TJ NICE (4e ch. civ.), 17 janvier 2025
CERCLAB - DOCUMENT N° 24407
TJ NICE (4e ch. civ.), 17 janvier 2025 : RG n° 22/03908
Publication : Judilibre
Extraits : 1/ « Au terme de l’article 1171 du code civil, dans un contrat d'adhésion, toute clause non négociable, déterminée à l'avance par l'une des parties, qui crée un déséquilibre significatif entre les droits et obligations des parties au contrat est réputée non écrite. Le contrat d'adhésion est défini par l’article 1110 du même code comme celui dont les conditions générales, soustraites à la négociation, sont déterminées à l'avance par l'une des parties. Le règlement de copropriété dont les clauses sont déterminées à l'avance par le vendeur et/ou promoteur de l’immeuble et soustraites à la négociation, sont susceptibles de s’analyser en un contrat d’adhésion.
Mais le règlement de copropriété est également soumis à l’article 8 de la loi du 10 juillet 1965 en vertu duquel le règlement de copropriété ne peut imposer aucune restriction aux droits des copropriétaires en dehors de celles qui seraient justifiées par la destination de l'immeuble, telle qu'elle est définie aux actes, par ses caractères ou sa situation. L’article 43 de la même loi rappelle que toute clause contraire aux dispositions notamment de ce texte est réputée non écrite. »
2/ « Cette résolution donnant mandat au syndic pour régulariser et mettre en œuvre une servitude de passage au profit du fonds voisin n’est pas fondée sur le règlement de copropriété mais sur les actes de vente en l’état futur d’achèvement de lots aux copropriétaires, actes dont il n’est en revanche pas soutenu qu’ils créent un déséquilibre significatif et auxquels la loi du 10 juillet 1965 n’est pas applicable. Dès lors, le moyen tiré de ce que la clause du règlement de copropriété prévoyant la constitution de servitude au profit du fonds voisin, non visée par la résolution contestée, créerait un déséquilibre significatif ou serait contraire à l’article 8 de la loi du 10 juillet 1965 est inopérant pour fonder sa nullité. Même si les demandeurs ne produisent pas tous leurs actes d’acquisition de lots en l’état futur d’achèvement, ils ne contestent pas qu’ils contiennent tous une clause intitulée « servitude » rédigée de la manière suivante : « […] L’acquéreur déclare expressément d’ores et déjà agréer sans réserve lesdits travaux et consentir à la régularisation d’une servitude de passage à régulariser au profit de la parcelle voisine cadastrée section AI n° [Cadastre 5] et donne irrévocablement tout pouvoir à cet effet au vendeur ou au syndic professionnel le cas échéant à l’effet de régulariser l’acte de constitution de servitude dont les termes et conditions sont plus amplement précisés dans l’état descriptif de division – règlement de copropriété du 9 février 2018. »
Il résulte de l’article R. 261-5 du code de la construction et de l’habitation que la vente d'un immeuble à construire peut-être assortie d'un mandat donné par l'acquéreur au vendeur à l'effet de passer les actes de disposition devant affecter les biens et droits vendus et indispensables à la construction du bâtiment dont tout ou partie forme l'objet de la vente. Ce texte ajoute que le mandat peut également concerner les actes indispensables à la construction d'autres bâtiments désignés par le mandat s'ils doivent comporter des parties communes avec celui dont tout ou partie forme l'objet de la vente et qu’il doit indiquer spécialement la nature, l'objet et les conditions des actes en vue desquels il est donné.
Le permis de construire accordé le 1er septembre 2021 par le maire de la commune de [Localité 2] pour la réalisation de la deuxième tranche de travaux sur la parcelle AI n° [Cadastre 5] a été attaqué par certains des copropriétaires demandeurs invoquant notamment qu’il n’était pas conforme au plan local d’urbanisme, à défaut pour le terrain d’avoir accès à une voie publique ou privée. Cette requête a été rejetée par jugement rendu par le tribunal administratif de Nice le 11 mai 2023 au motif qu’un permis de régularisation avait été délivré par arrêté du 19 août 2022 en conditionnant l’autorisation à la production par le pétitionnaire de l’acte authentique de servitude de passage au plus tard au dépôt de la déclaration d’ouverture de chantier. La juridiction administrative a retenu que l’instance en annulation de la résolution n° 17 de l’assemblée générale du 27 juillet 2022 ayant donné mandat au syndic de régulariser la servitude de passage n’était pas de nature à vicier le permis de construire délivré par la commune et n’a pas retenu que l’absence de servitude de passage, donnant accès au projet, était constitutive d’une fraude de la société Logis Familial.
Il résulte de ces éléments que, comme le soutenaient les requérants devant la juridiction administrative, l’accès de la parcelle AI n° [Cadastre 5] à la voie publique était insuffisant pour permettre l’édification d’un second ensemble immobilier sur celle-ci si bien que le vendeur pouvait, conformément à l’article R. 261-5 du code de la construction et de l’habitation, recevoir valablement un mandat spécial de tous les acquéreurs dans l’acte de VEFA pour constituer une servitude de passage sur l'immeuble objet de la vente au profit du terrain voisin. L’acte constitutif de la servitude figurant aux actes de vente n’ayant pas été régularisé avant l’achèvement de la construction et la livraison des lots aux acquéreurs, la personnalité morale du syndicat a eu pour conséquence que c’était à l'assemblée générale de donner mandat au syndic de régulariser l’acte constitutif au nom du syndicat conformément à l’article 14 de la loi du 10 juillet 1965 et à l’article 1984 du code civil. Tel était précisément l’objet de la résolution critiquée habilitant le syndic en exercice à régulariser par acte authentique la servitude de passage à laquelle ils avaient expressément consenti en signant les actes d’acquisition de lots en l’état futur d’achèvement.
La constitution de la servitude grevant les parties communes, contrairement à l’analyse des demandeurs, n’était donc pas soumise à un vote de l’assemblée générale au contraire du mandat à donner au syndic pour représenter le syndicat, personne morale née lors de la livraison des lots, pour procéder aux formalités.
Les demandeurs font également valoir que la constitution de cette servitude emporte l’exécution de travaux par la création d’un passage dans deux « murs maîtres », ce qui est inexact au regard des actes produits qui, depuis l’origine de la construction, prévoyaient l’édification de murs « fusibles » destinés à permettre la création du passage.
Par conséquent, le moyen tiré de ce que la résolution n°17 adoptée par l’assemblée générale du 27 juillet 2022 est fondé sur une clause du règlement de copropriété qui doit être réputée non écrite, pour créer un déséquilibre significatif entre les droits et obligations des parties et être contraire à l’article 8 de la loi du 10 juillet 1965, sera rejeté. »
RÉPUBLIQUE FRANÇAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
TRIBUNAL JUDICIAIRE DE NICE
QUATRIÈME CHAMBRE CIVILE
JUGEMENT DU 17 JANVIER 2025
ÉLÉMENTS D’IDENTIFICATION DE LA DÉCISION (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)
R.G. n° 22/03908. N° Portalis DBWR-W-B7G-OPGC.
Par jugement de la 4ème Chambre civile en date du dix-sept janvier deux mil vingt cinq
COMPOSITION DU TRIBUNAL :
Président : Madame Cécile SANJUAN PUCHOL, Juge rédacteur
Assesseur : Madame Isabelle DEMARBAIX
Assesseur : Madame Diana VALAT
Greffier : Madame PROVENZANO.
DÉBATS :
A l'audience publique du 16 septembre 2024 le prononcé du jugement étant fixé au 10 décembre 2024 par mise à disposition au greffe la juridiction, les parties en ayant été préalablement avisées ;
PRONONCÉ : Par mise à disposition au Greffe le 17 janvier 2025 après prorogation du délibéré, signé par Madame Cécile SANJUAN PUCHOL Présidente, assistée de Madame Eliancia KALO, Greffière, à laquelle la minute de la décision été remise par le magistrat signataire.
NATURE DU JUGEMENT : contradictoire, en premier ressort, au fond.
DEMANDEURS :
Mme [BS] [B] épouse [E] [F]
[Adresse 10] - [Adresse 10], [Localité 2], représentée par Maître Jérôme LACROUTS de la SELARL JEROME LACROUTS AVOCATS, avocats au barreau de NICE, avocat plaidant
Mme [H] [V] [Y]
[Adresse 10] - [Adresse 10], [Localité 2], représentée par Maître Jérôme LACROUTS de la SELARL JEROME LACROUTS AVOCATS, avocats au barreau de NICE, avocat plaidant
M. [HU] [K]
[Adresse 10] - [Adresse 10], [Localité 2], représenté par Maître Jérôme LACROUTS de la SELARL JEROME LACROUTS AVOCATS, avocats au barreau de NICE, avocat plaidant
M. [P] [EE] [D] [T]
[Adresse 10] - [Adresse 10], [Localité 2], représenté par Maître Jérôme LACROUTS de la SELARL JEROME LACROUTS AVOCATS, avocats au barreau de NICE, avocat plaidant
M. [L] [E] [F]
[Adresse 10] - [Adresse 10], [Localité 2], représenté par Maître Jérôme LACROUTS de la SELARL JEROME LACROUTS AVOCATS, avocats au barreau de NICE, avocat plaidant
Mme [Z] [MO]
[Adresse 10] - [Adresse 10], [Localité 2], représentée par Maître Jérôme LACROUTS de la SELARL JEROME LACROUTS AVOCATS, avocats au barreau de NICE, avocat plaidant
Mme [TO] [IR]
[Adresse 10] - [Adresse 10], [Localité 2], représenté par Maître Jérôme LACROUTS de la SELARL JEROME LACROUTS AVOCATS, avocats au barreau de NICE, avocat plaidant
Mme [FJ] [HL] [NU] épouse [G]
[Adresse 10] - [Adresse 10], [Localité 2], représentée par Maître Jérôme LACROUTS de la SELARL JEROME LACROUTS AVOCATS, avocats au barreau de NICE, avocat plaidant
Mme [JW] [OR]
[Adresse 10] - [Adresse 10], [Localité 2], représentée par Maître Jérôme LACROUTS de la SELARL JEROME LACROUTS AVOCATS, avocats au barreau de NICE, avocat plaidant
Mme [J] [PH]
[Adresse 10] - [Adresse 10], [Localité 2], représentée par Maître Jérôme LACROUTS de la SELARL JEROME LACROUTS AVOCATS, avocats au barreau de NICE, avocat plaidant
Mme [ZP] [FF] épouse [I]
[Adresse 10] - [Adresse 10], [Localité 2], représentée par Maître Jérôme LACROUTS de la SELARL JEROME LACROUTS AVOCATS, avocats au barreau de NICE, avocat plaidant
Mme [YT] [S] épouse [IZ]
[Adresse 10] - [Adresse 10], [Localité 2], représentée par Maître Jérôme LACROUTS de la SELARL JEROME LACROUTS AVOCATS, avocats au barreau de NICE, avocat plaidant
Mme [GK] [EA] épouse [N]
[Adresse 10] - [Adresse 10], [Localité 2], représentée par Maître Jérôme LACROUTS de la SELARL JEROME LACROUTS AVOCATS, avocats au barreau de NICE, avocat plaidant
M. [KE] [RE] [C] [A]
[Adresse 10] - [Adresse 10], [Localité 2], représenté par Maître Jérôme LACROUTS de la SELARL JEROME LACROUTS AVOCATS, avocats au barreau de NICE, avocat plaidant
Mme [U] [W]
[Adresse 10] - [Adresse 10], [Localité 2], représentée par Maître Jérôme LACROUTS de la SELARL JEROME LACROUTS AVOCATS, avocats au barreau de NICE, avocat plaidant
M. [R] [O]
[Adresse 10] - [Adresse 10], [Localité 2], représenté par Maître Jérôme LACROUTS de la SELARL JEROME LACROUTS AVOCATS, avocats au barreau de NICE, avocat plaidant
M. [LJ] [I]
[Adresse 10] - [Adresse 10], [Localité 2], représenté par Maître Jérôme LACROUTS de la SELARL JEROME LACROUTS AVOCATS, avocats au barreau de NICE, avocat plaidant
M. [SB] [X]
[Adresse 10] - [Adresse 10], [Localité 2], représenté par Maître Jérôme LACROUTS de la SELARL JEROME LACROUTS AVOCATS, avocats au barreau de NICE, avocat plaidant
M. [LB] [G]
[Adresse 10] - [Adresse 10], [Localité 2], représenté par Maître Jérôme LACROUTS de la SELARL JEROME LACROUTS AVOCATS, avocats au barreau de NICE, avocat plaidant
Mme [M] [N]
[Adresse 10] - [Adresse 10], [Localité 2], représentée par Maître Jérôme LACROUTS de la SELARL JEROME LACROUTS AVOCATS, avocats au barreau de NICE, avocat plaidant
DEFENDERESSE :
Le Syndicat des copropriétaires de l’ensemble immobilier [Adresse 10]
représenté par son syndic en exercice la SARL COGESTIA (COPROPRIETES GESTION IMMOBILIERE AZUREENE) agissant poursuites et diligences de son représentant légal, [Adresse 10], [Localité 2], représentée par Maître Laurent BELFIORE de la SCP ARTAUD BELFIORE CASTILLON GREBILLE-ROMAND, avocat au barreau de NICE, avocats plaidant
INTERVENANT VOLONTAIRE,
LE LOGIS FAMILIAL
dont le siège social est sis [Adresse 9] - [Localité 1], représentée par Maître Simon-Pierre DABOUSSY de la SELARL ADDEN AVOCATS MEDITERRANEE, avocat au barreau de NICE, avocat plaidant
EXPOSÉ DU LITIGE (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)
EXPOSÉ DU LITIGE :
La société Logis Familial, société d’habitation à loyer modéré, a acquis auprès de l’établissement public foncier Paca les parcelles cadastrées AI n° [Cadastre 6], [Cadastre 7] et [Cadastre 8] sur le territoire de la commune de [Localité 2] par acte du 19 avril 2016 pour réaliser une opération de création de logements sociaux et de logements en accession sociale.
Au terme de cet acte de vente, la société Logis Familial s’engageait à permettre à la parcelle AI [Cadastre 5] d’accéder aux deux niveaux de sous-sol par la rampe d’accès de la future construction, la parcelle AI [Cadastre 5] étant la propriété de l’établissement public foncier Paca qui entendait la céder à terme à la société Le Logis Familial pour réaliser une seconde tranche de travaux.
Un premier immeuble collectif d’habitation, comprenant 36 logements sociaux et 24 logements en accession sociale, dénommé [Adresse 10], a été édifié sur les parcelles AI n° [Cadastre 6], [Cadastre 7] et [Cadastre 8] situées [Adresse 10] à [Localité 2].
Un état descriptif de division – règlement de copropriété a été établi le 9 février 2018 reproduisant l’engagement souscrit par la société Logis Familial auprès de l’établissement public foncier Paca dans l’acte de vente du 19 avril 2016 et contenant une clause au terme de laquelle :
« La signature d’un acte d’acquisition d’un lot de copropriété dépendant de l’ensemble immobilier objets des présentes, emporte pour chaque copropriétaire agrément sans réserve desdits travaux et consentement irrévocable à la régularisation de la servitude de passage à régulariser auprès de la parcelle voisine cadastrées AI n° [Cadastre 5] avec pouvoir donné irrévocablement à cet effet au syndic en place au jour de la régularisation de l’acte (qu’il soit provisoire ou nommé par l’assemblée générale des copropriétaires) à l’effet de régulariser l’acte de constitution de servitude. »
Les lots constitutifs des logements en accession sociale ont été acquis en l’état futur d’achèvement au terme d’actes de vente reproduisant l’engagement souscrit par la société Le Logis Familial auprès de l’établissement public foncier Paca et contenant une clause selon laquelle :
« L’acquéreur déclare expressément d’ores et déjà agréer sans réserve lesdits travaux et consentir à la régularisation de la servitude de passage à régulariser au profit de la parcelle voisine cadastrée AI n°[Cadastre 5] et donne irrévocablement tout pouvoir à cet effet au vendeur ou au syndic professionnel, le cas échéant, à l’effet de régulariser l’acte de constitution de servitude dont les termes et conditions sont plus amplement précisés dans l’état descriptif de division – règlement de copropriété du 9 février 2018. »
La société Logis Familial a initié la réalisation de la seconde tranche de l’opération de construction d’un immeuble dénommé [Adresse 10] 2 comprenant 21 logements locatifs sociaux et 20 logements en accession sociale sur les parcelles cadastrées AI [Cadastre 3], [Cadastre 4] et [Cadastre 5] pour lequel elle a obtenu un permis de construire le 1er septembre 2021 et un permis de construire modificatif le 19 juillet 2022.
La société Logis Familial a fait inscrire une résolution n°17 à l’ordre du jour de l’assemblée générale des copropriétaires de l’immeuble [Adresse 10] du 27 juillet 2022 donnant mandat au syndic d’agréer, signer et faire publier la servitude au rang des minutes d’un notaire ainsi que d’organiser son effectivité aux frais du constructeur, décision qui a été adoptée à la majorité de l’article 25 de la loi du 10 juillet 1965.
Mme [BS] [B], Mme [YT] [S], M. [KE] [RE] [C] [A], Mme [U] [W], M. [R] [O], M. [LJ] [I], M. [SB] [X], M. [LB] [G], M. [M] [N], Mme [H] [V] [Y], M. [HU] [K], M. [P] [T], M. [L] [E] [F], Mme [Z] [MO], Mme [TO] [IR], Mme [FJ] [NU], Mme [JW] [OR], Mme [J] [PH], Mme [ZP] [FF] et Mme [GK] [EA] ont, par acte du 4 octobre 2022, fait assigner le syndicat des copropriétaires de l’immeuble [Adresse 10] situé [Adresse 10] à [Localité 2] aux fins d’obtenir la nullité de cette résolution.
La société Le Logis Familial est volontairement intervenue à l’instance par conclusions notifiées le 24 janvier 2023.
[*]
Dans leurs dernières conclusions notifiées le 9 janvier 2024, Mme [BS] [B], Mme [YT] [S], M. [KE] [RE] [C] [A], Mme [U] [W], M. [R] [O], M. [LJ] [I], M. [SB] [X], M. [LB] [G], M. [M] [N], Mme [H] [V] [Y], M. [HU] [K], M. [P] [T], M. [L] [E] [F], Mme [Z] [MO], Mme [TO] [IR], Mme [FJ] [NU], Mme [JW] [OR], Mme [J] [PH], Mme [ZP] [FF] et Mme [GK] [EA] sollicitent :
que soit jugée illicite et, par suite non écrite, la clause du règlement de copropriété relative à la servitude à constituer, subséquemment, le prononcé de la nullité de la résolution n°17 de l’assemblée générale du syndicat des copropriétaires de l’immeuble [Adresse 10] du 27 juillet 2022,la condamnation du syndicat des copropriétaires de l’immeuble [Adresse 10] à leur payer la somme de 7.000 euros sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile, d’être dispensés de toute participation à la dépense commune des frais de procédure conformément à l’article 10-1 de la loi du 10 juillet 1965.
Ils font valoir que la clause du règlement de copropriété à laquelle renvoie la résolution litigieuse est nulle car elle créé un déséquilibre significatif entre les droits et obligations des parties qui doit conduire, sur le fondement de l’article 1171 alinéa 1er du code civil, à ce qu’elle soit réputée non écrite. Ils soutiennent en effet que la clause par laquelle l’auteur de la mise en copropriété se réserve, dans le règlement, la possibilité de procéder à des actes de disposition des parties communes, dont la création d’une servitude dans l’intérêt d’un programme voisin, ou de se dispenser de l’autorisation préalable de l’assemblée doit être réputée non écrite sur le fondement de ce texte. Ils ajoutent qu’au terme de l’article 8, 2ème alinéa, de la loi du 10 juillet 1965, le règlement de copropriété ne peut imposer aucune restriction aux droits de copropriétaires en dehors de celle qui sont justifiées par la destination de l’immeuble, et qu’en application de l’article 43 de la même loi, toute clause contraire à cette disposition d’ordre public doit être réputée non écrite.
Ils exposent qu’ils n’ont pas pu se prononcer sur la constitution d’une servitude affectant les parties communes à l’occasion de l’assemblée générale puisque la société Logis Familial s’est prévalue d’une clause insérée dans les actes de vente renvoyant au règlement de copropriété privant l’assemblée générale de pouvoir décisionnaire. Or, ils considèrent que la clause litigieuse est illégale pour créer un déséquilibre significatif entre les copropriétaires en donnant discrétionnairement le droit à la société Logis Familial de constituer une servitude sur les parties communes sans vote et de porter une atteinte aux droits des copropriétaires non justifiée par la destination de l’immeuble. Ils soulignent que la société Logis Familial doit réaliser des travaux pour la constitution de la servitude projetée en ouvrant deux murs « maîtres » pour créer le passage vers le fonds voisin, si bien que la clause, qui permet leur réalisation sans autorisation de l’assemblée générale, est réputée nulle.
Ils soutiennent également que la majorité appliquée lors du vote de la résolution litigieuse est erronée car il s’agit d’un acte de disposition soumis à la majorité renforcée de l’article 26 de la loi du 10 juillet 1965 par application de l’article 16 de la même loi.
Ils font observer que la résolution vise la constitution d’un droit réel immobilier et non la formalité de sa régularisation si bien que la majorité des voix des copropriétaires de l’article 25 à laquelle elle a été adoptée est erronée. Ils relèvent que, de surcroît, cette majorité n’a pas été atteinte puisque la résolution a obtenu 4.568 tantièmes sur 10.000 tantièmes de sorte qu’elle devra, en tout état de cause, être annulée.
Ils rappellent qu’une décision, bien qu’intervenue dans les formes régulières et dans la limite des pouvoirs d’une assemblée, reste susceptible d’annulation lorsqu’elle a été le résultat de manœuvres destinées à obtenir par surprise de certains copropriétaires un vote contraire à l’intérêt collectif ou qu’elle lèse un ou plusieurs copropriétaires sans être pour autant conforme à l’intérêt commun. Ils considèrent que la servitude envisagée a pour unique finalité de bénéficier à la société Logis Familial qui, bénéficiant d’une importante partie des tantièmes, impose des décisions prises dans son seul intérêt aux autres copropriétaires menacés d’actions contentieuses en cas de refus. Ils soulignent que l’immeuble dont la construction est envisagée est, selon le permis de construire, un immeuble R+7 avec une surface de plancher de 3.079 m² dont les futurs résidents auront vocation à passer par les parties communes de leur immeuble, ce qui sera source de nuisances.
Ils précisent avoir formé un recours devant le tribunal administratif de Nice à l’encontre du permis de construire qui, par jugement du 14 juin 2022, a fait droit à leur requête en l’absence de servitude de passage formalisé au bénéfice de l’immeuble à construire.
Ils concluent en conséquence à la nullité de la résolution n°17 adoptée par l’assemblée générale du 27 juillet 2022.
En réponse aux conclusions du syndicat des copropriétaires, ils indiquent ne pas contester la clause insérée à leurs actes d’acquisition de lots dans l’immeuble et estiment que le moyen tiré de l’absence de production de l’intégralité des actes de propriété devra être rejeté. Ils considèrent que le fait que la servitude a été rappelée dans chacun des actes de vente puis par le règlement de copropriété ne faisait pas obstacle à l’obligation de soumettre sa constitution au vote de l’assemblée générale à la majorité de l’article 26 de la loi du 10 juillet 1965 qui ne pouvait pas être contournée. Ils font valoir que c’est à la suite de l’introduction de leur requête le 25 février 2022 devant le tribunal administratif qu’a été inscrite à l’ordre du jour de l’assemblée générale la résolution litigieuse donnant délégation de pouvoir au syndic pour formaliser la constitution de la servitude en méconnaissance des règles de majorité applicable.
Ils soutiennent que les actes de vente sont des contrats d’adhésion, qu’ils ont été tenus dans l’ignorance de l’ampleur du projet de la future construction par la société venderesse et que, mieux informés, ils auraient pu renoncer à leur acquisition.
[*]
Dans ses dernières écritures notifiées le 18 janvier 2024, le syndicat des copropriétaires de l’immeuble dénommé [Adresse 10] situé [Adresse 10] à [Localité 2], conclut au débouté ainsi qu’à la condamnation des demandeurs à lui payer la somme de 5.000 euros sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile.
Il rappelle que chaque copropriétaire a donné son consentement à la constitution de servitude et pouvoir pour la régulariser dans son acte d’acquisition de lot et qu’un vote sur cette question était superfétatoire, la résolution litigieuse ayant pour unique objet de régulariser, signer et faire publier cette servitude au profit de la parcelle voisine AI n° [Cadastre 5].
Il considère que les demandeurs ne produisent volontairement pas leur acte de propriété qui contient leur consentement à la constitution de cette servitude et ce, afin de dissimuler la réalité de l’engagement contractuel qu’ils ont souscrit lors de leur acquisition. Il estime également que la jurisprudence relative à un déséquilibre significatif n’est pas applicable à des actes de vente immobilière signés par chaque acquéreur en toute connaissance de cause, la constitution d’une servitude de passage étant motivée par des considérations d’intérêt public et d’intérêt privé qui est de permettre une circulation raisonnée et facilitée pour chaque habitant de la zone du projet. Il fait observer que la servitude ne résulte pas exclusivement du règlement de copropriété mais également des actes de vente de chacun des propriétaires qui ne constituent aucunement des contrats d’adhésion soumis à l’article 1171 du code civil puisque chacun d’eux a pu négocier et acquérir son bien mais également accepter la constitution d’une servitude au profit de la parcelle voisine.
Il souligne que l’objet de la résolution attaquée était de donner un pouvoir au syndic pour régulariser cette servitude, et ainsi d’entériner un droit qui fût consenti individuellement à travers les actes de vente et non de conférer un droit réel si bien qu’elle était soumise à la majorité de l’article 25 de la loi du 10 juillet 1965 qui a été atteinte.
Il rappelle qu’il incombe aux demandeurs de rapporter la preuve de l’abus de majorité et que les troubles invoqués ne sont pas établis puisque le passage s’exercera sous l’immeuble situé en zone urbaine. Il considère qu’il n’existe pas un abus de majorité mais un abus de minorité des demandeurs qui entendent éluder ainsi le respect de leurs engagements contractuels.
[*]
Dans ses conclusions récapitulatives n° 2 notifiées le 2 mai 2024, la société Logis Familial conclut à la recevabilité de son intervention volontaire et au débouté des demandeurs.
Elle indique que, copropriétaire, elle a intérêt à intervenir à l’instance pour s’associer à la défense du syndicat des copropriétaires car la servitude de passage attaquée est essentielle à la réalisation de la deuxième tranche de son projet immobilier.
Elle souligne que la résolution litigieuse ni ne vise ni ne fait mention du règlement de copropriété mais renvoie exclusivement aux actes de vente l’état futur d’achèvement de chacun des copropriétaires de sorte que l’éventuelle illicéité de la clause du règlement de copropriété est sans incidence sur la validité de cette résolution. Elle ajoute que les contrats de vente de lots ne constituent pas des contrats d’adhésion si bien que l’article 1171 du code civil est inapplicable au litige. Elle ajoute que la clause des actes de vente visée par la résolution litigieuse ne peut pas être déclarée nulle au visa de l’article 43 de la loi du 10 juillet 196 qui ne concerne que les clauses des règlements de copropriété. Elle en déduit que la clause prévoyant la constitution d’une servitude de passage dans les actes en VEFA est valable et que les demandeurs l’ont acceptée en toute connaissance de cause.
S’il était considéré que la résolution litigieuse était malgré tout fondée sur le règlement de copropriété, elle estime qu’elle est conforme à la destination de l’immeuble et n’autorise pas, par avance, un copropriétaire à entreprendre des travaux sans autre formalité. Elle soutient que, sur le fondement des articles 8 et 43 de la loi du 10 juillet 1965, la cour de cassation a considéré qu’une clause d’un règlement de copropriété instituant une servitude de passage au profit d’un fonds voisin était justifié par la destination d’un immeuble qui se trouvait en milieu urbain, ce qui est le cas en l’espèce de l’immeuble [Adresse 10] et de la future construction donnant sur la [Adresse 10] qui est étroite, ce qui justifie un accès commun pour éviter les difficultés de circulation induites par multiplication des accès. Elle rappelle que la constitution de cette servitude constituait un de ses engagements à l’égard de l’établissement public foncier Paca, personne publique qui porte, conjointement avec la commune de [Localité 2], l’aménagement de ce secteur par l’opération entreprise. Elle soutient que les demandeurs ne peuvent soutenir qu’ils n’avaient pas donné leur accord à la constitution de cette servitude dont l’existence a été insérée dans le règlement de copropriété en application des contrats de VEFA conclus par chacun d’entre eux. Elle rappelle que le règlement de copropriété est opposable aux acquéreurs par sa publication au fichier immobilier mais également par la mention, dans leurs actes d’acquisition, qu’ils adhéraient à ce dernier préalablement porté à leur connaissance. Elle expose que chaque copropriétaire a conclu un contrat d’achat de son lot mentionnant la constitution de cette servitude au profit du fonds voisin qu’ils ont acceptée en présence d’un notaire. Elle souligne qu’aucun des copropriétaires demandeurs ne réclame la nullité de l’acte d’acquisition de son lot. Elle ajoute que la régularisation de la servitude de passage n’est que la concrétisation de leurs engagements contractuels et que la résolution litigieuse n’avait pas pour objet des travaux sur les parties communes mais le mandat à donner au syndic pour la formaliser. Elle en conclut que la résolution attaquée n’étant pas l’approbation de la constitution d’un droit réel mais une habilitation à donner au syndic, elle relevait de la majorité de l’article 25 de la loi du 10 juillet 1965. Elle ajoute que la preuve d’un abus de majorité n’est pas rapportée alors que, conformément à l’article 22 de la loi du 10 juillet 1965, le nombre de ses voix est réduit à 50 % et que d’autres copropriétaires ont voté en faveur de la résolution. Elle explique qu’elle a contribué, par ses efforts financiers, à mener à terme cette opération d’accession sociale d’ampleur dont elle doit exécuter la deuxième tranche. Elle dément toute manœuvre pour tromper les copropriétaires dont les actes d’acquisition de lots mentionnent tous la constitution de cette servitude de passage au profit de la parcelle voisine correspondant à la deuxième phase du projet immobilier, comparable à l’ensemble édifié, actes qu’ils étaient libres de ne pas conclure. Elle estime que, sous couvert de cette action, les copropriétaires demandeurs tentent d’éluder le respect de leurs obligations contractuelles, notamment en invoquant des troubles dont l’existence n’est pas rapportée, l’accès devant être réalisé par le sous-sol de l’immeuble.
[*]
La clôture de la procédure a été ordonnée le 13 juin 2024. L’affaire a été retenue à l’audience du 16 septembre 2024. La décision a été mise en délibéré au 10 décembre 2024 prorogé au 17 janvier 2025.
MOTIFS (justification de la décision) (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)
MOTIFS DE LA DÉCISION :
Sur l’intervention volontaire de la société Logis Familial :
En vertu de l’article 330 du code de procédure civile, l’intervention est accessoire lorsqu’elle appuie les prétentions d’une partie. Ce texte ajoute qu’elle est recevable si son auteur a intérêt, pour la conservation de ses droits, à soutenir cette partie.
En l’espèce, la société Logis Familial est intervenue volontairement à l’instance pour soutenir la défense du syndicat des copropriétaires de l’immeuble [Adresse 10], assigné aux fins de faire constater la nullité de la résolution n°17 de l’assemblée générale du 27 juillet 2022.
Son intervention est accessoire, aucune demande n’étant formulée par la société Logis Familial.
L’objet de la décision attaqué étant la régularisation d’une servitude de passage au profit du fonds voisin sur lequel la société Logis Familial, copropriétaire et venderesse des lots aux demandeurs, a entrepris la construction d’un ensemble immobilier, elle a intérêt à agir pour la conservation de ses droits.
Son intervention volontaire à l’instance, qui n’est pas contestée par les autres parties, sera par conséquent déclarée recevable.
Sur la demande de constat de la nullité de la résolution n°17 adoptée par l’assemblée générale des copropriétaires de l’immeuble [Adresse 10] le 27 juillet 2022.
Les copropriétaires demandeurs soutiennent que la décision attaquée est nulle pour trois motifs principaux : le caractère réputé non écrit de la clause du règlement de copropriété sur laquelle elle se fonderait, une erreur de majorité applicable lors du vote et un abus de majorité.
1. Sur le caractère non écrit de la clause du règlement de copropriété qui fonderait la résolution litigieuse.
Au terme de l’article 1171 du code civil, dans un contrat d'adhésion, toute clause non négociable, déterminée à l'avance par l'une des parties, qui crée un déséquilibre significatif entre les droits et obligations des parties au contrat est réputée non écrite. Le contrat d'adhésion est défini par l’article 1110 du même code comme celui dont les conditions générales, soustraites à la négociation, sont déterminées à l'avance par l'une des parties.
Le règlement de copropriété dont les clauses sont déterminées à l'avance par le vendeur et/ou promoteur de l’immeuble et soustraites à la négociation, sont susceptibles de s’analyser en un contrat d’adhésion.
Mais le règlement de copropriété est également soumis à l’article 8 de la loi du 10 juillet 1965 en vertu duquel le règlement de copropriété ne peut imposer aucune restriction aux droits des copropriétaires en dehors de celles qui seraient justifiées par la destination de l'immeuble, telle qu'elle est définie aux actes, par ses caractères ou sa situation.
L’article 43 de la même loi rappelle que toute clause contraire aux dispositions notamment de ce texte est réputée non écrite.
En l’espèce, le règlement de copropriété du 9 février 2018 reproduit l’engagement souscrit par la société Logis Familial auprès de l’établissement public foncier Paca et contient une clause au terme de laquelle :
« La signature d’un acte d’acquisition d’un lot de copropriété dépendant de l’ensemble immobilier objet des présentes, emporte pour chaque copropriétaire agrément sans réserve desdits travaux et consentement irrévocable à la régularisation de la servitude de passage à régulariser auprès de la parcelle voisine cadastrées AI n° [Cadastre 5] avec pouvoir donné irrévocablement à cet effet au syndic en place au jour de la régularisation de l’acte (qu’il soit provisoire ou nommé par l’assemblée générale des copropriétaires) à l’effet de régulariser l’acte de constitution de servitude. »
Toutefois, l’assemblée générale des copropriétaires de l’immeuble [Adresse 10] a adopté, lors de son assemblée générale du 27 juillet 2022, une résolution n° 17 rédigée de la manière suivante :
« A la demande du logis familial – 1001 Vies Habitat, mandat à sonner au syndic, au nom de la copropriété, de régulariser, signer et faire publier la servitude de passage au profit de la parcelle voisine AI n° [Cadastre 5], déjà actée et signée dans les actes de vente de chaque copropriétaire d’appartement. Discussion. Décision à prendre.
Conditions de majorité de l’article 25 et possibilité de vote à la majorité de l’article 25-1.
Conformément à l’acte de vente des copropriétaires, le syndic doit être habilité par le syndicat pour entériner la servitude de passage alors définie dans le dépôt de pièces des actes de vente et indiqué au plan (en annexe).
En effet, dans chaque acte de vente, il était disposé que l’acquéreur déclare expressément d’ores et déjà agréer sans réserve lesdits travaux et consentir à la régularisation de la servitude de passage à régulariser au profit de la parcelle voisine cadastrée AI n° [Cadastre 5] et donne irrévocablement tout pouvoir à cet effet au Vendeur ou au syndic professionnel le cas échéant à l’effet de régulariser l’acte de constitution de servitude dont les termes et conditions sont plus amplement précisés dans l’état descriptif de division.
Ainsi, la parcelle AI n° [Cadastre 5] bénéficiera de l’accès par la parcelle AI n° [Cadastre 6] et AI n° [Cadastre 7] et d’un passage en son parking souterrain pour les véhicules et les piétons devant se stationner et accéder à l’immeuble collectif limitrophe.
L’assemblée générale donne mandat au syndic pour agréer, signer et faire publier ladite servitude au rang des minutes ainsi que d’organiser l’effectivité de cette servitude (accès badge/code …)
Le coût de l’ensemble de ces formalités restant à la charge exclusive du Logis Familial – 1001 Vies Habitat.
Le syndic rappelle que cette servitude de passage a été actée au niveau des actes de vente de chaque copropriétaire et qu’il conseille de respecter cette disposition pour éviter tout contentieux judiciaire. »
Cette résolution donnant mandat au syndic pour régulariser et mettre en œuvre une servitude de passage au profit du fonds voisin n’est pas fondée sur le règlement de copropriété mais sur les actes de vente en l’état futur d’achèvement de lots aux copropriétaires, actes dont il n’est en revanche pas soutenu qu’ils créent un déséquilibre significatif et auxquels la loi du 10 juillet 1965 n’est pas applicable.
Dès lors, le moyen tiré de ce que la clause du règlement de copropriété prévoyant la constitution de servitude au profit du fonds voisin, non visée par la résolution contestée, créerait un déséquilibre significatif ou serait contraire à l’article 8 de la loi du 10 juillet 1965 est inopérant pour fonder sa nullité.
Même si les demandeurs ne produisent pas tous leurs actes d’acquisition de lots en l’état futur d’achèvement, ils ne contestent pas qu’ils contiennent tous une clause intitulée « servitude » rédigée de la manière suivante :
« Il résulte de l’acte de vente par l’EPF PACA au profit de Logis Familial suivant acte reçu aux présentes minutes en date du 19 avril 2016 ce qui suit littéralement rapporté : […]
Engagement de l’acquéreur
L’EPF PACA, par l’intermédiaire de son représentant, déclare être notamment propriétaire de divers lots de copropriété dépendant de l’ensemble immobilier situé sur la parcelle au sud du terrain objet es présente, cadastrée section AI n°[Cadastre 5].
La volonté de la commune est de maîtrise l’ensemble du foncier de ladite parcelle cadastrée AI n° [Cadastre 5] afin de la céder à terme à la société Logis Familial.
Afin de permettre à cette parcelle voisine cadastrée AI n° [Cadastre 5] d’accéder aux deux niveaux de sous-sol de la future construction effectuée sur le bien objet de la présente vente par la rampe prévue au permis de construire ci-dessus visé, la société Logis Familial s’engage à réaliser lors de la construction du bien une réservation dans le mur de soutènement en limite de la parcelle sud conformément au plan des deux niveaux de sous-sol ci-après annexés.
Le vendeur précise que lors de la que lors de la construction de l’ensemble immobilier, objet des présentes, il réalisera en limite de la parcelle sud, conformément aux plans des niveaux des sous-sols un mur fusible au droit de la circulation des véhicules.
L’acquéreur déclare expressément d’ores et déjà agréer sans réserve lesdits travaux et consentir à la régularisation d’une servitude de passage à régulariser au profit de la parcelle voisine cadastrée section AI n° [Cadastre 5] et donne irrévocablement tout pouvoir à cet effet au vendeur ou au syndic professionnel le cas échéant à l’effet de régulariser l’acte de constitution de servitude dont les termes et conditions sont plus amplement précisés dans l’état descriptif de division – règlement de copropriété du 9 février 2018. »
Il résulte de l’article R. 261-5 du code de la construction et de l’habitation que la vente d'un immeuble à construire peut-être assortie d'un mandat donné par l'acquéreur au vendeur à l'effet de passer les actes de disposition devant affecter les biens et droits vendus et indispensables à la construction du bâtiment dont tout ou partie forme l'objet de la vente.
Ce texte ajoute que le mandat peut également concerner les actes indispensables à la construction d'autres bâtiments désignés par le mandat s'ils doivent comporter des parties communes avec celui dont tout ou partie forme l'objet de la vente et qu’il doit indiquer spécialement la nature, l'objet et les conditions des actes en vue desquels il est donné.
Le permis de construire accordé le 1er septembre 2021 par le maire de la commune de [Localité 2] pour la réalisation de la deuxième tranche de travaux sur la parcelle AI n° [Cadastre 5] a été attaqué par certains des copropriétaires demandeurs invoquant notamment qu’il n’était pas conforme au plan local d’urbanisme, à défaut pour le terrain d’avoir accès à une voie publique ou privée.
Cette requête a été rejetée par jugement rendu par le tribunal administratif de Nice le 11 mai 2023 au motif qu’un permis de régularisation avait été délivré par arrêté du 19 août 2022 en conditionnant l’autorisation à la production par le pétitionnaire de l’acte authentique de servitude de passage au plus tard au dépôt de la déclaration d’ouverture de chantier.
La juridiction administrative a retenu que l’instance en annulation de la résolution n° 17 de l’assemblée générale du 27 juillet 2022 ayant donné mandat au syndic de régulariser la servitude de passage n’était pas de nature à vicier le permis de construire délivré par la commune et n’a pas retenu que l’absence de servitude de passage, donnant accès au projet, était constitutive d’une fraude de la société Logis Familial.
Il résulte de ces éléments que, comme le soutenaient les requérants devant la juridiction administrative, l’accès de la parcelle AI n° [Cadastre 5] à la voie publique était insuffisant pour permettre l’édification d’un second ensemble immobilier sur celle-ci si bien que le vendeur pouvait, conformément à l’article R. 261-5 du code de la construction et de l’habitation, recevoir valablement un mandat spécial de tous les acquéreurs dans l’acte de VEFA pour constituer une servitude de passage sur l'immeuble objet de la vente au profit du terrain voisin.
L’acte constitutif de la servitude figurant aux actes de vente n’ayant pas été régularisé avant l’achèvement de la construction et la livraison des lots aux acquéreurs, la personnalité morale du syndicat a eu pour conséquence que c’était à l'assemblée générale de donner mandat au syndic de régulariser l’acte constitutif au nom du syndicat conformément à l’article 14 de la loi du 10 juillet 1965 et à l’article 1984 du code civil.
Tel était précisément l’objet de la résolution critiquée habilitant le syndic en exercice à régulariser par acte authentique la servitude de passage à laquelle ils avaient expressément consenti en signant les actes d’acquisition de lots en l’état futur d’achèvement.
La constitution de la servitude grevant les parties communes, contrairement à l’analyse des demandeurs, n’était donc pas soumise à un vote de l’assemblée générale au contraire du mandat à donner au syndic pour représenter le syndicat, personne morale née lors de la livraison des lots, pour procéder aux formalités.
Les demandeurs font également valoir que la constitution de cette servitude emporte l’exécution de travaux par la création d’un passage dans deux « murs maîtres », ce qui est inexact au regard des actes produits qui, depuis l’origine de la construction, prévoyaient l’édification de murs « fusibles » destinés à permettre la création du passage.
Par conséquent, le moyen tiré de ce que la résolution n°17 adoptée par l’assemblée générale du 27 juillet 2022 est fondé sur une clause du règlement de copropriété qui doit être réputée non écrite, pour créer un déséquilibre significatif entre les droits et obligations des parties et être contraire à l’article 8 de la loi du 10 juillet 1965, sera rejeté.
2. Sur la majorité applicable au vote de la résolution litigieuse.
En vertu de l'article 25, d, de la loi du 10 juillet 1965, l’assemblée générale décide des conditions auxquelles sont réalisés les actes de disposition sur les parties communes ou sur les droits accessoires à ces parties communes (droit de surélever un bâtiment, d'édifier de nouveaux bâtiments dans les cours, parcs et jardins, droit d'affouiller de tels cours, parcs ou jardins) lorsque ces actes résultent d'obligations légales ou réglementaires telles que celles relatives à l'établissement de cours communes, d'autres servitudes ou à la cession de droits de mitoyenneté.
Dans ces hypothèses, l'assemblée générale ne statue pas sur le principe de l'opération, sur l'opportunité de la réaliser, puisqu’elle est par définition obligatoire et inévitable pour la copropriété, et la délibération ne porte que sur les conditions, techniques et financières, auxquelles l’acte de disposition doit être conclu.
En revanche, au terme de l’article 26 de la loi du 10 juillet 1965, sont décidés à la double majorité les actes d’acquisition immobilière et les actes de disposition autres que ceux visés à l’article 25, d, à savoir les aliénations ou constitutions de droits réels, tels que servitudes, ou les droits de jouissance exclusif sur partie commune, que le syndicat consent volontairement.
En l’espèce, la résolution litigieuse a été soumise au vote à la majorité de l’article 25 de la loi du 10 juillet 1965, ce qui est contesté par les copropriétaires demandeurs qui estiment que la double majorité de l’article 26 était applicable au vote de cette décision.
Or, la résolution litigieuse ayant pour objet de donner mandat au syndic pour régulariser la constitution d’une servitude de passage découlant d’une obligation de nature règlementaire préexistante était soumise à la majorité de tous les copropriétaires prévue par l’article 25 de la loi du 10 juillet 1965.
Cette résolution a obtenu 4.568/8266 voix pour, 2.749/8266 voix contre et un copropriétaire représentant 137 voix s’est abstenu.
Il ressort de la première page du procès-verbal de l’assemblée générale du 27 juillet 2022 que :
les copropriétaires présents ou représentés totalisaient 9.188/10.000 tantièmes, les copropriétaires absents ou non représenté totalisaient 812/10.000 tantièmes.
La majorité de l’article 25 de la loi du 10 juillet 1965 doit se calculer sur la totalité des voix des copropriétaires de l’immeuble, et non exclusivement des copropriétaires présents ou représentés lors de l’assemblée si bien qu’en principe, la résolution devait obtenir 5.001/10.000 voix favorables pour être valablement adoptée.
Toutefois, il convient de constater que la société Le Logis Familial disposait de 5.867/10.000 voix correspondant à ses tantièmes généraux si bien que lui était applicable la réduction de voix prévue par l’article 22 alinéa 2 de la loi du 10 juillet 1965.
Selon ce texte, lorsqu’un copropriétaire possède une quote-part des parties communes supérieure à la moitié, le nombre des voix dont il dispose est réduit à la somme des voix des autres copropriétaires.
Ainsi, lorsqu'un copropriétaire possède plus de la moitié des voix à l'assemblée générale, la réduction de ses voix à la somme des voix des autres copropriétaires doit être calculée par rapport à l'ensemble des voix de tous les copropriétaires qu'ils soient présents ou non lors du vote.
Dès lors que la société Logis Familial disposait de plus de la moitié de 10.000 voix, le nombre de ses voix de 5.867 a été réduit à 4.133 correspondant à la somme des voix de tous les autres copropriétaires.
La majorité devait ainsi être calculée, non pas sur 10.000, mais sur 8.266 voix : 4.133 voix attribués à la société Logis Familial après réduction et 4.133 voix totalisées par les autres copropriétaires.
Par conséquent, la majorité de l’article 25 était fixée à 4.134 voix et, la résolution ayant obtenu 4.568 voix, elle a été valablement adoptée.
Il s’ensuit que le moyen de nullité de la résolution n°17 de l’assemblée générale du 27 juillet 2022 pour défaut de respect de la majorité requise sera également rejeté.
3. Sur l’abus de majorité.
Aux termes de l’article 14, alinéa 4, de la loi du 10 juillet 1965, le syndicat des copropriétaires a pour objet la conservation et l’amélioration de l’immeuble ainsi que l’administration des parties communes.
Néanmoins, une décision, bien qu'intervenue dans des formes régulières et dans la limite des pouvoirs d’une assemblée générale, peut faire l’objet d’un recours en annulation lorsqu'elle a été le résultat de manœuvres destinées à obtenir, par surprise de certains copropriétaires, un vote contraire aux intérêts collectifs, qu’elle lèse un ou plusieurs copropriétaires sans être pour autant conforme à l'intérêt commun ou qu’elle révèle une inégalité de traitement entre les copropriétaires.
Une assemblée générale de copropriété peut ainsi être annulée pour abus de majorité qui consiste à utiliser la majorité soit dans un intérêt autre que l'intérêt collectif ou dans un intérêt qui lui est contraire, soit avec l'intention de nuire.
Il appartient au copropriétaire demandeur à la nullité de rapporter la preuve de l’abus de droit.
Cet abus de droit ou de majorité doit néanmoins être distingué de la simple opposition d’intérêts que révèle nécessairement tout système de vote majoritaire.
L’action engagée pour abus de droit ou de majorité implique que le demandeur fournisse la preuve, sinon d’un préjudice strictement personnel, du moins d’un préjudice injustement infligé à une minorité ou d’une rupture de l’égalité de traitement entre les membres de la copropriété.
En l’espèce, les copropriétaires demandeurs font valoir que la société Logis Familial a utilisé la majorité dans un intérêt autre que l’intérêt collectif pour lui permettre de mettre en œuvre le programme immobilier sur le terrain voisin, projet sur la consistance duquel ils auraient été trompés en indiquant que, mieux informés ils auraient pu renoncer à leur acquisition.
Pour autant, l’objet de la résolution attaquée se distingue du principe même de la constitution d’une servitude de passage par le sous-sol de l’immeuble au profit du fonds voisin auquel ont consenti les copropriétaires dans leurs actes d’acquisition de lots.
Les demandeurs contestent en réalité les clauses figurant dans leurs actes d’achat en indiquant que l’ampleur du projet à réaliser sur la parcelle voisine n’était pas encore défini.
Ils invoquent également les nuisances qu’engendrera cet accès par le sous-sol au bénéfice des résidents de l’immeuble [Adresse 10] 2 en aggravant les conditions de circulation alors que le tribunal administratif, qui disposait de tous les plans du nouveau projet, a relevé dans sa décision du 14 juin 2022 qu’un accès spécifique serait créé depuis leur résidence, séparant les flux entre [Adresse 10] et [Adresse 10] 2.
Les circonstances invoquées ne se réfèrent pas à l’assemblée générale au cours de laquelle mandat a été donné au syndic de régulariser la servitude de passage prévue aux actes concrétisant l’engagement pris par chacun des copropriétaires individuellement, dont il n’est pas soutenu qu’il n’est pas valable.
La constitution de cette servitude ayant été acceptée selon des modalités précises par les copropriétaires, lesquels ont donné irrévocablement mandat au vendeur ou au syndic professionnel de procéder aux formalités requises, la décision de confier au syndic sa régularisation conformément à cet engagement ne peut, à lui seul, constituer un abus de majorité.
Par conséquent, les demandeurs seront déboutés de leur demande de prononcé de la nullité de la résolution n° 17 de l’assemblée générale des copropriétaires de l’immeuble dénommé [Adresse 10] du 27 juillet 2022.
Sur les demandes accessoires.
Parties perdantes au procès, Mme [BS] [B], Mme [YT] [S], M. [KE] [RE] [C] [A], Mme [U] [W], M. [R] [O], M. [LJ] [I], M. [SB] [X], M. [LB] [G], M. [M] [N], Mme [H] [V] [Y], M. [HU] [K], M. [P] [T], M. [L] [E] [F], Mme [Z] [MO], Mme [TO] [IR], Mme [FJ] [NU], Mme [JW] [OR], Mme [J] [PH], Mme [ZP] [FF] et Mme [GK] [EA] seront condamnés aux dépens ainsi qu’à verser au syndicat des copropriétaires de l’immeuble dénommé [Adresse 10] situé [Adresse 10] à [Localité 2], la somme de 2.000 euros sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile.
DISPOSITIF (décision proprement dite) (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)
PAR CES MOTIFS :
Le tribunal, statuant après débats publics, par jugement contradictoire rendu en premier ressort,
DÉCLARE recevable l’intervention volontaire accessoire de la société Logis Familial ;
DÉBOUTE Mme [BS] [B], Mme [YT] [S], M. [KE] [RE] [C] [A], Mme [U] [W], M. [R] [O], M. [LJ] [I], M. [SB] [X], M. [LB] [G], M. [M] [N], Mme [H] [V] [Y], M. [HU] [K], M. [P] [T], M. [L] [E] [F], Mme [Z] [MO], Mme [TO] [IR], Mme [FJ] [NU], Mme [JW] [OR], Mme [J] [PH], Mme [ZP] [FF] et Mme [GK] [EA] de leur demande de prononcé de la nullité de la résolution n° 17 de l’assemblée générale des copropriétaires de l’immeuble dénommé [Adresse 10] du 27 juillet 2022 ;
DÉBOUTE Mme [BS] [B], Mme [YT] [S], M. [KE] [RE] [C] [A], Mme [U] [W], M. [R] [O], M. [LJ] [I], M. [SB] [X], M. [LB] [G], M. [M] [N], Mme [H] [V] [Y], M. [HU] [K], M. [P] [T], M. [L] [E] [F], Mme [Z] [MO], Mme [TO] [IR], Mme [FJ] [NU], Mme [JW] [OR], Mme [J] [PH], Mme [ZP] [FF] et Mme [GK] [EA] de toutes leurs demandes ;
CONDAMNE Mme [BS] [B], Mme [YT] [S], M. [KE] [RE] [C] [A], Mme [U] [W], M. [R] [O], M. [LJ] [I], M. [SB] [X], M. [LB] [G], M. [M] [N], Mme [H] [V] [Y], M. [HU] [K], M. [P] [T], M. [L] [E] [F], Mme [Z] [MO], Mme [TO] [IR], Mme [FJ] [NU], Mme [JW] [OR], Mme [J] [PH], Mme [ZP] [FF] et Mme [GK] [EA] à verser au syndicat des copropriétaires de l’immeuble dénommé [Adresse 10] situé [Adresse 10] à [Localité 2], la somme de 2.000 euros sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile ;
CONDAMNE Mme [BS] [B], Mme [YT] [S], M. [KE] [RE] [C] [A], Mme [U] [W], M. [R] [O], M. [LJ] [I], M. [SB] [X], M. [LB] [G], M. [M] [N], Mme [H] [V] [Y], M. [HU] [K], M. [P] [T], M. [L] [E] [F], Mme [Z] [MO], Mme [TO] [IR], Mme [FJ] [NU], Mme [JW] [OR], Mme [J] [PH], Mme [ZP] [FF] et Mme [GK] [EA] aux dépens ;
Le présent jugement a été signé par le Président et le Greffier.
LE GREFFIER LE PRÉSIDENT
- 6151 - Code civil et Droit commun - Sanction directe des déséquilibres significatifs - Droit postérieur à l’ordonnance du 10 février 2016 et à la loi du 20 avril 2018 - Art. 1171 C. civ. - Application dans le temps
- 6152 - Code civil et Droit commun - Sanction directe des déséquilibres significatifs - Droit postérieur à l’ordonnance du 10 février 2016 et à la loi du 20 avril 2018 - Art. 1171 C. civ. – Articulation avec d’autres dispositions
- 8261 - Code civil et Droit commun - Sanction directe des déséquilibres significatifs - Droit postérieur à l’ordonnance du 10 février 2016 -Loi de ratification n° 2018-287 du 20 avril 2018 - Art. 1171 C. civ. – Domaine d'application
- 24311 - Code civil - Sanction directe des déséquilibres significatifs - Art. 1171 C. civ. (Ord. 10 février 2016 – L. ratif. 20 avril 2018). – Présentation par contrat – Vente d’immeuble à construire - Vefa