T. COM. NANTERRE (8e ch.), 25 septembre 1996
CERCLAB/CRDP - DOCUMENT N° 236
T. COM. NANTERRE (8e ch.), 25 septembre 1996 : RG n° 96/00603
(sur appel CA Versailles (12e ch. ?), 16 septembre 1999 : RG n° 1996/9879)
Extrait : « Attendu que les dispositions de l'article L. 132-1 du Code de la Consommation s'appliquent, « dans les contrats entre professionnels et non professionnels ou consommateurs, » Que les contractants ont agi dans le cadre d’activités professionnelles, pour une prestation de caractère habituel et banal, le Tribunal jugera que l'article L. 132-1 du Code de la Consommation ne s'applique pas entre les parties et conclura à la validité de la clause. »
TRIBUNAL DE COMMERCE DE NANTERRE
HUITIÈME CHAMBRE
JUGEMENT DU 25 SEPTEMBRE 1996
ÉLÉMENTS D’IDENTIFICATION DE LA DÉCISION (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)
R.G. n° 96/00603.
DEMANDEUR :
SA SOCETAT
[adresse], comparant par Maître Paul SELIGMAN [adresse]
DÉFENDEUR :
SOCIÉTÉ TÉLÉFLEURS FRANCE
[adresse], comparant par Maître ALTERMAN [adresse] et par Maître Alain BENSOUSSAN [adresse]
LE TRIBUNAL AYANT LE 3 Juillet 1996 ORDONNÉ LA CLÔTURE DES DÉBATS POUR LE JUGEMENT ÊTRE PRONONCÉ LE 25 Septembre 1996, ET CE JOUR, APRÈS EN AVOIR DÉLIBÉRÉ,
EXPOSÉ DU LITIGE (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)
LES FAITS :
La Société TELEFLEURS dont le siège était précédemment situé [adresse], a souscrit le 2 mars 1994 auprès de la société SOCETAT un contrat de « maintenance pour une installation téléphonique ». Cette convention était conclue pour une durée de 5 ans, moyennant une redevance annuelle de 12.000 Francs révisable selon une formule convenue.
Elle précisait en son article 8 qu' il « sera dû à SOCETAT dans tous les cas de résiliation imputables à l'abonné, la totalité des annuités restant à courir, y compris en cas de résiliation demandée par l'abonné ».
TELEFLEURS ayant décidé de transférer ses activités au [ville], en a informé SOCETAT par courrier du 3 août 95, lui demandant la résiliation anticipée du contrat.
Par courrier recommandé AR du 7 septembre 1995, SOCETAT a indiqué à TELEFLEURS ne pouvoir accepter une résiliation anticipée, et s'en tenir aux modalités de l'article 8 du contrat.
[minute page 2] Elle proposait en outre de reporter le contrat sur un autre site à la convenance de TELEFLEURS.
TELEFLEURS faisait alors savoir à SOCETAT, par courrier recommandé AR du 19 octobre 1995, qu'elle ne se sentait pas tenue par les termes de la clause de résiliation prévue à l'article 8 du contrat, cette clause pouvant être jugée abusive au sens de l'article L. 132-1 du Code de la Consommation.
SOCETAT confirmait sa position par lettre recommandée AR du 27 octobre 1995, et adressait à TELEFLEURS une facture de 45.957,86 Francs datée du 18 décembre 1995, correspondant à l'indemnité de résiliation prévue audit article.
TELEFLEURS n'a pas réglé cette facture.
LA PROCÉDURE :
C'est dans ces circonstances que, par acte d'huissier en date du 19 janvier 1996, SOCETAT assignait TELEFLEURS devant ce Tribunal, lui demandant de condamner TELEFLEURS à lui payer la somme de 45.957,86 Francs, montant de la facture du 18 décembre 1995 ;
Constater la résiliation du contrat aux torts exclusifs de la société TELEFLEURS,
Ordonner la restitution de l'installation téléphonique restant la propriété de SOCETAT,
Condamner TELEFLEURS à payer la somme de 8.000 Francs à titre de dommages intérêts et celle de 5.000 Francs HT au titre de l'article 700 du NCPC et aux dépens,
Ordonner l'exécution provisoire du jugement à intervenir nonobstant appel et sans caution.
Par des conclusions déposées à l'audience du 15 mai 1996, TELEFLEURS demandait au Tribunal de :
Lui donner acte de ce qu'elle a transféré son siège social au [ville],
Constater que la clause de résiliation figurant à l'article 8 du contrat de maintenance est abusive,
- prononcer sa nullité,
En conséquence,
- Débouter la société SOCETAT de sa demande en paiement,
- donner acte à la société TELEFLEURS FRANCE qu'elle accepte de restituer l'installation téléphonique,
Subsidiairement,
- Constater que l'indemnité contractuelle de résiliation constitue une clause pénale, - Réduire le montant de l'indemnité à des proportions raisonnables,
En tout état de cause,
- Débouter la société SOCETAT de sa demande de dommages et intérêts pour résistance abusive et de sa demande au titre de l'article 700 du NCPC,
- Condamner la société SOCETAT à payer à la société TELEFLEURS FRANCE la somme de 15.000 Francs au titre de l'article 700 du NCPC,
- Condamner la société SOCETAT aux entiers dépens.
[minute page 3]
Par des conclusions réciproques déposées à l'audience du 12 juin 1996, SOCETAT et TELEFLEURS demandaient au Tribunal de leur adjuger le bénéfice de leurs précédentes écritures.
MOTIFS (justification de la décision) (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)
DISCUSSION :
Sur la résiliation du contrat :
Attendu que TELEFLEURS a déclaré mettre fin au contrat la liant à SOCETAT, par ses courriers du 3 août 1995 et du 19 octobre 1995,
Qu'elle a proposé à SOCETAT la reprise du matériel tenu à sa disposition à son ancien siège social, la poursuite du contrat sur [ville] où est situé son nouveau siège social, n'étant pas envisageable,
Le Tribunal jugera que la résiliation du contrat est imputable à TELEFLEURS.
Sur la validité de la clause de résiliation, article 8 du contrat :
SOCETAT expose que le contrat a été signé en toute connaissance de cause, et que l'article 8 « s'analyse comme une clause pénale, prévue pour maintenir l'équilibre financier de l'opération contractuelle dans l'hypothèse d'une résiliation due au seul locataire », et que ses dispositions sont donc applicables.
TELEFLEURS soutient que cette clause s'analyse comme une clause abusive aux termes de l'article L. 1321 du Code de la Consommation, qu'elle est donc nulle et ne saurait lui être imposée.
SUR CE, LE TRIBUNAL
Attendu que les dispositions de l'article L. 132-1 du Code de la Consommation s'appliquent, « dans les contrats entre professionnels et non professionnels ou consommateurs, »
Que les contractants ont agi dans le cadre d’activités professionnelles, pour une prestation de caractère habituel et banal, le Tribunal jugera que l'article L. 132-1 du Code de la Consommation ne s'applique pas entre les parties et conclura à la validité de la clause.
Sur le montant de l'indemnité de résiliation :
TELEFLEURS oppose en défense qu'à défaut d'être considérée comme nulle, la clause de résiliation a un caractère pénal et que le Tribunal peut considérer l'indemnité demandée par SOCETAT comme excessive,
Que le caractère pénal de la clause est d'ailleurs admis par SOCETAT qui la justifie en indiquant qu'elle est destinée à maintenir l'équilibre financier de l'opération en cas de résiliation.
Que le matériel pris en maintenance est un autocommutateur ALCATEL 2 600 DELTA extrêmement répandu pour ce type d'installation, et dont la prise en charge de la maintenance n'a pas nécessité un investissement de près de 50.000 Francs par SOCETAT, comme elle le prétend.
[minute page 4] SUR CE, LE TRIBUNAL,
Attendu que l'article 8 du contrat qui prévoit l'indemnité en cas de résiliation du contrat par le bénéficiaire, s'assimile à une clause pénale du fait qu'elle évalue forfaitairement et par avance les dommages intérêts encourus sans considération du préjudice réel ;
Que SOCETAT n'apporte pas d'éléments de preuve justifiant le montant de cette indemnité, qui est égale à la totalité des redevances dues jusqu'à l'échéance du contrat de 5 ans, alors qu'elle n'a plus aucune prestation à fournir,
Que la maintenance concernée est de nature banale et répétitive, compte tenu des spécificités tout à fait standard du matériel, jugera que la clause de résiliation (art. 8) du contrat est abusive aux termes de l'article 1152 du Code Civil, et estimera l'indemnité due par TELEFLEURS à SOCETAT à 6 mois de redevances soit 7.660 Francs TTC.
Sur les dommages intérêts demandés par SOCETAT :
Attendu que SOCETAT n'apporte pas la preuve d'un préjudice, autre que celui qui sera réparé par la condamnation en principal, qu'il échet en conséquence de dire SOCETAT mal fondée en ce chef de demande et de l'en débouter.
Sur l'exécution provisoire :
Attendu que l'exécution provisoire est demandée, que le Tribunal l'estime nécessaire, qu'elle sera prononcée.
Sur l'article 700 du NCPC :
Attendu que, vu les circonstances de la cause, il n'apparaît pas inéquitable de laisser à la charge de chaque partie les frais qu'elles ont engagés
DISPOSITIF (décision proprement dite) (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)
PAR CES MOTIFS :
Le Tribunal, statuant par jugement contradictoire, en premier ressort,
Dit que la résiliation du contrat conclu entre TELEFLEURS et SOCETAT le 2 mars 1994 est imputable à TELEFLEURS,
Donne acte à TELEFLEURS qu'elle accepte de restituer à SOCETAT l'installation téléphonique qui est tenue à sa disposition à son ancien siège social à [ville],
Juge valable en son principe, la clause de résiliation du contrat en son article 8, mais estime que le montant de l'indemnité est excessif et condamne TELEFLEURS à payer à SOCETAT la somme de 7.660 Francs TTC,
Déboute la SOCETAT de sa demande de dommages intérêts,
Ordonne l'exécution provisoire du jugement sans constitution de garantie,
[minute page 5] Déboute les parties de leurs demandes au titre de l'article 700 du NCPC,
Condamne la SA SOCETAT aux dépens.
Liquide les dépens à recouvrer par le Greffe à la somme de Francs 275,21 TTC (dont TVA 47,01 Francs) ;
Délibéré par Messieurs SABATIE GARAT, CLAUVEL, DESMONT,
Prononcé à l'audience publique de la 8ème Chambre du Tribunal de Commerce de Nanterre, le 25 septembre 1996 composée en conformité avec l'article 452 du Nouveau Code de Procédure Civile,
La minute du jugement est signée par Monsieur SABATIE GARAT, Président du délibéré et Mlle Monique FARJOUNEL, Greffier,
Monsieur Claude DESMONT, Juge-Rapporteur.
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