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CA PARIS (pôle 6 ch. 8), 10 avril 2025

Nature : Décision
Titre : CA PARIS (pôle 6 ch. 8), 10 avril 2025
Pays : France
Juridiction : Paris (CA), Pôle 6
Demande : 23/02185
Date : 10/04/2025
Nature de la décision : Confirmation
Mode de publication : Judilibre
Date de la demande : 12/03/2023
Décision antérieure : Cons. prud. Paris, 2 décembre 2022 : RG n° F22/08007
Décision antérieure :
  • Cons. prud. Paris, 2 décembre 2022 : RG n° F22/08007
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CERCLAB - DOCUMENT N° 23720

CA PARIS (pôle 6 ch. 8), 10 avril 2025 : RG n° 23/02185 

Publication : Judilibre

 

Extrait : « L'article L. 1471-1 du code du travail dispose que toute action portant sur l'exécution ou la rupture du contrat de travail se prescrit par deux ans à compter du jour où celui qui l'exerce a connu ou aurait dû connaître les faits lui permettant d'exercer son droit. Cependant, en application de l'article L. 1221-1 du même code, le contrat de travail est soumis aux règles du droit commun comprenant celles prévues par l'article 2254 du Code civil qui, d'une part dispose que « la durée de prescription peut être abrégée ou allongée par accord des parties, sans toutefois être réduite à moins d'un an », d'autre part exclut un tel aménagement de la prescription dans deux hypothèses limitativement énumérées à savoir, l'action en répétition du salaire et l'action en réparation du préjudice résultant de la discrimination, qui ne correspondent pas à l'action en requalification d'un CDD en CDI dont est saisie la cour à la suite des premiers juges. L'article L. 1121-1 du code du travail invoqué par le salarié selon lequel « nul ne peut apporter aux droits des personnes et aux libertés individuelles et collectives de restrictions qui ne seraient pas justifiées par la nature de la tâche à accomplir ni proportionnées au but recherché », s'applique aux clauses relatives aux droits et libertés du salarié dans le cadre de la réalisation de sa prestation de travail et non à l'aménagement de la prescription par les parties à un contrat de travail qui, comme il a été dit précédemment, est autorisé.

M. X. revendique par ailleurs l'application de l'article 1171 du Code civil relatif au contrat d'adhésion, qui selon l'article 1110 du même code « est celui qui comporte un ensemble de clauses non négociables, déterminées à l'avance par l'une des parties », cette définition étant d'interprétation stricte. Pour répondre à cette définition, le contrat doit comporter un ensemble de clauses répondant au double critère de non-négociabilité et de prédétermination unilatérale par l'une des parties. Or, la détermination des conditions de travail relève de la réglementation, des conventions collectives, des usages qui s'imposent obligatoirement aux cocontractants, mais également de la liberté contractuelle. Ainsi, si le contrat de travail conclu en l'espèce par les parties comporte des clauses proposées par l'employeur, il n'en demeure pas moins que ces clauses étaient négociables, comme le démontrent, d'une part, les échanges de courriels intervenus entre les parties en octobre 2016 au sujet des modifications éventuelles à apporter au projet de CDD, qui prévoyait la clause de prescription abrégée qui n'a fait l'objet d'aucun commentaire ou demande d'amendement, d'autre part, la rédaction du CDD objet de la demande de requalification qui révèle notamment que les horaires de travail ont été fixés en fonction des contraintes personnelles de M. X., et que l'article 9 stipule une déduction de 30 % plafonnée à 7.600 euros par an sur les cotisations maladie et vieillesse, « sauf avis contraire » de celui-ci.

Dans ces conditions, la clause de prescription abrégée convenue entre les parties ne peut être réputée non-écrite en application de l'article 1171 du code civil. »

 

RÉPUBLIQUE FRANÇAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

 

COUR D’APPEL DE PARIS

PÔLE 6 CHAMBRE 8

ARRÊT DU 10 AVRIL 2025

 

ÉLÉMENTS D’IDENTIFICATION DE LA DÉCISION       (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)

R.G. n° 23/02185 (7 pages).  N° Portalis 35L7-V-B7H-CHK7U. Décision déférée à la cour : jugement du 2 décembre 2022 - conseil de prud'hommes - formation paritaire de PARIS - RG n° F22/08007.

 

APPELANT :

Monsieur X.

[Adresse 2], [Localité 3], Représenté par Maître Catherine COHEN RICHELET, avocat au barreau de PARIS, toque : B1072

 

INTIMÉE :

SA LE MONDE DIPLOMATIQUE

[Adresse 1], [Localité 4], Représentée par Maître Aurélien LOUVET, avocat au barreau de PARIS, toque : K0020

 

COMPOSITION DE LA COUR : En application des dispositions des articles 805 et 907 du code de procédure civile, l'affaire a été débattue le 7 février 2025, en audience publique, les avocats ne s'étant pas opposés à la composition non collégiale de la formation, devant Madame Sandrine MOISAN, conseillère, chargée du rapport.

Ce magistrat a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la cour, entendu en son rapport, composée de : Madame Nathalie FRENOY, présidente de chambre, Madame Isabelle MONTAGNE, présidente de chambre, Madame Sandrine MOISAN, conseillère, rédactrice.

Greffier, lors des débats : Mme Nolwenn CADIOU

ARRÊT : - CONTRADICTOIRE - mise à disposition de l'arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile, - signé par Madame Nathalie FRENOY, présidente, et par Madame Eva DA SILVA GOMETZ, greffière placée, à laquelle la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

 

EXPOSÉ DU LITIGE                                                           (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)

EXPOSÉ DU LITIGE :

M. X. a été engagé en qualité de journaliste par la société anonyme Le Monde Diplomatique aux termes de plusieurs contrats de travail à durée déterminée (CDD) à compter du 1er juin 2015, le dernier contrat conclu entre les parties ayant couvert la période du 28 septembre 2021 au 31 décembre 2021, avec une prolongation jusqu'au 31 décembre 2022.

La convention collective applicable à la relation de travail est celle des journalistes.

Par requête du 26 octobre 2022 visant à obtenir la requalification du contrat de travail à durée déterminée conclu pour la période du 26 septembre 2020 au 28 février 2021 en contrat de travail à durée indéterminée (CDI), M. X. a saisi le conseil de prud'hommes de Paris qui, par jugement du 2 décembre 2022, a :

- déclaré la demande irrecevable du fait de la prescription,

- condamné M. X. aux dépens.

Par déclaration en date du 12 mars 2023, M. X. a interjeté appel de ce jugement.

[*]

Dans ses dernières conclusions remises au greffe et notifiées par la voie électronique le 12 décembre 2024, M. X. demande à la cour de :

- le déclarer recevable et bien fondé en son appel,

y faisant droit,

- infirmer le jugement du 2 décembre 2022 en toutes ses dispositions,

statuant à nouveau,

- juger qu'il n'est pas prescrit en son action,

en conséquence,

- prononcer la requalification du contrat à durée déterminée conclu du 26 septembre 2020 au 28 février 2021 en contrat à durée indéterminée,

- juger que le contrat à durée déterminée du 26 septembre 2020 est irrégulier,

- juger que du 1er mars 2021 au 27 septembre 2021, il a exercé son activité de rédacteur à mi-temps,

- juger que du 28 septembre 2021 au 31 décembre 2022, il a exercé son activité à plein temps en qualité de chef d'édition,

à titre subsidiaire,

- qualifier la relation de travail entre le 20 septembre 2020 et le 31 décembre 2022 de contrat à durée indéterminée,

et, en conséquence,

- condamner la société Le Monde Diplomatique à lui payer :

- à titre de rappel de salaires à mi-temps pour la période interstitielle du 1er mars 2021 au 30 avril 2021, soit 2 510,31 euros x 2 = 5 020 euros,

- à titre de rappel de salaires à mi-temps pour la période interstitielle du 1er mai 2021 au 28 septembre 2021, soit : 2 510,31 euros x 5 = 12 551 euros,

- condamner la société Le Monde Diplomatique à lui payer une somme de 2 510 euros à titre d'indemnité de requalification à raison de l'irrégularité du contrat à durée déterminée du 20 septembre 2020,

- fixer son salaire mensuel brut dans le cadre de son contrat à durée indéterminée pour une activité à plein temps de chef d'édition à 5 727,93 euros, primes d'ancienneté et de 13ème mois comprises,

- condamner la société Le Monde Diplomatique à lui payer une somme de 11 455 euros à titre d'indemnité compensatrice de préavis,

- fixer son ancienneté dans l'entreprise à 2 ans et 5 mois,

- condamner la société Le Monde Diplomatique à lui payer à titre d'indemnité de licenciement une somme de 17 563 euros,

- juger que son licenciement est sans cause réelle et sérieuse,

et en conséquence,

- condamner la société Le Monde Diplomatique à lui verser une somme de 22 911 euros à titre d'indemnité pour licenciement sans cause réelle et sérieuse,

- condamner la société Le Monde Diplomatique à lui verser à une indemnité de 5 000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile,

- condamner la société Le Monde Diplomatique aux dépens de première instance et d'appel,

- rejeter la demande formée par la société Le Monde Diplomatique sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile.

[*]

Dans ses dernières conclusions remises au greffe et notifiées par la voie électronique le 6 janvier 2025, la société Le Monde Diplomatique demande à la cour de :

à titre liminaire,

- déclarer irrecevables, sur le fondement de l'article 910-4 du code de procédure civile, les prétentions de M. X. qui ne figuraient pas dans ses premières conclusions d'appelant, à savoir les prétentions visant à obtenir :

- la « requalification-sanction » du contrat à durée déterminée en contrat à durée indéterminée sur le fondement d'un motif qui serait faux,

- une indemnité de requalification d'un montant de 2 510 euros,

à titre principal,

- confirmer le jugement du conseil de prud'hommes de Paris en ce qu'il a jugé l'action de M. X. irrecevable du fait de la prescription,

à titre subsidiaire, si la cour devait infirmer le jugement du conseil de prud'hommes de Paris en ce qu'il a jugé l'action de M. X. irrecevable du fait de la prescription,

- débouter M. X. de l'ensemble de ses demandes,

à titre infiniment subsidiaire, si la cour devait faire droit à la demande de reconnaissance d'un contrat de travail à durée indéterminée ou à la demande de requalification,

- déclarer irrecevable l'ensemble des demandes nouvelles formulées pour la première fois en cause d'appel à savoir :

- 11 455 euros à titre d'indemnité compensatrice de préavis,

- fixer l'ancienneté de M. X. à 2 ans et 5 mois,

- 17 563 euros à titre d'indemnité de licenciement,

- dire que le licenciement de M. X. est sans cause réelle et sérieuse,

- 22 911 euros à titre d'indemnité pour licenciement sans cause réelle et sérieuse,

à défaut d'irrecevabilité,

- fixer le salaire mensuel de référence de M. X. à 5 727,93 euros bruts,

- fixer l'ancienneté à prendre en compte pour le calcul des demandes chiffrées de M. X. à 2 ans et 5 mois,

en conséquence,

- réduire la condamnation à :

- 10 574,64 euros bruts à titre d'indemnité compensatrice de préavis,

- 17 183,79 euros bruts à titre d'indemnité de licenciement,

- 17 183,79 euros bruts à titre d'indemnité sans cause réelle et sérieuse,

en tout état de cause,

- condamner M. X. à lui verser la somme de 5 000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile,

- condamner M. X. aux entiers dépens.

[*]

L'ordonnance de clôture a été rendue le 7 janvier 2025 et l'audience de plaidoiries s'est tenue le 7 février suivant.

Il convient de se reporter aux énonciations de la décision déférée pour plus ample exposé des faits et de la procédure antérieure, ainsi qu'aux conclusions susvisées pour l'exposé des moyens des parties devant la cour.

 

MOTIFS (justification de la décision)                                  (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)

MOTIFS DE L'ARRÊT :

Sur l'irrecevabilité des prétentions ne figurant pas dans les premières conclusions d'appel :

La société Le Monde Diplomatique soutient qu'en application des dispositions de l'article 910-4 du code de procédure civile, dans sa version applicable au présent litige, l'appelant devait, à peine d'irrecevabilité, présenter l'ensemble de ses prétentions dans ses premières conclusions d'appel, de sorte que doivent être déclarées irrecevables les prétentions suivantes qui ne figurent pas dans les conclusions d'appelant notifiées et déposées au greffe dans le délai de trois mois prévu à l'article 908 du même code :

- la « requalification-sanction » du contrat à durée déterminée en contrat à durée indéterminée sur le fondement d'un motif qui serait faux, distincte de la demande de « requalification automatique » en CDI.

- une indemnité de requalification d'un montant de 2.510 euros.

Le salarié ne répond pas sur ce point.

L'article 910-4 du code de procédure civile dans sa version applicable à la présente procédure, dispose :

« A peine d'irrecevabilité, relevée d'office, les parties doivent présenter, dès les conclusions mentionnées aux articles 905-2 et 908 à 910, l'ensemble de leurs prétentions sur le fond. L'irrecevabilité peut également être invoquée par la partie contre laquelle sont formées des prétentions ultérieures.

Néanmoins, et sans préjudice de l'alinéa 2 de l'article 802, demeurent recevables, dans les limites des chefs du jugement critiqués, les prétentions destinées à répliquer aux conclusions et pièces adverses ou à faire juger les questions nées, postérieurement aux premières conclusions, de l'intervention d'un tiers ou de la survenance ou de la révélation d'un fait. »

Le respect des diligences imparties par ces dispositions s'apprécie en considération des prescriptions de l'article 954 du même code, qui distingue les prétentions et les moyens des parties et dispose notamment au sujet de ceux-ci :

« Si, dans la discussion, des moyens nouveaux par rapport aux précédentes écritures sont invoqués au soutien des prétentions, ils sont présentés de manière formellement distincte. »

Ainsi, l'article 910-4 du code de procédure civile ne fait pas obstacle à la présentation d'un moyen nouveau dans des conclusions postérieures.

En l'espèce, au soutien de sa demande de requalification du contrat de travail à durée déterminée conclu pour la période du 26 septembre 2020 au 28 février 2021 en contrat de travail à durée indéterminée, M. X. développe, dans ses dernières conclusions d'appel, un moyen nouveau tiré de la « fausseté » du motif du recours au CDD qui n'apparaissait certes pas dans ses premières conclusions d'appelant, mais qui est recevable en application des dispositions précédemment rappelées.

En revanche, la demande de condamnation de la société au paiement « d'une somme de 2 510 euros à titre d'indemnité de requalification à raison de l'irrégularité du contrat à durée déterminée du 20 septembre 2020 » est effectivement une demande qui n'était pas formulée dans les premières conclusions de l'appelant, ce qui n'est pas contesté, de sorte qu'elle est irrecevable.

 

Sur la fin de non-recevoir tirée de la prescription :

Au soutien de la recevabilité de son action, le salarié prétend :

- que la clause de réduction du délai de prescription prévue au contrat de travail n'est pas applicable, puisqu'elle restreint le droit d'agir en justice et résulte d'un déséquilibre significatif,

- qu'il a découvert le 29 novembre 2022 que le motif du recours à son contrat de travail du 26 septembre 2020 était faux,

- qu'il se trouvait de plein droit en CDI le 26 octobre 2022, jour de la saisine du conseil de prud'hommes.

La société Le Monde Diplomatique répond qu'en vertu de la clause contractuelle relative à la prescription abrégée, autorisée par l'article 2254 du Code civil applicable aux relations de travail, M. X. disposait d'un an à compter du jour où il a connu ou aurait dû connaître les faits pour exercer son action en requalification, que lorsque celle-ci est fondée sur la poursuite de la relation de travail après l'échéance du CDD, comme en l'espèce, le point de départ de la prescription est le premier jour suivant la fin du CDD, que le contrat à durée déterminée ayant pris fin le 28 février 2021, la prescription a ainsi commencé à courir le 1er mars 2021, tandis qu'il n'a introduit son action que le 26 octobre 2022, de sorte qu'elle est prescrite.

Elle ajoute que les pièces produites par M. X. démontrent par ailleurs qu'il avait connaissance, avant la conclusion du CDD du motif de son recours, qu'il avait donc la possibilité de critiquer ce motif dès le mois de septembre 2020, qu'il n'y a eu aucune succession abusive de CDD et que la conclusion d'un ultime CDD le 28 septembre 2021 jusqu'au 31 décembre 2021, prolongé jusqu'au 31 décembre 2022, est étrangère au présent litige.

L'article L. 1471-1 du code du travail dispose que toute action portant sur l'exécution ou la rupture du contrat de travail se prescrit par deux ans à compter du jour où celui qui l'exerce a connu ou aurait dû connaître les faits lui permettant d'exercer son droit.

Cependant, en application de l'article L. 1221-1 du même code, le contrat de travail est soumis aux règles du droit commun comprenant celles prévues par l'article 2254 du Code civil qui, d'une part dispose que « la durée de prescription peut être abrégée ou allongée par accord des parties, sans toutefois être réduite à moins d'un an », d'autre part exclut un tel aménagement de la prescription dans deux hypothèses limitativement énumérées à savoir, l'action en répétition du salaire et l'action en réparation du préjudice résultant de la discrimination, qui ne correspondent pas à l'action en requalification d'un CDD en CDI dont est saisie la cour à la suite des premiers juges.

L'article L. 1121-1 du code du travail invoqué par le salarié selon lequel « nul ne peut apporter aux droits des personnes et aux libertés individuelles et collectives de restrictions qui ne seraient pas justifiées par la nature de la tâche à accomplir ni proportionnées au but recherché », s'applique aux clauses relatives aux droits et libertés du salarié dans le cadre de la réalisation de sa prestation de travail et non à l'aménagement de la prescription par les parties à un contrat de travail qui, comme il a été dit précédemment, est autorisé.

M. X. revendique par ailleurs l'application de l'article 1171 du Code civil relatif au contrat d'adhésion, qui selon l'article 1110 du même code « est celui qui comporte un ensemble de clauses non négociables, déterminées à l'avance par l'une des parties », cette définition étant d'interprétation stricte.

Pour répondre à cette définition, le contrat doit comporter un ensemble de clauses répondant au double critère de non-négociabilité et de prédétermination unilatérale par l'une des parties.

Or, la détermination des conditions de travail relève de la réglementation, des conventions collectives, des usages qui s'imposent obligatoirement aux cocontractants, mais également de la liberté contractuelle.

Ainsi, si le contrat de travail conclu en l'espèce par les parties comporte des clauses proposées par l'employeur, il n'en demeure pas moins que ces clauses étaient négociables, comme le démontrent, d'une part, les échanges de courriels intervenus entre les parties en octobre 2016 au sujet des modifications éventuelles à apporter au projet de CDD, qui prévoyait la clause de prescription abrégée qui n'a fait l'objet d'aucun commentaire ou demande d'amendement, d'autre part, la rédaction du CDD objet de la demande de requalification qui révèle notamment que les horaires de travail ont été fixés en fonction des contraintes personnelles de M. X., et que l'article 9 stipule une déduction de 30 % plafonnée à 7.600 euros par an sur les cotisations maladie et vieillesse, « sauf avis contraire » de celui-ci.

Dans ces conditions, la clause de prescription abrégée convenue entre les parties ne peut être réputée non-écrite en application de l'article 1171 du code civil.

Par ailleurs, la demande de requalification du CDD en CDI ne peut être examinée par la cour, à la suite des premiers juges, que si l'action diligentée par le salarié est recevable, celui-ci ne pouvant invoquer une automaticité de « la transformation en CDI ».

Conformément à l'article L.1471-1 du code du travail, le point de départ du délai de prescription court à compter du jour où celui qui l'exerce a connu ou aurait dû connaître les faits lui permettant d'exercer son droit.

En application de ces dispositions, il est admis que le délai de prescription d'une action en requalification d'un CDD en CDI fondée sur la poursuite du travail après l'échéance du contrat court à compter du premier jour suivant la fin du CDD, tandis que celle fondée sur le motif du recours au CDD énoncé au contrat a pour point de départ le terme du contrat ou, en cas de succession de CDD, le terme du dernier contrat.

En l'espèce, aucun contrat de travail à durée déterminée n'a succédé au contrat à durée déterminée relatif à la période du 26 septembre 2020 au 28 février 2021 objet de la demande de requalification, puisque le dernier contrat a été conclu cinq mois plus tard, soit le 28 septembre 2021.

En conséquence et au regard des deux moyens invoqués par le salarié à l'appui de sa demande de requalification, les points de départ de la prescription à retenir sont les 28 février et 1er mars 2021.

M. X. ayant introduit son action en requalification du CDD en CDI le 26 octobre 2022, soit plus d'un an après les dates retenues, elle est prescrite, quel que soit le motif invoqué, de sorte que le jugement sera confirmé en ce qu'il l'a déclarée irrecevable.

En conséquence, sont irrecevables les demandes consécutives à la demande de requalification visant à dire le licenciement sans cause réelle et sérieuse, et à obtenir l'allocation de rappels de salaire, d'une indemnité compensatrice de préavis, d'une indemnité de licenciement et de dommages-intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse.

Sur les dépens et les frais irrépétibles :

Le salarié, qui succombe, doit être tenu aux dépens de première instance, par confirmation du jugement entrepris, et d'appel.

L'équité commande de ne pas faire application de l'article 700 du code de procédure civile de sorte que la société Le Monde diplomatique sera déboutée de sa demande de ce chef.

 

DISPOSITIF (décision proprement dite)                             (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)

PAR CES MOTIFS :

La Cour,

CONFIRME le jugement déféré et y ajoutant,

DECLARE irrecevable la demande d'indemnité de requalification d'un montant de 2.510 euros,

DECLARE recevable le moyen tiré de la « fausseté » du motif du recours au contrat à durée déterminée,

DECLARE prescrites et en conséquence irrecevables les demandes de M. X.,

DEBOUTE les parties de leurs demandes au titre de l'article 700 du code de procédure civile,

REJETTE les autres demandes des parties,

CONDAMNE M. X. aux dépens d'appel

LE GREFFIER                                            LA PRÉSIDENTE