CA DOUAI (8e ch. 1re sect.), 5 mars 2009
CERCLAB - DOCUMENT N° 2345
CA DOUAI (8e ch. 1re sect.), 5 mars 2009 : RG n° 08/05376
Publication : Jurica
Extraits : 1/ « Le juge peut donc relever d'office les irrégularités et manquements qu'il constate aux dispositions précitées et notamment aux articles L. 311-8 et suivants du Code de la consommation et il doit relever la fin de non recevoir tirée de l'article L. 311-37 du même Code sans qu'il n'y ait plus lieu de distinguer selon qu'il s'agit d'un ordre public de protection ou de direction en raison des objectifs recherchés par cette directive. »
2/ « Par ailleurs, en matière de crédits utilisables par fractions, l'article L. 311-9 du Code de la consommation rappelle « l'obligation d'une offre préalable pour le contrat initial et pour toute augmentation du crédit consenti ». Si lors d'un renouvellement du contrat initial cet article dispense le prêteur de soumettre à l'acceptation de l'emprunteur une nouvelle offre préalable, cette dispense ne s'étend toutefois pas aux nouvelles ouvertures de crédit auxquelles doivent être assimilées toute modification du montant du crédit ou du taux du crédit précédemment consenti, lesquelles constituent un nouveau contrat qui doit donc être conclu dans les termes d'une offre préalable répondant aux exigences des [minute Jurica page 5] dispositions des articles L. 311- 9-1 et L. 311-10 du même Code ; l'acceptation ne peut être tacite mais doit résulter d'un acte univoque de l'emprunteur.
2.2 Au cas d'espèce le montant initial de 20.000 Francs ou 3.048,98 € consenti le 27 novembre 1997 a été dépassé en août 2001 par l'effet d'un achat de 30.000 Francs soit 4.573,47 € et l'examen de l'historique du compte montre qu'il n'a cessé de s'aggraver depuis et n'est jamais plus par suite repassé en deçà du seuil initialement convenu par l'effet de versements du débiteurs ou d'un offre régulière dans les termes des textes précités.
Les avenants des 15 avril 2004 et 4 mai 2005 n'ont pu avoir d'effet régulateur puisqu'à la date de leur signature non seulement les montants autorisés étaient déjà dépassés mais surtout, plus de deux ans s'étaient écoulés depuis le dépassement d'août 2001. Ce dépassement du plafond autorisé constitue, au sens des textes précités et de la jurisprudence subséquente, un incident de paiement manifestant la défaillance de l'emprunteur, point de départ du délai de forclusion. »
COUR D’APPEL DE DOUAI
HUITIÈME CHAMBRE PREMIÈRE SECTION
ARRÊT DU 5 MARS 2009
ÉLÉMENTS D’IDENTIFICATION DE LA DÉCISION (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)
RG n° 08/05376. Jugement (N° 07/2247) rendu le 23 Juillet 2007 par le Tribunal d'Instance de LILLE.
APPELANTE :
SA SOFICARTE
agissant en la personne de ses représentants légaux domiciliés en cette qualité audit siège, ayant son siège social : [adresse], Représentée par la SCP LEVASSEUR-CASTILLE-LEVASSEUR, avoués à la Cour, Assistée de la SCP HANUS-POIDEVIN-DENYS, avocats au barreau de LILLE
INTIMÉS :
Monsieur X.
demeurant [adresse], N'a pas constitué avoué.
Madame Y. épouse X.
[adresse], N'a pas constitué avoué.
DÉBATS : A l'audience publique du 20 janvier 2009, tenue par Madame PAOLI magistrat chargé d'instruire l'affaire qui a entendu seul les plaidoiries, les conseils des parties ne s'y étant pas opposés et qui en a rendu compte à la Cour dans son délibéré (article 786 du Code de Procédure Civile). Les parties ont été avisées à l'issue des débats que l'arrêt serait prononcé par sa mise à disposition au greffe.
GREFFIER LORS DES DÉBATS : [minute Jurica page 2] Madame DESBUISSONS
COMPOSITION DE LA COUR : LORS DU DÉLIBÉRÉ : M. CHARBONNIER, Président de chambre, Madame PAOLI, Conseiller, Madame VEJUX, Conseiller
ARRÊT : PAR DÉFAUT, prononcé publiquement par mise à disposition au greffe le 5 mars 2009 (date indiquée à l'issue des débats) et signé par M. CHARBONNIER, Président et Madame DESBUISSONS, greffier, auquel la minute a été remise par le magistrat signataire.
MOTIFS (justification de la décision) (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)
Vu le jugement contradictoire du tribunal d'instance de Lille en date du 23 juillet 2007 ;
Vu l'appel formalisé par la SA SOFICARTE le 28 août 2007 ;
Vu les conclusions de la SA SOFICARTE déposées au greffe de la 8ème Chambre de la cour le 6 novembre 2007 ;
EXPOSÉ DU LITIGE (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)
Par acte d'huissier en date du 25 mai 2007, la société SOFICARTE a fait assigner M. X. et Madame Y. épouse X. en paiement du solde d'une ouverture de crédit utilisable par fractions consentie le 27 novembre 1997, devant le tribunal d'instance de Lille lequel, par jugement dont appel, après avoir constaté la forclusion a déclaré son action irrecevable.
La société SOFICARTE conteste tout d'abord la possibilité pour le juge de soulever d'office le moyen tiré de la forclusion, elle soutient ensuite n'être pas obligée de proposer une nouvelle offre de crédit car le mécanisme du découvert utile et du montant maximum autorisé est régulier au regard des textes en vigueur, elle conteste donc l'existence tant d'une clause abusive que de la forclusion soutenant que la sanction peut tout au plus être la déchéance du droit aux intérêts. Elle conclut donc à l'infirmation du jugement entrepris et la condamnation de M. X. et Madame Y. épouse X. à lui payer la somme de 20.879,97 € en principal outre les intérêts au taux de 17,45 % sur la somme de 19.628,24 € à compter du 13 février 2007, elle sollicite enfin 400 € en application de l'article 700 du Code de procédure civile.
M. X. et Madame Y. épouse X. ont été assignés puis réassignés en l'étude de l'huissier, après vérification du domicile auprès des voisins, respectivement les 12 novembre et 17 décembre 2007. Les conclusions précitées de la société SOFICARTE ainsi que le bordereau de pièces communiquées leur ont été signifiés à l'occasion de l'assignation du 12 novembre 2007. Ils n'ont pas constitué avoué ; par application de l'article 474 du Code de procédure civile il sera statué par arrêt de défaut.
L'affaire a fait l'objet d'une ordonnance de clôture en date du 12 juin 2008 ; à la demande de l'appelant elle a fait l'objet d'un arrêt de retrait de rôle en date du 1er juillet 2008 puis elle a été remise au rôle est venue à l'audience de plaidoiries du 20 janvier 2009 à l'issue de laquelle elle a été mise en délibéré au 5 mars 2009.
MOTIFS (justification de la décision) (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)
Sur ce :
La société SOFICARTE conteste qu'en matière de crédit à la consommation, le juge puisse soulever [minute Jurica page 3] d'office un manquement à une disposition du Code de la consommation qui n'aurait pas été expressément invoquée par une partie et notamment le moyen de la forclusion tirée de l'article L. 311 37 du dit Code.
1.1. En la forme sur les pouvoirs et l'office du juge il sera rappelé qu'aux termes de l'article 12 du Code de procédure civile, il est fait obligation à ce dernier de trancher le litige non seulement conformément aux règles de droit qui lui sont applicables mais également, au besoin, après avoir donné ou restitué leur exacte qualification juridique aux faits ou aux actes litigieux sans s'arrêter aux dénominations que les parties en auraient proposée ; de plus, cette obligation pour le juge d'asseoir sa décision sur un raisonnement juridique adéquat doit également se lire à la lumière de l'article 125 du Code de procédure civile qui fait obligation au juge de relever d'office les fins de non recevoir lorsqu'elles ont un caractère d'ordre public. Enfin, l'article 472 du Code de procédure civile, dispose que lorsque le défendeur ne comparait pas ainsi que c'est le cas en appel, il est néanmoins statué sur le fond, le juge ne faisant droit à la demande que dans la mesure où il l'estime régulière, recevable et bien fondée.
1.2. Au cas d'espèce la question de fond qui se pose est de savoir si, en matière de crédit à la consommation, le juge peut d'office relever et appliquer le moyen tiré de la forclusion édicté à l'article L. 311-37 du Code de la consommation et, plus généralement, une disposition de ce Code de la consommation qui n'aurait pas été expressément invoquée par une partie.
A cet égard, il sera rappelé d'une part que le droit européen, par application de l'article 55 de la Constitution de 1958, prime sur le droit national et que si les directives ne sont pas d'application immédiate, à la différence des règlements, dès lors qu'elles sont adoptées par les instances européennes les principes juridiques qui y sont définis s'imposent aux états membres sur qui pèse une obligation de transposition, ces derniers n'étant libres que du choix des moyens pour atteindre les objectifs recherchés.
Le droit de la consommation en général et le crédit à la consommation en particulier a d'autre part fait l'objet des attentions des instances communautaires avec notamment l'adoption de la directive n° 87/102 le 22 décembre 1986 (modifiée par les directives n° 90/88 du 22 février 1990 et n° 98/7 du 16 février 1998), elle précisait d'ailleurs en son article 14 que :
« 1. Les États membres veillent à ce que les contrats de crédit ne dérogent pas, au détriment du consommateur, aux dispositions de droit national qui mettent en application la présente directive ou qui lui correspondent.
2. Les États membres veillent en outre à ce que les dispositions qu'ils adoptent pour la mise en application de la présente directive ne puissent être tournées par des formes particulières données aux contrats, notamment par une répartition du montant du crédit sur plusieurs contrats. »
1.3. La Cour de Justice des Communautés Européennes a été amenée à préciser à plusieurs reprises, notamment dans les arrêts des 4 octobre 2007 (Franfinance, KparK/épx Rampion) et 4 mars 2004 (Cofinoga/Sachithanathan), que le but recherché par la directive précitée est une meilleure protection des consommateurs par l'imposition de certaines conditions valables pour toutes les formes de crédits ; cet objectif, double, doit donc tendre non seulement à la création d'un marché commun du crédit mais aussi à assurer la protection du consommateur. En raison des risques liés à l'ignorance de ses droits ou aux difficultés à les exercer dans laquelle le consommateur peut se trouver et afin de permettre l'émergence de ce marché unique et concurrentiel, la Cour a été amenée à préciser que pour que ce double objectif soit effectivement atteint il convient de permettre au juge national d'appliquer d'office les dispositions transposant en droit interne la directive précitée. De ce double objectif, la protection du consommateur et le marché commun et concurrentiel étant d'égale importance, il se déduit également qu'il n'y a plus lieu en droit interne de distinguer selon que ces dispositions relèvent d'un ordre public de direction ou de protection.
[minute Jurica page 4] Par ailleurs, si chaque État dispose d'une autonomie procédurale dans la détermination des moyens et des modalités nécessaires à la mise en œuvre des directives communautaires, ceux-ci doivent être propres à assurer non seulement la sauvegarde des droits que le justiciable tient de la directive transposée mais encore l'effectivité des buts poursuivis par cette dernière et ce, dans le respect des principes d'équivalence, d'effectivité et d'application uniforme du droit communautaire.
Dès lors, si le pouvoir désormais reconnu au juge de relever d'office les manquements aux dispositions d'ordre public transposant en droit interne la directive précitée participe de la poursuite et de la mise en œuvre effective des objectifs précités, en revanche, dans les actions intentées par un professionnel à l'encontre d'un consommateur, enfermer ce pouvoir dans une limite temporelle à l'expiration de laquelle le juge ne pourrait plus constater ces manquements, soit d'office, soit à la suite d'une exception soulevée par un consommateur, serait de nature à rendre impossible ou excessivement difficile l'application du droit communautaire et va donc à l'encontre des droits reconnus aux consommateurs par la directive précitée et à l'effectivité recherchée de cette dernière ; en effet, cela placerait le professionnel, qui n'aurait plus qu'à attendre l'expiration du délai d'action, dans une position plus favorable que celle du consommateur. Il convient en conséquence de considérer que dans ces hypothèses le délai de l'article L. 311-37 du Code de la consommation ne peut trouver à s'appliquer.
1.4. Cette directive a fait l'objet d'une transposition en droit français à l'occasion de l'adoption de la loi du 23 juin 1989 puis d'une codification au livre III, titre I, Chapitre 1 et suivant du Code de la consommation (Art. L. 311-1 et suivants).
L'article L. 311-2 de ce Code dispose ainsi que ce chapitre 1 s'applique à toute opération de crédit, ainsi qu'à son cautionnement éventuel, consentie à titre habituel par des personnes physiques ou morales, que ce soit à titre onéreux ou gratuit. L'article L. 313-16 du Code de la consommation dispose quant à lui que les chapitres I et II et les sections 2 à 8 du chapitre III du titre Ier sont d'ordre public.
Le juge peut donc relever d'office les irrégularités et manquements qu'il constate aux dispositions précitées et notamment aux articles L. 311-8 et suivants du Code de la consommation et il doit relever la fin de non recevoir tirée de l'article L. 311-37 du même Code sans qu'il n'y ait plus lieu de distinguer selon qu'il s'agit d'un ordre public de protection ou de direction en raison des objectifs recherchés par cette directive.
Le jugement entrepris doit donc être confirmé sur ce point.
2.1. Aux termes de l'article L. 311-37 du Code de la consommation dans sa rédaction applicable lors de la conclusion du contrat, les actions nées d'un contrat de crédit à la consommation doivent être engagées, à peine de forclusion, dans les deux ans de l'événement qui leur a donné naissance ; s'agissant d'une action en paiement, le point de départ du délai de forclusion est fixé à la date de l'exigibilité des sommes dont le recouvrement est poursuivi. Plus précisément, dans le cas d'une ouverture de crédit, d'un montant déterminé et reconstituable, assortie d'une obligation de remboursement à échéances convenues, le point de départ de ce délai se situe au moment où le montant du dépassement maximum initialement convenu n'est pas régularisé, cette situation constituant un incident caractérisant la défaillance de l'emprunteur.
Par ailleurs, en matière de crédits utilisables par fractions, l'article L. 311-9 du Code de la consommation rappelle « l'obligation d'une offre préalable pour le contrat initial et pour toute augmentation du crédit consenti ». Si lors d'un renouvellement du contrat initial cet article dispense le prêteur de soumettre à l'acceptation de l'emprunteur une nouvelle offre préalable, cette dispense ne s'étend toutefois pas aux nouvelles ouvertures de crédit auxquelles doivent être assimilées toute modification du montant du crédit ou du taux du crédit précédemment consenti, lesquelles constituent un nouveau contrat qui doit donc être conclu dans les termes d'une offre préalable répondant aux exigences des [minute Jurica page 5] dispositions des articles L. 311- 9-1 et L. 311-10 du même Code ; l'acceptation ne peut être tacite mais doit résulter d'un acte univoque de l'emprunteur.
2.2 Au cas d'espèce le montant initial de 20.000 Francs ou 3.048,98 € consenti le 27 novembre 1997 a été dépassé en août 2001 par l'effet d'un achat de 30.000 Francs soit 4.573,47 € et l'examen de l'historique du compte montre qu'il n'a cessé de s'aggraver depuis et n'est jamais plus par suite repassé en deçà du seuil initialement convenu par l'effet de versements du débiteurs ou d'un offre régulière dans les termes des textes précités.
Les avenants des 15 avril 2004 et 4 mai 2005 n'ont pu avoir d'effet régulateur puisqu'à la date de leur signature non seulement les montants autorisés étaient déjà dépassés mais surtout, plus de deux ans s'étaient écoulés depuis le dépassement d'août 2001. Ce dépassement du plafond autorisé constitue, au sens des textes précités et de la jurisprudence subséquente, un incident de paiement manifestant la défaillance de l'emprunteur, point de départ du délai de forclusion.
Or, l'assignation ayant été délivrée le 25 mai 2007, il y a lieu de constater que c'est par une exacte application des éléments de fait et de droit soumis à son appréciation que le premier juge a déclaré l'action de la société SOFICARTE irrecevable par l'effet de la forclusion.
Le jugement doit être confirmé.
La société SOFICARTE qui succombe en appel à ses prétentions supportera en conséquence les dépens de cette instance.
DISPOSITIF (décision proprement dite) (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)
PAR CES MOTIFS :
Statuant publiquement et par défaut ;
Confirme le jugement ;
Condamne la société SOFICARTE aux dépens de l'instance d'appel.
LE GREFFIER, LE PRÉSIDENT,
A. DESBUISSONS P. CHARBONNIER
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