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TGI LIBOURNE, 14 mars 2008

Nature : Décision
Titre : TGI LIBOURNE, 14 mars 2008
Pays : France
Juridiction : Libourne (TGI)
Demande : 06/1483
Décision : 08/45
Date : 14/03/2008
Nature de la décision : Rejet
Date de la demande : 20/11/2006
Décision antérieure : CA BORDEAUX (5e ch. civ.), 1er février 2010
Numéro de la décision : 45
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CERCLAB - DOCUMENT N° 3810

TGI LIBOURNE, 14 mars 2008 : RG n° 06/01483 ; jugt08/45

(sur appel CA Bordeaux (5e ch. civ.), 1er février 2010 : RG n° 08/02599)

 

Extrait : « Ces conditions sont définies par l'article 231 du contrat qui prévoit que « l'assuré est en état d'ITT lorsqu'il se trouve dans l'impossibilité absolue de reprendre une activité professionnelle ou dans l'impossibilité absolue reconnue médicalement d'exercer une activité quelconque, même à temps partiel, à la suite d'un accident ou d'une maladie. (...) La prise en charge cesse du moment où, après contrôle médical, l'assuré est reconnu capable de reprendre une activité professionnelle ou non professionnelle même partielle ». […]

Selon l'article L. 132-1 du Code de la consommation, « l'appréciation du caractère abusif des clauses ne porte ni sur la définition de l'objet principal du contrat ni sur l'adéquation du prix ou de la rémunération au bien vendu ou au service offert ». En l'espèce, s'agissant d'un contrat d'assurance, la clause qui définit l'obligation principale de l'assureur, à savoir les risques garantis, ne saurait entrer dans le domaine d'application de l'article L. 132-1 du Code de la consommation.

En tout état de cause, selon ce même article, sont abusives les clauses qui ont pour objet ou pour effet de créer, au détriment du non-professionnel ou du consommateur, un déséquilibre significatif entre les droits et obligations des parties au contrat. En l'espèce, Madame X. ne rapporte pas la preuve d'un tel déséquilibre. En effet, elle ne démontre pas en quoi les primes prévues par le contrat sont excessives par rapport aux risques garantis, qui couvrent un spectre plus large que la seule incapacité temporaire totale et comprennent notamment les risques de décès et d'invalidité permanente. Par ailleurs, si elle soutient que la clause relative au risque maladie permet d'exclure la quasi-totalité des pathologies, elle n'en démontre pas pour autant le caractère abusif dans la mesure où celle-ci a précisément pour objectif, s'agissant d'un contrat d'assurance, de circonscrire les risques garantis en excluant certaines situations.

Par conséquent, la clause 231 du contrat d'assurance est valable. »

 

TRIBUNAL DE GRANDE INSTANCE DE LIBOURNE

JUGEMENT DU 14 MARS 2008

 

ÉLÉMENTS D’IDENTIFICATION DE LA DÉCISION       (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)

R.G. n° 06/01483. Jugement n° 08/45.

COMPOSITION DU TRIBUNAL :

PRÉSIDENT : Laure QUINET,

GREFFIER : Françoise JOSEPH

QUALIFICATION : contradictoire, prononcé par mise à disposition au Greffe, susceptible d'appel dans le délai d'un mois

DÉBATS : Audience publique du 25 janvier 2008, les avocats ayant été avisés de l'attribution de l'affaire au JUGE UNIQUE et n'ayant pas sollicité de renvoi à la formation collégiale

SAISINE : Assignation en date du 20 novembre 2006

 

DEMANDERESSE :

Madame X.,

demeurant [adresse], représentée par Maître Hélène OLIER

 

DÉFENDERESSE :

CNP ASSURANCES,

dont le siège social est sis [adresse], représentée par la SELARL MAGRET-LECOQ-JANOUEIX

 

EXPOSÉ DU LITIGE                                                           (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)

[minute page 2] FAITS ET PROCÉDURE :

Le 7 novembre 1998, Madame X. a souscrit un emprunt auprès du Crédit Agricole et un contrat d'assurance financement habitat auprès de la Caisse Nationale de Prévoyance. Elle a été victime d'un accident du travail le 21 mars 2001 et la Caisse Nationale de Prévoyance a pris en charge les mensualités de l'emprunt. Le 10 septembre 2003, une visite médicale a reconnu la possibilité pour Madame X. de reprendre une activité professionnelle à temps partiel et la CNP a cessé de régler les échéances du prêt.

Madame X. contestant les conclusions de cette visite, elle a mis en demeure la CNP de régler les mensualités du contrat le 20 juin 2005 puis a saisi Monsieur le Président du Tribunal de Grande Instance de Libourne aux fins de voir ordonner une expertise. Le docteur A., expert désigné, a estimé dans son rapport du 16 mai 2006 que son état était compatible avec une activité adaptée.

Par acte d'huissier, Madame X. a fait assigner la CNP devant le Tribunal de Grande Instance de Libourne aux fins de la voir condamner à poursuivre l'exécution du contrat.

 

Par dernières conclusions signifiées le 6 septembre 2007, Madame X. demande à titre principal :

- que l'article 231 des conditions générales du contrat soit jugé abusif conformément à l'article L. 132-1 du Code de la consommation,

- que la CNP soit condamnée à poursuivre l'exécution du contrat et ce de manière rétroactive à partir du 9 septembre 2003.

A titre subsidiaire, contestant les conclusions de l'expertise du docteur A., elle demande que soit ordonnée une contre-expertise avec la mission de dire si elle est inapte totalement à exercer une profession quelconque, contestant les conclusions de l'expert A.

Elle demande enfin que la société CNP soit condamnée à lui verser une somme de 3.000 euros sur le fondement de l'article 700 du Code de procédure civile ainsi que les dépens.

A l'appui de ses demandes, elle soutient qu'il y a eu commencement d'exécution de la part de la société CNP, qu'elle est en invalidité totale contrairement à ce qu'affirme l'expertise du Docteur A. Enfin, elle qualifie d'abusive la clause 231 selon laquelle la prise en charge cesse du moment où, après contrôle médical, l'assuré est reconnu capable de reprendre une activité professionnelle ou non professionnelle même partielle, cette clause ayant pour effet d'exclure la quasi-totalité des pathologies de la garantie offerte par le contrat.

 

Par conclusions signifiées le 1er août 2007, la société CNP demande au juge d'homologuer le rapport d'expertise rendu par le docteur A. le 16 mai 2006, de débouter Madame X. de l'ensemble de ses demandes et de la condamner à lui payer 2.000 euros sur le fondement de l'article 700 du Code de procédure civile.

[minute page 3] A titre subsidiaire, dans le cas où une contre-expertise serait ordonnée, elle demande à ce que soient déterminés par cette dernière la date de consolidation de l'état de santé de l'assurée, la date à laquelle elle pouvait être considérée comme apte à exercer même partiellement une activité professionnelle ainsi que son taux d'IPP.

A titre infiniment subsidiaire, si une condamnation devait être prononcée à son encontre, elle demande à ce qu'il soit décidé que la prise en charge du prêt ne puisse s'effectuer que dans les termes et les limites contractuels et au profit de l'organisme prêteur.

Au soutien de ses demandes, elle explique que Madame X. ne remplit plus les conditions de la garantie contractuelle depuis la visite médicale effectuée le 10 septembre 2003 qui l'a reconnue apte partiellement, et qui a été confirmée par l'expertise du docteur A. ordonnée par le juge des référés.

Elle souligne que s'il y a eu exécution de son obligation de garantie jusqu'à cette date, il ne s'agit en aucun cas d'un droit acquis à une prise en charge permanente.

En outre, Madame X. ne saurait contester la définition contractuelle de l'ITT qu'elle a acceptée et qui s'impose à elle conformément à l'article 1134 du Code civil. Cette définition est indépendante des classifications d'autres organismes dont les décisions ne sont pas opposables à la CNP.

Enfin, cette clause n'est pas abusive : d'une part elle porte sur la définition du risque garanti et donc sur une obligation essentielle du contrat, alors que l'article L. 132-1 du Code de la consommation dispose que l'appréciation du caractère abusif des clauses ne porte pas sur la définition de l'objet principal du contrat. D'autre part, elle ne constitue pas un avantage excessif pour l'assureur, dans la mesure où la prime est calculée en fonction de l'étendue de la garantie.

L'ordonnance de clôture a été rendue le 19 novembre 2007.

 

MOTIFS (justification de la décision)                                   (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)

MOTIVATION :

Selon l'article 1315 alinéa 1 du Code civil, c'est à celui qui réclame l'exécution d'une obligation de la prouver. Il n'est pas contesté qu'un contrat d'assurance a été conclu entre la CNP et Madame X. et qu'elle a eu connaissance des conditions générales de celui-ci. Cette dernière doit prouver qu'elle remplit les conditions prévues pour bénéficier de la garantie. Ces conditions sont définies par l'article 231 du contrat qui prévoit que « l'assuré est en état d'ITT lorsqu'il se trouve dans l'impossibilité absolue de reprendre une activité professionnelle ou dans l'impossibilité absolue reconnue médicalement d'exercer une activité quelconque, même à temps partiel, à la suite d'un accident ou d'une maladie. (...) La prise en charge cesse du moment où, après contrôle médical, l'assuré est reconnu capable de reprendre une activité professionnelle ou non professionnelle même partielle ».

[minute page 4] Madame X. soutient dans un premier temps que les conditions stipulées par le contrat à la mise en œuvre de la garantie ne sont pas valables car la clause est abusive, puis affirme être inapte à toute activité, même partielle.

 

Sur le caractère abusif de la clause 231 du contrat d'assurance :

Selon l'article L. 132-1 du Code de la consommation, « l'appréciation du caractère abusif des clauses ne porte ni sur la définition de l'objet principal du contrat ni sur l'adéquation du prix ou de la rémunération au bien vendu ou au service offert ».

En l'espèce, s'agissant d'un contrat d'assurance, la clause qui définit l'obligation principale de l'assureur, à savoir les risques garantis, ne saurait entrer dans le domaine d'application de l'article L. 132-1 du Code de la consommation.

En tout état de cause, selon ce même article, sont abusives les clauses qui ont pour objet ou pour effet de créer, au détriment du non-professionnel ou du consommateur, un déséquilibre significatif entre les droits et obligations des parties au contrat.

En l'espèce, Madame X. ne rapporte pas la preuve d'un tel déséquilibre. En effet, elle ne démontre pas en quoi les primes prévues par le contrat sont excessives par rapport aux risques garantis, qui couvrent un spectre plus large que la seule incapacité temporaire totale et comprennent notamment les risques de décès et d'invalidité permanente. Par ailleurs, si elle soutient que la clause relative au risque maladie permet d'exclure la quasi-totalité des pathologies, elle n'en démontre pas pour autant le caractère abusif dans la mesure où celle-ci a précisément pour objectif, s'agissant d'un contrat d'assurance, de circonscrire les risques garantis en excluant certaines situations.

Par conséquent, la clause 231 du contrat d'assurance est valable.

 

Sur l'obligation de la CNP :

Madame X. soutient qu'en commençant à régler les échéances du prêt, la CNP a reconnu son obligation de garantie.

Il n'est pas contesté qu'elle a été pendant un certain temps débitrice de cette obligation contractuelle. Cependant, la seule obligation prévue au contrat et exécutée par la CNP conformément à celui-ci, est une obligation de garantie pendant une durée de trois mois, renouvelable sur présentation des justificatifs de sa situation par l'assuré (rubrique « Prise d'effet de l'assurance » du contrat).

En conséquence, si la CNP a pris en charge le remboursement des échéances sur une certaine durée, ce n'est qu'en application d'une obligation à exécution successive, sans modifier la définition contractuelle de cette dernière.

[minute page 5]

Sur l'appréciation de l'incapacité de Madame X. :

Il appartient à Madame X. de prouver qu'elle rentre dans les conditions contractuelles de la garantie et donc de rapporter la preuve de son incapacité totale.

Madame X. fournit :

- une attestation de son médecin traitant, le docteur B., qui certifie qu'elle présente une inaptitude au travail entraînant une invalidité de catégorie 2 à compter du 8 décembre 2004,

- une attestation de la médecine du travail qui conclut à l'inaptitude définitive au poste occupé (attestation du 4 janvier 2005) et l'attestation de son médecin traitant datée du 16 septembre 2006,

- la notification d'attribution d'une pension d'invalidité de catégorie 2 à compter du 8 décembre 2004.

La CNP s'appuie quant à elle sur :

- l'examen médical de contrôle réalisé le 10 septembre 2003 par le docteur C., qui conclut à l'incapacité totale d'exercer la profession antérieure d'ouvrière agricole et à la capacité d'exercer partiellement une autre activité professionnelle qui n'exige pas de travail dur en terrain irrégulier ni de marche prolongée, ainsi qu'un taux d'incapacité fonctionnelle de 10 % ;

- l'expertise judiciaire du docteur A. en date du 16 mai 2006 selon lequel l'ITT peut être retenue du 21 mars 2001 au 1er décembre 2002, la consolidation fixée au 1er décembre 2002 avec une incapacité permanente partielle de 20 %. L'expert estime que Madame X. n'était plus en mesure, à partir de cette date, d'exercer son activité antérieure mais que son état reste compatible avec une activité adaptée à ses capacités restantes excluant certains efforts.

Il est de jurisprudence constante que les décisions des organismes sociaux, prises selon les critères et les règles qui leur sont applicables, ne sont pas opposables aux organismes d'assurances. La circonstance que Madame X. bénéficie d'une pension d'invalidité de niveau 2 n'implique pas qu'elle ait été et soit encore incapable d'exercer une activité partielle adaptée à son état.

En outre, l'attestation du médecin du travail ne conclut qu'à l'inaptitude de la demanderesse à son poste antérieur et à son état d'invalidité au regard des classifications de l'assurance-maladie.

Par ailleurs, il convient d'évaluer la situation de Madame X. au regard des seuls critères médicaux. Dans ce contexte, en dépit de la contestation de la demanderesse et de l'attestation de son médecin traitant, l'expertise judiciaire ordonnée en référé offre des garanties suffisantes d'objectivité. Elle reconnaît d'ailleurs à Madame X. un taux d'invalidité important (20% ) et supérieur à celui que relève le médecin contrôleur de la CNP (10 %) et affirme néanmoins que l'incapacité de travail n'est que partielle.

En conséquence, la demanderesse n'est pas en mesure de prouver qu'elle présente une totale inaptitude à toute activité.

[minute page 6] A titre subsidiaire, elle demande que soit réalisée une nouvelle expertise pour déterminer la mesure de son incapacité. Elle ne fait cependant valoir aucun élément permettant de mettre en doute la neutralité et les conclusions du docteur A. en dehors de la seule attestation de son propre médecin traitant.

Par conséquent, cette demande ne peut être accueillie.

 

Sur les dépens :

Il convient de condamner Madame X. qui succombe au paiement des dépens.

 

Sur l'article 700 du NCPC :

L'équité ne commande pas de condamner Madame X. au paiement des frais irrépétibles.

 

DISPOSITIF (décision proprement dite)                             (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)

PAR CES MOTIFS :

Le Tribunal, par jugement contradictoire rendu en premier ressort,

Déboute Madame X. de ses demandes.

Condamne Madame X. aux dépens.

Déboute les parties de toutes leurs autres demandes.

Le présent jugement a été signé par Laure QUINET, Juge et par Françoise JOSEPH, Greffier.