CA ROUEN (ch. prox.), 1er juillet 2010
CERCLAB - DOCUMENT N° 2519
CA ROUEN (ch. prox.), 1er juillet 2010 : RG n° 09/04379
Publication : Jurica
Extrait : « Attendu que pour s'opposer à cette décision, la société FACET SA soulève le principe de l'article 1134 du Code civil et le principe constitutionnel du droit de propriété ; mais attendu que si elle demande à l'emprunteur d'exécuter les obligations qu'il a souscrites (le remboursement de l'emprunt contracté) elle se doit également de respecter les conditions du remboursement telles qu'elles sont définies par le Code de la consommation ; qu'ainsi, le premier juge se devait d'appliquer les dispositions dérogatoires au droit commun des contrats que constitue le Code de la consommation ; qu'en ce qui concerne le droit de propriété, il apparaît qu'en aucun cas le premier juge n'a violé le droit de propriété légitime de la société FACET SA sur ses biens alors que par l'effet du prêt à la consommation, l'emprunteur devient le propriétaire de la chose prêtée.
Attendu que c'est par des motifs pertinents que la cour adopte que le premier juge a constaté que le découvert utile à l'ouverture du compte a été dépassé dès le mois de janvier 1999 sans que l'organisme de crédit ne régularise la situation de telle sorte que ce dépassement constitue le premier incident de paiement non régularisé qui fait courir le délai de forclusion biennale de l'action ; qu'en ne réclamant qu'en novembre 2008 le paiement des sommes qu'elle estimait lui être dues, la société FACET SA doit être déclarée forclose en son action ; qu'il convient dès lors de confirmer en toutes ses dispositions le jugement entrepris et de débouter la société FACET SA de l'ensemble de ses demandes à l'encontre de Monsieur X. »
COUR D’APPEL DE ROUEN
CHAMBRE DE LA PROXIMITÉ
ARRÊT DU 1er JUILLET 2010
ÉLÉMENTS D’IDENTIFICATION DE LA DÉCISION (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)
RG n° 09/04379. DÉCISION DÉFÉRÉE : Jugement du TRIBUNAL D'INSTANCE DE ROUEN du 4 septembre 2009.
APPELANTE :
SOCIÉTÉ FACET
[adresse], représentée par la SCP DUVAL BART, avoués à la Cour, assistée de Maître Astrid LEFEZ, avocat au barreau de ROUEN
INTIMÉS :
Monsieur X.
[adresse], représenté par la SCP COLIN-VOINCHET RADIGUET-THOMAS ENAULT, avoués à la Cour, assisté de Maître Céline DUSSART, avocat au barreau de ROUEN (bénéficie d'une aide juridictionnelle Totale numéro 2009/XX du [date] accordée par le bureau d'aide juridictionnelle de Rouen)
Madame Y. épouse X.
[adresse], représentée par Maître COUPPEY, avoué à la Cour, assistée de Maître Juliette AURIAU, avocat au barreau de ROUEN (bénéficie d'une aide juridictionnelle Totale numéro 2009/YY du [date] accordée par le bureau d'aide juridictionnelle de Rouen)
COMPOSITION DE LA COUR : [minute Jurica page 2] En application des dispositions des articles 786 et 910 du Code de procédure civile, l'affaire a été plaidée et débattue à l'audience du 3 juin 2010 sans opposition des avocats devant Madame PLANCHON, Président, rapporteur, en présence de Madame PRUDHOMME, Conseiller,
Le magistrat rapporteur a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la Cour composée de : Madame PLANCHON, Président, Madame PRUDHOMME, Conseiller, Madame AUBLIN-MICHEL, Conseiller
GREFFIER LORS DES DÉBATS : Madame NOEL-DAZY, Greffier
DÉBATS : À l'audience publique du 3 juin 2010, où l'affaire a été mise en délibéré au 1er juillet 2010
ARRÊT : CONTRADICTOIRE. Prononcé publiquement le 1er juillet 2010, par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du Code de procédure civile, signé par Madame PLANCHON, Président et par Madame NOEL-DAZY, Greffier présent à cette audience.
EXPOSÉ DU LITIGE (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)
Suivant offre préalable du 18 septembre 1997, la société FACET SA a consenti à Monsieur X. une offre de crédit accessoire ou non à un contrat de vente utilisable par fraction ; l'emprunteur bénéficiait d'un découvert maximum autorisé de 50.000 francs (7.622,45 €) et choisissait la somme de 12.000 francs (1.829,38 €) au titre du découvert utile, remboursable suivant un taux effectif global de 15,48 %. Ses obligations n'ont pas été respectées et les époux X. ont bénéficié d'un plan de surendettement le 1er août 2008 prononcé par le tribunal d'instance de ROUEN.
Les époux X. ont connu des difficultés personnelles et Madame X. a assigné la société FACET SA afin de connaître la nature de l'emprunt souscrit par son mari. La société FACET SA a fait valoir sa créance et sollicité la condamnation de Monsieur X. au paiement des sommes dues puisque les termes du plan de surendettement n'étaient pas respectés.
Par jugement contradictoire du 4 septembre 2009, le tribunal d'instance de ROUEN a :
* débouté Madame Y. épouse X.,
* [minute Jurica page 3] déclaré forclose et irrecevable l'action de la société FACET SA,
* dit n'y avoir lieu à application de l'article 700 du Code de procédure civile,
* débouté les parties de leurs autres demandes,
* dit n'y avoir lieu à exécution provisoire du jugement,
* condamné la société FACET SA aux dépens.
Le 25 septembre 2009, la société FACET SA a régulièrement interjeté appel de cette décision à l'encontre de Monsieur X. et de Madame X.
Les parties ont constitué avoué le 5 novembre 2009. Puis par courrier du 22 janvier 2010, la société FACET SA s'est désistée de son recours à l'encontre de Madame X.
Demandes et prétentions :
Dans ses dernières conclusions du 23 avril 2010 auxquelles il convient expressément de se référer pour l'exposé des faits de la cause, des moyens et des prétentions soulevés, la société FACET SA demande à la cour d'infirmer le jugement entrepris et de condamner Monsieur X. à lui payer la somme de 10.334,06 € outre les intérêts au taux contractuel de 15,48 % à compter du 27 août 2008 ainsi que la somme de 2.000 € sur le fondement des dispositions de l'article 700 du Code de procédure civile ainsi que les dépens de 1re instance et d'appel.
À l'appui de ses demandes, elle fait valoir que les obligations légalement souscrites doivent être exécutées en ce qu'elles font la loi des parties. Elle rappelle la légalité du mécanisme du découvert utile à l'ouverture et du découvert maximum autorisé. Elle indique que la défaillance de l'emprunteur doit s'analyser dans la faute que commet l'emprunteur dans l'exécution de ses obligations. En l'espèce, un plan de surendettement a été consenti à Monsieur X., et ce n'est qu'ensuite du non-respect des règlements prévus au plan qu'il doit être considéré l'existence d'une défaillance du débiteur.
Le point de départ du délai de forclusion est le premier incident de paiement non régularisé mais la Cour de cassation, en retenant que dans le cadre d'un compte renouvelable, il pouvait être fixé au jour du dépassement du découvert autorisé ce qui est contraire aux dispositions de l'article L. 311-37 du Code de la consommation. Elle soutient encore que faire application de cette jurisprudence spolie l'organisme prêteur de son droit de propriété. Or, ce droit a valeur constitutionnelle et ainsi, l'atteinte au droit de propriété doit être exceptionnelle lorsque la nécessité publique l'impose, ce qui n'est pas le cas en l'espèce. En effet, l'intérêt général n'est nullement concerné par les litiges individuels de crédit à la consommation. La seule sanction possible à une éventuelle illégalité du mécanisme du découvert utile et du découvert maximum autorisé est la déchéance du droit aux intérêts. Par conséquent, c'est à tort que le tribunal a cru retenir la forclusion de l'action.
Elle conteste qu'une quelconque des clauses contenues dans le contrat souscrit par Monsieur X. puisse être qualifiée de « clause abusive » puisqu'elles sont toutes la reproduction des modèles réglementaires et que les augmentations de découvert sont intervenues régulièrement dans la limite du montant maximum autorisé et ne sauraient en conséquence être sanctionnées de quelque façon que ce soit.
En ce qui concerne le bordereau détachable de rétractation, elle souligne qu'il doit être joint à l'offre préalable et est donc un document distinct et indépendant du contrat ; il est soumis à [minute Jurica page 4] un régime juridique différent. Il n'a pas à être joint à l'exemplaire du prêteur puisqu'il ne présente aucune utilité à cette partie.
Enfin, la preuve de l'information annuelle peut être donnée par l'organisme prêteur par tout moyen et la société n'est pas tenue de rapporter la preuve de la réception des relevés par l'emprunteur.
C'est pourquoi elle sollicite la condamnation de Monsieur X. à lui payer les sommes suivantes :
- mensualités échues et impayées ...................... : 3.990,98 €
- capital restant dû ............................................ : 6.343,08 €
TOTAL ................. : 10.334,06 €, avec intérêts au taux conventionnel à compter du 27 août 2008.
Dans ses dernières écritures en réponse signifiées le 4 mai 2010 auxquelles il convient également de se référer pour l'exposé des moyens en réponse de l'intimé, Monsieur X. réclame la confirmation du jugement entrepris à titre principal et à titre subsidiaire, il sollicite de la cour qu'elle :
- dise que la société FACET SA est déchue du droit aux intérêts pour absence de bordereau détachable de rétractation joint à l'offre de crédit,
- enjoigne à la société FACET SA de communiquer un nouveau décompte duquel seront extraits les intérêts depuis l'origine du contrat,
- à défaut, dise, que la société FACET SA est déchue du droit aux intérêts pour défaut d'information annuelle à compter du 18 septembre 1998,
- à défaut, dise que la société FACET SA est déchue du droit aux intérêts pour dépassement du capital pouvant être emprunté à compter du 13 octobre 1998,
- enjoigne à la société FACET SA de communiquer un nouveau décompte duquel seront extraits les intérêts à compter du 13 octobre 1998,
- supprime purement et simplement l'indemnité légale sollicitée,
- dise qu'il sera fait application de l'intérêt au taux légal,
- dise que la société FACET SA a engagé sa responsabilité et manqué à son devoir de conseil et d'information,
- la condamne en conséquence à lui payer la somme équivalente au montant des condamnations mises à sa charge,
- en tout état de cause, condamne la société FACET SA à lui payer la somme de 1.000 € sur le fondement des dispositions de l'article 700 du Code de procédure civile ainsi que les dépens de 1ère instance et d'appel.
Madame X. n'a pas conclu devant la cour.
L'ordonnance de clôture a été rendue le 28 mai 2010.
MOTIFS (justification de la décision) (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)
[minute Jurica page 5] SUR CE,
Attendu que l'offre de crédit a été consentie par la société FACET SA et acceptée par Monsieur X. le 18 septembre 1997, utilisable par fraction et remboursable à un taux effectif global variable en fonction du montant emprunté, pour un montant maximum autorisé de 50.000 francs (7.622,45 €) et un découvert initial utile choisi par Monsieur X. de 12.000 francs soit 1.829,39 € ; attendu qu'au cours du mois de janvier 1999, Monsieur X. a obtenu de l'organisme prêteur un crédit supplémentaire portant le découvert à 20.000 francs sans qu'une nouvelle offre n'ait été régularisée entre les parties ;
Attendu que le premier juge a retenu que l'action de la société FACET SA était forclose pour avoir été intentée plus de deux ans après le dépassement du découvert convenu entre les parties sans qu'une nouvelle offre n'ait été régularisée, caractérisant ainsi l'incident de défaillance de l'emprunteur ; qu'observant que ce dépassement avant été constaté au mois de janvier 1999 et qu'il n'a été régularisé par aucune nouvelle offre de crédit alors que la réclamation de cet organisme date du 18 novembre 2008, le premier juge a déclaré la société FACET SA était irrecevable en sa demande, son action étant forclose.
Attendu que pour s'opposer à cette décision, la société FACET SA soulève le principe de l'article 1134 du Code civil et le principe constitutionnel du droit de propriété ; mais attendu que si elle demande à l'emprunteur d'exécuter les obligations qu'il a souscrites (le remboursement de l'emprunt contracté) elle se doit également de respecter les conditions du remboursement telles qu'elles sont définies par le Code de la consommation ; qu'ainsi, le premier juge se devait d'appliquer les dispositions dérogatoires au droit commun des contrats que constitue le Code de la consommation ; qu'en ce qui concerne le droit de propriété, il apparaît qu'en aucun cas le premier juge n'a violé le droit de propriété légitime de la société FACET SA sur ses biens alors que par l'effet du prêt à la consommation, l'emprunteur devient le propriétaire de la chose prêtée.
Attendu que c'est par des motifs pertinents que la cour adopte que le premier juge a constaté que le découvert utile à l'ouverture du compte a été dépassé dès le mois de janvier 1999 sans que l'organisme de crédit ne régularise la situation de telle sorte que ce dépassement constitue le premier incident de paiement non régularisé qui fait courir le délai de forclusion biennale de l'action ; qu'en ne réclamant qu'en novembre 2008 le paiement des sommes qu'elle estimait lui être dues, la société FACET SA doit être déclarée forclose en son action ; qu'il convient dès lors de confirmer en toutes ses dispositions le jugement entrepris et de débouter la société FACET SA de l'ensemble de ses demandes à l'encontre de Monsieur X.
Attendu que l'appelante qui succombe en son recours supportera la charge des dépens d'appel.
Attendu qu'il n'apparaît pas inéquitable de laisser à Monsieur X. la charge de ses frais irrépétibles exposés par lui.
DISPOSITIF (décision proprement dite) (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)
PAR CES MOTIFS :
LA COUR,
Confirme en toutes ses dispositions le jugement rendu le 4 septembre 2009 par le tribunal d'instance de ROUEN,
Constate le désistement d'appel de la société FACET SA à l'encontre de Madame X.,
Condamne la société FACET SA aux dépens d'appel qui seront recouvrés conformément aux dispositions de l'article 699 du Code de procédure civile et aux dispositions relatives à l'aide juridictionnelle.
Dit n'y avoir lieu à application de l'article 700 du Code de procédure civile au profit de Monsieur X.
Le Greffier Le Président
- 5745 - Code de la consommation - Régime de la protection - Consommateur - Effets - Suppression de la clause - Conséquences sur l’issue du litige - Effet rétroactif - Point de départ d’une forclusion - Illustrations
- 6280 - Code de la consommation - Présentation par contrat - Location sans option d’achat
- 6631 - Code de la consommation - Présentation par contrat - Banque - Crédit à la consommation - Crédits spécifiques - Crédit renouvelable - 2 - Clause de dispense d’offre (augmentation du crédit) - Obligation de faire une offre
- 6633 - Code de la consommation - Présentation par contrat - Banque - Crédit à la consommation - Crédits spécifiques - Crédit renouvelable - 4 - Clause de dispense d’offre (augmentation du crédit) - Clauses abusives