvaise foi du créancier car à la date de la mise en demeure du 27 octobre 2020, elle avait déjà mis fin à la relation d'affaires la liant aux sociétés intimées et à défaut, de dire que cette clause est abusive au sens de l'article 1171 du Code civil.
En application de l'article 1212 du Code civil, lorsqu'un contrat est conclu pour une durée déterminée, chaque partie doit l'exécuter jusqu'à son terme. Seule la gravité du comportement d'une partie à un contrat peut justifier que l'autre y mettre fin de façon unilatérale mais cette résiliation, qui n'est pas exclusive d'un délai de préavis raisonnable, se fait à ses risques et périls.
En l'espèce la rupture de la relation d'affaires notifiée par la société CLEDICAL par lettre recommandée du 28 septembre 2020 ne peut produire aucun effet dès lors qu'il est jugé que les manquements du prestataire de services ne sont pas suffisamment graves pour mettre fin au contrat de façon anticipée.
L'article 1171 du code civil dispose que dans un contrat d'adhésion, toute clause qui crée un déséquilibre significatif entre les droits et obligations des parties au contrat est réputée non écrite. L'appréciation du déséquilibre significatif ne porte ni sur l'objet principal du contrat ni sur l'adéquation du prix à la prestation.
La société CLEDICAL demande de réputer non écrite la clause prévue à l'article 13 car elle instaure un déséquilibre significatif du fait de son défaut de réciprocité puisqu'elle ne figure pas dans le contrat principal.
Le droit commun des clauses abusives s'applique aux contrats d'adhésion qui ne relèvent ni de relations commerciales entre partenaires commerciaux ni du code de la consommation. Tel est le cas des contrats de location financière.
Il a été jugé en matière de location financière que le défaut de réciprocité de la clause résolutoire de plein droit pour l'inexécution du contrat prévue aux conditions générales se justifie par la spécificité du contrat et la nature des obligations auxquelles les parties sont respectivement tenues (cassation Cass., com 26 janvier 2022 n°20-16.782).
Dès lors elle n'est pas abusive au sens du texte précité et la société CLEDICAL sera déboutée de ses demandes.
Les conditions de la résiliation du contrat étant réunies puisque le débiteur n'a pas déféré à la mise en demeure du 27 octobre 2020 réclamant la régularisation du loyer impayé du mois d'octobre 2020, il y a lieu de compléter le jugement sur ce point.
Il est réclamé par la société CORHOFI une somme de 2.046 € TTC au titre des loyers impayés et une somme de 20 100€ TTC au titre des loyers restant à courir jusqu'à la fin du contrat outre les intérêts de retard au taux conventionnel de 1,5 % par mois majoré de la TVA en vigueur.
Le Premier juge a condamné la société CLEDICAL à payer la somme de 1608€ au titre des loyers impayés et la somme de 17.688 € au titre de l'indemnité de résiliation,soit 19 296 € TTC au total, sommes qu'il a expurgées de l'indemnité forfaitaire de 10 % et de l'application du taux d'intérêts majoré de 1,5 % par mois après avoir constaté que, s'agissant d'une clause pénale, il y avait lieu de la modérer d'office et d'appliquer le taux d'intérêt légal sur le montant restant dû.
Il n'est formé aucune critique à l'encontre de cette disposition dans les écritures des parties alors que la clause pénale, sa qualification et son éventuelle modération sont dans le débat.
Dès lors il y a lieu de confirmer la décision de ce chef.
Sur les autres demandes :
Eu égard à la position économique respective des parties, il n'est pas inéquitable de laisser à la charge des parties les frais irrépétibles qu'elles ont exposé pour assurer leur représentation en justice.
Les demandes fondées sur l'article 700 du code de procédure civile seront donc rejetées.
La partie qui succombe doit supporter les frais de l'instance.
DISPOSITIF (décision proprement dite) (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)
PAR CES MOTIFS :
La cour statuant après en avoir délibéré,
Confirme le jugement du tribunal de Commerce de Toulouse en date du 4 avril 2022 en toutes ses dispositions, sauf en ce qu'il a condamné la société CLEDICAL à payer aux sociétés HORIZON et CORHOFI la somme de 1000 € à chacune au titre de l'article 700 du code de procédure,
Y ajoutant,
Déboute de la société CLEDICAL de sa demande tendant à dire que la clause de résiliation de plein droit n'a pas été mise en œuvre de bonne foi par la société CORHOFI et doit être réputée non écrite,
Prononce la résiliation du contrat de location entre les sociétés CLEDICAL et CORHOFI avec effet au 13 novembre 2020,
Dit n'y avoir lieu à application de l'article 700 du code de procédure civile au bénéfice de l'une ou l'autre des parties pour les frais exposés tant en première instance qu'en cause d'appel,
Condamne la société CLEDICAL aux entiers dépens de l'instance avec distraction au profit des avocats constitués.
Le Greffier La Présidente.