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TJ NANTES (4e ch.), 6 mai 2025

Nature : Décision
Titre : TJ NANTES (4e ch.), 6 mai 2025
Pays : France
Juridiction : T. jud. Nantes
Demande : 21/03611
Date : 6/05/2025
Nature de la décision : Admission
Mode de publication : Judilibre
Date de la demande : 23/07/2021
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CERCLAB - DOCUMENT N° 24405

TJ NANTES (4e ch.), 6 mai 2025 : RG n° 21/03611 

Publication : Judilibre

 

Extraits : 1/ « Les parties ont signé un protocole transactionnel le 4 octobre 2017, dans lequel, les acquéreurs renoncent à se prévaloir du retard pris par les travaux du fait d’un « dépôt de bilan », en contrepartie de la prise en charge de travaux supplémentaires. La SCCV L’ORANGERAIE a adressé un courrier le 25 août 2017, indiquant que suite à ce protocole, le délai d’achèvement est reporté au 1er trimestre 2018. Le protocole n’acte pas du report du délai de livraison, mais d’une renonciation à se prévaloir d’un retard de travaux. Les acquéreurs admettent que le retard de livraison ne doit pas tenir compte de ce premier retard, estimé à 182 jours. Il est dès lors possible de considérer qu’ils ont admis un report du délai de livraison au 31 mars 2018. »

2/ « L’édification d’un immeuble dans un délai déterminé est ainsi la principale obligation du vendeur d’immeuble à construire et le fait que le délai puisse être soumis à un certain aléa, ne signifie pas que l’acquéreur doive supporter un report excessif de la livraison de son bien. L'obligation pour le vendeur de respecter le délai de livraison constitue une obligation de résultat, mais sa responsabilité ne saurait être engagée dans le cas où le retard est dû à un cas de force majeure ou s’inscrit parmi les causes légitimes de suspension du délai de livraison contractuellement prévues. Il revient au vendeur de démontrer que le retard de livraison est dû à des causes légitimes de suspension prévues au contrat ou à un cas de force majeure non connue au jour de la signature de l’acte de vente.

S’agissant des clauses légitimes de suspension du délai de livraison, elles ne peuvent valablement aménager les obligations d'un contractant au point de réduire à néant l'obligation essentielle du contrat. Il ne s’agit pas d’oublier que la détermination d'un délai constitue un élément essentiel du contrat de vente en l’état futur d’achèvement. Par conséquent, l'on doit considérer que, pour qu'une clause d'aménagement des délais soit valable, il ne faut pas que sa rédaction puisse avoir pour effet de laisser au vendeur la possibilité de livrer quand bon lui semble. Cela suppose que les événements érigés en cause de suspension des délais soient précisément identifiés dans le contrat de vente et que le vendeur se prévale dûment d'une situation correspondant à l'un des événements ainsi listés, en respectant les stipulations contractuelles qui le lient à l’acquéreur. La clause consacrée aux « causes légitimes de suspension du délai de livraison » prévoit, d’une manière générale, que « ces différentes circonstances auraient pour effet de retarder la livraison du bien vendu d’un temps égal au double de celui effectivement enregistré, en raison de leur répercussion sur l’organisation générale du chantier. Dans un tel cas, la justification de la survenance de l’une de ces circonstances sera apportée par le requérant à l’acquéreur par une lettre du maître d’œuvre ». Le vendeur a ainsi appliqué à chaque délai, un délai supplémentaire, en doublant celui pendant lequel l’événement considéré aurait mis obstacle à la poursuite des travaux, pour tenir compte des répercussions sur l’organisation générale du chantier.

S’agissant de ce type de suspension et de majoration de délai, la Cour de cassation a considéré que la clause d’un contrat de vente en l’état futur d’achèvement conclu entre un professionnel et un non professionnel ou consommateur, qui stipule qu’en cas de cause légitime de suspension du délai de livraison du bien vendu, justifiée par le vendeur à l’acquéreur par une lettre du maître d’œuvre, la livraison du bien vendu sera retardée d’un temps égal au double de celui effectivement enregistré en raison de leur répercussion sur l’organisation générale du chantier n’a ni pour objet, ni pour effet de créer, au détriment du non professionnel ou du consommateur, un déséquilibre significatif entre les droits et obligations des parties au contrat et n’est pas abusive (Cass. civ. 3e, 23 mai 2019, n°18-14212). Ainsi, la clause de doublement de la durée de suspension du délai de livraison en matière de contrat de vente en l’état futur d’achèvement n’est-elle pas abusive, même entre un professionnel et un consommateur, lorsqu’elle est contractuellement admise et justifiée par une lettre du maître d’œuvre.

A priori, cette position de la Cour de cassation est fondée sur le renvoi au maître d'œuvre pour constater les causes légitimes de suspension des délais, qui se veut assez rassurant et permet d'écarter le caractère abusif de la clause. Le maître d'œuvre, cabinet d'architecte ou bureau d'étude, est en effet un tiers au contrat. Dès lors, la clause ne paraît pas directement conférer au vendeur professionnel un droit de modifier unilatéralement, et de façon arbitraire, la teneur de ses obligations ou la durée de son engagement. Au contraire, le recours au maître d’œuvre semble garantir une objectivité minimum en ce qu'elle renvoie à un tiers, censé être neutre et impartial. Sur cette base, il convient également de souligner, que si la clause consacrée aux causes légitimes de suspension du délai de livraison, ne prévoit effectivement pas de délai pour produire les justificatifs de ces motifs de suspension, elle impose que ces circonstances soient constatées par le maître d’œuvre ayant la direction des travaux, puisque le vendeur est supposé transmettre à l’acquéreur une lettre du maître d’œuvre assortie des justificatifs propres à chaque cause de suspension.

Il convient de souligner que si ces clauses ne sont pas, selon la Cour de cassation, abusives, c’est précisément parce que les parties ont convenu, pour l’appréciation des causes légitimes de retard, de s’en rapporter à un certificat établi, sous sa propre responsabilité, par le maître d’œuvre ou l’architecte ayant la direction des travaux et que la survenance de ladite cause est indépendante de la volonté du vendeur (Cass. civ. 3e 24 octobre 2012, n°11-17.800). En l’espèce, la condition, posée par le contrat lui-même, d’adresser ce justificatif du maître d’œuvre aux acquéreurs, participe à la légitimité de ces causes de suspension, dans le respect des exigences jurisprudentielles. Elle permet, en outre, d’informer les acquéreurs de la suspension de délai. Cette lettre émanant d’un tiers au contrat attestant de la légitimité de la cause de suspension et de sa durée, ne saurait attendre une phase de contentieux pour être produite aux acquéreurs. »

3/ « La mise en règlement judiciaire, en redressement judiciaire, en liquidation judiciaire ou en faillite de l’une ou l’autre des entreprises travaillant sur le chantier ou en assurant l’approvisionnement, constitue l’une des causes de retard légitime prévues dans le contrat de vente conclu entre la SCCV L’ORANGERAIE et Monsieur et Madame X. La liquidation judiciaire de la société MPI ATLANTIQUE est toutefois intervenue par jugement du tribunal de commerce, du 3 octobre 2018, soit après la date de livraison fixée au 31 mars 2018. Or, le fait que la cause de suspension invoquée soit intervenue postérieurement à la fin de la période de livraison, ne permet pas de retenir cette cause. Il convient donc de l’écarter. »

4/ « La SCCV L’ORANGERAIE invoque également la défaillance d’une entreprise, comme cause légitime de suspension du délai de livraison. Cette cause est prévue dans le contrat de vente, avec la précision que la justification de la défaillance peut être fournie par le requérant à l’acquéreur, au moyen de la production du double de la lettre recommandée avec demande d’avis de réception adressée par le maître d’œuvre du chantier à l’entrepreneur défaillant. Elle fait valoir, à ce titre, la suspension des travaux de maçonnerie en mars et avril 2019, suite à un litige avec le maître d’ouvrage. Outre, le fait que cette cause est également intervenue postérieurement au 31 mars 2018, il n’est pas démontré que cette cause serait indépendante de la volonté du maître de l’ouvrage et que le maître d’œuvre a bien mis en demeure l’entreprise défaillante de se conformer à ses obligations. Cette cause de suspension ne saurait, pour ces différentes raisons, être retenue.

Au titre de cette cause de suspension, le vendeur oppose également l’abandon de chantier de la société AVENIR BATIMENT, en charge du lot enduit, remplacée par la société COMPAS, selon un acte d’engagement du 15 novembre 2019. Pour justifier du bien-fondé de cette cause de suspension, le vendeur produit un courrier qu’il a adressé à la société AVENIR BATIMENT, en date du 31 octobre 2019, sans justifier d’un avis de réception, et un acte d’engagement, non daté, non signé, émanant de la société AVENIR BATIMENT. Cette cause fondée sur des justificatifs non conformes aux exigences contractuelles est, à nouveau, postérieure à la date de livraison et ne peut légitimer le retard de livraison. »

5/ « S’agissant du remplacement d’une entreprise défaillante, qui constitue une cause de suspension prévue dans le contrat de vente, la SCCV L’ORANGERAIE fait état de la résiliation du contrat de maîtrise d’œuvre d’exécution avec la société BUREAU DE COORDINATION DE TRAVAUX VENDEENS (BCTV), qui a été remplacée, le 1er mars 2018, par un groupement de maîtrise d’œuvre, avec pour mandataire la société d’architecture NINAWAK. Elle produit un compte-rendu de chantier de la société BUREAU DE COORDINATION DE TRAVAUX VENDEENS (BCTV), en date du 24 novembre 2017, qui indique qu’elle arrête le chantier le 13 décembre 2017. Cette cause est bien intervenue avant la fin du délai de livraison, fixée à l’issue du protocole transactionnel signé le 4 octobre 2017, par les acquéreurs. Toutefois, les circonstances de cette résiliation ne sont pas précisées, de sorte qu’il n’est pas établi que cette résiliation ait été indépendante de la volonté du vendeur et imputable à une faute du maître d’œuvre. En l’absence de tels éléments, cette cause de suspension ne peut être considérée comme légitime et doit être rejetée.

La SCCV L’ORANGERAIE fait enfin état de travaux supplémentaires, comme cause légitime de suspension du délai de livraison. Toutefois, il ne s’agit pas d’une cause de suspension de délai, prévue par le contrat, celui-ci faisant état des retards de paiement de l’acquéreur pour de tels travaux. Cette cause ne saurait ainsi être retenue pour justifier le retard de livraison. »

6/ « Le non-respect du délai de livraison est un manquement du vendeur à ses obligations contractuelles. L’acquéreur peut solliciter l’octroi de dommages et intérêts afin d’obtenir la réparation des préjudices qu’il a subis en raison de l’inexécution du contrat. Mais il faut que ces préjudices puissent être mis en relation avec le retard de la livraison. Le contrat ne prévoyant pas de système de pénalités de retard et les règles applicables au contrat de construction de maison individuelle ne pouvant être étendues à la vente d’immeuble à construire, la demande fondée sur une pénalité de 153,33 euros par jour de retard pendant 695 jours est rejetée, de même que celle basée sur une valeur locative du bien. A défaut de stipulation contractuelle prévoyant une pénalité de retard, Monsieur X. et Madame Y. ne sont pas fondés en leur demande. Cette demande doit être rejetée. »

 

RÉPUBLIQUE FRANÇAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

 

TRIBUNAL JUDICIAIRE DE NANTES

QUATRIÈME CHAMBRE

JUGEMENT DU 6 MAI 2025

 

ÉLÉMENTS D’IDENTIFICATION DE LA DÉCISION       (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)

R.G. n° 21/03611. N° Portalis DBYS-W-B7F-LFYF. Autres demandes relatives à un contrat de réalisation de travaux de construction.

Composition du Tribunal lors du délibéré :

Président : Stéphanie LAPORTE, Juge,

Assesseur : Nathalie CLAVIER, Vice-Présidente,

Assesseur : Laëtitia FENART, Vice-Présidente,

GREFFIER : Sandrine GASNIER

Débats à l’audience publique du 4 FEVRIER 2025 devant Stéphanie LAPORTE, siégeant en Juge Rapporteur, sans opposition des avocats, qui a rendu compte au Tribunal dans son délibéré.

Prononcé du jugement fixé au 24 AVRIL 2025 prorogé au 06 MAI 2025.

Jugement Contradictoire rédigé par Stéphanie LAPORTE, prononcé par mise à disposition au greffe.

 

ENTRE :

DEMANDEURS :

Monsieur X.

demeurant [Adresse 2], Rep/assistant : Maître Ronan LEVACHER, avocat au barreau de NANTES

Madame Y. épouse X.

demeurant [Adresse 2], Rep/assistant : Maître Ronan LEVACHER, avocat au barreau de NANTES

D’UNE PART

 

ET :

DÉFENDERESSE :

S.C. SCCV L’ORANGERAIE RCS SAINT NAZAIRE

N° XXX, dont le siège social est sis [Adresse 3], Rep/assistant : Maître Charlotte BARON, avocat au barreau de NANTES, D’AUTRE PART

 

EXPOSÉ DU LITIGE                                                        (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)

EXPOSÉ DU LITIGE :

Par acte authentique en date du 3 mai 2016, Monsieur X. et Madame Y. ont acquis auprès de la société SCCV L’ORANGERAIE, et en l’état futur d’achèvement, deux lots, numérotés 4 et 34, au sein d’un ensemble immobilier situé [Adresse 1] à [Localité 5].

La livraison qui devait intervenir le 30 septembre 2017, a eu lieu le 24 février 2020.

Par lettre recommandée en date du 9 mars 2020, Monsieur X. et Madame Y. ont sollicité de la SCCV L’ORANGERAIE, qu’elle les indemnise de leur préjudice résultant du retard de livraison. Une mise en demeure a été adressée, sur le même sujet, le 19 janvier 2021.

Par acte en date du 23 juillet 2021, Monsieur X. et Madame Y. ont fait assigner la SCCV L’ORANGERAIE devant le tribunal judiciaire de Nantes, aux fins d’indemnisation des pénalités de retard et des autres préjudices financiers et moral, liés à cette livraison tardive.

[*]

Par conclusions récapitulatives du 15 août 2023, Monsieur X. et Madame Y. ont sollicité du juge de la mise en état, au visa des articles 1103 et 1231-1 du code civil, de :

Condamner la société SCCV L’ORANGERAIE à verser à Monsieur X. et Madame Y. épouse X. les sommes suivantes :

- 106.564,35 euros au titre de pénalités venant indemniser le préjudice résultant pour eux des 695 jours de retard de livraison des lots acquis, ou subsidiairement une somme qui ne saurait être inférieure à 27.417,75 euros ;

- 3.312,00 euros en remboursement des frais de garde-meuble exposés auprès de la société [Adresse 4] ;

- 2.760,00 euros en remboursement des frais de garde-meuble exposés auprès de la société ATOUT FRET ;

- 617,55 euros en remboursement des frais d’hôtel exposés auprès de la société HOTEL MERCURE ;

- 5.000,00 euros en indemnisation de leur préjudice de jouissance ;

- 5.000,00 euros en indemnisation de leur préjudice moral ;

Lesdites sommes devant produire intérêts au taux légal à compter du jugement à intervenir,

Condamner la société SCCV L’ORANGERAIE à verser à Monsieur X. et Madame Y. épouse X. une somme de 3.000,00 Euros en application des dispositions de l’article 700 du code de procédure civile,

Condamner la société SCCV L’ORANGERAIE aux entiers dépens.

Dire n’y avoir lieu à écarter l’exécution provisoire de la décision à intervenir.

A l’appui de leurs conclusions, Monsieur X. et Madame Y. contestent le bien-fondé des clauses de suspension de délais invoquées par la SCCV L’ORANGERAIE pour justifier du retard de livraison et notamment avoir reçu l’attestation unique du maitre d’œuvre établie en fin de chantier, ainsi que la valeur d’une telle attestation unique pour l’ensemble des motifs de suspension. Ils soutiennent qu’une telle attestation aurait pour effet de créer un déséquilibre significatif entre un professionnel et un consommateur au sens de l’article L. 212-1 du code de la consommation ou de l’article 1171 du code civil. Ils affirment qu’une attestation doit être établie pour chaque cause de suspension et doit respecter les conditions posées par chaque clause, en produisant notamment les justificatifs qu’elles imposent au vendeur. Cela concerne notamment les conditions posées par la clause suspensive liée aux jours d’intempéries.

Ils considèrent que sur les 877 jours de retard, seuls 182 jours de retard, liés à la liquidation judiciaire de la société BATI OCEAN ont été justifiés et doivent être imputés sur le retard final, soit un retard injustifié de 695 jours. Ils contestent ainsi avoir reçu les « rapports sur les délais » émanant de la société QUATUOR, produits par le vendeur en cours de procédure.

Ils ajoutent que certaines causes invoquées, notamment celle liée au COVID 19 sont postérieures à la livraison, d’autres ne sont pas prévues par le contrat, comme le défaut de paiement d’une entreprise, le changement de maîtrise d’œuvre ou les travaux supplémentaires.

Sur la liquidation judiciaire de la société MPI ATLANTIQUE, en charge du lot peinture, les acquéreurs soulignent qu’aucun justificatif n’a été produit permettant de démontrer la réalité de la suspension, son impact sur l’avancement des travaux, sa date et sa durée. Ils indiquent qu’il en est de même pour l’abandon de chantier de la société AVENIR BATIMENT, en charge du lot enduit.

S’agissant des demandes indemnitaires, Monsieur X. et Madame Y. se fondent sur la méthode de calcul retenue dans le cadre des contrats de construction de maison individuelle, à savoir 1/3000e du montant du prix de vente par jour de retard, soit 153,33 euros par jour. Sur cette base, ils sollicitent la somme de 106.564,35 euros pour les 695 jours de retard retenus. A titre subsidiaire, ils se fondent sur la valeur locative du bien de 39,45 euros par jour et estiment la privation de jouissance à la somme de 27.417,75 euros.

Ils font également valoir que le retard dans la livraison a occasionné d’autres préjudices, à savoir des frais de stockage de mobilier dans un garde-meubles, prévu pour le futur logement, pour un coût de 3312 euros, pour 23 mois, et pour les meubles déjà en leur possession, d’un montant de 2760 euros, pendant 23 mois.

Ils sollicitent également le remboursement de 617,55 euros de nuits d’hôtel, pour les besoins des réunions de chantier. Ils indiquent avoir dû habiter leur résidence secondaire, le temps des travaux et avoir ainsi subi un préjudice de jouissance et un préjudice moral, estimés à 5000 euros, chacun.

Ils sollicitent, enfin, que les dépens soient mis à la charge de la SCCV L’ORANGERAIE et que celle-ci leur verse la somme de 3000 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile.

[*]

Par dernières conclusions du 20 juin 2023, la SCCV L’ORANGERAIE a sollicité du tribunal, au visa l’article 1103 du code civil, de l’article 1147 du code civil, l’article 1193 du code civil, de :

- Déclarer la société SCCV L’ORANGERAIE recevable et bien fondée ;

- Dire et juger que le retard de livraison n’est pas imputable à la SCCV L’ORANGERAIE ;

- Débouter les époux X. de l’ensemble de leurs demandes, fins et conclusions;

A titre subsidiaire,

- Dire et juger que la demande en paiement des époux X. n’est pas fondée ;

En tout état de cause,

- Condamner les époux X. à la somme de 4.000,00 € au titre de l’article 700 du code de procédure civile ;

- Condamner les époux X. aux entiers dépens de l’instance.

A l’appui de ses conclusions, la SCCV L’ORANGERAIE admet que la livraison du logement de Monsieur X. et de Madame Y. devant intervenir le 31 mars 2018, au plus tard, a finalement eu lieu le 24 février 2020. Toutefois, la concluante fait valoir que l’indemnisation des demandeurs suppose la démonstration d’une faute dans l’exécution de la mission du vendeur qui fait défaut. Elle souligne, en outre, que le retard de livraison est justifié par des causes légitimes de suspension des délais ou des cas de force majeure, prévus dans le contrat de vente en l’état futur d’achèvement signé par Monsieur X. et Madame Y.. Elle fait valoir que ces clauses de suspension sont validées par la jurisprudence de la Cour de cassation et se fonde sur le « rapport sur les délais » communiqué par la société QUATUOR, pour les retards intervenus après mars 2018. Elle conteste le fait que les maitres de l’ouvrage doivent recevoir des courriers au fur et à mesure des évènements venant perturber le chantier. Elle soutient qu’une personne responsable doit pouvoir s’exonérer de sa responsabilité en apportant la preuve d’une cause extérieure échappant à son contrôle. Elle indique qu’il en est ainsi de la liquidation judiciaire des entreprises, qui a concerné le société MPI ATLANTIQUE en charge du lot peinture, en octobre 2018 et a généré un retard de sept mois, doublé conformément aux stipulations contractuelles. Il en est de même, de la défaillance d’une entreprise, telle que celle liée au litige avec le maçon ayant entrainé une suspension des travaux en mars et avril 2019, l’abandon de chantier en octobre 2019 par la société AVENIR BATIMENT, en charge du lot « enduit », remplacée par la société COMPAS, le 15 novembre 2019. Elle fait également état du remplacement d’une entreprise défaillante prévu au titre des motifs de suspension légitime, pour justifier le retard pris par les travaux suite au remplacement de la société BCTV, par un groupement de maîtrise d’œuvre avec la société NINAWAK comme mandataire, à compter du 1er mars 2018, suite à une résiliation intervenue le 24 novembre 2017.

Elle invoque encore l’incidence des travaux supplémentaires, à l’origine d’un retard de deux mois. Elle justifie ainsi d’un retard de 910 jours, en dehors même des jours d’intempéries ou des causes antérieurs à l’arrivée du groupement de maîtrise d’œuvre en remplacement de la société BCTV. Elle indique que ce retard est justifié par le décompte définitif établi par la maîtrise d’œuvre en fin de chantier et que les demandes d’indemnisation des acquéreurs sont mal fondées.

La concluante conteste en outre le quantum des demandes indemnitaires, indiquant que le calcul des pénalités de retard prévu dans le contrat de construction de maison individuelle n’est pas transposable au contrat de vente en l’état futur d’achèvement, faute de stipulations contractuelles en ce sens. Elle conteste les autres sommes réclamées comme n’étant pas justifiées, sachant que les acquéreurs vivaient dans leur résidence secondaire à [Localité 6], pendant les travaux.

La SCCV L’ORANGERAIE sollicite, enfin, que les dépens soient mis à la charge de Monsieur X. et Madame Y. et que ceux-ci lui versent la somme de 4.000 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile.

[*]

L'ordonnance de clôture a été rendue le 05 décembre 2024. L'affaire a été plaidée à l'audience du 4 février 2025 et mise en délibéré au 24 avril 2025 prorogée au 06 mai 2025.

 

MOTIFS (justification de la décision)                                (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)

MOTIFS DE LA DÉCISION :

Sur le retard de livraison :

Par acte authentique en date du 03 mai 2016, Monsieur X. et Madame Y. ont acquis auprès de la société SCCV L’ORANGERAIE, et en l’état futur d’achèvement, deux lots, numérotés 4 et 34, au sein d’un ensemble immobilier situé [Adresse 1] à [Localité 5].

La livraison qui devait intervenir le 30 septembre 2017, a eu lieu le 24 février 2020.

Les parties ont signé un protocole transactionnel le 4 octobre 2017, dans lequel, les acquéreurs renoncent à se prévaloir du retard pris par les travaux du fait d’un « dépôt de bilan », en contrepartie de la prise en charge de travaux supplémentaires. La SCCV L’ORANGERAIE a adressé un courrier le 25 août 2017, indiquant que suite à ce protocole, le délai d’achèvement est reporté au 1er trimestre 2018. Le protocole n’acte pas du report du délai de livraison, mais d’une renonciation à se prévaloir d’un retard de travaux. Les acquéreurs admettent que le retard de livraison ne doit pas tenir compte de ce premier retard, estimé à 182 jours. Il est dès lors possible de considérer qu’ils ont admis un report du délai de livraison au 31 mars 2018.

Monsieur X. et Madame Y. font ainsi valoir que 695 jours de retard de livraison sont fautifs, eu égard aux termes du contrat conclu avec la SCCV L’ORANGERAIE, dès lors qu’ils ne répondent pas aux causes légitimes de suspension du délai de livraison.

La SCCV L’ORANGERAIE soutient que le retard de livraison est justifié par des causes légitimes de suspension, prévues dans le contrat de vente, à l’article 4.2.4. des conditions générales des ventes et document d’information du 18 mars 2016, joint à l’acte authentique.

L’article 1601-1 du code civil et l’article L. 261-1 du code de la construction et de l’habitation, prévoient que la vente d’immeubles à construire est celle par laquelle le vendeur s’oblige à édifier un immeuble dans un délai déterminé par le contrat.

L’édification d’un immeuble dans un délai déterminé est ainsi la principale obligation du vendeur d’immeuble à construire et le fait que le délai puisse être soumis à un certain aléa, ne signifie pas que l’acquéreur doive supporter un report excessif de la livraison de son bien.

L'obligation pour le vendeur de respecter le délai de livraison constitue une obligation de résultat, mais sa responsabilité ne saurait être engagée dans le cas où le retard est dû à un cas de force majeure ou s’inscrit parmi les causes légitimes de suspension du délai de livraison contractuellement prévues.

Il revient au vendeur de démontrer que le retard de livraison est dû à des causes légitimes de suspension prévues au contrat ou à un cas de force majeure non connue au jour de la signature de l’acte de vente.

S’agissant des clauses légitimes de suspension du délai de livraison, elles ne peuvent valablement aménager les obligations d'un contractant au point de réduire à néant l'obligation essentielle du contrat. Il ne s’agit pas d’oublier que la détermination d'un délai constitue un élément essentiel du contrat de vente en l’état futur d’achèvement. Par conséquent, l'on doit considérer que, pour qu'une clause d'aménagement des délais soit valable, il ne faut pas que sa rédaction puisse avoir pour effet de laisser au vendeur la possibilité de livrer quand bon lui semble. Cela suppose que les événements érigés en cause de suspension des délais soient précisément identifiés dans le contrat de vente et que le vendeur se prévale dûment d'une situation correspondant à l'un des événements ainsi listés, en respectant les stipulations contractuelles qui le lient à l’acquéreur.

La clause consacrée aux « causes légitimes de suspension du délai de livraison » prévoit, d’une manière générale, que « ces différentes circonstances auraient pour effet de retarder la livraison du bien vendu d’un temps égal au double de celui effectivement enregistré, en raison de leur répercussion sur l’organisation générale du chantier. Dans un tel cas, la justification de la survenance de l’une de ces circonstances sera apportée par le requérant à l’acquéreur par une lettre du maître d’œuvre ».

Le vendeur a ainsi appliqué à chaque délai, un délai supplémentaire, en doublant celui pendant lequel l’événement considéré aurait mis obstacle à la poursuite des travaux, pour tenir compte des répercussions sur l’organisation générale du chantier.

S’agissant de ce type de suspension et de majoration de délai, la Cour de cassation a considéré que la clause d’un contrat de vente en l’état futur d’achèvement conclu entre un professionnel et un non professionnel ou consommateur, qui stipule qu’en cas de cause légitime de suspension du délai de livraison du bien vendu, justifiée par le vendeur à l’acquéreur par une lettre du maître d’œuvre, la livraison du bien vendu sera retardée d’un temps égal au double de celui effectivement enregistré en raison de leur répercussion sur l’organisation générale du chantier n’a ni pour objet, ni pour effet de créer, au détriment du non professionnel ou du consommateur, un déséquilibre significatif entre les droits et obligations des parties au contrat et n’est pas abusive (Cass. civ. 3e, 23 mai 2019, n°18-14212). Ainsi, la clause de doublement de la durée de suspension du délai de livraison en matière de contrat de vente en l’état futur d’achèvement n’est-elle pas abusive, même entre un professionnel et un consommateur, lorsqu’elle est contractuellement admise et justifiée par une lettre du maître d’œuvre.

A priori, cette position de la Cour de cassation est fondée sur le renvoi au maître d'œuvre pour constater les causes légitimes de suspension des délais, qui se veut assez rassurant et permet d'écarter le caractère abusif de la clause. Le maître d'œuvre, cabinet d'architecte ou bureau d'étude, est en effet un tiers au contrat. Dès lors, la clause ne paraît pas directement conférer au vendeur professionnel un droit de modifier unilatéralement, et de façon arbitraire, la teneur de ses obligations ou la durée de son engagement. Au contraire, le recours au maître d’œuvre semble garantir une objectivité minimum en ce qu'elle renvoie à un tiers, censé être neutre et impartial.

Sur cette base, il convient également de souligner, que si la clause consacrée aux causes légitimes de suspension du délai de livraison, ne prévoit effectivement pas de délai pour produire les justificatifs de ces motifs de suspension, elle impose que ces circonstances soient constatées par le maître d’œuvre ayant la direction des travaux, puisque le vendeur est supposé transmettre à l’acquéreur une lettre du maître d’œuvre assortie des justificatifs propres à chaque cause de suspension.

Il convient de souligner que si ces clauses ne sont pas, selon la Cour de cassation, abusives, c’est précisément parce que les parties ont convenu, pour l’appréciation des causes légitimes de retard, de s’en rapporter à un certificat établi, sous sa propre responsabilité, par le maître d’œuvre ou l’architecte ayant la direction des travaux et que la survenance de ladite cause est indépendante de la volonté du vendeur (Cass. civ. 3e 24 octobre 2012, n°11-17.800). En l’espèce, la condition, posée par le contrat lui-même, d’adresser ce justificatif du maître d’œuvre aux acquéreurs, participe à la légitimité de ces causes de suspension, dans le respect des exigences jurisprudentielles. Elle permet, en outre, d’informer les acquéreurs de la suspension de délai. Cette lettre émanant d’un tiers au contrat attestant de la légitimité de la cause de suspension et de sa durée, ne saurait attendre une phase de contentieux pour être produite aux acquéreurs.

La SCCV L’ORANGERAIE justifie le retard de livraison, en invoquant plusieurs causes légitimes. Les intempéries initialement opposées n’ont finalement pas été retenues. Le vendeur fait valoir la mise en redressement ou liquidation judiciaire d’une des entreprises travaillant sur le chantier, la défaillance d’une entreprise, la recherche d’une nouvelle entreprise se substituant à une entreprise défaillante, la résiliation d’un marché de travaux due à la faute d’une entreprise.

Il convient de vérifier si les causes de suspension invoquées respectent les stipulations contractuelles, pour en apprécier la légitimité. La preuve de la légitimé de l’application de ces causes de suspension appartient au vendeur.

La SCCV L’ORANGERAIE fait état d’un retard de 7 mois, lié à la liquidation judiciaire de la société MPI ATLANTIQUE, en charge du lot peinture. Elle justifie ce retard en produisant un « rapport sur les délais » établi par la société QUATUOR, maître d’œuvre, et un extrait du BODACC faisant état d’un jugement du tribunal de commerce, prononçant la liquidation judiciaire de la société, en date du 3 octobre 2018.

La mise en règlement judiciaire, en redressement judiciaire, en liquidation judiciaire ou en faillite de l’une ou l’autre des entreprises travaillant sur le chantier ou en assurant l’approvisionnement, constitue l’une des causes de retard légitime prévues dans le contrat de vente conclu entre la SCCV L’ORANGERAIE et Monsieur et Madame X. La liquidation judiciaire de la société MPI ATLANTIQUE est toutefois intervenue par jugement du tribunal de commerce, du 3 octobre 2018, soit après la date de livraison fixée au 31 mars 2018. Or, le fait que la cause de suspension invoquée soit intervenue postérieurement à la fin de la période de livraison, ne permet pas de retenir cette cause. Il convient donc de l’écarter.

La SCCV L’ORANGERAIE invoque également la défaillance d’une entreprise, comme cause légitime de suspension du délai de livraison. Cette cause est prévue dans le contrat de vente, avec la précision que la justification de la défaillance peut être fournie par le requérant à l’acquéreur, au moyen de la production du double de la lettre recommandée avec demande d’avis de réception adressée par le maître d’œuvre du chantier à l’entrepreneur défaillant.

Elle fait valoir, à ce titre, la suspension des travaux de maçonnerie en mars et avril 2019, suite à un litige avec le maître d’ouvrage. Outre, le fait que cette cause est également intervenue postérieurement au 31 mars 2018, il n’est pas démontré que cette cause serait indépendante de la volonté du maître de l’ouvrage et que le maître d’œuvre a bien mis en demeure l’entreprise défaillante de se conformer à ses obligations. Cette cause de suspension ne saurait, pour ces différentes raisons, être retenue.

Au titre de cette cause de suspension, le vendeur oppose également l’abandon de chantier de la société AVENIR BATIMENT, en charge du lot enduit, remplacée par la société COMPAS, selon un acte d’engagement du 15 novembre 2019. Pour justifier du bien-fondé de cette cause de suspension, le vendeur produit un courrier qu’il a adressé à la société AVENIR BATIMENT, en date du 31 octobre 2019, sans justifier d’un avis de réception, et un acte d’engagement, non daté, non signé, émanant de la société AVENIR BATIMENT.

Cette cause fondée sur des justificatifs non conformes aux exigences contractuelles est, à nouveau, postérieure à la date de livraison et ne peut légitimer le retard de livraison.

S’agissant du remplacement d’une entreprise défaillante, qui constitue une cause de suspension prévue dans le contrat de vente, la SCCV L’ORANGERAIE fait état de la résiliation du contrat de maîtrise d’œuvre d’exécution avec la société BUREAU DE COORDINATION DE TRAVAUX VENDEENS (BCTV), qui a été remplacée, le 1er mars 2018, par un groupement de maîtrise d’œuvre, avec pour mandataire la société d’architecture NINAWAK. Elle produit un compte-rendu de chantier de la société BUREAU DE COORDINATION DE TRAVAUX VENDEENS (BCTV), en date du 24 novembre 2017, qui indique qu’elle arrête le chantier le 13 décembre 2017. Cette cause est bien intervenue avant la fin du délai de livraison, fixée à l’issue du protocole transactionnel signé le 4 octobre 2017, par les acquéreurs. Toutefois, les circonstances de cette résiliation ne sont pas précisées, de sorte qu’il n’est pas établi que cette résiliation ait été indépendante de la volonté du vendeur et imputable à une faute du maître d’œuvre. En l’absence de tels éléments, cette cause de suspension ne peut être considérée comme légitime et doit être rejetée.

La SCCV L’ORANGERAIE fait enfin état de travaux supplémentaires, comme cause légitime de suspension du délai de livraison. Toutefois, il ne s’agit pas d’une cause de suspension de délai, prévue par le contrat, celui-ci faisant état des retards de paiement de l’acquéreur pour de tels travaux. Cette cause ne saurait ainsi être retenue pour justifier le retard de livraison.

En définitive, le délai de livraison, reporté suite au protocole transactionnel signé entre les parties, au 31 mars 2018, n’a pas été valablement suspendu par les causes invoquées par la SCCV L’ORANGERAIE. La livraison est intervenue le 24 février 2020, soit avec un retard de 695 jours.

 

Sur les demandes indemnitaires des acquéreurs :

S’agissant du montant des pénalités de retard, Monsieur X. et Madame Y. se fondent sur la méthode de calcul retenue dans le cadre des contrats de construction de maison individuelle, à savoir 1/3000e du montant du prix de vente par jour de retard, soit 153,33 euros par jour. Sur cette base, ils sollicitent la somme de 106.564,35 euros pour les 695 jours de retard retenus. A titre subsidiaire, ils se fondent sur la valeur locative du bien de 39,45 euros par jour et estiment la privation de jouissance à la somme de 27.417,75 euros.

Ils font également valoir que le retard dans la livraison a occasionné d’autres préjudices, à savoir des frais de stockage de mobilier dans un garde-meubles, prévu pour le futur logement, pour un coût de 3312 euros, pour 23 mois, et pour les meubles déjà en leur possession, d’un montant de 2760 euros, pendant 23 mois. Ils sollicitent également le remboursement de 617,55 euros de nuits d’hôtel, pour les besoins des réunions de chantier. Ils indiquent avoir dû habiter leur résidence secondaire, le temps des travaux et avoir ainsi subi un préjudice de jouissance et un préjudice moral, estimés à 5.000 euros, chacun.

La SCCV L’ORANGERAIE conteste ces demandes indemnitaires en soutenant, principalement, l’absence de retard non légitime, et subsidiairement, en indiquant que les sommes réclamées ne sont pas justifiées.

Selon l’article 1217 du code civil, « la partie envers laquelle l'engagement n'a pas été exécuté, ou l'a été imparfaitement, peut :

- refuser d'exécuter ou suspendre l'exécution de sa propre obligation ;

- poursuivre l'exécution forcée en nature de l'obligation ;

- obtenir une réduction du prix ;

- provoquer la résolution du contrat ;

- demander réparation des conséquences de l'inexécution.

Les sanctions qui ne sont pas incompatibles peuvent être cumulées ; des dommages et intérêts peuvent toujours s'y ajouter. »

L’article 1231-1 du même code dispose que « le débiteur est condamné, s’il y a lieu, au paiement de dommages et intérêts soit à raison de l’inexécution de l’obligation soit à raison du retard dans l’exécution, s’il ne justifie pas que l’exécution a été empêchée par la force majeure ».

Le non-respect du délai de livraison est un manquement du vendeur à ses obligations contractuelles. L’acquéreur peut solliciter l’octroi de dommages et intérêts afin d’obtenir la réparation des préjudices qu’il a subis en raison de l’inexécution du contrat. Mais il faut que ces préjudices puissent être mis en relation avec le retard de la livraison. Le contrat ne prévoyant pas de système de pénalités de retard et les règles applicables au contrat de construction de maison individuelle ne pouvant être étendues à la vente d’immeuble à construire, la demande fondée sur une pénalité de 153,33 euros par jour de retard pendant 695 jours est rejetée, de même que celle basée sur une valeur locative du bien. A défaut de stipulation contractuelle prévoyant une pénalité de retard, Monsieur X. et Madame Y. ne sont pas fondés en leur demande. Cette demande doit être rejetée.

En revanche, il convient d’apprécier, poste par poste, les éléments de preuve invoqués par les demandeurs, à l’appui de leurs autres demandes d’indemnisation, étant précisé que cette indemnisation suppose de démontrer un préjudice et le lien de causalité existant entre le retard de livraison précédemment caractérisé et ce préjudice. Les acquéreurs peuvent ainsi obtenir le règlement des sommes engagées pour se loger ou, si le bien était prévu à la location, une indemnisation correspondant à la perte de percevoir des loyers.

En l’espèce, Monsieur X. et Madame Y. sollicitent l’indemnisation de frais de stockage de leur mobilier dans un garde-meubles, prévu pour le futur logement, pour un coût de 3312 euros, pour 23 mois, et pour les meubles déjà en leur possession, d’un montant de 2760 euros, pendant 23 mois.

Ils produisent des factures de gardiennage, d’un montant de 144 euros par mois, pour les mois de juin 2018, à février 2020, soit 21 mois. Il est ainsi possible de retenir des frais de stockage en lien avec le retard de livraison, sur la période de juin 2018 à février 2020, soit 20 mois, pour un montant de 3024 euros.

Ils fournissent également des factures pour un garde-meubles sur la période d’avril 2018 à janvier 2020, soit 22 mois, à raison de 120 euros par mois, soit un total de 2640 euros de frais de garde-meubles.

Il convient de condamner la SCCV L’ORANGERAIE à verser à Monsieur X. et Madame Y., la somme totale de 5664 euros de frais de garde-meubles, en lien avec le retard de livraison.

Ils sollicitent également le remboursement de frais d’hôtel à hauteur de 617,55 euros, en lien avec les réunions de chantier. Ils produisent effectivement des factures d’hôtel, mais ne justifient pas que ces frais soient liés à leur présence à des rendez-vous de chantier. Cette demande doit dès lors être rejetée.

Ils demandent l’indemnisation de la somme de 5.000 euros au titre du préjudice de jouissance subi du fait qu’ils aient dû habiter leur résidence secondaire pendant le retard de livraison, ainsi que la somme de 5.000 euros pour le préjudice moral supporté du fait de ce retard.

Le retard pris par les travaux a imposé à Monsieur X. et Madame Y. de prolonger pendant 23 mois, leur séjour dans leur résidence secondaire située à [Localité 6] en Vendée. Cela ne constitue pas un préjudice de jouissance en tant que tel, mais une perte de chance de pouvoir jouir de leur appartement à [Localité 5] à la date de livraison initialement prévue. Cette perte de chance peut être indemnisée à hauteur de 3.000 euros.

Le préjudice moral nécessairement subi par les acquéreurs du fait de l’incertitude d’une date de livraison, sans cesse repoussée, et de l’absence de transparence du vendeur sur les retards pris par les travaux, justifie de condamner la SCCV L’ORANGERAIE à verser la somme de 1.000 euros à Monsieur X. et Madame Y..

 

Les dépens et les frais irrépétibles

La SCCV L’ORANGERAIE, succombant en la présente instance, sera condamnée au paiement des dépens de l'instance, en application de l'article 696 du code de procédure civile.

Il n'est par ailleurs pas inéquitable de condamner la SCCV L’ORANGERAIE à verser à Monsieur X. et Madame Y. une indemnité qui sera fixée en équité à 2.000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile.

Il convient, pour les mêmes motifs, de débouter la SCCV L’ORANGERAIE de sa demande au titre de l'article 700 du code de procédure civile.

 

L'exécution provisoire

L'exécution provisoire est de droit en application de l’article 514 du code de procédure civile.

 

DISPOSITIF (décision proprement dite)                           (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)

PAR CES MOTIFS,

LE TRIBUNAL, statuant publiquement, par jugement mis à disposition au Greffe, contradictoire et en premier ressort,

CONDAMNE la SCCV L’ORANGERAIE à verser à Monsieur X. et Madame Y., la somme de 5664 euros, au titre des frais de garde-meubles engagés du fait du retard de livraison ;

CONDAMNE la SCCV L’ORANGERAIE à verser à Monsieur X. et Madame Y., la somme de 3.000 euros au titre de leur perte de chance de jouir du bien vendu, à la date de livraison initialement fixée ;

CONDAMNE la SCCV L’ORANGERAIE à verser à Monsieur X. et Madame Y., la somme de 1.000 euros au titre de leur préjudice moral, du fait du retard de livraison ;

CONDAMNE la SCCV L’ORANGERAIE à verser à Monsieur X. et Madame Y., la somme de 2.000 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile ;

CONDAMNE la SCCV L’ORANGERAIE aux entiers dépens ;

DEBOUTE la SCCV L’ORANGERAIE de sa demande au titre de l’article 700 du code de procédure civile ;

DIT que l’exécution provisoire est de droit.

LE GREFFIER,                               LE PRÉSIDENT,

Sandrine GASNIER                        Stéphanie LAPORTE