CA DOUAI (8e ch. 1re sect.), 17 décembre 2009
CERCLAB - DOCUMENT N° 2432
CA DOUAI (8e ch. 1re sect.), 17 décembre 2009 : RG n° 08/08717
Publication : Jurica
Extraits : 1/ « 3.1. Par application de ces principes comme des dispositions de l'article L. 141-4 du Code de la consommation, le juge doit donc relever d'office les irrégularités et manquements qu'il constate aux dispositions précitées et notamment aux articles L. 311-8 et s. du Code de la consommation et il doit relever la fin de non recevoir tirée de l'article L. 311-37 du même Code sans qu'il n'y ait plus lieu de distinguer selon qu'il s'agit d'un ordre public de protection ou de direction en raison des objectifs recherchés par ces directives. […] Par ailleurs, il convient de rappeler qu'aux termes des dispositions de l'article L. 132 -1 du Code de la consommation, est réputé non écrite comme étant abusive toute clause qui a pour objet ou pour effet de créer au détriment du non professionnel ou du consommateur un déséquilibre significatif entre les droits et des obligations des parties au contrat. Le juge doit relever d'office l'existence de telles clauses. »
2/ « Ainsi que l'a exactement relevé le premier juge, eu égard à la teneur de cette clause, l'exigibilité immédiate des sommes prêtées, qui découle nécessairement de la résiliation préalable du contrat de crédit par le préteur peut résulter non pas d'un manquement de l'emprunteur à une obligation essentielle du contrat mais de l'une des causes sus-énoncées extérieure à son exécution. Or, si la défaillance de l'emprunteur dans le remboursement du crédit figure bien aux conditions de résiliation apparaissant au modèle type n° 1 annexé à l'article R. 311-6 du Code de la consommation, comme étant d'ailleurs la seule possible, tel n'est pas le cas des autres causes sus-énoncées qui permettent la résiliation du contrat alors même que celui-ci pourrait être normalement remboursé et ce sur simple avis du préteur.
Cette clause prévoit dans des termes généraux des conditions de résiliation pour des causes extérieures au contrat et en dehors du mécanisme de la condition résolutoire, elle est donc sans lien avec la capacité de l'emprunteur à rembourser le crédit et elle crée en conséquence au profit du préteur et au détriment de l'emprunteur un déséquilibre significatif entre leurs droits et obligations respectifs ; elle a donc exactement été déclarée abusive par le premier juge. Par ailleurs, non prévue au modèle type et aux dispositions légales et réglementaires, cette clause contrevient donc au formalisme en la matière et rend dès lors le contrat irrégulier au regard des dispositions précitées des articles L. 311-8 et s et R. 311-6 du Code de la consommation ; le premier juge en a donc tout aussi exactement tiré les conséquences en prononçant la déchéance du droit du prêteur aux intérêts conventionnels. »
COUR D’APPEL DE DOUAI
HUITIÈME CHAMBRE PREMIÈRE SECTION
ARRÊT DU 17 DÉCEMBRE 2009
ÉLÉMENTS D’IDENTIFICATION DE LA DÉCISION (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)
RG n° 08/08717. Jugement (N° 08/00035) rendu le 7 octobre 2008 par le Tribunal d'Instance de SAINT POL SUR TERNOISE.
APPELANTE :
SA CREDIPAR
agissant par la personne de ses représentants légaux domiciliés audit siège, ayant son siège social [adresse], représentée par la SCP CARLIER-REGNIER, avoués à la Cour, assistée de Maître Valérie BIERNACKI, avocat au barreau de DOUAI
INTIMÉS :
Monsieur X.
demeurant [adresse], n'a pas constitué avoué.
Madame Y. épouse X.
demeurant [adresse], n'a pas constitué avoué.
DÉBATS : Audience publique du 20 octobre 2009 tenue par Catherine PAOLI magistrat chargé d'instruire l'affaire qui a entendu seul les plaidoiries, les conseils des parties ne s'y étant pas opposés et qui en a rendu compte à la Cour dans son délibéré (article 786 du Code de Procédure Civile). Les parties ont été avisées à l'issue des débats que l'arrêt serait prononcé par sa mise à disposition au greffe. [minute Jurica page 2]
GREFFIER : LORS DES DÉBATS : Annie DESBUISSONS
COMPOSITION DE LA COUR : LORS DU DÉLIBÉRÉ : Pierre CHARBONNIER, Président de chambre, Catherine PAOLI, Conseiller, Sophie VEJUX, Conseiller
ARRÊT : PAR DÉFAUT, prononcé publiquement par mise à disposition au greffe le 17 décembre 2009 (date indiquée à l'issue des débats) et signé par Pierre CHARBONNIER, Président et Annie DESBUISSONS, greffier, auquel la minute a été remise par le magistrat signataire.
EXPOSÉ DU LITIGE (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)
Vu le jugement réputé contradictoire du tribunal d'instance de Saint-Pol-sur-Ternoise en date du 7 octobre 2008 ;
Vu l'appel formalisé par la SA CREDIPAR le 21 novembre 2008 ;
Vu les conclusions déposées au greffe de la cour le 30 janvier 2009 par la SA CREDIPAR ;
Par acte d'huissier en date du 5 février 2008, la SA CREDIPAR, en exécution d'une offre préalable de prêt acceptée le 15 janvier 2003, accessoire à une vente de véhicule, a assigné en paiement M. X. et Madame Y. épouse X. devant le tribunal d'instance de Saint-Pol-sur-Ternoise lequel, par jugement dont appel, a constaté le défaut de remise de la notice d'assurance et l'existence d'une clause abusive et donc l'irrégularité de l'offre préalable avec pour conséquence la déchéance du droit du prêteur aux intérêts conventionnels et a donc solidairement condamné M. X. et Madame Y. épouse X. à payer à la SA CREDIPAR la somme de 2.702,92 € au titre du solde du crédit et ce avec intérêt au taux légal à compter du 5 février 2008.
La société de crédit conteste l'irrégularité de l'offre tirée de l'existence d'une clause abusive et du défaut de remise de la notice d'assurance. Elle conclut donc à l'infirmation du jugement et à la condamnation de M. et Madame X. à lui payer la somme de 7.000,62 € avec intérêt au taux de 10,5 % à compter du 5 février 2008 à titre principal outre la somme de 1.500 € sur le fondement de l'article 700 du Code de procédure civile.
M. et Mme X. ont été assignés puis réassignés à la personne de leur fille présente à leur domicile les 17 février et 24 avril 2009 ; ils n'ont pas constitué avoué. Il sera statué par arrêt de défaut par application de l'article 474 du Code de procédure civile.
L'ordonnance de clôture est intervenue le 10 septembre 2009 ; l'affaire est venue à l'audience de plaidoirie du 20 octobre 2009 à l'issue de laquelle elle a été mise en délibéré au 17 décembre 2009.
MOTIFS (justification de la décision) (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)
SUR CE :
1. En la forme, sur les pouvoirs et l'office du juge, il sera rappelé qu'aux termes de l'article 12 du Code de procédure civile, il est fait obligation à ce dernier de trancher le litige non seulement conformément aux règles de droit qui lui sont applicables mais également, au besoin, après avoir donné ou restitué leur exacte qualification juridique aux faits ou aux actes litigieux sans s'arrêter aux dénominations que les parties en auraient proposé. De plus, cette obligation pour le juge d'asseoir sa décision sur un raisonnement juridique adéquat doit également se lire à la lumière de l'article 125 du Code de procédure civile qui fait obligation au juge de relever d'office les fins de non recevoir lorsqu'elles ont un caractère d'ordre public, sans qu'il y ait lieu de distinguer selon que le moyen [minute Jurica page 3] d'irrecevabilité résulte d'un ordre public de direction ou de protection, et plus généralement à la possibilité désormais reconnue pour celui-ci de relever d'office toutes les dispositions d'ordre public du Code de la consommation. Enfin, lorsque le défendeur ne comparait pas comme en l'espèce, il est néanmoins statué sur le fond mais, par application de l'article 472 du nouveau Code de procédure civile, le juge ne fait droit à la demande que dans la mesure où il l'estime régulière, recevable et bien fondée.
2.1. La directive européenne n° 87/102 du 22 décembre 1986 (modifiée par les directives n° 90/88 du 22 février 1990 et n° 98/7 du 16 février 1998) relative aux crédits à la consommation et n° 93/13 du 5 avril 1993 relative aux clauses abusives ont fait l'objet d'une transposition en droit français à l'occasion de l'adoption de la loi du 23 juin 1989 puis d'une codification au livre III, titre I, Chapitre 1 et suivant du Code de la consommation (Art. L. 311-1 et suivants) pour la première et de la loi du 1er février 1995 pour la seconde codifiée aux articles L. 132-1 et suivants du Code de la consommation ; ces dispositions régissent la présente instance.
2.2. La Cour de Justice des Communautés Européenne a été amenée à préciser à plusieurs reprises dans l'un et l'autre de ces domaines, notamment dans les arrêts des 4 octobre 2007 (Franfinance, KparK / epx Rampion) et 4 mars 2004 (Cofinoga / Sachithanathan) en matière de crédit à la consommation ou les arrêts du 27 juin 2000 (Oceano Grupo) ou du 21 novembre 2002 (Cofidis/Fredout) que le but recherché par ces directives est une meilleure protection des consommateurs par l'imposition de certaines conditions valables pour toutes les formes de crédits ; cet objectif, double, doit donc tendre non seulement à la création d'un marché commun du crédit mais aussi à assurer la protection du consommateur. En raison des risques liés à l'ignorance de ses droits ou aux difficultés à les exercer dans laquelle le consommateur peut se trouver et afin de permettre l'émergence de ce marché unique et concurrentiel, la Cour a été amenée à préciser que pour que ce double objectif soit effectivement atteint il incombe au juge national d'appliquer d'office les dispositions transposant en droit interne les directives précitées, des lors qu'il dispose des éléments de droit et de fait nécessaire à cet effet. De ce double objectif, la protection du consommateur et le marché commun et concurrentiel étant d'égale importance, il se déduit également qu'il n'y a plus lieu en droit interne de distinguer selon que ces dispositions relèvent d'un ordre public de direction ou de protection. La cour de justice des communautés européenne a encore rappelé récemment (arrêt du 4 juin 2009 Pannon GSM / Ersebet Sustikne Gyorfi) que cette obligation qui pesait sur le juge national s'exerçait sans qu'il soit nécessaire qu'au préalable le consommateur ait contesté avec succès la dite clause et ce afin de suppléer au déséquilibre qui existe entre le consommateur et le professionnel, la conséquence en étant l'inopposabilité de la clause litigieuse au consommateur sauf si ce dernier, informé de cette conséquence par le juge, n'entend pas se prévaloir de ce moyen.
2.3. Par ailleurs, si chaque État dispose d'une autonomie procédurale dans la détermination des moyens et des modalités nécessaires à la mise en œuvre des directives communautaires, ceux-ci doivent être propres à assurer non seulement la sauvegarde des droits que le justiciable tient de la directive transposée mais encore l'effectivité des buts poursuivis par cette dernière et ce, dans le respect des principes d'équivalence, d'effectivité et d'application uniforme du droit communautaire.
3.1. Par application de ces principes comme des dispositions de l'article L. 141-4 du Code de la consommation, le juge doit donc relever d'office les irrégularités et manquements qu'il constate aux dispositions précitées et notamment aux articles L. 311-8 et s. du Code de la consommation et il doit relever la fin de non recevoir tirée de l'article L. 311-37 du même Code sans qu'il n'y ait plus lieu de distinguer selon qu'il s'agit d'un ordre public de protection ou de direction en raison des objectifs recherchés par ces directives.
3.2. L'article L. 311-33 du Code de la consommation dispose que : « le prêteur qui accorde un crédit sans saisir l'emprunteur d'une offre préalable satisfaisant aux conditions fixées par les articles L. 311-8 à L. 311-13 est déchus du droit aux intérêts et l'emprunteur n'est tenu qu'au seul [minute Jurica page 4] remboursement du capital suivant l'échéancier prévu. Les sommes perçues au titre des intérêts, qui sont productives d'intérêts au taux légal à compter du jour de leur versement, seront restitués par le prêteur ont imputé sur le capital restant dû ». L'article R.311-6 comprenant en annexe les modèles types d'offres auxquels celles des préteurs doivent se conformer.
Par ailleurs, il convient de rappeler qu'aux termes des dispositions de l'article L. 132 -1 du Code de la consommation, est réputé non écrite comme étant abusive toute clause qui a pour objet ou pour effet de créer au détriment du non professionnel ou du consommateur un déséquilibre significatif entre les droits et des obligations des parties au contrat. Le juge doit relever d'office l'existence de telles clauses.
4. Au cas d'espèce, la société de crédit a consenti le 15 janvier 2003 à M. et Mme X. un prêt accessoire à une vente ; celui-ci doit donc répondre aux dispositions du modèle type n°1 figurant en annexe de l'article R. 311-6 du Code de la consommation.
L'examen des conditions générales de l'offre préalable et plus particulièrement de la clause 11 relative à l'exécution du contrat stipule que :
« le prêteur pourra, après vous en avoir avisé, faire jouer la déchéance du terme et exiger le règlement immédiat des sommes restant dû en cas de :
- défaut de paiement partiel ou total d'une seule échéance à la date fixée ou prorogée,
- saisie du véhicule financée ou déclaration en préfecture par un tiers,
- impossibilité d'inscrire le gage par votre faute,
- revente du véhicule avant complet remboursement,
- destruction ou disparition du bien financier dans le cas où le prêteur peut réclamer les indemnités d’assurance. »
Ainsi que l'a exactement relevé le premier juge, eu égard à la teneur de cette clause, l'exigibilité immédiate des sommes prêtées, qui découle nécessairement de la résiliation préalable du contrat de crédit par le préteur peut résulter non pas d'un manquement de l'emprunteur à une obligation essentielle du contrat mais de l'une des causes sus-énoncées extérieure à son exécution. Or, si la défaillance de l'emprunteur dans le remboursement du crédit figure bien aux conditions de résiliation apparaissant au modèle type n° 1 annexé à l'article R. 311-6 du Code de la consommation, comme étant d'ailleurs la seule possible, tel n'est pas le cas des autres causes sus-énoncées qui permettent la résiliation du contrat alors même que celui-ci pourrait être normalement remboursé et ce sur simple avis du préteur.
Cette clause prévoit dans des termes généraux des conditions de résiliation pour des causes extérieures au contrat et en dehors du mécanisme de la condition résolutoire, elle est donc sans lien avec la capacité de l'emprunteur à rembourser le crédit et elle crée en conséquence au profit du préteur et au détriment de l'emprunteur un déséquilibre significatif entre leurs droits et obligations respectifs ; elle a donc exactement été déclarée abusive par le premier juge. Par ailleurs, non prévue au modèle type et aux dispositions légales et réglementaires, cette clause contrevient donc au formalisme en la matière et rend dès lors le contrat irrégulier au regard des dispositions précitées des articles L. 311-8 et s et R. 311-6 du Code de la consommation ; le premier juge en a donc tout aussi [minute Jurica page 5] exactement tiré les conséquences en prononçant la déchéance du droit du prêteur aux intérêts conventionnels.
Dès lors, c'est par des calculs exacts que la cour reprend que le premier juge, tirant les conséquences de la déchéance du terme, a condamné l'emprunteur à payer à la Société CREDIPAR la somme de 2.702,92 €, arrêtée au 16 août 2007, et ce avec intérêts au taux légal à compter du 16 février 2008.
La Société CREDIPAR succombe dans ses prétentions elle supportera la charge des dépens d'appel.
DISPOSITIF (décision proprement dite) (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)
PAR CES MOTIFS :
Statuant publiquement et par défaut ;
Confirme le jugement ;
Condamne la Société CREDIPAR aux dépens de l'instance d'appel qui pourront être recouvrés conformément à l'article 699 du Code de procédure civile.
LE GREFFIER, LE PRÉSIDENT,
A. DESBUISSONS P. CHARBONNIER
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