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TJ NANTERRE (2e ch.), 26 juin 2025

Nature : Décision
Titre : TJ NANTERRE (2e ch.), 26 juin 2025
Pays : France
Juridiction : T. jud. Nanterre
Demande : 22/09761
Date : 26/06/2025
Nature de la décision : Irrecevabilité, Rejet
Mode de publication : Judilibre
Date de la demande : 22/11/2022
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CERCLAB - DOCUMENT N° 24347

TJ NANTERRE (2e ch.), 26 juin 2025 : RG n° 22/09761 

Publication : Judilibre

 

Extraits : 1/ « Aux termes des articles 1170 et 1171 du code civil […]. Le contrat d’adhésion est défini comme celui qui comporte un ensemble de clauses non négociables, déterminées à l'avance par l'une des parties, par l’article 1110 alinéa 2 du code civil. L’article L. 212-1 du code de la consommation dispose que […]. Selon l’article R. 212-2 du code de la consommation, […]. En application de l’article R. 212-2 du code de la consommation […].

En l’espèce, il sera rappelé que M. X. a conclu le contrat de réservation en son nom personnel et aucun élément ne permet d’affirmer qu’il a agi en qualité de professionnel de l’immobilier comme le soutiennent les défenderesses qui fournissent le profil Linkedin de M. X. mentionnant la profession de « Finance Manager ». Pour sa part, la SCCV [Adresse 14] a signé ce contrat de réservation en sa qualité de professionnel de l’immobilier, dans le cadre de son activité commerciale habituelle. Il s’infère de ces constatations qu’il n’est pas démontré que M. X. aurait agi en qualité de professionnel de l’immobilier. Sa qualité de consommateur étant retenue, il n’est pas démontré qu’il avait la possibilité de négocier le contenu de ce contrat proposé par un professionnel de l’immobilier, étant relevé que de nombreuses clauses types y sont stipulées. Il y a donc lieu de retenir qu’il s’agit d’un contrat d’adhésion.

La clause discutée est stipulée en ces termes (sous l’article 1, page 3 du contrat) : « Le RESERVANT se propose de réaliser un ensemble immobilier, « [Adresse 9] » situé sur la commune de [Localité 13] [Adresse 4]. (…) Article 1 – OBJET DU CONTRAT : Le RESERVANT informe le RESERVATAIRE qu’il se réserve, néanmoins, dans le cadre de sa commercialisation, le droit de proposer à des investisseurs et/ou bailleur social, la « vente en bloc » de tout ou partie de l’opération, ce que le RESERVATAIRE accepte expressément. Le présent contrat sera en conséquence caduc en cas de signature entre le RESERVANT et un investisseur, personne physique ou morale unique, d’un contrat de réservation portant sur tout ou partie de l’opération en vue de sa « vente en bloc ». Le RESERVANT informera le RESERVATAIRE de cette « réservation en bloc » dans le délai d’un mois de ladite réservation, et lui remboursera le dépôt de garantie, sans que le RESERVATAIRE puisse prétendre à aucune autre indemnité. »

Il ressort de son libellé qu’elle ne correspond à aucune des clauses interdites énumérées par l’article R. 212-1 du code de la consommation précité et ne peut être présumée abusive de façon irréfragable. De même, elle n’est pas de nature à prévoir « un engagement ferme du consommateur, alors que l'exécution des prestations du professionnel est assujettie à une condition dont la réalisation dépend de sa seule volonté » au sens de l’article R. 212-2 1° du code de la consommation, dans la mesure où la décision de vendre en un seul lot dépend également d’une proposition d’achat par un tiers au contrat de réservation, constituant un évènement extérieur à la seule volonté du réservant. De ce fait, son caractère abusif ne saurait être retenu.

S’agissant enfin du déséquilibre significatif entre les droits et obligations des parties au contrat au sens de l’article 1171 du code civil, cette clause a en effet permis à la SCCV [Adresse 14] de notifier la caducité du contrat de réservation lors de la vente unique à une partie tierce au contrat, tandis que le réservataire n’a disposé d’aucun droit équivalent. Toutefois, le coût de la réservation supporté par le réservataire était fixé à la somme de 1.500 euros, soit l’équivalent de 0,71 % du prix de vente (fixé à 210.000 euros), ce qui apparaît modeste, étant précisé que M. X. devait financer le paiement du prix au moyen d’un apport personnel d’un montant de 40.000 euros. En outre, ce dépôt de garantie a été restitué dans un délai de quatre mois, ce qui n’est pas déraisonnable.

Ainsi, il n’est pas démontré qu’il existait un déséquilibre significatif entre les droits et obligations des parties. Ce moyen ne pourra également prospérer. »

2/ « Selon l’article 1304-2 du code civil, est nulle l'obligation contractée sous une condition dont la réalisation dépend de la seule volonté du débiteur. Cette nullité ne peut être invoquée lorsque l'obligation a été exécutée en connaissance de cause.

En l’espèce, comme indiqué ci-avant, aux termes de la stipulation litigieuse, la décision de vendre en un seul lot ne dépendait pas uniquement de la seule volonté du réservant, mais également d’une proposition d’achat par un tiers au contrat de réservation, par nature aléatoire. Dès lors, elle ne saurait être qualifiée de purement potestative et n’encourt donc pas la nullité de ce chef. Ce moyen ne pourra donc prospérer. Au vu de l’ensemble des développements ci-avant, il convient de débouter le demandeur de ses prétentions tendant à voir déclarer non écrite ou nulle la clause figurant à l’article 1 du contrat de réservation en date du 21 juin 2021. »

 

RÉPUBLIQUE FRANÇAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

 

TRIBUNAL JUDICIAIRE DE NANTERRE

PÔLE CIVIL - DEUXIÈME CHAMBRE

JUGEMENT DU 26 JUIN 2025

 

ÉLÉMENTS D’IDENTIFICATION DE LA DÉCISION       (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)

R.G. n° 22/09761. N° Portalis DB3R-W-B7G-YAHJ.

 

DEMANDEUR :

Monsieur X.

[Adresse 2], [Localité 7], représenté par Maître Jonathan DJENAOUSSINE de l’AARPI FRIEDLAND, avocats au barreau de PARIS, vestiaire :

 

DÉFENDERESSES :

Société SCCV

[Localité 12], [Adresse 1], [Localité 8]

Société K. & BROAD DEVELOPPEMENT

[Adresse 1], [Localité 8]

Société ATLAND RESIDENTIEL

[Adresse 3], [Localité 6]

représentées par Maître Olivier BANCAUD de la SELARL ATTIQUE AVOCATS, avocats au barreau de PARIS, vestiaire : C301

 

L’affaire a été débattue le 13 Février 2025 en audience publique devant le tribunal composé de : Thomas CIGNONI, Vice-président, Thomas BOTHNER, Vice-Président, magistrat rédacteur, Elsa CARRA, Juge, qui en ont délibéré.

Greffier lors du prononcé : Fabienne MOTTAIS, Greffier.

JUGEMENT : prononcé en premier ressort, par décision Contradictoire et mise à disposition au greffe du tribunal conformément à l’avis donné à l’issue des débats, et prorogé au 26 juin 2026 après avis donné aux parties

 

EXPOSÉ DU LITIGE                                                           (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)

EXPOSÉ DU LITIGE :

Par acte sous seing privé en date du 21 juin 2021, M. X. a conclu un contrat de réservation avec la société civile de construction vente (SCCV) [Adresse 14], portant sur un appartement et une cave au sein d’un projet immobilier en construction, situé [Adresse 5].

Par courrier du 29 octobre 2021, la SASU K. & Broad Développement – en sa qualité d’associé de la SCCV [Adresse 14] – a notifié à M. X. l’annulation du contrat de réservation, la totalité des lots faisant l’objet d’une vente unique au bénéfice d’un tiers.

M. X. a adressé une mise en demeure à la société K. & Broad Développement le 23 septembre 2022 pour solliciter l’indemnisation de son préjudice à hauteur de 71.062 euros.

A défaut d’accord entre les parties, M. X. a fait assigner la SASU K. & Broad Développement, la SCCV [Adresse 14] et la SASU Atland Résidentiel, en sa qualité d’associé de la SCCV [Adresse 14], par actes judiciaires du 22 novembre 2022 devant le tribunal judiciaire de Nanterre, afin d’obtenir l’indemnisation de ses préjudices.

[*]

Selon ses conclusions notifiées par voie électronique le 26 juin 2023, M. X. demande au tribunal, au visa des articles 1110, 1114, 1170, 1171, 1186, 1187, 1193, 1218, 1231, 1231-1, 1304 et 1304-2 du code civil, L. 211-2 du code de la construction et de l’habitat et L. 212-1 et R. 212-1 du code de la consommation, de :

à titre principal,

- constater l’absence de caducité du contrat de réservation en date du 21 juin 2021 ;

- déclarer, en conséquence, non écrite la clause figurant à l’article 1 du contrat de réservation en date du 21 juin 2021 ;

à titre subsidiaire,

- constater le caractère abusif de la clause figurant à l’article 1 du contrat de réservation en date du 21 juin 2021 ;

- déclarer, en conséquence, non écrite la clause figurant à l’article 1 du contrat de réservation en date du 21 juin 2021 ;

à titre infiniment subsidiaire,

- constater le caractère potestatif de la clause figurant à l’article 1 du contrat de réservation en date du 21 juin 2021 ;

- déclarer, en conséquence, la nullité de la clause figurant à l’article 1 du contrat de réservation en date du 21 juin 2021 ;

en tout état de cause,

- constater l’inexécution contractuelle de la SCCV [Localité 12] Malmaison [Adresse 11] Doumer du contrat de réservation en date du 21 juin 2021 ;

en conséquence,

- condamner in solidum la SCCV [Localité 12] Malmaison Paul Doumer, K. & Broad Développement et Atland Résidentiel, à lui verser la somme de 47 400 euros au titre du préjudice financier résultant de l’impossibilité d’acquérir le bien réservé ;

- condamner in solidum la SCCV [Localité 12] Malmaison Paul Doumer, K. & Broad Développement et Atland Résidentiel à lui verser la somme de 47 978 euros au titre du préjudice financier résultant de l’augmentation des taux d’emprunt sur la période considérée ;

- condamner in solidum la SCCV [Localité 12] Malmaison Paul Doumer, K. & Broad Développement et Atland Résidentiel à lui verser la somme de 10.000 euros au titre du préjudice moral subi ;

- condamner in solidum la SCCV [Localité 12] Malmaison Paul Doumer, K. & Broad Développement et Atland Résidentiel à lui verser la somme de 5.000 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile.

M. X. indique à titre liminaire que les sociétés Atland Résidentiel et K. & Broad Développement en leurs qualités d’associées de la SCCV [Adresse 14] doivent être tenues solidairement responsables du passif de celle-ci, en vertu de l’article L. 211-2 et suivants du code de la construction et de l’habitat.

Au soutien de sa demande tendant à écarter la caducité de la promesse et à faire reconnaître que la responsabilité contractuelle du réservant est engagée, il développe trois moyens successifs. Il estime en premier lieu que la clause stipulant la caducité du contrat dans l’hypothèse d’une vente unique à un autre investisseur doit être réputée non écrite, en ce qu’elle est contraire aux dispositions de l’article L. 261-15 du code de la construction et de l’habitation. Il expose ensuite, qu’en application des articles L. 212-1 et R. 212-1 du code de la consommation, la clause litigieuse doit être qualifiée d’abusive et qu’en toute hypothèse, s’agissant d’un contrat d’adhésion, elle crée un déséquilibre significatif entre le réservant, qui conserve la faculté de résilier le contrat, et le réservataire, qui demeure tenu au dépôt de garantie. Il entend enfin se prévaloir de son caractère purement potestatif, encourant ainsi la nullité, en application de l’article 1304-2 du code civil.

Il précise que le non-respect des dispositions contractuelles lui a causé un important préjudice caractérisé par l’augmentation des prix de l’immobilier, la perte des avantages proposés par son cocontractant comprenant un « bon showroom » et la prise en charge des frais de notaire. Il estime également subir un surcoût lié à la hausse du coût des emprunts immobiliers. Il allègue enfin subir un préjudice moral découlant de sa déception résultant de l’échec de la vente, du temps consacré aux démarches administratives et à son retour forcé au domicile de ses parents.

[*]

Aux termes de leurs conclusions notifiées par voie électronique le 18 octobre 2023, la SA K. & Broad Développement, la SCCV [Adresse 14] et la SASU Atland Résidentiel demandent au tribunal, au visa des articles 1102, 1170, 1171, 1231 et 1304-2 du code civil, L. 261-15 et L. 261-16 du code de la construction et de l’habitation et L.212-1 du code de la consommation, de :

- déclarer irrecevables ou, à tout le moins, mal-fondées, sur le fondement de l’article 32 du code de procédure civile les actions intentées contre la société K. & Broad Développement et la société Atland résidentiel ;

- mettre hors de cause la société K. & Broad Développement et la société Atland résidentiel ;

- constater que les parties peuvent librement fixer les causes de caducité d’un contrat et, partant, constater la caducité du contrat de réservation ;

- constater que la clause prévoyant la caducité en cas de vente en bloc du projet, qui est une cause légitime de rupture d’un contrat de réservation, ne contrevient pas aux dispositions de l’article L.261-16 du code de la construction et de l’habitation ;

- constater que le contrat de réservation qui contient des conditions particulières aménageables par les parties ne constitue pas un contrat d’adhésion ;

- constater que la clause prévoyant la caducité en cas de vente en bloc du projet, qui est une cause légitime de rupture d’un contrat de réservation, ne prive pas de sa substance l’obligation essentielle du débiteur, ni ne créée un déséquilibre significatif entre les droits et obligations des parties et partant ne contrevient pas aux dispositions des articles 1170 et 1171 du code civil ou L. 212-1 du code de la consommation ;

- constater que la clause prévoyant la caducité en cas de vente en bloc du projet dépend de l’intervention d’un tiers et ne peut à ce titre constituer une clause purement potestative ;

en conséquence,

- débouter M. X. de l’ensemble de ses demandes, fins et conclusions

à titre subsidiaire,

- constater qu’un éventuel préjudice indemnisable ne peut qu’être constitué d’une perte de chance de contracter, perte de chance particulièrement peu élevée dans le cadre d’un contrat de réservation et qui ne saurait dépasser 10 % ;

- débouter M. X. de ses demandes indemnitaires au titre d’un prétendu préjudice moral et du préjudice financier issu de l’augmentation des taux d’intérêts, l’offre produite étant postérieure à la notification de la caducité du contrat de réservation ;

- cantonner le préjudice indemnisable à la somme de 609 euros ;

en tout état de cause,

- condamner M. X. à verser à la [Adresse 14] la somme de 3.000 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile.

Au soutien de leur fin de non-recevoir, les défenderesses exposent que M. X. ne dispose pas de titre exécutoire pour agir en paiement d’une dette sociale à l’encontre des associées de la société ayant contracté avec lui.

Sur le fond, pour conclure au rejet des demandes indemnitaires, elles font valoir que la clause litigieuse est licite au regard des mentions obligatoires énumérées au deuxième alinéa de l’article L. 261-15 du code de la construction et qu’aucune disposition légale n’interdisait aux parties de prévoir la caducité de leur engagement dans l’hypothèse d’une vente unique.

Elles estiment ensuite que les dispositions du code de la consommation sont inapplicables au contrat objet du litige puisqu’il n’est pas un contrat d’adhésion et qu’il ne s’applique pas plus au demandeur, car elles considèrent qu’il avait la qualité de professionnel de l’immobilier. Elles contestent tout déséquilibre significatif entre les obligations respectives des parties au regard de la modestie du montant du dépôt de garantie et du délai de quatre mois dans lequel devait intervenir la vente. Enfin, elles considèrent que la clause litigieuse n’est pas potestative dans la mesure où elle dépend également de la volonté du tiers qui souhaite acquérir l’ensemble des lots.

Sur la réparation des préjudices, elles font valoir que le demandeur n’établit pas leur réalité et demandent, à titre subsidiaire, de réduire le montant des dommages et intérêts à de plus justes proportions précisant que seule la réparation d’une perte de chance est envisageable.

[*]

L’instruction de l’affaire a été clôturée le 23 janvier 2024.

 

MOTIFS (justification de la décision)                                  (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)

MOTIFS DE LA DÉCISION :

Sur la fin de non-recevoir soulevée par les défenderesses :

En application du 6° de l’article 789 du code de procédure civile, lorsque la demande est présentée postérieurement à sa désignation, le juge de la mise en état est, jusqu’à son dessaisissement, seul compétent, à l’exclusion de toute autre formation du tribunal, pour statuer sur les fins de non-recevoir.

Conformément à l’article 55 du décret n° 2019-1333 du 11 décembre 2019, ces dispositions s’appliquent aux instances introduites à compter du 1er janvier 2020.

Selon l’article 802, alinéa 4, du code de procédure civile, lorsque leur cause survient ou est révélée après l'ordonnance de clôture, sont recevables les exceptions de procédure, les incidents d'instance, les fins de non-recevoir et les demandes formées en application de l'article 47.

Il résulte de ces dispositions que les fins de non-recevoir dont la cause survient ou est révélée antérieurement à la clôture de l’instruction doivent, à peine d’irrecevabilité, être soulevées avant l’ordonnance de clôture et devant le juge de la mise en état.

En l’espèce, l’instance ayant été introduite par actes judiciaires du 22 novembre 2022 et la cause invoquée au soutien de la fin de non-recevoir n’étant pas survenue et n’ayant pas été révélée postérieurement à l’ordonnance de clôture, le tribunal ne dispose pas du pouvoir juridictionnel pour connaître du moyen tiré de l’irrecevabilité des demandes de M. X. pour défaut d’intérêt à agir, soulevé par la SA K. & Broad Développement et la SASU Atland Résidentiel.

En conséquence, leur fin de non-recevoir sera déclarée irrecevable.

 

Sur la validité de la clause prévoyant la caducité du contrat :

2.1. Sur le moyen tiré des dispositions régissant la vente en l’état futur d’achèvement :

Aux termes de l’article L. 261-16 du code de la construction et de l’habitation, toute clause contraire aux dispositions des articles L. 261-11 à L. 261-15 du présent code et à celles des articles 1642-1 et 1646-1 du code civil, reproduits aux articles L. 261-5 et L. 261-6 du présent code, est réputée non écrite.

L’article L. 261-15, I, du code de la construction et de l’habitation dispose que la vente en l’état futur d’achèvement régie par l'article L.261-10 peut être précédée d'un contrat préliminaire par lequel, en contrepartie d'un dépôt de garantie effectué à un compte spécial, le vendeur s'engage à réserver à un acheteur un immeuble ou une partie d'immeuble. Ce contrat doit comporter les indications essentielles relatives à la consistance de l'immeuble, à la qualité de la construction et aux délais d'exécution des travaux ainsi qu'à la consistance, à la situation et au prix du local réservé. Les fonds déposés en garantie sont indisponibles, incessibles et insaisissables jusqu'à la conclusion du contrat de vente. Ils sont restitués, dans le délai de trois mois, au déposant si le contrat n'est pas conclu du fait du vendeur, si la condition suspensive prévue à l’article L. 313-41 du code de la consommation n'est pas réalisée ou si le contrat proposé fait apparaître une différence anormale par rapport aux prévisions du contrat préliminaire.

Le II de cet article ajoute que le contrat préliminaire peut prévoir qu'en cas de conclusion de la vente, l'acquéreur se réserve l'exécution de travaux de finition ou d'installation d'équipements qu'il se procure par lui-même. Le contrat comporte alors une clause en caractères très apparents stipulant que l'acquéreur accepte la charge, le coût et les responsabilités qui résultent de ces travaux, qu'il réalise après la livraison de l'immeuble.

Dans ce cas, le contrat préliminaire précise :

1° Le prix du local réservé mentionné au deuxième alinéa du I, décomposé comme suit :

a) Le prix de vente convenu ;

b) Le coût des travaux dont l'acquéreur se réserve l'exécution, ceux-ci étant décrits et chiffrés par le vendeur ;

c) Le coût total de l'immeuble égal à la somme du prix convenu et du coût des travaux mentionnés aux a et b du présent 1° ;

2° Le délai dans lequel l'acquéreur peut revenir sur sa décision de se réserver l'exécution des travaux mentionnés au premier alinéa du présent II (…).

En l’espèce, il sera souligné que les éléments essentiels du contrat ont été énumérés conformément aux dispositions reprises sous l’article L. 261-15 du code de la construction et de l’habitat, applicables au contrat préliminaire tendant à réserver un lot dans le cadre d’une vente en l’état futur d’achèvement.

Contrairement à ce que soutient M. X., l’insertion d’une clause tendant à envisager la caducité de ce contrat dans l’hypothèse d’une vente de l’ensemble des lots à un tiers, ne contrevient à aucune de ces dispositions.

Dès lors, ce moyen ne peut prospérer.

 

2.2. Sur le moyen tiré du caractère abusif de la clause :

Aux termes des articles 1170 et 1171 du code civil toute clause qui prive de sa substance l'obligation essentielle du débiteur est réputée non écrite. Dans un contrat d'adhésion, toute clause non négociable, déterminée à l'avance par l'une des parties, qui crée un déséquilibre significatif entre les droits et obligations des parties au contrat est réputée non écrite. L'appréciation du déséquilibre significatif ne porte ni sur l'objet principal du contrat ni sur l'adéquation du prix à la prestation.

Le contrat d’adhésion est défini comme celui qui comporte un ensemble de clauses non négociables, déterminées à l'avance par l'une des parties, par l’article 1110 alinéa 2 du code civil.

L’article L. 212-1 du code de la consommation dispose que dans les contrats conclus entre professionnels et consommateurs, sont abusives les clauses qui ont pour objet ou pour effet de créer, au détriment du consommateur, un déséquilibre significatif entre les droits et obligations des parties au contrat. Sans préjudice des règles d'interprétation prévues aux articles 1188, 1189, 1191 et 1192 du code civil, le caractère abusif d'une clause s'apprécie en se référant, au moment de la conclusion du contrat, à toutes les circonstances qui entourent sa conclusion, de même qu'à toutes les autres clauses du contrat. Il s'apprécie également au regard de celles contenues dans un autre contrat lorsque les deux contrats sont juridiquement liés dans leur conclusion ou leur exécution. L'appréciation du caractère abusif des clauses au sens du premier alinéa ne porte ni sur la définition de l'objet principal du contrat ni sur l'adéquation du prix ou de la rémunération au bien vendu ou au service offert pour autant que les clauses soient rédigées de façon claire et compréhensible.

Selon l’article R. 212-2 du code de la consommation, dans les contrats conclus entre des professionnels et des consommateurs, sont de manière irréfragable présumées abusives, au sens des dispositions des premier et quatrième alinéas de l'article L. 212-1 et dès lors interdites, les clauses ayant pour objet ou pour effet de :

1° Constater l'adhésion du consommateur à des clauses qui ne figurent pas dans l'écrit qu'il accepte ou qui sont reprises dans un autre document auquel il n'est pas fait expressément référence lors de la conclusion du contrat et dont il n'a pas eu connaissance avant sa conclusion ;

2° Restreindre l'obligation pour le professionnel de respecter les engagements pris par ses préposés ou ses mandataires ;

3° Réserver au professionnel le droit de modifier unilatéralement les clauses du contrat relatives à sa durée, aux caractéristiques ou au prix du bien à livrer ou du service à rendre ;

4° Accorder au seul professionnel le droit de déterminer si la chose livrée ou les services fournis sont conformes ou non aux stipulations du contrat ou lui conférer le droit exclusif d'interpréter une quelconque clause du contrat ;

5° Contraindre le consommateur à exécuter ses obligations alors que, réciproquement, le professionnel n'exécuterait pas ses obligations de délivrance ou de garantie d'un bien ou son obligation de fourniture d'un service ;

6° Supprimer ou réduire le droit à réparation du préjudice subi par le consommateur en cas de manquement par le professionnel à l'une quelconque de ses obligations ;

7° Interdire au consommateur le droit de demander la résolution ou la résiliation du contrat en cas d'inexécution par le professionnel de ses obligations de délivrance ou de garantie d'un bien ou de son obligation de fourniture d'un service ;

8° Reconnaître au professionnel le droit de résilier discrétionnairement le contrat, sans reconnaître le même droit au consommateur ;

9° Permettre au professionnel de retenir les sommes versées au titre de prestations non réalisées par lui, lorsque celui-ci résilie lui-même discrétionnairement le contrat ;

10° Soumettre, dans les contrats à durée indéterminée, la résiliation à un délai de préavis plus long pour le consommateur que pour le professionnel ;

11° Subordonner, dans les contrats à durée indéterminée, la résiliation par le consommateur au versement d'une indemnité au profit du professionnel ;

12° Imposer au consommateur la charge de la preuve, qui, en application du droit applicable, devrait incomber normalement à l'autre partie au contrat.

En application de l’article R. 212-2 du code de la consommation dans les contrats conclus entre des professionnels et des consommateurs, sont présumées abusives au sens des dispositions des premier et cinquième alinéas de l'article L. 212-1, sauf au professionnel à rapporter la preuve contraire, les clauses ayant pour objet ou pour effet de :

1° Prévoir un engagement ferme du consommateur, alors que l'exécution des prestations du professionnel est assujettie à une condition dont la réalisation dépend de sa seule volonté ;

2° Autoriser le professionnel à conserver des sommes versées par le consommateur lorsque celui-ci renonce à conclure ou à exécuter le contrat, sans prévoir réciproquement le droit pour le consommateur de percevoir une indemnité d'un montant équivalent, ou égale au double en cas de versement d'arrhes au sens de l'article L. 214-1, si c'est le professionnel qui renonce ;

3° Imposer au consommateur qui n'exécute pas ses obligations une indemnité d'un montant manifestement disproportionné ;

4° Reconnaître au professionnel la faculté de résilier le contrat sans préavis d'une durée raisonnable ;

5° Permettre au professionnel de procéder à la cession de son contrat sans l'accord du consommateur et lorsque cette cession est susceptible d'engendrer une diminution des droits du consommateur ;

6° Réserver au professionnel le droit de modifier unilatéralement les clauses du contrat relatives aux droits et obligations des parties, autres que celles prévues au 3° de l'article R. 212-1 ;

7° Stipuler une date indicative d'exécution du contrat, hors les cas où la loi l'autorise ;

8° Soumettre la résolution ou la résiliation du contrat à des conditions ou modalités plus rigoureuses pour le consommateur que pour le professionnel ;

9° Limiter indûment les moyens de preuve à la disposition du consommateur ;

10° Supprimer ou entraver l'exercice d'actions en justice ou des voies de recours par le consommateur, notamment en obligeant le consommateur à saisir exclusivement une juridiction d'arbitrage non couverte par des dispositions légales ou à passer exclusivement par un mode alternatif de règlement des litiges.

En l’espèce, il sera rappelé que M. X. a conclu le contrat de réservation en son nom personnel et aucun élément ne permet d’affirmer qu’il a agi en qualité de professionnel de l’immobilier comme le soutiennent les défenderesses qui fournissent le profil Linkedin de M. X. mentionnant la profession de « Finance Manager ». Pour sa part, la SCCV [Adresse 14] a signé ce contrat de réservation en sa qualité de professionnel de l’immobilier, dans le cadre de son activité commerciale habituelle.

Il s’infère de ces constatations qu’il n’est pas démontré que M. X. aurait agi en qualité de professionnel de l’immobilier. Sa qualité de consommateur étant retenue, il n’est pas démontré qu’il avait la possibilité de négocier le contenu de ce contrat proposé par un professionnel de l’immobilier, étant relevé que de nombreuses clauses types y sont stipulées.

Il y a donc lieu de retenir qu’il s’agit d’un contrat d’adhésion.

La clause discutée est stipulée en ces termes (sous l’article 1, page 3 du contrat) :

« Le RESERVANT se propose de réaliser un ensemble immobilier, « [Adresse 9] » situé sur la commune de [Localité 13] [Adresse 4]. (…)

Article 1 – OBJET DU CONTRAT

Le RESERVANT informe le RESERVATAIRE qu’il se réserve, néanmoins, dans le cadre de sa commercialisation, le droit de proposer à des investisseurs et/ou bailleur social, la « vente en bloc » de tout ou partie de l’opération, ce que le RESERVATAIRE accepte expressément. Le présent contrat sera en conséquence caduc en cas de signature entre le RESERVANT et un investisseur, personne physique ou morale unique, d’un contrat de réservation portant sur tout ou partie de l’opération en vue de sa « vente en bloc ».

Le RESERVANT informera le RESERVATAIRE de cette « réservation en bloc » dans le délai d’un mois de ladite réservation, et lui remboursera le dépôt de garantie, sans que le RESERVATAIRE puisse prétendre à aucune autre indemnité. »

Il ressort de son libellé qu’elle ne correspond à aucune des clauses interdites énumérées par l’article R. 212-1 du code de la consommation précité et ne peut être présumée abusive de façon irréfragable.

De même, elle n’est pas de nature à prévoir « un engagement ferme du consommateur, alors que l'exécution des prestations du professionnel est assujettie à une condition dont la réalisation dépend de sa seule volonté » au sens de l’article R. 212-2 1° du code de la consommation, dans la mesure où la décision de vendre en un seul lot dépend également d’une proposition d’achat par un tiers au contrat de réservation, constituant un évènement extérieur à la seule volonté du réservant.

De ce fait, son caractère abusif ne saurait être retenu.

S’agissant enfin du déséquilibre significatif entre les droits et obligations des parties au contrat au sens de l’article 1171 du code civil, cette clause a en effet permis à la SCCV [Adresse 14] de notifier la caducité du contrat de réservation lors de la vente unique à une partie tierce au contrat, tandis que le réservataire n’a disposé d’aucun droit équivalent.

Toutefois, le coût de la réservation supporté par le réservataire était fixé à la somme de 1 500 euros, soit l’équivalent de 0,71 % du prix de vente (fixé à 210.000 euros), ce qui apparaît modeste, étant précisé que M. X. devait financer le paiement du prix au moyen d’un apport personnel d’un montant de 40.000 euros. En outre, ce dépôt de garantie a été restitué dans un délai de quatre mois, ce qui n’est pas déraisonnable.

Ainsi, il n’est pas démontré qu’il existait un déséquilibre significatif entre les droits et obligations des parties. Ce moyen ne pourra également prospérer.

 

2.3. Sur le moyen tiré du caractère potestatif de la clause :

Selon l’article 1304-2 du code civil, est nulle l'obligation contractée sous une condition dont la réalisation dépend de la seule volonté du débiteur. Cette nullité ne peut être invoquée lorsque l'obligation a été exécutée en connaissance de cause.

En l’espèce, comme indiqué ci-avant, aux termes de la stipulation litigieuse, la décision de vendre en un seul lot ne dépendait pas uniquement de la seule volonté du réservant, mais également d’une proposition d’achat par un tiers au contrat de réservation, par nature aléatoire.

Dès lors, elle ne saurait être qualifiée de purement potestative et n’encourt donc pas la nullité de ce chef. Ce moyen ne pourra donc prospérer.

Au vu de l’ensemble des développements ci-avant, il convient de débouter le demandeur de ses prétentions tendant à voir déclarer non écrite ou nulle la clause figurant à l’article 1 du contrat de réservation en date du 21 juin 2021.

 

Sur les demandes de dommages et intérêts :

En application de l’article 1186 du code civil, un contrat valablement formé devient caduc si l'un de ses éléments essentiels disparaît. Lorsque l'exécution de plusieurs contrats est nécessaire à la réalisation d'une même opération et que l'un d'eux disparaît, sont caducs les contrats dont l'exécution est rendue impossible par cette disparition et ceux pour lesquels l'exécution du contrat disparu était une condition déterminante du consentement d'une partie. La caducité n'intervient toutefois que si le contractant contre lequel elle est invoquée connaissait l'existence de l'opération d'ensemble lorsqu'il a donné son consentement.

Selon l’article 1187 du code civil, la caducité met fin au contrat. Elle peut donner lieu à restitution dans les conditions prévues aux articles 1352 à 1352-9.

Aux termes de l’article 1231-1 du code civil, le débiteur est condamné, s'il y a lieu, au paiement de dommages et intérêts soit à raison de l'inexécution de l'obligation, soit à raison du retard dans l'exécution, s'il ne justifie pas que l'exécution a été empêchée par la force majeure.

En l’espèce, il résulte des développements ci-avant que le contrat est régulièrement devenu caduc en application de l’article 1 du contrat de réservation en date du 21 juin 2021.

En mettant fin au contrat conformément aux stipulations convenues entre les parties, aucune faute ne peut être reprochée à la société [Localité 12] Malmaison Paul Doumer.

En conséquence, M. X., auquel le dépôt de garantie a été restitué, est mal fondé en ses demandes de dommages et intérêts et il en sera débouté.

 

Sur les demandes accessoires :

M. X., partie perdante, est condamné aux dépens de l’instance en application de l’article 696 du code de procédure civile.

Partie tenue au dépens, il y a lieu de le condamner à prendre en charge les frais irrépétibles exposés par la société [Localité 12] Malmaison Paul Doumer qu’il est équitable de fixer à la somme de 2.500 euros, en application de l’article 700 du code de procédure civile.

Partie perdante, il est débouté de sa demande formée à ce titre.

 

DISPOSITIF (décision proprement dite)                             (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)

PAR CES MOTIFS :

Le tribunal,

Déclare irrecevable la fin de non-recevoir soulevée par la SA K. & Broad Développement et la SASU Atland Résidentiel ;

Rejette l’ensemble des demandes présentées par M. X. ;

Condamne M. X. à payer les dépens de l’instance ;

Condamne M. X. à payer à la SCCV [Localité 12] Malmaison Développement la somme de 2 500 euros, en application de l’article 700 du code de procédure civile ;

Rejette les demandes plus amples ou contraires des parties.

signé par Thomas CIGNONI, Vice-président et par Fabienne MOTTAIS, Greffier présent lors du prononcé.

LE GREFFIER                                            LE PRÉSIDENT