CA BORDEAUX (5e ch. civ.), 1er février 2010
CERCLAB - DOCUMENT N° 2401
CA BORDEAUX (5e ch. civ.), 1er février 2010 : RG n° 08/02599
Publication : Jurica
Extrait : « Sur la validité de l'article 231 des conditions générales : Celui prévoit que « la prise en charge cesse du moment où, après contrôle médical, l'assuré est reconnu capable de reprendre une activité professionnelle ou non professionnelle, même partielle ».
Madame X. maintient que cette définition de l'ITT ne correspond pas à la définition classique de cette incapacité, qu'elle est beaucoup plus restrictive et qu'il s'agit d'une clause abusive au sens de l'article L. 132-1 de la consommation lequel prévoit que sont abusives les clauses qui ont pour objet ou pour effet de créer au détriment du non-professionnel ou du consommateur, un déséquilibre significatif entre les droits et obligations des parties au contrat.
L'incapacité temporaire totale se distingue de l'incapacité temporaire partielle en ce qu'elle correspond à une impossibilité d'exercer une quelconque activité. Madame X. ne peut donc solliciter le bénéfice d'une incapacité totale pour une période où elle ne justifie que d'une incapacité partielle.
Le tribunal, suivant en cela la position de la CNP, a en outre exactement considéré, par des motifs que la cour adopte, que la clause qui définit les risques garantis ne peut entrer dans le domaine d'application de l'article L. 132-1 du Code de la consommation, lequel prévoit expressément que l'appréciation du caractère abusif de la clause ne porte par sur l'appréciation de l'objet du contrat. »
COUR D’APPEL DE BORDEAUX
CINQUIÈME CHAMBRE CIVILE
ARRÊT DU 1er FÉVRIER 2010
ÉLÉMENTS D’IDENTIFICATION DE LA DÉCISION (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)
R.G. n° 08/02599. ARRÊT DU : 1er FÉVRIER 2010 (Rédacteur : Monsieur Robert MIORI, Président). Décision déférée à la Cour : jugement rendu le 14 mars 2008 par le Tribunal de Grande Instance de LIBOURNE (R.G. 06/1483) suivant déclaration d'appel du 2 mai 2008.
APPELANTE :
Madame X.,
Profession : Sans emploi demeurant [adresse], représentée par la SCP BOYREAU & MONROUX, avoués à la Cour assistée de Maître Hélène OLIER avocat au barreau de LIBOURNE
INTIMÉE :
SA CNP ASSURANCES prise en la personne de son représentant légal domicilié en cette qualité au siège social [adresse],
représentée par la SCP Michel PUYBARAUD, avoués à la Cour assistée de Maître MAGRET avocat au barreau de LIBOURNE
COMPOSITION DE LA COUR : En application des dispositions des articles 786 et 910 du Code de Procédure Civile, l'affaire a été débattue le 7 décembre 2009 en audience publique, les avocats ne s'y étant pas opposés, devant Monsieur Robert MIORI, Président, chargé du rapport,
Ce magistrat a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la Cour, composée de : [minute Jurica page 2] Monsieur Robert MIORI, Président, Monsieur Bernard ORS, Conseiller, Madame Béatrice SALLABERRY, Conseiller,
Greffier lors des débats : Monsieur Hervé GOUDOT
ARRÊT : Contradictoire, prononcé publiquement par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues à l'article 450 alinéa 2 du Code de Procédure Civile.
EXPOSÉ DU LITIGE (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)
OBJET DU LITIGE :
Dans le cadre de la garantie d'un emprunt de 370.000 francs souscrit auprès de la Caisse Régionale de Crédit Agricole de Charente-Périgord, (le Crédit Agricole) Madame X. a adhéré auprès de la Caisse Nationale de Prévoyance (la CNP) à une assurance destinée à, garantir le remboursement de ce prêt au titre des risques décès, invalidité, incapacité.
Madame X. a été victime d'un accident du travail survenu le 21 mars 2001.
La CNP a pris en charge les remboursements de l'emprunt jusqu'à ce qu'après une visite médicale, elle ait considéré que Madame X. avait la possibilité de reprendre une activité à temps partiel.
Contestant les conclusions de cette visite Madame X. a saisi le juge des référés du tribunal de grande instance de Libourne d'une demande d'expertise.
Selon ordonnance en date 9 mars 2006, le juge des référés a désigné le docteur A. en qualité d'expert.
Dans son rapport daté du 16 mai 2006, celui-ci a considéré :
- que l'incapacité temporaire totale s'était poursuivie du 21 mars 2001 au 1er décembre 2002 ;
- que la consolidation peut être fixée au 1er décembre 2002 ;
- [minute Jurica page 3] qu'après consolidation il persiste une incapacité de 20 % tenant compte de l'obésité de la patiente, de son hypertension artérielle, et des gonarthroses débutantes ;
- qu'au delà de la consolidation l'assurée était incapable d'exercer l'activité qu'elle exerçait à l'époque du sinistre ;
- qu'à la date de consolidation et au jour de l'expertise l'état de santé de l'assurée reste compatible avec une activité adaptée à ses capacités restantes excluant certains efforts (en particulier le travail debout prolongé ou la marche prolongée).
Après dépôt du rapport d'expertise, Madame X. a fait assigner la CNP devant le tribunal de grande instance de Libourne afin de la voir condamner à poursuivre l'exécution du contrat.
Par jugement du 14 mars 2008 le tribunal de grande instance de Libourne a débouté Madame X. des ses demandes.
Madame X. a relevé appel de cette décision.
Elle en poursuit l'infirmation et sollicite dans ses conclusions du 29 août 2008 à titre principal que la CNP soit condamnée à poursuivre l'exécution du contrat et à titre subsidiaire qu'une contre expertise soit ordonnée.
Elle demande par ailleurs que la CNP soit condamnée à lui verser une indemnité de 3 000 euros sur le fondement des dispositions de l'article 700 du Code de procédure civile.
Dans ses conclusions déposées et signifiées le 3 novembre 2009, la CNP demande à titre principal que le jugement soit confirmé et que Madame X. soit condamnée à lui verser une indemnité de 2.000 euros au visa de l'article 700 du Code de procédure civile.
A titre subsidiaire la CNP sollicite qu'une contre expertise soit réalisée et à titre plus subsidiaire qu'elle ne soit condamnée que dans les termes et dans les limites contractuelles et au profit de l'organisme préteur.
L'ordonnance de clôture est intervenue le 23 novembre 2009.
MOTIFS (justification de la décision) (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)
MOTIFS DE LA DÉCISION :
Pour obtenir l'infirmation de la décision attaquée Madame X. soutient tout d'abord que la CNP a réglé les mensualités pendant deux ans et demi et qu'il existait bien un commencement d'exécution ce qui justifie l'exécution du contrat jusqu'à son terme.
La CNP soutient cependant à juste titre que l'exécution du contrat pendant la période correspondant à l'incapacité ne constitue pas un droit acquis à la prise en charge pour toute la durée du prêt.
C'est donc à juste titre que le tribunal n'a pas retenu ce moyen invoqué par Madame X. laquelle doit justifier remplir les conditions prévues au contrat pour chaque période pour laquelle elle demande à être prise en charge.
Sur la validité de l'article 231 des conditions générales :
[minute Jurica page 4] Celui prévoit que « la prise en charge cesse du moment où, après contrôle médical, l'assuré est reconnu capable de reprendre une activité professionnelle ou non professionnelle, même partielle ».
Madame X. maintient que cette définition de l'ITT ne correspond pas à la définition classique de cette incapacité, qu'elle est beaucoup plus restrictive et qu'il s'agit d'une clause abusive au sens de l'article L. 132-1 de la consommation lequel prévoit que sont abusives les clauses qui ont pour objet ou pour effet de créer au détriment du non-professionnel ou du consommateur, un déséquilibre significatif entre les droits et obligations des parties au contrat.
L'incapacité temporaire totale se distingue de l'incapacité temporaire partielle en ce qu'elle correspond à une impossibilité d'exercer une quelconque activité. Madame X. ne peut donc solliciter le bénéfice d'une incapacité totale pour une période où elle ne justifie que d'une incapacité partielle.
Le tribunal, suivant en cela la position de la CNP, a en outre exactement considéré, par des motifs que la cour adopte, que la clause qui définit les risques garantis ne peut entrer dans le domaine d'application de l'article L. 132-1 du Code de la consommation, lequel prévoit expressément que l'appréciation du caractère abusif de la clause ne porte par sur l'appréciation de l'objet du contrat.
Madame X. qui ne conteste pas que les conditions générales du contrat lui ont été remises, et qui savait donc quelle était l'étendue du risque pour lequel elle était assurée, ne peut en conséquence soutenir que cette clause est abusive ni demander qu'une garantie qu'elle n'a pas souscrite lui soit accordée.
Sur la mise en jeu de la garantie :
Pour demander que la CNP soit condamnée à poursuivre l'exécution du contrat, Madame X. maintient qu'elle est dans l'incapacité totale d'exercer une profession quelconque et qu'il y a lieu de tenir compte d'un certificat médical du docteur Y. et de celui du médecin de la MSA.
Dans un certificat du 16 septembre 2006 le docteur Y. a déclaré en effet que l'état de santé de Madame X. entraîne une incapacité totale à exercer une profession quelconque.
Il ne fournit cependant aucune précision sur la nature de l'incapacité qu'elle subit sur les possibilités physique subsistante en sorte que ce document ne permet pas de savoir si l'assurée est dans l'incapacité de s'exprimer de marcher, d'écrire...
Dans un certificat postérieur, daté du 30 août 2008, ce même médecin considère également que l'état de santé de Madame X. la rend inapte à l'exercice d'une profession quelconque. Il précise à cette occasion qu'elle présente une incapacité fonctionnelle du genou gauche avec œdème, des douleurs, dans un conteste génarthrose de lésion méniscale et de rupture de ligament.
[minute Jurica page 5] Cette description de l'état de santé de l'assurée l'exclut de l'exercice de certaines professions notamment de celles où la marche ou la station debout est nécessaire mais elle ne lui interdit pas d'exercer des professions sédentaires.
Ce certificat ne permet donc pas de démontrer que Madame X. est dans l'incapacité totale d'exercer une quelconque profession.
Le fait que Madame X. ait été classée par la MSA dans la catégorie invalide « absolument incapable d'exercer une quelconque profession » ne signifie pas par ailleurs qu'elle soit dans l'incapacité réelle d'exercer une profession.
Il s'avère en effet tout d'abord, que comme l'a exactement précisé le tribunal, les décisions prises par les organismes sociaux selon des critères et des règles qui leur sont propres ne sont pas opposables aux compagnies d'assurances.
Les termes employés part la MSA qui sont nécessaires au classement d'un assuré en invalidité ne décrivent pas l'incapacité fonctionnelle réelle. Ils n'impliquent donc pas obligatoirement que la personne concernée ne puisse se livrer à une quelconque activité professionnelle, seule une expertise médicale comportant ces éléments étant susceptible d'apprécier les possibilités effectives de l'assuré à exercer une profession.
L'expert judiciaire qui a accompli sa mission en toute impartialité a considéré que compte tenu des séquelles existantes l'incapacité permanente partielle est de 20 % et que compte tenu de la discordance entre les signes subjectifs rapportés par l'assurée et les données objectives des examens complémentaires et de l'examen clinique (absence caractérisée d'amyotrophie) il estimait que l'assurée ne pouvait exercer une activité adaptée à ses capacité restantes excluant une station debout prolongée ou la marche sur de longues distances mais que son état était compatible avec une activité adaptée à ses capacités restantes excluant certains efforts.
Cette appréciation motivée de l'état de la victime qui repose sur une description de ses possibilités fait donc clairement ressortir, sans qu'il soit besoin de recourir à une expertise complémentaire, que l'état de Madame X. est compatible avec une activité adaptée à ses capacités.
Elle n'est donc pas dans l'incapacité totale d'exercer une quelconque profession qui est le critère contractuel qui peut être seul pris en considération. C'est donc à juste titre que la compagnie d'assurances considérant que Madame X. était apte à l'exercice de certaines activités a refusé de continuer à prendre en charge les remboursements du prêt.
Le jugement entrepris sera en conséquence confirmé.
Madame X. sera condamnée à verser à la CNP une indemnité de 1000 euros sur le fondement des dispositions de l'article 700 du Code de procédure civile.
DISPOSITIF (décision proprement dite) (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)
PAR CES MOTIFS :
Confirme le jugement entrepris
Y ajoutant
[minute Jurica page 6] Condamne Madame X. à verser à la compagnie CNP, une indemnité de 1.000 euros sur le fondement de l'article 700 du Code de procédure civile.
La condamne aux dépens ceux d'appel étant distraits conformément aux dispositions de l'article 699 du Code de procédure civile.
Le présent arrêt a été signé par Monsieur Robert MIORI, Président, et par Monsieur Hervé
GOUDOT, Greffier, auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.
Le Greffier, Le Président,
Hervé GOUDOT Robert MIORI
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