CA COLMAR (3e ch. civ. sect. A), 29 mars 2010
CERCLAB - DOCUMENT N° 2413
CA COLMAR (3e ch. civ. sect. A), 29 mars 2010 : RG n° 09/02857 ; arrêt n° 10/387
Publication : Jurica
Extrait : « En l'espèce, le contrat conclu entre Mademoiselle X. et la Société ESTUDIA CENTRE EUROPE le 29 septembre 2007 comporte une clause ainsi formulée : « toute inscription acceptée entraîne obligation du règlement de la totalité des frais de scolarité du cycle, nonobstant toute interruption, suspension ou décision de résiliation de l'étudiant et quelle que soit la cause (maladie, démission, abandon) ».
Selon la recommandation n° 91-01de la Commission des clauses abusives concernant les contrats proposés par les établissements d'enseignement, « les clauses indiquant que le prix est forfaitaire pour une année entière et prévoyant qu'il est dû, même si l'élève ne peut suivre l'enseignement, pour quelque cause que ce soit (décès, maladie, réunion, suspension de cours, fermeture de l'établissement, etc.), doivent être éliminées ».
La Société appelante énonce qu'elle organise un cycle de formation de trois ans à la profession de comptable, qu'elle réserve les locaux, le temps, les enseignants, les services nécessaires à la parfaite réalisation de ce cycle de 3 ans ; qu'elle n'inscrit qu'un nombre limité d'étudiants pour que chacun puisse profiter des cours ; qu'en contrepartie elle doit couvrir des frais de scolarité. Cependant, outre qu'elle ne rapporte aucune preuve de ces assertions, l'appelante n'établit l'existence d'aucun préjudice susceptible de résulter du désistement d'un étudiant en cours d'année.
En conséquence, la clause énoncée ci-dessus a un caractère manifestement abusif et doit dès lors être réputée non écrite. »
RÉPUBLIQUE FRANÇAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
COUR D’APPEL DE COLMAR
TROISIÈME CHAMBRE CIVILE SECTION A
ARRÊT DU 29 MARS 2010
ÉLÉMENTS D’IDENTIFICATION DE LA DÉCISION (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)
RG n° 09/02857. Arrêt n° 10/387. Décision déférée à la cour : jugement rendu le 22 mai 2009 par le tribunal d'instance de STRASBOURG.
APPELANTE :
SARL SOCIÉTÉ ESTUDIA CENTRE EUROPE
ayant son siège social [adresse], représentée par la SCP CAHN et Associés (avocats à la cour)
INTIMÉS :
1) Mademoiselle X.
2) Monsieur X.
demeurant tous deux [adresse], représentés par Maître Daniel MONHEIT (avocat au barreau de COLMAR)
COMPOSITION DE LA COUR : En application des dispositions des articles 786 et 910 du Code de procédure civile, l'affaire a [minute Jurica page 2] été débattue le 1er février 2010, en audience publique, les parties ne s'y étant pas opposées, devant M. HEINTZ, président de chambre, chargé du rapport.
Ce magistrat a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la cour, composée de : M. HEINTZ, président de chambre, Madame SCHNEIDER, conseiller, M. JOBERT, conseiller, qui en ont délibéré.
Greffier lors des débats : M. UTTARD
ARRÊT : Contradictoire, prononcé publiquement par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du Code de procédure civile, signé par M. J.J. HEINTZ, président et M. Christian UTTARD, greffier, auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.
EXPOSÉ DU LITIGE (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)
Vu le rapport ;
Faits procédure, prétentions et moyens des parties :
Selon contrat en date du 29 septembre 2007, Mademoiselle X. s'est inscrite à un cycle de trois ans d'études du cycle d'expertise comptable auprès de la Société ESTUDIA CENTRE EUROPE. Son père, Monsieur X. s'est porté caution solidaire pour le prix global du cycle et a réglé une somme de 1.100,00 €.
Par une lettre en date du 9 novembre 2007, Mademoiselle X. présentait sa démission avec effet immédiat ; elle joignait à sa lettre un certificat médical énonçant notamment que « (son) état de santé moral n'est pas compatible avec la poursuite des études dans le domaine de la comptabilité. Pour son équilibre et son intégrité physique, il est indispensable qu'elle change d'orientation. »
Se prévalant d'une clause du contrat énonçant que « toute inscription acceptée entraîne obligation du règlement de la totalité des frais de scolarité du cycle, nonobstant toute interruption, suspension ou décision de résiliation de l'étudiant et quelle que soit la cause » la SARL ESTUDIA CENTRE EUROPE assignait Mademoiselle X. et Monsieur X. en payement de la somme de 13.300,00 €.
Par jugement en date du 22 mai 2009, le tribunal d'instance de STRASBOURG a :
- constaté que la clause prévoyant à la charge de l'étudiant le payement de la totalité des frais de scolarité des trois années de cycle d'études, nonobstant toute résiliation, même pour cause de maladie, présente un caractère abusif,
- dit et jugé que cette clause abusive est réputée non écrite,
[minute Jurica page 3] En conséquence :
- débouté la SARL Société ESTUDIA CENTRE EUROPE de toutes ses demandes y compris de sa réclamation fondée sur l'article 700 du Code de procédure civile,
- condamné la SARL Société ESTUDIA CENTRE EUROPE à payer aux défendeurs la somme de 300 € en application de l'article 700 du Code de procédure civile,
- condamné la SARL Société ESTUDIA CENTRE EUROPE aux entiers frais et dépens.
La Société ESTUDIA CENTRE EUROPE a interjeté appel de ce jugement et demande à la cour de l'infirmer et de condamner solidairement les intimés à lui payer la somme de 13.300,00 € avec intérêts de droit à dater de la signification de l'assignation, outre la somme de 1.000,00 € en application de l'article 700 du Code de procédure civile.
Elle se réfère aux dispositions de l'article 1134 du Code civil et soutient que le contrat est conclu pour une durée ferme de trois ans, qu'il ne comporte aucune clause abusive et ne peut être rompu unilatéralement qu'en cas de faute grave démontrée ; tout au plus le paiement intégral du prix convenu jusqu'à la fin du contrat peut-il être considéré comme une clause pénale. Elle fait valoir en outre que la rupture du contrat est dépourvue de fondement, l'intimée ayant déclaré d'une part donner sa démission en raison du fait qu'elle ne se sentait pas de vocation pour passer le diplôme d'expert comptable, et ayant d'autre part, adressé un certificat médical de complaisance.
Mademoiselle X. et Monsieur X. concluent :
A TITRE PRINCIPAL
Vu les articles L. 132-1 et suivants du Code de la Consommation Vu la Recommandation
CCA n° 91-01 du 7 juillet 1989
CONFIRMER le jugement du Tribunal d'Instance de Strasbourg en date du 22 mai 2009,
EN TOUT ÉTAT DE CAUSE,
DÉBOUTER la partie requérante de ses fins, moyens et conclusions,
DIRE ET JUGER que l'engagement de caution de Monsieur X. est nul,
CONDAMNER la Société ESTUDIA CENTRE EUROPE aux entiers frais et dépens,
LA CONDAMNER à payer à chacun des requis la somme de 1.000 € au titre de l'article 700 du Code de procédure civile,
A titre SUBSIDIAIRE
Vu l'article 1244 du Code Civil
RÉDUIRE les demandes de la partie requérante à de plus justes montants,
ACCORDER aux parties défenderesses les plus larges délais de paiement,
PARTAGER les dépens dans la mesure de la succombance.
[minute Jurica page 4] Ils soutiennent que la clause stipulant que toute inscription acceptée entraîne obligation du règlement de la totalité des frais de scolarité du cycle, nonobstant toute interruption, suspension ou décision de résiliation de l'étudiant et quelle que soit la cause (maladie, démission, abandon) est abusive au sens des dispositions de l'article L. 132-1 et suivants du Code de la consommation ainsi que cela résulte de la Recommandation de la Commission des Clauses Abusives (CCA) n° 91-01 du 7 juillet 1989.
Par ailleurs, l'état de santé de Mademoiselle X. faisait obstacle au prolongement de la scolarité.
Monsieur X. fait valoir pour sa part que l'engagement de cautionnement qui lui est opposé est nul dans la mesure où il n'a pas pu prendre la mesure de la portée de son engagement.
MOTIFS (justification de la décision) (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)
Motifs de la décision :
Selon les dispositions de l'article 1134 du Code civil, Les conventions légalement formées tiennent lieu de loi à ceux qui les ont faites.
Cependant, conformément aux dispositions de l'article L. 132-1 du Code de la consommation, dans les contrats conclus entre professionnels et non-professionnels, sont réputées non écrites comme étant abusives les clauses qui ont pour objet ou pour effet de créer, au détriment du non-professionnel ou du consommateur, un déséquilibre significatif entre les droits et obligations des parties au contrat.
En l'espèce, le contrat conclu entre Mademoiselle X. et la Société ESTUDIA CENTRE EUROPE le 29 septembre 2007 comporte une clause ainsi formulée : « toute inscription acceptée entraîne obligation du règlement de la totalité des frais de scolarité du cycle, nonobstant toute interruption, suspension ou décision de résiliation de l'étudiant et quelle que soit la cause (maladie, démission, abandon) ».
Selon la recommandation n° 91-01de la Commission des clauses abusives concernant les contrats proposés par les établissements d'enseignement, « les clauses indiquant que le prix est forfaitaire pour une année entière et prévoyant qu'il est dû, même si l'élève ne peut suivre l'enseignement, pour quelque cause que ce soit (décès, maladie, réunion, suspension de cours, fermeture de l'établissement, etc.), doivent être éliminées ».
La Société appelante énonce qu'elle organise un cycle de formation de trois ans à la profession de comptable, qu'elle réserve les locaux, le temps, les enseignants, les services nécessaires à la parfaite réalisation de ce cycle de 3 ans ; qu'elle n'inscrit qu'un nombre limité d'étudiants pour que chacun puisse profiter des cours ; qu'en contrepartie elle doit couvrir des frais de scolarité.
Cependant, outre qu'elle ne rapporte aucune preuve de ces assertions, l'appelante n'établit l'existence d'aucun préjudice susceptible de résulter du désistement d'un étudiant en cours d'année.
En conséquence, la clause énoncée ci-dessus a un caractère manifestement abusif et doit dès lors être réputée non écrite.
Au surplus, le fait que dans sa lettre en date du 9 novembre 2007, qualifiée en objet « de démission », Mademoiselle X. énonce d'une part qu'elle a constaté et compris après quelques semaines que la filière comptable ne correspond pas à ses attentes, et d'autre part qu'elle joignait un certificat médical « attestant de l'inaptitude de poursuivre les cours » ne [minute Jurica page 5] constitue pas en soi une contradiction de nature à établir l'absence de motif légitime et sérieux de rupture de la convention.
Dans ces conditions, il y a lieu de confirmer en toutes ses dispositions le jugement déféré et, par application des dispositions de l'article 700 du Code de procédure civile, d'allouer aux intimés la somme de 800,00 €.
DISPOSITIF (décision proprement dite) (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)
PAR CES MOTIFS :
CONFIRME en toutes ses dispositions le jugement déféré ;
Y ajoutant, CONDAMNE la SARL SOCIÉTÉ ESTUDIA CENTRE EUROPE à payer aux intimés la somme de 800,00 € (huit cents euros) par application des dispositions de l'article 700 du Code de procédure civile ;
La CONDAMNE aux dépens de l'instance d'appel.
Le greffier Le président
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