CA AMIENS (1re ch. 1re sect.), 22 mai 2008
CERCLAB - DOCUMENT N° 2328
CA AMIENS (1re ch. 1re sect.), 22 mai 2008 : RG n° 07/02353
Publication : Jurica
Extrait : « Considérant que l'insertion dans l'offre préalable de crédit d'une clause permettant l'augmentation, dans des proportions considérables, du montant du découvert initialement convenu sans acceptation par l'emprunteur d'une nouvelle offre de crédit, fait obstacle, d'une part, à l'information que ce dernier doit recevoir, préalablement à tout nouvel engagement, sur l'ensemble des caractéristiques du crédit projeté, notamment sur les charges de remboursement à venir, qu'une nouvelle offre de crédit, si elle lui avait été proposée à chaque dépassement du crédit précédemment autorisé, aurait permis d'assurer ainsi que, d'autre part, à la faculté de rétractation imposée par l'article L. 311-15 du Code de la consommation à l'occasion de chaque nouvelle offre de crédit ;
Considérant que la clause litigieuse qui permet au prêteur d'augmenter le montant du crédit initialement consenti sans soumettre à l'emprunteur une nouvelle offre préalable lors de chaque dépassement du crédit autorisé est de nature à créer au détriment de l'emprunteur un déséquilibre significatif entre les droits et obligations des parties au contrat par rapport aux dispositions protectrices prévues par la loi en sa faveur ; que la loi encadre très strictement les conditions dans lesquelles le consentement de l'emprunteur doit être donné de manière à le protéger contre des engagements dont il n'aurait pas pu évaluer toute la portée au moment où il les prend ; que tel est précisément le cas en l'espèce ;
Qu'il s'ensuit que la clause litigieuse est abusive et par suite doit être réputée non écrite en application de l'article L. 132-1 du Code de la consommation ;
Considérant que le premier juge n'a pas excédé ses pouvoirs en relevant d'office le moyen tiré du caractère abusif de la clause litigieuse ; qu'il résulte en effet de la directive 93/13/CEE du Conseil du 5 avril 1993 concernant les clauses abusives dans les contrats conclus avec les consommateurs, que la protection qu'elles assurent implique que le juge national puisse apprécier d'office le caractère abusif d'une clause du contrat qui lui est soumis ; qu'il n'a statué qu'au regard du caractère abusif de la clause litigieuse et non pas de la conformité du contrat aux dispositions de l'article L. 311-9 du Code de la consommation, de sorte que le reproche que lui fait la société Cofinoga d'avoir relevé d'office le moyen tiré de la violation de ces dispositions qui ne peut être invoqué que par les emprunteurs, n'est pas fondée ;
Considérant que, dès lors que la clause permettant l'augmentation du montant du découvert est non écrite conformément à l'article L. 132-1 du Code de la consommation, le montant du découvert reste fixé à 9.000 euros ; qu'il a été dépassé depuis le mois de juillet 2004, sans être régularisé depuis cette époque ».
COUR D’APPEL D’AMIENS
PREMIÈRE CHAMBRE PREMIÈRE SECTION
ARRÊT DU 22 MAI 2008
ÉLÉMENTS D’IDENTIFICATION DE LA DÉCISION (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)
R.G. n° 07/02353. APPEL D'UN JUGEMENT DU TRIBUNAL D'INSTANCE DE COMPIEGNE du 20 avril 2007.
APPELANTE :
SA COFINOGA
[adresse], Représentée par la SCP LE ROY, avoué à la Cour et ayant pour avocat la SCP DRYE DE BAILLIENCOURT CAMBIER LE TARNEC du barreau de SENLIS
ET :
INTIMÉS :
Monsieur X.
[adresse],
Madame Y. épouse X.
[adresse], [minute Jurica page 2] Assignés à l'étude suivant exploit de la SCP G. Huissiers de Justice Associés à COMPIEGNE en date du 18 octobre 2007 à la requête de la SA COFINOGA. Non comparants.
DÉBATS : A l'audience publique du 21 mars 2008 devant M. GRANDPIERRE, Président, entendu en son rapport, magistrat rapporteur siégeant, sans opposition des avocats, en vertu de l'article 786 du Code de procédure civile qui a avisé les parties à l'issue des débats que l'arrêt sera prononcé par sa mise à disposition au greffe le 22 mai 2008.
GREFFIER : M. DROUVIN
COMPOSITION DE LA COUR : LORS DU DELIBÉRÉ : M. Le Président en a rendu compte à la Cour composée de : M. GRANDPIERRE, Président, Madame CORBEL et M. DAMULOT, Conseillers, qui en ont délibéré conformément à la Loi.
ARRÊT : PRONONCE PUBLIQUEMENT le 22 mai 2008 par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du Code de procédure civile ; M. GRANDPIERRE, Président, a signé la minute avec M. DROUVIN, Greffier.
MOTIFS (justification de la décision) (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)
DÉCISION :
Statuant sur l'appel interjeté par la société Cofinoga contre le jugement rendu le 20 avril 2007 par le Tribunal d'instance de Compiègne qui a déclaré irrecevable comme étant forclose l'action en payement qu'elle a engagée contre M. X. et Mme Y., son épouse, ensemble l'a condamnée aux dépens ;
Considérant que la société Cofinoga, qui poursuit l'infirmation du jugement, demande que les époux X. soient condamnés à lui payer la somme de 15.448,56 euros augmentée des intérêts au taux contractuel de 16,72 % sur la somme de 14.628,77 euros à compter du 24 octobre 2006, jour de la mise en demeure ;
Qu'à l'appui de son recours et après avoir exposé qu'elle a accordé un prêt aux époux X. qui ont cessé tout remboursement malgré des réclamations amiables, la société Cofinoga soutient que, contrairement à ce qu'a décidé le premier juge, qui n'avait pas le pouvoir de relever le moyen d'office, l'augmentation de réserve accordée contractuellement de façon tacite aux emprunteurs, qui ne résulte pas d'une clause abusive, ne constitue pas le premier incident de payement faisant courir le délai biennal de forclusion ; qu'elle en déduit que son action, introduite par acte du 16 février 2007, n'est pas forclose et que, compte tenu des pièces justificatives produites, sa demande est fondée ;
[minute Jurica page 3] Qu'à titre subsidiaire, l'établissement de crédit fait valoir que, si la clause est jugée abusive, cette circonstance doit être sanctionnée uniquement par la déchéance du droit aux intérêts ;
Considérant que chacun des époux X. a été assigné en l'étude de l'huissier de justice ; que, par application des dispositions de l'article 474, alinéa 2, du Code de procédure civile, le présent arrêt sera rendu par défaut ;
Considérant qu'en fait, par offre préalable acceptée le 23 août 2003, la société Cofinoga a consenti aux époux X. une ouverture de crédit utilisable par fractions d'un découvert initialement autorisé de 9.000 euros ouvrant droit, pour l'établissement de crédit, à la perception d'intérêts au taux effectif global de 17,30 % calculés sur les sommes réellement empruntées ; qu'à la suite d'incidents de payement, la société Cofinoga a prononcé la déchéance du terme ;
Considérant que, comme l'a relevé le premier juge, dès le mois de juillet 2004, les époux X. étaient débiteurs d'une somme excédant 9.000 euros ;
Considérant qu'est insérée au contrat une clause selon laquelle « le montant maximum du découvert autorisé par le prêteur est de 15.000 €. Le montant que vous choisissez dans cette limite constitue la fraction disponible du découvert. Cette fraction disponible est de 9.000 €. » ; que l'article 4 des conditions générales du crédit stipule que « la fraction disponible peut évoluer sur demande spécifique de votre part dans la limite du montant maximum du découvert autorisé » ;
Qu'en l'espèce, aucun avenant écrit n'a été conclu ;
Considérant que l'insertion dans l'offre préalable de crédit d'une clause permettant l'augmentation, dans des proportions considérables, du montant du découvert initialement convenu sans acceptation par l'emprunteur d'une nouvelle offre de crédit, fait obstacle, d'une part, à l'information que ce dernier doit recevoir, préalablement à tout nouvel engagement, sur l'ensemble des caractéristiques du crédit projeté, notamment sur les charges de remboursement à venir, qu'une nouvelle offre de crédit, si elle lui avait été proposée à chaque dépassement du crédit précédemment autorisé, aurait permis d'assurer ainsi que, d'autre part, à la faculté de rétractation imposée par l'article L. 311-15 du Code de la consommation à l'occasion de chaque nouvelle offre de crédit ;
Considérant que la clause litigieuse qui permet au prêteur d'augmenter le montant du crédit initialement consenti sans soumettre à l'emprunteur une nouvelle offre préalable lors de chaque dépassement du crédit autorisé est de nature à créer au détriment de l'emprunteur un déséquilibre significatif entre les droits et obligations des parties au contrat par rapport aux dispositions protectrices prévues par la loi en sa faveur ; que la loi encadre très strictement les conditions dans lesquelles le consentement de l'emprunteur doit être donné de manière à le protéger contre des engagements dont il n'aurait pas pu évaluer toute la portée au moment où il les prend ; que tel est précisément le cas en l'espèce ;
Qu'il s'ensuit que la clause litigieuse est abusive et par suite doit être réputée non écrite en application de l'article L. 132-1 du Code de la consommation ;
Considérant que le premier juge n'a pas excédé ses pouvoirs en relevant d'office le moyen tiré du caractère abusif de la clause litigieuse ; qu'il résulte en effet de la directive 93/13/CEE du Conseil du 5 avril 1993 concernant les clauses abusives dans les contrats conclus avec les consommateurs, que la protection qu'elles assurent implique que le juge national puisse apprécier d'office le caractère abusif d'une clause du contrat qui lui est soumis ; qu'il n'a statué qu'au regard du caractère abusif de la clause litigieuse et non pas de la conformité du contrat aux dispositions de l'article L. 311-9 du Code de la consommation, de sorte que le reproche que lui fait la société Cofinoga d'avoir relevé d'office le moyen tiré de la violation de ces dispositions qui ne peut être invoqué que par les emprunteurs, n'est pas fondée ;
Considérant que, dès lors que la clause permettant l'augmentation du montant du découvert est non écrite [minute Jurica page 4] conformément à l'article L. 132-1 du Code de la consommation, le montant du découvert reste fixé à 9.000 euros ; qu'il a été dépassé depuis le mois de juillet 2004, sans être régularisé depuis cette époque ;
Considérant qu'en application des dispositions de l'article L. 311-37 du Code de la consommation, les actions en paiement doivent être engagées, à peine de forclusion, dans les deux ans de l'événement qui leur a donné naissance ; que, dans le cas d'une ouverture de crédit d'un montant déterminé et reconstituable, assortie d'une obligation de remboursement à échéances convenues, le dépassement du découvert convenu constitue, en l'absence de régularisation, un incident qui manifeste la défaillance de l'emprunteur, contrairement à ce que soutient la société Cofinoga, et qu'il constitue le point de départ du délai biennal de forclusion édicté par l'article précité ;
Que la société Cofinoga n'ayant introduit son action que par assignation du 16 février 2007, soit plus de deux ans après le point de départ du délai de forclusion, sa demande est irrecevable ;
Que, par voie de conséquence, il convient de confirmer le jugement frappé d'appel ;
DISPOSITIF (décision proprement dite) (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)
PAR CES MOTIFS :
Statuant publiquement, par défaut et en dernier ressort,
Confirme le jugement rendu le 24 mai 2007 par le Tribunal d'instance de Compiègne au profit de M. X. et Mme Y., son épouse ;
Condamne la société Cofinoga aux dépens d'appel.
LE GREFFIER, LE PRÉSIDENT,
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