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CA VERSAILLES (12e ch.), 16 septembre 1999

Nature : Décision
Titre : CA VERSAILLES (12e ch.), 16 septembre 1999
Pays : France
Juridiction : Versailles (CA), 12e ch.
Demande : 1996/9879
Date : 16/09/1999
Nature de la décision : Confirmation
Mode de publication : Legifrance
Décision antérieure : T. COM. NANTERRE (8e ch.), 25 septembre 1996
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CERCLAB - DOCUMENT N° 1742

CA VERSAILLES (12e ch.), 16 septembre 1999 : RG n° 1996/9879

Publication : Legifrance

 

Extrait : « Mais considérant qu'il est de principe que les dispositions protectrices précitées ne s'appliquent pas aux contrats de fournitures du bien ou de services qui ont un rapport direct avec l'activité professionnelle exercée par le cocontractant ; Or considérant qu'en l'espèce, l'activité de la société TELEFLEURS est comme elle le revendique elle-même, la transmission d'ordres floraux ; que bien que cette société affirme, sans pour autant l'établir, que les transmissions sont traitées par des moyens télématiques extérieurs, il apparaît que cette technique nécessite une installation téléphonique spécifique et adaptée ; qu'on ne voit pas, sans cela, pourquoi, si ce n'était pour les besoins de son activité professionnelle, la société TELEFLEURS aurait passé commande de la maintenance d'une installation téléphonique particulière développée comprenant : […] ; Qu'il suit de ces constations que c'est à bon droit que les premiers juges ont estimé que le contrat litigieux ne relevait pas du champ d'application de l'article L. 132-1 du code de la consommation et que la clause prévue à l'article 8 était opposable à la société TELEFLEURS ».

 

RÉPUBLIQUE FRANCAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

 

COUR D’APPEL DE VERSAILLES

DOUZIÈME CHAMBRE ?

ARRÊT DU 16 SEPTEMBRE 1999

 

ÉLÉMENTS D’IDENTIFICATION DE LA DÉCISION                                      (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)

R.G. n° 1996-9879.

 

APPELANTE :

Société SOCETAT

 

INTIMÉE :

Société TELEFLEURS

 

EXPOSÉ DU LITIGE                                                                                         (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)

FAITS ET PROCÉDURE :

Le 02 mars 1994, la société TELEFLEURS, alors établie [adresse], a conclu avec la société SOCETAT un contrat de maintenance d'une installation téléphonique, et ce, pour une durée de 5 ans et moyennant une redevance annuelle révisable de 12.000 francs.

Ayant décidé de transférer ses activités au MANS, la société TELEFLEURS en a informé la société SOCETAT et a sollicité l'accord de celle-ci pour une résiliation anticipée du contrat.

Par courrier recommandé en réponse du 07 septembre 1995, la société SOCETAT a refusé de donner son accord et a déclaré qu'elle entendait s'en tenir aux modalités de résiliation prévues par l'article 8 du contrat qui stipule qu'il « sera dû à la société SOCETAT dans tous les cas de résiliation imputable à l'abonné, la totalité des annuités restant à courir, y compris en cas de résiliation demandée par l'abonné ».

Aucun accord n'ayant pu par la suite être trouvé entre les parties, la société SOCETAT a fait assigner la société TELEFLEURS pour obtenir paiement de la somme de 45.957,86 francs à titre d'indemnité de résiliation, outre les intérêts de retard et des dommages et intérêts complémentaires de 8.000 francs, ainsi qu'une indemnité de 5.000 francs au titre de l'article 700 du Nouveau Code de Procédure Civile. La société TELEFLEURS s'est opposée à ces prétentions, faisant valoir que la clause de résiliation prévue à l'article 8 du contrat est abusive et qu'elle doit être tenue pour nulle et, subsidiairement que l'indemnité de résiliation prévue par ledit article doit s'analyser en une clause pénale laissée à l'appréciation du juge.

*

Par jugement en date du 25 septembre 1996 auquel il est renvoyé pour plus ample exposé des éléments de la cause, la 8ème chambre du Tribunal de Commerce de NANTERRE a statué dans les termes ci-après :

« - Dit que la résiliation du contrat conclu entre les sociétés TELEFLEURS et SOCETAT le 02 mars 1994 est imputable à la société TELEFLEURS ;

- Donne acte à la société TELEFLEURS qu'elle accepte de restituer à la société SOCETAT l'installation téléphonique qui est tenue à sa disposition à son ancien siège social à PARIS ;

- Juge valable en son principe, la clause de résiliation du contrat en son article 8, mais estime que le montant de l'indemnité est excessif et condamne la société TELEFLEURS à payer à la société SOCETAT la somme de 7.660 francs TTC ;

- Déboute la société SOCETAT de sa demande de dommages intérêts ;

- Condamne la société SOCETAT aux dépens ».

*

Appelante de cette décision, la société SOCETAT fait grief au Tribunal de ne pas avoir pris en compte les spécificités du contrat et plus particulièrement l'équilibre financier de l'opération en ramenant la réparation allouée à l'équivalent de six mois de redevance. Elle prétend au contraire que les investissements tant en personnel qu'en matériel, qu'elle a été contrainte d'engager pour ce type de matériel, justifient qu'il ne soit procédé à aucune réduction de l'indemnité de résiliation et elle demande que lui soit alloué l'entier bénéfice de son exploit introductif d'instance.

La société TELEFLEURS forme, pour sa part, appel incident et persiste à soutenir que la clause de résiliation figurant à l'article 8 du contrat doit être tenue pour nulle comme abusive au sens de l'article L. 132-1 du code de la Consommation et elle conclut au débouté des prétentions adverses. Subsidiairement et si cette argumentation n'était pas suivie, elle sollicite la confirmation du jugement déféré en ce qu'il a fixé l'indemnité à 7.660 francs TTC.

Enfin, et en tout état de cause, elle réclame une indemnité de 30.000 francs au titre de l'article 700 du Nouveau Code de Procédure Civile.

 

MOTIFS (justification de la décision)                                                                 (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)

MOTIFS DE LA DÉCISION :

* Sur le caractère prétendument abusif de la clause de résiliation :

Considérant que, pour voir déclarer nulle la clause de l'article 8 du contrat prévoyant une indemnité de résiliation égale à la totalité des annuités restant à courir, la société TELEFLEURS invoque l'article L. 132-1 du code de la consommation qui dispose que « dans les contrats conclus entre professionnels et non professionnels ou consommateurs, sont abusives les clauses qui ont pour objet ou pour effet de créer au détriment du non professionnel ou du consommateur, un déséquilibre significatif entre les droits et obligations des parties au contrat » ;

Mais considérant qu'il est de principe que les dispositions protectrices précitées ne s'appliquent pas aux contrats de fournitures du bien ou de services qui ont un rapport direct avec l'activité professionnelle exercée par le cocontractant ;

Or considérant qu'en l'espèce, l'activité de la société TELEFLEURS est comme elle le revendique elle-même, la transmission d'ordres floraux ; que bien que cette société affirme, sans pour autant l'établir, que les transmissions sont traitées par des moyens télématiques extérieurs, il apparaît que cette technique nécessite une installation téléphonique spécifique et adaptée ; qu'on ne voit pas, sans cela, pourquoi, si ce n'était pour les besoins de son activité professionnelle, la société TELEFLEURS aurait passé commande de la maintenance d'une installation téléphonique particulière développée comprenant : - un autocommutateur 2600 DELTA équipé de : 1 carte T2, 1 carte CLR4, 1 carte CLA8, 3 cartes CLI8, 1 carte CMF4 ; - 1 poste opérateur - 18 postes T.160 IS - 1 modem de télémaintenance - 1 attente musicale - 4 micros casques - 1 répondeur enregistreur ;

Qu'il suit de ces constations que c'est à bon droit que les premiers juges ont estimé que le contrat litigieux ne relevait pas du champ d'application de l'article L. 132-1 du code de la consommation et que la clause prévue à l'article 8 était opposable à la société TELEFLEURS ;

 

* Sur la réduction de l'indemnité de résiliation :

Considérant qu'il n'est contesté par aucune des parties que la clause de résiliation prévue à l'article 8 du contrat s'analyse en une clause pénale dès que les parties ont entendu évaluer forfaitairement et d'avance l'indemnité à laquelle donnera lieu l'inexécution de l'obligation contractée ;

Considérant que la société SOCETAT fait cependant grief au Tribunal d'avoir procédé à une réduction de la pénalité qui ne prend pas en compte le préjudice financier réellement subi par elle ; qu'à cet égard, elle avance essentiellement comme arguments l'équilibre financier de l'opération, l'investissement tant en personnel qu'en moyen matériel auquel elle a dû procéder pour pouvoir respecter ses engagements vis à vis de la clientèle ;

Mais considérant que si l'entretien d'un appareillage sensible et relativement complexe nécessite effectivement, et au-delà des strictes relations liant les parties, la mise en œuvre de moyens en personnel et en matériel relativement importants lesquels ont vocation à s'amortir sur une certaine durée, force est cependant également de constater que, du fait de la rupture anticipée du contrat intervenue 16 mois environ après sa conclusion, la société SOCETAT n'a plus eu la charge d'assurer la maintenance technique de l'appareillage consistant notamment « en un remise en état de celui-ci et à l'exécution gratuite de toutes les réparations résultant d'un usage normal » ; qu'il suit de là que l'appelante ne saurait prétendre, sauf à aboutir à une disproportion manifeste, à une réparation correspondant à la totalité des redevances restant à courir ; qu'en conséquence et eu égard aux éléments d'appréciation dont elle dispose, la Cour fixera l'indemnité de résiliation à la somme de 23.000 francs TTC au lieu de celle manifestement insuffisante de 7.660 francs TTC retenue par le Tribunal ; que la société TELEFLEURS sera donc condamnée à payer à la société SOCETAT, ladite somme avec intérêts au taux légal à compter de l'assignation introductive d'instance, valant mise en demeure ;

Considérant que la société SOCETAT ne justifie de la demande de dommages et intérêts complémentaire qu'elle maintient devant la Cour ; qu'elle en sera déboutée ;

Considérant en revanche qu'il serait inéquitable de laisser à la charge de ladite société les sommes qu'elle a été contrainte d'exposer pour faire reconnaître ses droits ; que la société TELEFLEURS sera condamnée à lui payer une indemnité de 5.000 francs au titre de l'article 700 du Nouveau Code de Procédure Civile, de même qu'à supporter les entiers dépens exposés jusqu'à ce jour ;

 

DISPOSITIF (décision proprement dite)                                                            (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)

PAR CES MOTIFS :

La Cour statuant, publiquement, contradictoirement et en dernier ressort,

- DIT recevable l'appel principal interjeté par la société SOCETAT ainsi que l'appel incident interjeté par la société TELEFLEURS ;

Faisant droit partiellement au premier et rejetant le second,

- CONFIRME le jugement déféré en ce qu'il a dit que la résolution du contrat était imputable à la société TELEFLEURS et en ce qu'il a retenu que la clause de l'article 8 du contrat ne relevait pas du champ d'application de l'article L. 132-1 du code de la Consommation ;

L'infirmant pour le surplus et statuant à nouveau,

- CONDAMNE la société TELEFLEURS à payer à la société SOCETAT, au titre de la clause pénale et après réduction de celle-ci, la somme de 23.000 francs TTC avec intérêts au taux légal à compter de l'assignation introductive d'instance valant mise en demeure ;

- REJETTE la demande de dommages et intérêts complémentaires formée par la société SOCETAT ;

- CONDAMNE la société TELEFLEURS à payer à cette dernière une indemnité de 5.000 francs en application de l'article 700 du Nouveau Code de Procédure Civile ;

- CONDAMNE également la société TELEFLEURS, qui succombe pour l'essentiel aux entiers dépens de première instance et d'appel et AUTORISE la SCP d'Avoués LISSARRAGUE-DUPUIS et Associés à poursuivre directement le recouvrement de la part la concernant, comme il est dit à l'article 699 du Nouveau Code de Procédure Civile.

ARRÉT PRONONCÉ PAR MONSIEUR ASSIÉ, PRESIDENT ET ONT SIGNÉ LE PRESENT ARRÊT

LE GREFFIER            M. Thérèse GENISSEL

LE PRESIDENT         F. ASSIÉ