CA TOULOUSE (2e ch.), 27 août 2024
- T. com. Montauban, 18 mai 2022 : RG n° 2020/08 ; Dnd
CERCLAB - DOCUMENT N° 23021
CA TOULOUSE (2e ch.), 27 août 2024 : RG n° 22/02761 ; arrêt n° 293
Publication : Judilibre
Extrait : « Il a été jugé que si l'article 1171 du code civil s'applique bien aux contrats, même conclus entre producteurs, commerçants, industriels ou personnes immatriculées au répertoire des métiers, lorsqu'ils ne relèvent pas de l'article L. 442-6, I, 2° du code de commerce, dans sa rédaction antérieure à celle issue de l'ordonnance du 24 avril 2019, tels que les contrats de location financière conclus par les établissements de crédit et sociétés de financement, lesquels, pour leurs opérations de banque et leurs opérations connexes définies à l'article L. 311-2 du code monétaire au financier, ne sont pas soumis aux textes du code de commerce relatifs aux pratiques restrictives de concurrence, le défaut de réciprocité de la clause résolutoire de plein droit pour inexécution du contrat se justifie par la nature des obligations auxquelles sont respectivement tenues les parties, à savoir qu'eu égard au caractère purement financier de son intervention, le loueur exécute instantanément l'intégralité des obligations mises à sa charge, en réglant immédiatement au fournisseur le prix des biens commandés par le locataire et en les mettant à la disposition de ce dernier, si bien que seul le locataire reste ensuite tenu, jusqu'au terme du contrat, d'obligations susceptibles d'être sanctionnées par une clause résolutoire. (Cf Cass. com., 26 janvier 2022, pourvoi n° 20-16.782)
Il en découle qu'en prévoyant une procédure de résolution pour défaut de paiement des loyers ne profitant qu'à la seule bailleresse et en édictant diverses compensations financières en cas de prononcé de cette résolution, les articles précités des conditions générales ne visent qu'à réparer l'asymétrie initiale du contrat quant aux obligations de chacune des parties liées.
Le caractère abusif des articles 14.1, 14.3 et 14.4 des conditions générales n'étant pas établi, la demande de la Sas Al et Co Développement de les voir réputés non écrits est rejetée. »
RÉPUBLIQUE FRANÇAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
COUR D’APPEL DE TOULOUSE
DEUXIÈME CHAMBRE
ARRÊT DU 27 AOÛT 2024
ÉLÉMENTS D’IDENTIFICATION DE LA DÉCISION (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)
R.G. n° 22/02761. Arrêt n° 293. N° Portalis DBVI-V-B7G-O5D5. Décision déférée du 18 Mai 2022 - Tribunal de Commerce de MONTAUBAN - 2020/08.
APPELANTE :
SAS BREMANY LEASE
[Adresse 1], [Localité 4], Représentée par Me Thierry LANGE de la SELARL COTEG & AZAM ASSOCIES, avocat au barreau de TOULOUSE, avocat postulant et par Me Gilles BERTRAND de la SCP ELEOM MONTPELLIER, avocat au barreau de MONTPELLIER, avocat plaidant
INTIMÉE :
SAS AL ET CO DEVELOPPEMENT
prise en la personne de son représentant légal domicilié en cette qualité audit siège, [Adresse 2], [Localité 3], Représentée par Me Manon CABARÉ de la SELARL CABARE-BOURDIER, avocat au barreau de TOULOUSE
COMPOSITION DE LA COUR : En application des dispositions des articles 805 et 907 du Code de procédure civile B85D525D8D5030285E5B8CDF386E109B 71192CCF7D68F6ECF7E8E35EE0AB5BBF, l'affaire a été débattue le 24 avril 2024, en audience publique, les avocats ne s'y étant pas opposés, devant M. NORGUET, Conseillère chargée du rapport. Ce magistrat a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la Cour, composée de : V. SALMERON, présidente, M. NORGUET, conseillère, S. MOULAYES, conseillère
Greffier, lors des débats : M. POZZOBON
ARRÊT : - contradictoire - prononcé publiquement par mise à disposition au greffe après avis aux parties - signé par V. SALMERON, présidente, et par A. CAVAN, greffier de chambre.
EXPOSÉ DU LITIGE (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)
Faits et procédure :
Le 17 décembre 2018, la Sas Al et Co Développement a souscrit auprès de la Sas Bremany Lease un contrat de location longue durée (LLD) portant sur un véhicule de marque Ford immatriculé [Immatriculation 5], acquis auprès de la société Auto Setam 82 au prix de 35.344,10 euros.
Le contrat a prévu un remboursement en 36 mensualités de 465,78 euros Ht chacune et devait prendre fin en janvier 2021.
Le véhicule a été livré le 19 décembre 2018.
Le 23 octobre 2019, par LRAR reçue le 25 octobre émise par la société de recouvrement Concilian, la Sas Bremany Lease a mis en demeure la Sas Al et Co Développement d'avoir à procéder à la régularisation de loyers impayés pour les mois d'août à octobre 2019, représentant la somme de 1.796,82 euros, lui précisant qu'à défaut de régularisation sous huitaine, le contrat de location serait résilié de plein droit.
La Sas Bremany Lease considérant le contrat étant résilié à compter du 4 novembre 2019 a notifié à la Sas Al et Co Développement, par nouveau courrier LRAR de la société Concilian en date du 20 novembre 2019, la résiliation effective du contrat et l'a mise en demeure de restituer le véhicule et de régler la somme totale de 9 103,4 euros comprenant notamment l'indemnité de résiliation anticipée.
Le même jour, la Sas Bremany Lease a saisi le juge de l'exécution du tribunal judiciaire de Montauban d'une requête aux fins de restitution du véhicule objet du contrat résilié.
Le 25 novembre 2019, le juge de l'exécution a fait droit à la requête de la Sas Bremany Lease.
L'ordonnance a été signifiée à la Sas Al et Co Développement le 10 décembre 2019. Elle y a formé opposition le 23 décembre 2019.
Le 29 janvier 2020, la Sas Bremany Lease a assigné la Sas Al et Co Développement devant le tribunal de commerce de Montauban en constatation de la résiliation du crédit-bail, restitution du véhicule sous astreinte et condamnation à lui verser les loyers mensuels jusqu'au retour du véhicule ainsi que les sommes restant dues au titre des loyers et de l'indemnité de résiliation outre deux fois la somme de 2.000 euros au titre de la résistance abusive et au titre de l'article 700 du code de procédure civile.
La Sas Al et Co Développement a restitué le véhicule à la société Auto Setam 82 le 4 février 2020.
Le 18 mai 2022, le tribunal de commerce a :
- dit que la mise en demeure adressée par la Sas Bremany Lease à la Sas Al et Co Développement est privée d'effet et que la résiliation du contrat est irrégulière,
- jugé qu'il n'y avait pas lieu de prononcer la résiliation judiciaire du contrat sur le fondement de l'article 1224 du Code civil,
- condamné la Sas Al et Co Développement à payer la somme de 633,47 euros en règlement des loyers de janvier et février applicables au contrat,
- condamné la Sas Al et Co Développement à payer la somme de 385,92 euros en règlement des frais de dépréciation constaté à la restitution du véhicule,
- rejeté toutes les autres demandes de la Sas Bremany Lease,
- condamné la Sas Bremany Lease aux entiers frais et dépens.
Par déclaration en date du 20 juillet 2022, la Sas Bremany Lease a relevé appel du jugement du tribunal de commerce de Montauban aux fins de le voir réformé en intégralité, en ce compris les chefs de condamnation de la Sas Al et Co Développement à des montants inférieurs à ceux demandés.
Par voie de conclusions, la Sas Al et Co Développement a formé appel incident pour voir réformés les chefs de dispositif l'ayant condamnée à payer la somme de 633,47 euros en règlement des loyers de janvier et février applicables au contrat et la somme de 385,92 euros en règlement des frais de dépréciation constaté à la restitution du véhicule, et n'ayant pas accueilli sa demande en paiement de la somme de 5.000 euros au titre du préjudice allégué par elle ainsi que la somme de 3.000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile.
L'ordonnance de clôture a été rendue en date du 27 mars 2024.
Prétentions et moyens des parties :
Vu les conclusions N°2 notifiées le 21 mars 2023, auxquelles il est fait expressément référence pour l'énoncé du détail de l'argumentation, et dans lesquelles la Sas Bremany Lease sollicite, au visa des articles 1103 et suivants et 1224 et suivants du code civil :
l'infirmation du jugement entrepris en ce qu'il a :
- dit que la mise en demeure adressée par la Sas Bremany Lease à la Sas Al et Co Développement est privée d'effet et que la résiliation du contrat est irrégulière,
- jugé qu'il n'y avait pas lieu de prononcer la résiliation judiciaire du contrat sur le fondement de l'article 1224 du code civil,
- limité la condamnation de la Sas Al et Co Développement à payer la somme de 633,47 euros en règlement des loyers de janvier et février applicables au contrat, et la somme de 385,92 euros en règlement des frais de dépréciation constaté à la restitution du véhicule,
- rejeté toutes les autres demandes de la Sas Bremany Lease,
- condamné la Sas Bremany Lease aux entiers frais et dépens de l'instance,
statuant à nouveau sur les points réformés, que l'appel incident de la Sas Al et Co Développement soit rejeté comme ses demandes, fins et conclusions,
la condamnation de la Sas Al et Co Développement à payer à la Sas Bremany Lease la somme principale de 13 094,97 euros, se décomposant comme suit :
- indemnité de résiliation contentieuse : 6 707,28 euros TTC,
- indemnité d'immobilisation de la date de résiliation à la date de restitution (4 février 2020) : 633,47 euros TTC,
- frais de dépréciation : 321,60 euros HT soit 385,92 euros TTC,
- régularisation du montant des loyers suite à la fin anticipée du contrat : 5 368,29 euros TTC,
la condamnation de la Sas Al et Co Développement à payer à la Sas Bremany Lease une somme de 2.000 euros à titre de dommages intérêts pour résistance abusive,
la condamnation de la Sas Al et Co Développement à payer à la Sas Bremany Lease les intérêts au taux légal sur la somme principale de 13 094,97 euros à compter de la délivrance de l'assignation et jusqu'à complet règlement,
la condamnation de la Sas Al et Co Développement à payer à la Sas Bremany Lease la somme de 2.000 euros au titre des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile pour les frais exposés en première instance,
la condamnation de la Sas Al et Co Développement à payer à la Sas Bremany Lease la somme de 2.000 euros au titre des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile en cause d'appel,
la condamnation de la Sas Al et Co Développement aux entiers dépens.
[*]
En réponse, vu les conclusions notifiées en date du 26 décembre 2022, auxquelles il est fait expressément référence pour l'énoncé du détail de l'argumentation, et dans lesquelles la Sas Al et Co Développement demande, au visa des articles 1110, 1171, 1193, 1217, 1224, 1225, 1226, 1227, 1228, 1231-1, 1231-5 et 1344 du Code civil et l'article R124-4 du Code de procédure civile d'exécution :
le rejet de l'ensemble des demandes, fins et prétentions de la Sas Bremany Lease,
à titre principal, qu'il soit reconnu que la mise en demeure adressée à la Sas Al et Co Développement en date du 23 octobre 2019 ne visait pas expressément la clause résolutoire contenue à l'article 14.1 des conditions générales de location et que dès lors, elle se trouve privée d'effet,
qu'il soit reconnu que la Sas Bremany Lease ne disposait pas de la faculté de résilier le contrat de location en date du 19 décembre 2018 et que la procédure de résiliation du contrat de location en date du 19 décembre 2018 est entachée d'irrégularités,
qu'il soit reconnu que la Sas Al et Co Développement a procédé au paiement de l'intégralité des mensualités de loyers et que la Sas Bremany Lease a manqué à son obligation contractuelle visant à assurer la jouissance paisible du véhicule par la Sas Al et Co Développement, ainsi que le caractère partiel et temporaire des manquements reprochés à la Sas Al et Co Développement et leur régularisation en date du 25 novembre 2019,
qu'il soit reconnu qu'en l'absence de gravité suffisante des manquements reprochés à la Sas Al et Co Développement, la Sas Bremany Lease n'est pas recevable à solliciter la résiliation judiciaire du contrat,
qu'il soit reconnu que le rapport d'intervention en date du 23 juin 2020, a été réalisé non contradictoirement et près de cinq mois après la restitution du véhicule et que donc la Sas Al et Co Développement n'est pas redevable d'une indemnité d'immobilisation et que les dispositions de l'article 13.1.2 insérée dans les conditions générales de location n'ont pas vocation à s'appliquer,
en conséquence, la confirmation du jugement entrepris en ce qu'il a
- dit que la mise en demeure adressée par la Sas Bremany Lease à la Sas Al et Co Développement est privée d'effet et que la résiliation du contrat est irrégulière,
- jugé qu'il n'y a pas lieu de prononcer la résiliation judiciaire du contrat sur le fondement de l'article 1224 du Code civil,
- rejeté toutes les autres demandes de la Sas Bremany Lease,
- l'infirmation du jugement entrepris en ce qu'il a :
- condamné la Sas Al et Co Développement à payer la somme de 385,92 euros en règlement des frais de dépréciation constaté à la restitution du véhicule,
- condamné la Sas Al et Co Développement à payer la somme de 633,47 euros en règlement des loyers de janvier et février applicables au contrat,
et, statuant à nouveau, la condamnation de la Sas Bremany Lease au paiement de la somme de 5.000 euros au titre du préjudice subi par la Sas Al et Co Développement,
le rejet de l'intégralité de ses demandes, fins et prétentions,
sa condamnation à payer à payer à la Sas Al et Co Développement la somme de 3 500 euros, au titre de l'article 700 du Code de procédure civile ainsi qu'aux entiers dépends de l'instance,
à titre subsidiaire, que les clauses n° 14.1, 14.3 et 14.4 insérées dans les conditions générales de location soient reconnues abusives, et en conséquence, qu'elles soient réputées non écrites,
le rejet de l'intégralité de ses demandes, fins et prétentions de la Sas Bremany Lease,
la condamnation de la Sas Bremany Lease à payer à la Sas Al et Co Développement la somme de 3 500 euros au titre de l'article 700 du Code de procédure civile ainsi qu'aux entiers dépends de l'instance,
à titre infiniment subsidiaire, qu'il soit reconnu que la Sas Bremany Lease n'a subi aucun préjudice et qu'elle soit déboutée de l'intégralité de ses demandes, fins et prétentions,
la condamnation de la Sas Bremany Lease à payer à la Sas Al et Co Développement la somme de 3 500 euros, au titre de l'article 700 du Code de procédure civile ainsi qu'aux entiers dépens de l'instance.
MOTIFS (justification de la décision) (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)
MOTIFS :
Sur la résiliation du contrat de crédit-bail du 17 décembre 2018 :
Aux termes des articles 1103 et 1104 du code civil, les contrats légalement formés tiennent lieu de loi à ceux qui les ont faits. Les contrats doivent être négociés, formés et exécutés de bonne foi. Cette disposition est d'ordre public.
Selon les articles 1224, 1225, 1226, 1227 et 1229 du code civil, la résolution résulte soit de l'application d'une clause résolutoire soit, en cas d'inexécution suffisamment grave, d'une notification du créancier au débiteur ou d'une décision de justice. La clause résolutoire précise les engagements dont l'inexécution entraînera la résolution du contrat. La résolution est subordonnée à une mise en demeure infructueuse, s'il n'a pas été convenu que celle-ci résulterait du seul fait de l'inexécution. La mise en demeure ne produit effet que si elle mentionne expressément la clause résolutoire. [..] Lorsque l'inexécution persiste, le créancier notifie au débiteur la résolution du contrat et les raisons qui la motivent. Le débiteur peut à tout moment saisir le juge pour contester la résolution. Le créancier doit alors prouver la gravité de l'inexécution. [..] La résolution peut, en toute hypothèse, être demandée en justice. Lorsque les prestations échangées ont trouvé leur utilité au fur et à mesure de l'exécution réciproque du contrat, il n'y a pas lieu à restitution pour la période antérieure à la dernière prestation n'ayant pas reçu sa contrepartie ; dans ce cas, la résolution est qualifiée de résiliation. [..]
Les parties reconnaissent que la Sas Al et Co Développement a restitué le véhicule objet du crédit-bail le 4 février 2020.
La Sas Bremany Lease soutient avoir valablement résilié le contrat de crédit-bail la liant à la Sas Al et Co Développement par l'envoi le 23 octobre 2019, par la société de recouvrement mandatée à cette fin, d'un courrier recommandé qui, s'il ne vise pas le bon article des conditions générales du contrat, mentionne bien les engagements dont l'inexécution amènera à la résiliation du contrat et laisse au débiteur un délai pour régulariser. Elle affirme donc que le contrat en cause doit être considéré comme résilié à la date du 4 novembre 2019 et, en application des conditions générales prévues au contrat, le terme étant déchu, l'appelante sollicite le paiement par la Sas Al et Co Développement des loyers échus impayés ainsi que de tous les loyers dus jusqu'au terme initial du bail, l'indemnité forfaitaire de résiliation et une indemnité d'immobilisation du véhicule courant entre cette date et celle de la remise effective du véhicule au 4 février 2020 outre les frais de dépréciation de celui-ci.
Elle soutient que le versement perçu en provenance de la Sas Al et Co Développement le 25 novembre 2019 n'est en rien une régularisation, ni une continuation du contrat en cours mais une simple avance sur l'indemnité d'immobilisation du fait de la non restitution du véhicule par la locataire, laquelle n'a d'ailleurs pas acquitté en suivant les loyers de janvier et février 2020.
Subsidiairement, elle sollicite le prononcé de la résiliation judiciaire du contrat en cause pour inexécution grave de ses obligations par la Sas Al et Co Développement du fait du non-paiement des loyers entre août 2019 et janvier 2020, ce à compter du mois de janvier 2020 avec les mêmes conséquences indemnitaires.
En réplique, la Sas Al et Co Développement soutient, à titre principal, qu'il n'y a pas eu résiliation valable du contrat du fait que le courrier recommandé du 23 octobre 2019 ne visait pas la clause résolutoire de l'article 14.1 des conditions générales mais l'article 16.1.
Au demeurant, elle conteste toute inexécution grave de ses obligations, indiquant avoir simplement connu des difficultés temporaires de mise en place de nouveaux virements et qu'elle a rapidement repris les paiements de sorte que la Sas Bremany Lease n'avait pas à obtenir la restitution du véhicule faute d'inexécution grave de ses obligations.
Elle conteste donc devoir d'autres sommes que les loyers échus et notamment pas l'indemnité forfaitaire de résiliation. Si la cour devait néanmoins l'y condamner, elle en demande la réduction au vu de son caractère manifestement excessif.
Subsidiairement, elle soutient le caractère abusif des articles 14.1, 14.3 et 14.4 des conditions générales du contrat, créant en sa défaveur un déséquilibre significatif, seule la bailleresse ayant la possibilité de résoudre le contrat pour impayé dès la première échéance non réglée. L'intimée affirme que ces articles doivent donc être réputées non écrits.
- sur la résiliation du contrat au 4 novembre 2019
En l'absence de dispense expresse et non équivoque, la clause résolutoire ne peut être acquise au créancier sans la délivrance préalable d'une mise en demeure mentionnant expressément ladite clause et restée infructueuse. Les conditions générales du contrat dont s'agit ont entendu se soumettre à ce régime puisque le dernier paragraphe de l'article 14.1 reprend exactement ces mêmes modalités.
A l'expiration du délai laissé au débiteur pour régulariser, la déchéance est acquise sans qu'il ne soit nécessaire au bailleur bénéficiaire d'une telle clause de notifier par un nouvel acte l'acquisition de la déchéance.
En l'espèce, les conditions générales attachées au contrat de crédit-bail ont prévu dans leur article 14.1 les cas de résiliation du contrat pour « faute », notamment imputable au locataire, ainsi que la procédure à suivre.
A l'examen des pièces produites, la cour constate que la société Concilian a adressé à la Sas Al et Co Développement, aux fins de résiliation, pour le compte de la Sas Bremany Lease un courrier recommandé en date du 23 octobre 2019. S'il est exact que ce courrier vise l'article 16.1 et non l'article 14.1, il y est reproduit l'extrait du contenu de l'article 14.1 applicable au motif de résiliation poursuivi. De plus, l'ensemble des précisions contenues dans le courrier ont permis à la locataire de déterminer avec précision dans quel cas de résiliation elle se situait, en l'espèce le non-paiement d'au moins un des loyers à l'échéance prévue, le délai laissé par le créancier pour régulariser, 8 jours, ainsi que le prononcé à venir de la déchéance du terme en cas de non-paiement dans le dit délai.
Le simple fait que le numéro de l'article soit erroné ou que le mot [manquement] « important » [à l'une des obligations du contrat] ait été ajouté par rapport à la lettre exacte de l'article 14.1 est indifférent dans la mesure où il est bien fait expressément référence à la lettre de l'article applicable de sorte qu'aucune de ces deux erreurs, à l'évidence matérielles, ne sont de nature à enlever son effectivité à la mise en demeure, le locataire n'étant induit en erreur ni quant aux fautes reprochées, ni quant au délai laissé pour régulariser, ni quant à la sanction encourue en cas de non régularisation. L'ensemble est bien conforme aux prévisions des conditions générales.
La cour rappelle que la bonne foi du débiteur est inopérante dès lors que le manquement spécialement sanctionné par la clause résolutoire est avéré de sorte que les éléments d'explication avancés par la Sas Al et Co Développement quant à des difficultés de remplacement d'un compte bancaire par un autre seront écartés, ce d'autant qu'elle ne produit aucune pièce pour en justifier.
Dès lors, la cour constate que la Sas Bremany Lease a bien suivi la procédure contractuelle imposée par les conditions générales applicables de sorte que la résiliation du contrat est valablement acquise, à son profit, à l'issue du délai prévu, soit 8 jours après la réception du courrier recommandé, le 4 novembre 2019. Il n'y a donc pas lieu d'examiner la demande de prononcé d'une résiliation judiciaire dudit contrat.
- sur le caractère abusif de certains articles des conditions générales
Subsidiairement, en application des dispositions de l'article 1171 du code civil, la Sas Al et Co Développement soutient le caractère abusif des articles 14.1, 14.3 et 14.4 des conditions générales, lesquels créent un déséquilibre significatif entre ses droits et obligations et ceux de la Sas Bremany Lease et font peser sur elle des obligations injustifiées et non réciproques.
L'intimée affirme que le contrat de crédit-bail conclu est un contrat d'adhésion, qui lui a été imposé sans aucune latitude pour l'amender, et que ses articles 14.1, 14.3 et 14.4 prévoyant la sseule possibilité de résiliation par la bailleresse en cas d'unique impayé avec restitution immédiate du véhicule, doivent être qualifiées de clauses abusives et dès lors être réputées non écrites.
La Sas Bremany Lease conteste que l'article 1171 du code civil puisse s'appliquer aux clauses du contrat relative à la résiliation pour impayés et les conséquences indemnitaires en découlant s'agissant de clauses qui, au contraire, rétablissent un équilibre entre ses obligations, très lourdes au début du contrat, et celles de la locataire, principalement tenue au paiement des échéances.
Il a été jugé que si l'article 1171 du code civil s'applique bien aux contrats, même conclus entre producteurs, commerçants, industriels ou personnes immatriculées au répertoire des métiers, lorsqu'ils ne relèvent pas de l'article L. 442-6, I, 2° du code de commerce, dans sa rédaction antérieure à celle issue de l'ordonnance du 24 avril 2019, tels que les contrats de location financière conclus par les établissements de crédit et sociétés de financement, lesquels, pour leurs opérations de banque et leurs opérations connexes définies à l'article L. 311-2 du code monétaire au financier, ne sont pas soumis aux textes du code de commerce relatifs aux pratiques restrictives de concurrence, le défaut de réciprocité de la clause résolutoire de plein droit pour inexécution du contrat se justifie par la nature des obligations auxquelles sont respectivement tenues les parties, à savoir qu'eu égard au caractère purement financier de son intervention, le loueur exécute instantanément l'intégralité des obligations mises à sa charge, en réglant immédiatement au fournisseur le prix des biens commandés par le locataire et en les mettant à la disposition de ce dernier, si bien que seul le locataire reste ensuite tenu, jusqu'au terme du contrat, d'obligations susceptibles d'être sanctionnées par une clause résolutoire. (Cf Cass. com., 26 janvier 2022, pourvoi n° 20-16.782)
Il en découle qu'en prévoyant une procédure de résolution pour défaut de paiement des loyers ne profitant qu'à la seule bailleresse et en édictant diverses compensations financières en cas de prononcé de cette résolution, les articles précités des conditions générales ne visent qu'à réparer l'asymétrie initiale du contrat quant aux obligations de chacune des parties liées.
Le caractère abusif des articles 14.1, 14.3 et 14.4 des conditions générales n'étant pas établi, la demande de la Sas Al et Co Développement de les voir réputés non écrits est rejetée.
Sur les demandes en paiement de la Sas Bremany Lease :
La résiliation judiciaire étant valablement acquise au 4 novembre 2019 et les articles 14.1, 14.3, 14.4 des conditions générales étant validés, il convient d'accueillir les demandes en paiement de la Sas Bremany Lease formulées à l'encontre de la Sas Al et Co Développement et de condamner celle-ci à lui verser les sommes fixées à ce titre.
En défense, la Sas Al et Co Développement affirme avoir réglé les échéances du contrat jusqu'à son terme et soutient l'absence de préjudice de la Sas Bremany Lease du fait de la restitution du véhicule. Enfin, elle affirme que les frais de dépréciation, ayant été chiffrés lors d'un contrôle auquel elle n'a pu assister, ne lui sont pas opposables.
Selon l'article 1353 du code civil, celui qui réclame l'exécution d'une obligation doit la prouver. Réciproquement, celui qui se prétend libéré doit justifier le paiement ou le fait qui a produit l'extinction de son obligation.
La cour constate que la Sas Al et Co Développement ne fournit aucune pièce justifiant le règlement de l'ensemble de échéances jusqu'au terme initialement convenu du contrat soit janvier 2021. Elle produit uniquement, en pièces 2 et 3, deux copies écran de virements, pour la somme de 2.235,76 euros le 25 novembre 2019 et pour la somme de 558,94 euros le 5 décembre 2019, lesquelles sont bien prises en compte dans le décompte final produit en pièce 23 par l'appelante.
- sur la régularisation du montant des loyers suite à la fin anticipée du contrat
En application des dispositions de l'article 13.1.2 des conditions générales, auquel renvoie expressément l'article 14.3, la Sas Bremany sollicite la somme de 5.368,29 euros correspondant à un réajustement des loyers en raison de la fin anticipée du contrat, par application d'une formule de calcul détaillée dans le corps des conditions générales.
L'application de cette formule au cas d'espèce aboutit effectivement à la somme de 5.368,29 euros TTC. L'intimée, qui se limite à contester l'applicabilité de l'article 13 des conditions générales à la résiliation en cause malgré le renvoi opéré par l'article 14, n'oppose pas d'argument quant au calcul même de la somme de sorte qu'elle sera condamnée à verser celle-ci à l'appelante à ce titre.
- sur l'indemnité forfaitaire de résiliation
En application de l'article 14.3 des conditions générales, la Sas Bremany Lease sollicite la somme de 6 707,28 euros TTC correspondant à « 50 % des loyers TTC restant à courir sans toutefois que cette indemnité ne puisse être inférieure à 6 mois de loyers TTC ».
L'appelante produit en pièce 23 un décompte des sommes dues par la Sas Al et Co Développement.
La cour constate ainsi que l'indemnité de résiliation calculée selon les modalités prévues aux conditions générales se monte effectivement à la somme de 6.707,28 euros TTC.
La Sas Al et Co soutient la disproportion manifeste de cette somme, s'apparentant à une clause pénale, en affirmant l'absence de préjudice de l'appelante du fait de la continuation du contrat et de la restitution du véhicule. Ces arguments, qui ne sont pas de nature à matérialiser l'éventuelle disproportion manifeste de l'indemnité forfaitaire de résiliation, ne permettent pas à la cour d'en remettre en cause le montant, lequel est proportionné au préjudice découlant pour la bailleresse de la différence entre l'investissement réalisé en début de contrat et la perte financière découlant de l'arrêt des paiements par le locataire avant le terme initialement prévu.
La Sas Al et Co Développement sera donc condamnée à verser à la Sas Bremany Lease la somme de 6.707,28 euros TTC de ce chef.
- sur l'indemnité d'immobilisation
La Sas Bremany Lease sollicite l'application des dispositions de l'article 14.4 des conditions générales, qui prévoit que le retard dans la restitution du véhicule, laquelle doit intervenir sans délai suite au prononcé de la résiliation, entraîne pour le locataire le paiement d'une indemnité d'immobilisation égale au montant du loyer considéré prorata temporis entre la date de résiliation du contrat de location et la date de restitution effective du véhicule, majoré de 25 %. Elle chiffre cette indemnité à la somme de 633,47 euros TTC tenant compte des paiements réalisés par la locataire en décembre 2019.
La Sas Al et Co Développement n'y oppose pas d'argument, se limitant à considérer la résiliation non acquise au 4 novembre 2019.
Dès lors, la Sas Al et Co sera condamnée à verser à la Sas Bremany Lease de ce chef la somme de 633,47 euros TTC.
- sur les frais de dépréciation
La Sas Bremany Lease sollicite à ce titre la somme de 358,92 euros TTC que la Sas Al et Co conteste en raison du caractère non contradictoire du rapport d'inspection ayant chiffré les réparations, réalisé le 23 juin 2020 alors que le véhicule a été restitué le 4 février 2020.
Cependant, la cour constate, comme le soutient justement l'appelante, que le dit rapport d'inspection a chiffré en réparation uniquement les opérations correspondant à la reprise des dégradations objectivées contradictoirement dans le « procès-verbal de restitution » dressé le 4 février 2020, en présence du représentant de la Sas Al et Co Développement et signé par celui-ci. Dès lors, le fait que le rapport d'inspection ait été réalisé plusieurs mois après la réception du véhicule n'a pas d'influence sur la justification des sommes réclamées.
Cette somme étant pleinement justifiée par la Sas Bremany Lease, la Sas Al et Co Développement sera condamnée à lui verser 358,92 euros TTC à ce titre.
Enfin, la Sas Bremany Lease sollicite l'adjonction des intérêts au taux légal à compter de la délivrance de l'assignation, soit du 29 janvier 2020. Il sera fait droit à cette demande.
Sur la demande de dommages et intérêts de la Sas Bremany Lease pour résistance abusive :
Aux termes de l'article 1231-6 du code civil, les dommages et intérêts dus à raison du retard dans le paiement d'une obligation de somme d'argent consistent dans l'intérêt au taux légal, à compter de la mise en demeure. Ces dommages et intérêts sont dus sans que le créancier soit tenu de justifier d'aucune perte. Le créancier auquel son débiteur en retard a causé, par sa mauvaise foi, un préjudice indépendant de ce retard, peut obtenir des dommages et intérêts distincts de l'intérêt moratoire.
Le simple retard dans l'exécution de l'obligation contractuelle a vocation à être indemnisé par l'allocation des intérêts légaux à compter de l'assignation comme sollicité par la Sas Bremany Lease et accordé par la cour.
En l'absence de toute justification par l'appelante de sa demande et notamment de l'existence d'un préjudice distinct, sa demande en dommages et intérêts pour résistance abusive sera rejetée.
Sur la demande de dommages et intérêts pour préjudice moral formulée par la Sas Al et Co Développement :
Aux termes de l'article 1382 devenu 1240 du code civil, tout fait quelconque de l'homme, qui cause à autrui un dommage, oblige celui par la faute duquel il est arrivé à le réparer.
La Sas Al et Co Développement sollicite l'allocation de la somme de 5.000 euros en réparation du préjudice moral subi du fait de la résiliation prononcée à son encontre par la Sas Bremany Lease.
La résiliation étant confirmée par la cour d'appel, il ne sera pas fait droit à la demande de dommages et intérêts de la Sas Al et Co Développement de ce chef.
Le jugement de première instance, qui a omis de statuer sur ce chef de demande bien qu'il en ait été saisi, sera complété et la demande de dommages et intérêts pour préjudice moral de la Sas Al et Co Développement rejetée.
Sur les frais irrépétibles :
La Sas Al et Co Développement, partie succombante, sera condamnée aux dépens de première instance et d'appel.
Les circonstances de l'espèce ne justifient pas qu'il soit fait application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile.
DISPOSITIF (décision proprement dite) (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)
PAR CES MOTIFS,
La Cour,
Infirme le jugement entrepris en toutes ses dispositions à l'exception du chef de dispositif ayant débouté la Sas Bremany Lease de sa demande au titre de la résistance abusive,
Et, statuant à nouveau, des chefs infirmés et complétant le jugement de première instance,
Constate la résiliation du contrat de crédit-bail signé entre les parties le 17 décembre 2018 valablement acquise au 4 novembre 2019,
En conséquence, condamne la Sas Al et Co Développement à verser à la Sas Bremany Lease les sommes suivantes, avec intérêt au taux légal à compter du 29 janvier 2020 :
- 5.368,29 euros TTC au titre du réajustement des loyers suite à la fin anticipée du contrat,
- 6.707,28 euros TTC au titre de l'indemnité forfaitaire de résiliation,
- 633,47 euros TTC au titre de l'indemnité d'immobilisation,
- 358,92 euros TTC au titre des frais de dépréciation,
Rejette la demande de dommages et intérêts pour préjudice moral formulée par la Sas Al et Co Développement,
Y ajoutant,
Condamne la Sas Al et Co Développement aux dépens de première instance et d'appel,
Dit n'y avoir lieu à application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile.
Le greffier, La présidente,