CA RENNES (3e ch. com.), 4 novembre 2025
- T. com. Lorient, 26 août 2024 : RG n° 2023J96
CERCLAB - DOCUMENT N° 24518
CA RENNES (3e ch. com.), 4 novembre 2025 : RG n° 24/05340 ; arrêt n° 322
Publication : Judilibre
Extrait : « Les parties ne contestent pas que le contrat conclu entre la société Aérialgroup et la société Bien Manger est un contrat hors établissement. Chaque partie produit un exemplaire du contrat duquel il ressort qu'il a été conclu dans un lieu différent de celui où la société Aérialgroup exerce habituellement et en présence simultanée des parties. En effet, le contrat a été signé manuscritement par la société Aérialgroup et la société Bien Manger à [Localité 9] alors que la société Aérialgroup a son siège social à [Adresse 7].
Les parties ne contestent pas non plus que l'objet du contrat n'entre pas dans le champ de l'activité principale de la société Bien Manger. En effet, cette dernière exerce une activité de restauration rapide et le contrat a pour objet la création d'un site internet.
Dans le document d'information pré contractuel qu'elle a rempli le 2 décembre 2021, la société Bien Manger a indiqué avoir 6 salariés. Devant la cour, elle indique n'avoir eu à l'époque que 5 salariés et produit en ce sens une attestation de son expert-comptable. Il résulte de l'attestation de cet expert-comptable en date du 18 août 2025 que la société Bien Manger employait au 2 décembre 2021 cinq salariés dont les noms sont indiqués. Il ne peut être déduit des termes de cette attestation qu'au 2 décembre 2021 la société Bien Manger n'employait pas d'autres salariés. La société Bien Manger ne produit pas le registre du personnel à la date du 2 décembre 2021.
Il apparaît ainsi que la société Bien Manger n'établit pas que la mention qu'elle a elle-même portée sur le document du 2 décembre 2021 ne correspondait pas à la réalité. Il y a lieu de retenir qu'elle employait 6 salariés à la date de la signature du contrat litigieux, comme son gérant l'a expressément indiqué dans le document pré-contractuel. A ce titre, les dispositions du code de la consommation ne sont donc pas applicables à la société Bien Manger. »
RÉPUBLIQUE FRANÇAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
COUR D’APPEL DE RENNES
TROISIÈME CHAMBRE COMMERCIALE
ARRÊT DU 4 NOVEMBRE 2025
ÉLÉMENTS D’IDENTIFICATION DE LA DÉCISION (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)
R.G. n° 24/05340. Arrêt n° 322. N° Portalis DBVL-V-B7I-VG45 (Réf 1ère instance : 2023J96)
COMPOSITION DE LA COUR LORS DES DÉBATS ET DU DÉLIBÉRÉ :
Président : Monsieur Alexis CONTAMINE, Président de chambre
Assesseur : Madame Sophie RAMIN, Conseiller,
Assesseur : Mme Constance DESMORAT, Conseiller, rappporteur,
GREFFIER : Madame Frédérique HABARE, lors des débats et lors du prononcé
DÉBATS : A l'audience publique du 16 septembre 2025, devant Madame Sophie RAMIN et Madame Constance DESMORAT Conseillères, magistrats tenant seules l'audience en la formation double rapporteurs, sans opposition des parties, et qui ont rendu compte au délibéré collégial.
ARRÊT : Contradictoire, prononcé publiquement le 4 novembre 2025 par mise à disposition au greffe comme indiqué à l'issue des débats
APPELANTE :
SAS LOCAM
immatriculée au Registre du Commerce et des Sociétés de Saint Etienne sous le numéro B XXX agissant poursuite et diligences de ses représentants légaux domiciliés au siège [Adresse 5], [Localité 2], Représentée par Maître Guillaume MIGAUD de la SELARL ABM DROIT ET CONSEIL AVOCATS E. BOCCALINI & MIGAUD, Plaidant, avocat au barreau de VAL-DE-MARNE, Représentée par Maître Christophe COSSONNET, Postulant, avocat au barreau de LORIENT
INTIMÉES :
SARL BIEN MANGER
immatriculée au Registre du Commerce et des Sociétés de LORIENT B sous le numéro YYY prise en la personne de ses représentants légaux domiciliés en cette qualité au siège, [Adresse 10], [Localité 4], Représentée par Maître Marine EISENECKER de la SELARL LE MAGUER RINCAZAUX EISENECKER CHANET EHRET GUENNEC, Plaidant/Postulant, avocat au barreau de LORIENT
SAS AERIAL GROUP RCS [Localité 8]
immatriculée au RCS de [Localité 8] sous le n° ZZZ, prise en la personne de son représentant légal domicilié en cette qualité au siège, [Adresse 1], [Localité 3], Représentée par Maître Anne-Laure GAUVRIT de la SELARL LBG ASSOCIES, Plaidant/Postulant, avocat au barreau de VANNES
EXPOSÉ DU LITIGE (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)
EXPOSÉ DU LITIGE :
Le 2 décembre 2021, la société Bien Manger a conclu avec la société Aérialgroup un contrat de licence d'exploitation de site internet d'une durée de 48 mois au montant mensuel de 252 euros TTC.
Le 4 février 2022, la société Aerial Group a facturé la vente d'un site internet, Dossier Bien Manger, à la société Locam.
Le site internet a été livré le 16 février 2022.
Le 21 février 2022, la société Locam a adressé à la société Bien Manger une facture unique de loyers portant sur les échéances de loyers de 252 euros chacune du 10 mars 2022 au 10 février 2026.
Par lettre recommandée avec accusé de réception en date du 23 octobre 2022, la société Locam a mis en demeure la société Bien Manger de payer la somme de 1.430 euros au titre des loyers impayés, clause pénale et indemnités de retard. Elle lui a également notifié la clause résolutoire.
Le 3 mars 2023, la société Locam a assigné la société Bien Manger devant le tribunal de commerce de Lorient aux fins notamment de paiement de la somme de 12.474 euros à titre principal.
La société Bien Manger a assigné en intervention forcée la société Aérialgroup le 16 juin 2023.
Par jugement du 26 août 2024, le tribunal de commerce de Lorient a :
- Dit que la société Locam ne justifie pas de sa qualité à agir envers la société Bien Manger,
En conséquence,
- déclaré irrecevables les demandes de la société Locam à l'encontre de la société Bien Manger,
- Débouté la société Bien Manger de sa demande de dommages et intérêts d'un montant de 13.000 euros formulée à l'encontre de la société Aérialgroup et de la société Locam pour défaut de loyauté contractuelle depuis le début de la relation contractuelle,
- Condamné la société Locam à payer à la société Bien Manger la somme de 2.000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile,
- Condamné la société Bien Manger à payer à la société Aérialgroup la somme de 2.000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile,
- Débouté la société Locam de sa demande au titre de l'article 700 du code de procédure civile,
- Condamné la société Locam aux entiers dépens de l'instance, dont frais de greffe liquidés à la somme de 99,04 euros TTC,
- Dit toutes autres demandes, fins et conclusions des parties injustifiées et en tout cas mal fondées, les en déboute.
Par jugement du 27 août 2024, le tribunal de commerce de Lorient a rectifié matériellement le jugement du 26 août 2024 et a ainsi inversé le nom des conseils des sociétés Bien Manger et Aérialgroup et condamné la société Bien Manger à payer à celle-ci la somme de 1.500 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile.
Le 25 septembre 2024, la société Locam a interjeté appel de ces jugements.
Les dernières conclusions de la société Locam sont en date du 15 juillet 2025, celles de la société Aérialgroup en date du 2 juin 2025 et celles de la société Bien Manger en date du 19 août 2025.
L'ordonnance de clôture a été rendue le 4 septembre 2025.
MOYENS ET PRÉTENTIONS :
Suivant ses dernières conclusions, la société Locam demande à la cour de :
- Juger la société Locam recevable et bien fondée en l'ensemble de ses demandes, fins et conclusions,
- Au contraire, juger la société Bien Manger tant irrecevable que mal fondée en toutes ses demandes fins et conclusions,
En conséquence :
- Infirmer le jugement déféré en toutes ses dispositions et notamment en ce qu'il :
- Dit que la société Locam ne justifie pas de sa qualité à agir envers la société Bien Manger,
- En conséquence, déclare irrecevables les demandes de la société Locam à l'encontre de la société Bien Manger,
- Déboute la société Bien Manger de sa demande de dommages et intérêts d'un montant de 13.000 euros formulée à l'encontre de la société Aérialgroup et de la société Locam pour défaut de loyauté contractuelle depuis le début de la relation contractuelle,
- Condamne la société Locam à payer à la société Bien Manger la somme de 2.000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile,
- Condamne la société Bien Manger à payer à la société Aérialgroup la somme de 2.000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile,
- Déboute la société Locam de sa demande au titre de l'article 700 du code de procédure civile,
- Condamne la société Locam aux entiers dépens de l'instance, dont frais de greffe liquidés à la somme de 99,04 euros TTC,
- Dit toutes autres demandes, fins et conclusions des parties injustifiées et en tout cas mal fondées, les en déboute.
Statuant à nouveau :
- Condamner la société Bien Manger à payer à la société Locam, la somme de 12.474,00 euros et ce avec intérêts égal au taux appliqué par la Banque centrale européenne à son opération de refinancement la plus récente majoré de 10 points de pourcentage (article L.441-10 du code de commerce) et ce à compter de la date de la mise en demeure soit le 23.10.2022.
- Ordonner l'anatocisme des intérêts en application des dispositions de l'article 1343-2 du code civil.
- Ordonner la restitution par la société Bien Manger du matériel objet du contrat et ce, sous astreinte par 50 euros par jour de retard à compter de la date du jugement à intervenir.
- Condamner la société Bien Manger au paiement de la somme de 4.000 euros en application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile.
- Condamner la société Bien Manger aux entiers dépens de la présente instance.
[*]
Suivant ses dernières conclusions, la société Bien Manger demande à la cour de :
Confirmer la décision en ce qu'elle a :
- Dit que la société Locam ne justifie pas de sa qualité à agir envers la société Bien Manger,
- En conséquence, déclaré irrecevables les demandes de la société Locam à l'encontre de la société Bien Manger,
- Condamné société Locam à payer à la société Bien Manger la somme de 2.000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile,
- Débouté société Locam de sa demande au titre de l'article 700 du code de procédure civile,
- Condamné société Locam aux entiers dépens de l'instance.
Infirmer ladite décision en ce qu'elle a :
- Débouté la société Bien Manger de sa demande de dommages et intérêts d'un montant de 13.000 euros formulée à l'encontre de la société Aérialgroup et de société Locam pour défaut de loyauté contractuelle depuis le début de la relation contractuelle,
- Condamné la société Bien Manger à payer à la société Aérialgroup la somme de 1.500 euros au titre de l'article 700 du Code de Procédure civile.
En conséquence, statuant à nouveau :
A titre principal :
Si cession de créances :
- Prononcer l'inopposabilité de la cession de créance intervenue, au bénéfice de la société Locam, par le contrat conclu le 2 décembre 2021 entre la société Aérialgroup et la société Bien Manger,
- Débouter la société Locam de toutes ses demandes, fins et conclusions,
Si cession de contrat :
- Prononcer la nullité de la cession de contrat intervenue, au bénéfice de la société Locam, par le contrat conclu le 2 décembre 2021 entre la société Aérialgroup et la société Bien Manger,
- Débouter la société Locam de toutes ses demandes, fins et conclusions,
A titre subsidiaire :
- Prononcer la nullité du contrat conclu le 2 décembre 2021, et par voie de conséquence,
- Prononcer la caducité du contrat de location,
- Débouter la société Locam de toutes ses demandes, fins et conclusions.
A titre infiniment subsidiaire :
- Prononcer, aux torts exclusifs de la société Aérialgroup, la résolution du contrat conclu le 2 décembre 2021, et par voie de conséquence,
- Prononcer la caducité du contrat de location,
- Débouter la société Locam de toutes ses demandes, fins et conclusions.
A titre encore plus subsidiaire :
- Prononcer la résiliation du contrat conclu le 2 décembre 2021, à compter du 5 août 2022, et par voie de conséquence,
- Prononcer la caducité du contrat de location conclu à cette date,
- Débouter la société Locam de toutes ses demandes, fins et conclusions, sauf en ce qui concerne les loyers entre le 16 février 2022 (date du PV de livraison) et le 5 août 2022 (date de la résiliation),
- Condamner la société Aérialgroup à garantir à la société Bien Manger de toute condamnation qui pourrait être prononcée à son encontre.
En tout état de cause :
- Débouter la société Locam de toutes ses demandes, fins et conclusions,
- Débouter la société Aérialgroup de toutes ses demandes, fins et conclusions,
- Condamner la société Aérialgroup à garantir à la société Bien Manger de toute condamnation qui pourrait être prononcée à son encontre,
- Réduire la clause pénale à 1 euro symbolique,
- Condamner solidairement la société Locam et la société Aérialgroup au paiement de la somme de 13.000 euros de dommages et intérêts en réparation du préjudice subi par la société Bien Manger, pour un défaut de loyauté depuis le début de la relation contractuelle,
- Condamner solidairement la société Locam et la société Aérialgroup à payer à la société Bien Manger une somme de 5.000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile, outre les entiers dépens de première instance et d'appel.
[*]
Suivant ses dernières conclusions, la société Aérialgroup demande à la cour de :
- Dire et juger la société Aérialgroup recevable et bien fondée en ses conclusions,
- Confirmer le jugement prononcé le 26/08/2024 par le tribunal de commerce de Lorient en ce qu'il a jugé comme suit :
* Déboute la société Bien Manger de sa demande de dommages et intérêts d'un montant de 13.000 euros formulée à l'encontre de la société Aérialgroup,
* Condamne la société Bien Manger à payer à la société Aérialgroup la somme de 2.000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile,
* Infirmer le jugement prononcé le 26/08/2024 par le tribunal de commerce de Lorient en ce qu'il a :
* Dit toutes autres demandes, fins et conclusions des parties injustifiées et en tout cas mal fondées, les en déboute.
Statuant à nouveau :
- Condamner la société Bien Manger à régler à la société Aérialgroup la somme de 11.340 euros TTC correspondant aux loyers échus et à échoir en cas de nullité du contrat Locam.
A titre subsidiaire si le jugement est réformé :
- Débouter la société Bien Manger et toute partie de l'ensemble de leurs demandes, fins et conclusions à l'égard de la société Aérialgroup.
En tout état de cause :
- Condamner tout succombant à régler à la société Aérialgroup de la somme de 2 500 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile,
- Condamner tout succombant aux dépens de la procédure en application de l'article 699 du code de procédure civile.
[*]
Il est renvoyé aux dernières écritures des parties visées supra pour l'exposé complet de leurs moyens et prétentions.
MOTIFS (justification de la décision) (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)
DISCUSSION :
Sur le défaut de qualité à agir de la société Locam :
La société Bien Manger fait valoir que la société Locam ne dispose pas de la qualité à agir à son égard du fait de l'inopposabilité de la cession de créance ou de la nullité de la cession de contrat intervenue entre cette dernière et la société Aérialgroup et ce faute pour la cession de lui avoir été notifiée.
Article 1216 du code civil
Un contractant, le cédant, peut céder sa qualité de partie au contrat à un tiers, le cessionnaire, avec l'accord de son cocontractant, le cédé.
Cet accord peut être donné par avance, notamment dans le contrat conclu entre les futurs cédant et cédé, auquel cas la cession produit effet à l'égard du cédé lorsque le contrat conclu entre le cédant et le cessionnaire lui est notifié ou lorsqu'il en prend acte.
La cession doit être constatée par écrit, à peine de nullité.
L'article 2 du contrat du 2 décembre 2021 intitulé « Transfert – Cession » mentionne que « le client reconnaît à Aérialgroup la possibilité de céder les droits résultants du présent contrat au profit d'un cessionnaire, et il accepte dès aujourd'hui ce transfert sous la seule condition suspensive de l'accord du cessionnaire. Le client ne fait pas de la personne du cessionnaire une condition de son accord. Le client sera informé de la cession par tout moyen et notamment par le libellé de la facture échéancier ou de l'avis de prélèvement qui lui sera adressé. (...) Le cessionnaire peut être soit la société Locam (...) soit Finaho SAS (...) ou tout autre affilié à Aérialgroup dont le client sera informé par le libellé de la facture échéancier ou par l'avis de prélèvement qui lui sera adressé. »
Le contrat a été signé par la gérante de la société Bien Manger qui, de la sorte, reconnaît la possibilité de la cession du contrat à un tiers.
La société Bien Manger considère que la clause est insuffisamment précise sur l'identité du prestataire financier pour que son consentement à la cession du contrat soit valable qui, dès lors, doit lui être notifiée.
La société Locam verse une facture du 4 février 2022 émise par la société Aérialgroup portant sur la « vente d'un site internet - dossier Bien Manger ».
La cession du contrat entre ces deux sociétés est établie.
La société Locam produit la « facture unique de loyers en euros » adressée à la société Bien Manger le 21 février 2022 qui reprend les 48 échéances de paiement devant intervenir du 10 mars 2022 au 10 février 2026. Cette facture précise le numéro de dossier : 1662496.
La société Bien Manger n'a pas contesté cette facture suite à sa réception.
Elle ne l'a pas non plus contestée dans le courrier du 18 juillet 2022 de mise en demeure et le courrier du 5 août 2022 de résiliation anticipée adressés à la société Aérialgroup dans lesquels la société Bien Manger désigne la société Locam en qualité de créancier et fait mention du numéro 1662496 tel qu'il figure sur la facture du 21 février 2022.
La mention de ce numéro par la société Bien Manger démontre qu'elle a eu connaissance de la facture du 21 février 2022 adressée par Locam et donc de la cession du contrat.
Au surplus, la société Bien Manger reconnaît avoir payé trois loyers (mars, avril et mai 2022) à la société Locam qui est qualifiée de 'partenaire financier’dans le courrier du 2 septembre 2022 reçu de la société Aérialgroup.
La société Bien Manger ne peut donc prétendre n'avoir été informée de la cession du contrat entre la société Aérialgroup et la société Locam que par la mise en demeure de payer du 23 octobre 2022.
La société Locam justifie ainsi de sa qualité à agir à l'égard de la société Bien Manger en paiement des loyers.
Le jugement sera infirmé.
Sur la demande en paiement :
La société Locam fonde sa demande en paiement sur les dispositions contractuelles.
La société Bien Manger réplique que le contrat initial conclu entre elle et la société Aérialgroup est nul, résolu ou résilié ce qui entraîne la caducité de la cession du contrat au profit de la société Locam. Elle fait valoir enfin que la clause pénale peut être réduite.
Sur la nullité du contrat :
La société Bien Manger fait valoir que les dispositions du code de la consommation lui sont applicables de sorte que le défaut d'information relatif au droit de rétractation emporte nullité du contrat du 2 décembre 2021 ce que réfute la société Locam.
Les dispositions du code de la consommation sont applicables aux professionnels sous réserve de la réunion de trois conditions.
Article L. 221-3 du code de la consommation
Les dispositions des sections 2, 3, 6 du présent chapitre applicables aux relations entre consommateurs et professionnels, sont étendues aux contrats conclus hors établissement entre deux professionnels dès lors que l'objet de ces contrats n'entre pas dans le champ de l'activité principale du professionnel sollicité et que le nombre de salariés employés par celui-ci est inférieur ou égal à cinq.
Les parties ne contestent pas que le contrat conclu entre la société Aérialgroup et la société Bien Manger est un contrat hors établissement.
Chaque partie produit un exemplaire du contrat duquel il ressort qu'il a été conclu dans un lieu différent de celui où la société Aérialgroup exerce habituellement et en présence simultanée des parties.
En effet, le contrat a été signé manuscritement par la société Aérialgroup et la société Bien Manger à [Localité 9] alors que la société Aérialgroup a son siège social à [Adresse 7].
Les parties ne contestent pas non plus que l'objet du contrat n'entre pas dans le champ de l'activité principale de la société Bien Manger. En effet, cette dernière exerce une activité de restauration rapide et le contrat a pour objet la création d'un site internet.
Dans le document d'information pré contractuel qu'elle a rempli le 2 décembre 2021, la société Bien Manger a indiqué avoir 6 salariés.
Devant la cour, elle indique n'avoir eu à l'époque que 5 salariés et produit en ce sens une attestation de son expert-comptable.
Il résulte de l'attestation de cet expert-comptable en date du 18 août 2025 que la société Bien Manger employait au 2 décembre 2021 cinq salariés dont les noms sont indiqués.
Il ne peut être déduit des termes de cette attestation qu'au 2 décembre 2021 la société Bien Manger n'employait pas d'autres salariés.
La société Bien Manger ne produit pas le registre du personnel à la date du 2 décembre 2021.
Il apparaît ainsi que la société Bien Manger n'établit pas que la mention qu'elle a elle-même portée sur le document du 2 décembre 2021 ne correspondait pas à la réalité. Il y a lieu de retenir qu'elle employait 6 salariés à la date de la signature du contrat litigieux, comme son gérant l'a expressément indiqué dans le document pré-contractuel.
A ce titre, les dispositions du code de la consommation ne sont donc pas applicables à la société Bien Manger.
Il y a lieu de rejeter la demande d'annulation du contrat du 2 décembre 2021.
Sur la résolution du contrat :
La société Bien Manger demande la résolution du contrat en se prévalant des dispositions du code civil.
Article 1224 du code civil
La résolution résulte soit de l'application d'une clause résolutoire soit, en cas d'inexécution suffisamment grave, d'une notification du créancier au débiteur ou d'une décision de justice.
Une partie peut notifier la résolution du contrat au cocontractant après une mise en demeure.
Article 1226 du code civil
Le créancier peut, à ses risques et périls, résoudre le contrat par voie de notification. Sauf urgence, il doit préalablement mettre en demeure le débiteur défaillant de satisfaire à son engagement dans un délai raisonnable.
La mise en demeure mentionne expressément qu'à défaut pour le débiteur de satisfaire à son obligation, le créancier sera en droit de résoudre le contrat.
Lorsque l'inexécution persiste, le créancier notifie au débiteur la résolution du contrat et les raisons qui la motivent.
Le débiteur peut à tout moment saisir le juge pour contester la résolution. Le créancier doit alors prouver la gravité de l'inexécution.
Par lettre recommandé avec accusé de réception du 18 juillet 2022 la société Bien Manger a mis la société Aérialgroup en demeure de rectifier le nom de domaine et les fautes d'orthographe sans indiquer de délai d'exécution.
Elle a notifié la résiliation du contrat dans les mêmes formes le 5 août 2022 à effet rétroactif au 23 juillet 2022.
La société Bien Manger fait valoir que la signature du procès-verbal de livraison ne signifie pas que la société Aérialgroup a effectué correctement la prestation.
Le procès-verbal de livraison et de conformité a été signé sans réserve par la société Bien Manger le 16 février 2022.
La société Aérialgroup produit les messages de la société Bien Manger qui a demandé des modifications sur le site entre le 9 février et le 1er juin 2022. Ces demandes concernent l'ajout ou la modification de texte et d'images, la correction de fautes d'orthographe (une fois le 3 mars 2022) et du nom de domaine (1er juin 2022).
Ces échanges ne caractérisent pas le fait que le site ne pouvait pas être considéré comme livré.
S'agissant spécifiquement du nom de domaine, le contrat mentionne dans sa partie « désignation du site » que l'adresse 1 est « www.bienmanger-traiteur.fr » et l'adresse 2 est « www.bienmanger-traiteur.com ».
Il apparaît ainsi que le nom de domaine en « .fr »était privilégié par la société Bien Manger.
Des échanges de courriels entre la société Bien Manger et la société Aérialgroup les 7 avril, 20 avril, 4 mai et 12 mai 2022, il ressort que la société Bien Manger a demandé la modification du nom de domaine en '.fr’au lieu de '.com'.
La société Aérialgroup a indiqué qu'il appartient à la société Bien Manger de faire la modification nécessaire ainsi : « le plus simple est que vous gardiez la gestion de votre nom de domaine bienmanger-traiteur.fr et que vous modifiez vos DNS chez OVH en renseignant l'IP de notre serveur. »
La société Aérialgroup a ensuite proposé de contacter l'informaticien de la société Bien Manger à cette fin ce qui semble avoir été fait mais sans suites particulières au regard des termes du courriel du 18 mai 2022 adressé à la société Bien Manger par la société Maintenance Conseil et Equipements Informatiques.
La proposition de la société Aérialgroup a été réitérée par courrier en date du 22 juillet 2022 avec la proposition de la société Aérialgroup d'y procéder elle-même sous réserve que la société Bien Manger lui communique ses codes d'accès à 'One and one'.
Il n'est pas justifié que la société Bien Manger ait communiqué à la société Aerialgroup les codes permettant à cette dernière de modifier la terminaison du nom du site.
Le nom du site.com attribué correspond au second choix émis par la société Bien Manger. Il en résulte que cette attribution ne présentait pas pour elle de gravité particulière.
Il apparait ainsi que la société Bien Manger ne justifie pas avoir permis à la société Aerial Group de corriger le nom du site, ni d'une gravité pour elle de l'attribution d'un nom en.com au lieu d'un nom en.fr.
Aucun élément produit aux débats ne démontre que le site n'a jamais été opérationnel, que la société Bien Manger ne l'a jamais utilisé ni n'en ait eu les accès comme elle le prétend.
Il s'ensuit que les inexécutions contractuelles que la société Bien Manger reproche à la société Aérialgroup ne sont pas d'une gravité suffisante pour justifier la résolution du contrat.
Sur la résiliation du contrat :
La société Bien Manger a résilié le contrat par lettre du 5 août 2022.
Comme il a été vu supra, les fondements de cette résiliation ne permettent pas de caractériser des manquements de la société Aérial Group ou de la société Locam de nature à justifier une résiliation du contrat à ses torts.
La résiliation prononcée l'a donc été aux torts de la société Bien Manger. Il n'y a pas lieu de prononcer une résiliation qui l'a déjà été.
Sur la demande en paiement :
Le contrat prévoit en son article 18 les modalités et conséquences d'une résiliation.
Il est ainsi prévu que le cessionnaire ou la société Aerialgroup peut prononcer cette résiliation dans certaines conditions qui sont précisées, notamment en cas de non-paiement d'échéances ou de cessation d'activité.
Le contrat ouvre également au locataire la possibilité de résilier à tout moment le contrat s'il le souhaite mais avec l'accord du loueur et sous réserve du paiement des loyers échus et à échoir à titre de clause de dédit.
La résiliation par le cessionnaire ou la société Aerialgroup est encadrée contractuellement et limité à certains cas d'inexécution des obligations contractuelles du client. En parallèle, la résiliation par le client est possible mais doit être compensée par une indemnisation du loueur. Cette dernière clause de l'article 18.4 du contrat n'est donc pas abusive. La demande d'annulation de cette clause sera rejetée.
La société Bien Manger est redevable des loyers échus et impayés, soit la somme de 1.260 euros.
Sur le montant de l'indemnité de résiliation :
L'article 18.3 du contrat mentionne que « le client devra verser au cessionnaire ou à Aérialgroup :
- une somme égale au montant des échéances impayées au jour de la résiliation majorée d'une clause pénale de 10 % et des intérêts de retard
- une somme égale à la totalité des échéances restant à courir jusqu'à la fin de contrat majoré d'une clause pénale de 10% sans préjudice de tout dommages et intérêts que le client pourrait devoir au cessionnaire et/ou Aérialgroup du fait de la résiliation. »
Le juge peut modérer le montant dû au titre de la clause pénale.
Article 1231-5 du code civil
Lorsque le contrat stipule que celui qui manquera de l'exécuter paiera une certaine somme à titre de dommages et intérêts, il ne peut être alloué à l'autre partie une somme plus forte ni moindre.
Néanmoins, le juge peut, même d'office, modérer ou augmenter la pénalité ainsi convenue si elle est manifestement excessive ou dérisoire.
Lorsque l'engagement a été exécuté en partie, la pénalité convenue peut être diminuée par le juge, même d'office, à proportion de l'intérêt que l'exécution partielle a procuré au créancier, sans préjudice de l'application de l'alinéa précédent.
Toute stipulation contraire aux deux alinéas précédents est réputée non écrite.
Sauf inexécution définitive, la pénalité n'est encourue que lorsque le débiteur est mis en demeure.
La société Bien Manger a bénéficié des prestations commandées. Leur fourniture en entraîné des frais pour le prestataire, frais dont le paiement était amorti sur la durée prévue du contrat.
Il n'y a donc pas lieu de réduire la somme due au titre des loyers restant à courir.
La société Bien Manger sera condamnée à ce titre à payer la somme de 10.080 euros.
Au regard de la somme que la société Bien Manger est tenue de payer et des prestations effectivement réalisées, ainsi que des frais engagés par la société Locam, la clause pénale de 10 % n'apparaît pas manifestement excessive. Il n'y a pas lieu de la réduire.
Par conséquent, la société Bien Manger sera condamnée à payer à la société Locam la somme de 12.474 euros avec intérêts au taux d'intérêt appliqué par la Banque centrale européenne à son opération de refinancement la plus récente majoré de 10 points de pourcentage à compter du 27 octobre 2022, date de signature de l'accusé de réception de la lettre de mise en demeure.
Sur la capitalisation des intérêts :
La capitalisation des intérêts s'applique dès lors que la demande en est faite et qu'il est constaté que les intérêts échus sont dus au moins pour une année entière.
Il y a lieu de faire droit à la demande d'anatocisme de la société Aérialgroup.
Sur l'appel en garantie :
La société Bien Manger demande que la société Aérialgroup la garantisse des condamnations prononcées à son encontre.
La société Aérialgroup réplique que le consentement donné par la société Bien Manger à la cession du contrat ne permet pas à cette dernière de former une telle demande.
Ainsi qu'il a été développé en amont, la cession du contrat intervenue entre la société Aérialgroup et la société Locam a été portée à la connaissance de la société Bien Manger qui a ensuite réglé les trois premiers loyers entre les mains de la société Locam, cessionnaire.
La société Bien Manger a donc consenti à la cession du contrat ce qui a eu pour effet de libérer la société Aérialgroup.
Article 1216-1 du code civil.
Si le cédé y a expressément consenti, la cession de contrat libère le cédant pour l'avenir.
A défaut, et sauf clause contraire, le cédant est tenu solidairement à l'exécution du contrat.
La demande de la société Bien Manger sera donc rejetée.
Sur la restitution :
La société Locam demande la restitution du matériel loué.
S'agissant d'un site internet, la société Locam n'indique pas de quel matériel elle demande la restitution. Sa demande sera rejetée.
Sur la demande de dommages et intérêts :
La société Bien Manger fonde sa demande de dommages et intérêts sur la déloyauté contractuelle de la société Aérialgroup et la société Locam.
Article 1231-1 du code civil
Le débiteur est condamné, s'il y a lieu, au paiement de dommages et intérêts soit à raison de l'inexécution de l'obligation, soit à raison du retard dans l'exécution, s'il ne justifie pas que l'exécution a été empêchée par la force majeure.
Comme il a été vu supra, les manquements contractuels de la société Aérialgroup ne sont pas établis. Il n'est pas non plus établi que la société Locam ait manqué à ses obligations.
En outre, la société Bien Manger ne caractérise pas le préjudice qu'elle aurait subi du fait des manquements contractuels allégués.
La déloyauté contractuelle alléguée ne repose que sur 'la mauvaise presse du système et les nombreux groupements de victimes’issus de recherches de la société Bien Manger sur la société Locam sur internet.
Cela est insuffisant à démontrer l'existence d'une faute de la société Locam ainsi que le préjudice en découlant de la société Bien Manger dont la demande indemnitaire, tant envers la société Locam que la société Aérialgroup, sera rejetée.
Sur les frais et dépens :
La société Bien Manger, partie succombante, sera condamnée aux dépens de première instance et d'appel.
En équité, il n'y a pas lieu de prononcer des condamnations au titre de l'article 700 du code de procédure civile.
DISPOSITIF (décision proprement dite) (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)
PAR CES MOTIFS :
La cour,
Infirme le jugement du 26 août 2024 rectifié le 27 août 2024 en ce qu'il a :
- Dit que la société Locam ne justifie pas de sa qualité à agir envers la société Bien Manger,
En conséquence, déclaré irrecevables les demandes de la société Locam à l'encontre de la société Bien Manger,
- Condamné la société Locam à payer à la société Bien Manger la somme de 2.000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile,
- Débouté la société Locam de sa demande au titre de l'article 700 du code de procédure civile,
- Dit toutes autres demandes, fins et conclusions des parties injustifiées et en tout cas mal fondées, les en déboute.
Confirme le jugement pour le surplus des dispositions soumises à la cour,
Statuant à nouveau et y ajoutant,
- Condamne la société Bien Manger à payer à la société Locam - Location Automobiles Matériels - la somme de 12.474 euros avec intérêts au taux d'intérêt appliqué par la Banque centrale européenne à son opération de refinancement la plus récente majoré de 10 points de pourcentage à compter du 27 octobre 2022,
- Dit que les intérêts échus dus au moins pour une année entière seront capitalisés,
- Rejette les autres demandes,
- Condamne la société Bien Manger aux dépens de première instance et d'appel.
Le Greffier, Le Président,
- 24525 - Code de la consommation - Domaine d’application - Contrats conclus hors établissement par des « petits professionnels » (art. L. 221-3 C. consom.) - 4 - Conclusion hors établissement
- 24526 - Code de la consommation - Domaine d’application - Contrats conclus hors établissement par des « petits professionnels » (art. L. 221-3 C. consom.) - 5 - Taille de l’entreprise
- 24529 - Code de la consommation - Domaine d’application - Contrats conclus hors établissement par des « petits professionnels » (art. L. 221-3 C. consom.) - 6 - Objet du contrat