TJ NÎMES (Jcp), 11 février 2025
CERCLAB - DOCUMENT N° 24413
TJ NÎMES (Jcp), 11 février 2025 : RG n° 24/01435
Publication : Judilibre
Extrait : « L’article R. 632-1 du code de la consommation dispose que « le juge écarte d’office, après avoir recueilli les observations des parties, l’application d’une clause dont le caractère abusif ressort des éléments du débat ». Selon l’article 1171 du code civil, « dans un contrat d’adhésion, toute clause qui crée un déséquilibre significatif entre les droits et obligations des parties au contrat est réputée non-écrit. L’appréciation du déséquilibre significatif ne porte ni sur l’objet principal du contrat ni sur l’adéquation du prix à la prestation ». Le juge doit examiner d’office le caractère abusif d’une clause incluse dans un contrat conclu entre un consommateur et un professionnel.
En l’espèce, il résulte des clauses du contrat que la vente du véhicule est assortie d’une clause retardant le transfert de propriété de l’acquéreur jusqu’au paiement intégral du bien. En outre, l’emprunteur, pour le compte duquel le prêteur règle entre les mains du vendeur le montant financé, subroge expressément le prêteur dans cette réserve de propriété à l’instant même du paiement. Or, un paiement fait par le débiteur ne peut emporter subrogation, et ce même si la quittance énonce que ce paiement est fait au moyen de deniers empruntés à un tiers. Le créancier subrogeant doit recevoir son paiement d’une tierce personne, ce qui n’est pas le cas en l’espèce puisque l’auteur du paiement est l’acquéreur-emprunteur devenu, dès la conclusion du contrat, propriétaire des fonds ainsi libérés entre les mains du vendeur par le prêteur. La clause insérée au contrat, est donc une clause de « laisser croire » qui donne l’impression à l’acquéreur que la réserve de propriété a été régulièrement transférée. Or, la subrogation étant inopérante, cette clause sera déclarée abusive en ce qu’elle crée un déséquilibre significatif entre les parties.
La demande de restitution du véhicule formulée en application de la clause litigieuse sera donc rejetée. »
RÉPUBLIQUE FRANÇAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
TRIBUNAL JUDICIAIRE DE NÎMES
JUGE DES CONTENTIEUX DE LA PROTECTION
JUGEMENT DU 11 FÉVRIER 2025
ÉLÉMENTS D’IDENTIFICATION DE LA DÉCISION (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)
R.G. n° 24/01435 - N° Portalis DBX2-W-B7I-KWP6.
DEMANDERESSE :
SA CONSUMER FINANCE
RCS EVRY N° XXX. [adresse], représentée par Maître Renaud ROCHE de la SELARL LEVY ROCHE SARDA, avocats au barreau de LYON substituée par Maître Isabelle VIGNON, avocat au barreau de NIMES
DÉFENDEUR :
M. X.
né le [date] à [ville], non comparant, ni représenté
COMPOSITION DU TRIBUNAL :
Président : Laurence ALBERT, Vice-Président exerçant les fonctions de juge des contentieux de la protection
Greffier : Maureen THERMEA lors des débats et Coraline MEYNIER lors de la mise à disposition au greffe.
DÉBATS :
Date de la première évocation : 19 novembre 2024
Date des Débats : 19 novembre 2024
Date du Délibéré : 11 février 2025
DÉCISION : réputée contradictoire conformément à l'article 473 du code de procédure civile, en premier ressort, rendue publiquement par mise à disposition au greffe du tribunal judiciaire de Nîmes, le 11 février 2025 en vertu de l'article 450 alinéa 2 du code de procédure civile.
EXPOSÉ DU LITIGE (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)
EXPOSÉ DU LITIGE :
Suivant offre préalable acceptée le 2 août 2022, la SA CA CONSUMER FINANCE a consenti à Monsieur X. un prêt affecté à l’acquisition d’un véhicule de marque MERCEDES modèle classe CLS 350, d’un montant de 20.000 euros, au taux contractuel annuel de 4,81%.
A la suite d’impayés, une mise en demeure lui a été adressée le 22 novembre 2023 d’avoir à payer sous quinze jours la somme de 1.987,79 euros.
La déchéance du terme a été notifiée par lettre recommandée avec accusé de réception, reçue le 2 janvier 2024.
Par acte du 23 septembre 2024, la SA CA CONSUMER FINANCE a fait citer Monsieur X. devant le juge des contentieux de la protection du tribunal judiciaire de Nîmes.
Elle sollicite la condamnation de Monsieur X. à lui payer :
- la somme de 19.492,98 euros, portant intérêt au taux contractuel de 4,810 % à compter de la délivrance de l’assignation,
- la somme de 500 euros sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile, outre les entiers dépens.
La SA CA CONSUMER FINANCE sollicite, en outre, que soit ordonnée la restitution du véhicule de marque MERCEDES modèle classe CLS 350.
A l’audience du 19 novembre 2024, en application de l’article R. 632-1 du code de la consommation, le juge soulève notamment le moyen de droit tiré de la forclusion et l’éventuelle déchéance du droit aux intérêts du prêteur en application des articles L. 341-1 et suivants du code de la consommation pour l’absence de vérification de la solvabilité de l’emprunteur à partir d’un nombre suffisant d’informations, ainsi que le défaut de consultation probante du fichier FICP. Il soulève enfin le caractère abusif de la clause de réserve de propriété stipulée au contrat.
La SA CA CONSUMER FINANCE comparaît, représentée par son avocat, et poursuit le bénéfice de son assignation.
Monsieur X., régulièrement cité selon les modalités de l’article 659 du Code de procédure civile, ne comparaît pas.
MOTIFS (justification de la décision) (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)
MOTIFS :
Selon l'article 472 du code de procédure civile, si le défendeur ne comparaît pas, il est néanmoins statué sur le fond. Le juge ne fait droit à la demande que dans la mesure où il l'estime régulière, recevable et bien fondée.
Le présent litige est relatif à un crédit soumis aux dispositions de la loi n° 2010-737 du 1er juillet 2010, de sorte qu’il sera fait application des articles du code de la consommation dans leur numérotation et rédaction en vigueur après le 1er mai 2011 et au jour du contrat.
Sur la recevabilité :
La forclusion de l’action en paiement est une fin de non-recevoir qui doit être relevée d’office par le juge en application de l’article 125 du code de procédure civile comme étant d’ordre public selon l’article L. 314-24 du code de la consommation.
En l’espèce, la déchéance du terme a été reçue le 2 janvier 2024 ; le premier incident de paiement non régularisé est daté du 10 juillet 2023.
Au regard des pièces produites aux débats, en particulier du contrat et de l’historique du compte, il apparaît que la présente action a été engagée le 23 septembre 2024 avant l’expiration d’un délai de deux années à compter du premier incident de paiement non régularisé, conformément aux dispositions de l’article R. 312-35 du code de la consommation.
En conséquence, la SA CA CONSUMER FINANCE sera déclarée recevable en ses demandes.
Sur la vérification de la solvabilité :
Aux termes de l’article L. 312-16 du code de la consommation, avant de conclure un contrat de crédit, le prêteur vérifie la solvabilité de l’emprunteur à partir d’un nombre suffisant d’informations, y compris des informations fournies par ce dernier à la demande du prêteur.
Le prêteur doit prouver qu’il a rempli son obligation de mise en garde, laquelle lui impose de vérifier les capacités financières des emprunteurs profanes.
Selon l’article L. 341-2 du code de la consommation, le prêteur qui n’a pas respecté les obligations fixées aux articles L. 312-14 et L. 312-16 est déchu du droit aux intérêts en totalité ou dans la proportion fixée par le juge.
En l’espèce, la SA CA CONSUMER FINANCE produit trois bulletins de paie de mai à juillet 2022 mentionnant un salaire net mensuel de 2.908,39 euros. Toutefois, l’étendue réelle de l’endettement de l’emprunteur ne semble pas avoir été vérifiée dès lors qu’aucun relevé bancaire n’est produit par le prêteur et que ces bulletins de paie à eux-seuls ne peuvent suffire à évaluer la solvabilité de l’emprunteur.
En outre, aucun justificatif n’est produit afin pour justifier du montant de la charge locative (loyer de 400 euros) qui a été déclarée par Monsieur X. et mentionnée sur la fiche de dialogue.
Or, la fiche de dialogue n’est qu’un outil ayant pour objet de contribuer à l’évaluation de la solvabilité de l’emprunteur ; c’est pourquoi de simples déclarations non étayées, faites par le consommateur, ne peuvent, en elles-mêmes, être qualifiées de suffisantes, si elles ne sont pas accompagnées de pièces justificatives.
La SA CA CONSUMER FINANCE produit un document justifiant la consultation du FICP daté du 2 août 2022.
Ce document ne peut avoir de réelle valeur probante dans la mesure où la SA CA CONSUMER FINANCE produit un document émis par le prêteur lui-même dont la « clé BDF » ne correspond pas à un code d'identification sécurisé communiqué par le FICP lors d'une consultation. En effet, ladite clé correspond seulement à la date de naissance de l'emprunteur immédiatement suivie des 5 premières lettres de son nom.
Or, la mention d'une telle clé, dont le prêteur dispose des éléments constitutifs, et qu'il peut donc façonner lui-même en indiquant une date de son choix pour la consultation, réelle ou supposée, ne constitue pas la preuve de la consultation exigée par l'article L. 312-16 du code de la consommation En sus, ledit document ne mentionne aucun résultat et n’est pas accompagné de l’attestation officielle de consultation délivrée par la Banque de France sur simple demande du prêteur.
Par conséquent la déchéance totale du droit aux intérêts sera prononcée de ce chef eu égard à la gravité du manquement de la SA CA CONSUMER FINANCE.
Aux termes de l’article L. 341-8 du code la consommation, lorsque le prêteur est déchu du droit aux intérêts dans les conditions prévues aux articles L. 341-1 à L.341-7, l’emprunteur n’est tenu qu’au seul remboursement du capital suivant l’échéancier prévu, ainsi que, le cas échéant, au paiement des intérêts dont le prêteur n’a pas été déchu. Les sommes déjà perçues au titre des intérêts, qui sont productives d’intérêts au taux légal à compter du jour de leur versement, sont restituées par le prêteur ou imputées sur le capital restant dû.
La somme due se limite ainsi au montant du capital prêté déduction faite des versements effectués dès l’origine du contrat.
Il ressort de l’historique du compte que depuis la conclusion du contrat de prêt Monsieur X. a versé la somme de 3.017,52 euros.
Il reste donc à devoir (20.000 euros - 3 017,52 euros) soit 16 982,48 euros que l’emprunteur sera condamné à payer à la SA CA CONSUMER FINANCE.
Afin d'assurer l’effectivité du droit de l’Union européenne dont les dispositions nationales ne sont que la transposition, exigence réaffirmée par les arrêts CJUE des 27/03/201 C-565/12 et 9/11/2016 C-42-15 (point 65), il convient d'écarter toute application des articles1231-6 du code civil et L 313-3 du code monétaire et financier, qui affaiblissent, voire annihilent la sanction de déchéance du droit aux intérêts, il convient de dire que cette somme ne produira aucun intérêt, même au taux légal.
Sur la demande de restitution du véhicule :
L’article R. 632-1 du code de la consommation dispose que « le juge écarte d’office, après avoir recueilli les observations des parties, l’application d’une clause dont le caractère abusif ressort des éléments du débat ».
Selon l’article 1171 du code civil, « dans un contrat d’adhésion, toute clause qui crée un déséquilibre significatif entre les droits et obligations des parties au contrat est réputée non-écrit. L’appréciation du déséquilibre significatif ne porte ni sur l’objet principal du contrat ni sur l’adéquation du prix à la prestation ».
Le juge doit examiner d’office le caractère abusif d’une clause incluse dans un contrat conclu entre un consommateur et un professionnel.
En l’espèce, il résulte des clauses du contrat que la vente du véhicule est assortie d’une clause retardant le transfert de propriété de l’acquéreur jusqu’au paiement intégral du bien. En outre, l’emprunteur, pour le compte duquel le prêteur règle entre les mains du vendeur le montant financé, subroge expressément le prêteur dans cette réserve de propriété à l’instant même du paiement.
Or, un paiement fait par le débiteur ne peut emporter subrogation, et ce même si la quittance énonce que ce paiement est fait au moyen de deniers empruntés à un tiers. Le créancier subrogeant doit recevoir son paiement d’une tierce personne, ce qui n’est pas le cas en l’espèce puisque l’auteur du paiement est l’acquéreur-emprunteur devenu, dès la conclusion du contrat, propriétaire des fonds ainsi libérés entre les mains du vendeur par le prêteur.
La clause insérée au contrat, est donc une clause de “laisser croire” qui donne l’impression à l’acquéreur que la réserve de propriété a été régulièrement transférée.
Or, la subrogation étant inopérante, cette clause sera déclarée abusive en ce qu’elle crée un déséquilibre significatif entre les parties.
La demande de restitution du véhicule formulée en application de la clause litigieuse sera donc rejetée.
Sur les autres demandes :
Ni l’équité, ni la situation respective des parties ne justifient l’application des dispositions de l’article 700 du code de procédure civile, de sorte que la demande formée de ce chef sera donc rejetée.
Succombant à l’instance, Monsieur X. sera condamné aux dépens.
En application de l’article 514 du code de procédure civile, la décision de première instance est de droit exécutoire à titre provisoire à moins que la loi ou le juge n’en dispose autrement.
DISPOSITIF (décision proprement dite) (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)
PAR CES MOTIFS :
Le juge des contentieux de la protection du tribunal judiciaire de Nîmes, statuant par mise à disposition au greffe le 11 février 2025 par jugement réputé contradictoire et rendu en premier ressort,
JUGE recevables les demandes de la SA CA CONSUMER FINANCE,
JUGE que la SA CA CONSUMER FINANCE est déchue de son droit aux intérêts conventionnels au titre du contrat litigieux,
CONDAMNE Monsieur X. à payer la somme de 16 982,48 euros, sans intérêts,
DEBOUTE la SA CONSUMER FINANCE de sa demande en restitution du véhicule en application de la clause contractuelle de réserve de propriété réputée non-écrite,
DEBOUTE la SA CA CONSUMER FINANCE de sa demande au titre de l’article 700 du code de procédure civile,
CONDAMNE Monsieur X. aux entiers dépens de l’instance,
RAPPELLE que la décision est de droit exécutoire à titre provisoire.
AINSI PRONONCE LES JOUR, MOIS ET AN SUSMENTIONNES
La greffière Le juge des contentieux de la protection
- 6152 - Code civil et Droit commun - Sanction directe des déséquilibres significatifs - Droit postérieur à l’ordonnance du 10 février 2016 et à la loi du 20 avril 2018 - Art. 1171 C. civ. – Articulation avec d’autres dispositions
- 8398 - Code civil - Sanction directe des déséquilibres significatifs - Art. 1171 C. civ. (Ord. 10 février 2016 – L. ratif. 20 avril 2018). – Régime de la protection – Effets de l’action
- 8530 - Code civil - Sanction directe des déséquilibres significatifs - Art. 1171 C. civ. (Ord. 10 février 2016 – L. ratif. 20 avril 2018). – Régime de la protection – Procédure
- 9752 - Code civil - Sanction directe des déséquilibres significatifs - Art. 1171 C. civ. (Ord. 10 février 2016 – L. ratif. 20 avril 2018). – Présentation par contrat – Financement