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CA BORDEAUX (5e ch. civ.), 16 octobre 2008

Nature : Décision
Titre : CA BORDEAUX (5e ch. civ.), 16 octobre 2008
Pays : France
Juridiction : Bordeaux (CA), 5e ch.
Demande : 07/01409
Date : 16/10/2008
Nature de la décision : Confirmation
Mode de publication : Juris Data
Date de la demande : 15/03/2007
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CERCLAB - DOCUMENT N° 2582

CA BORDEAUX (5e ch. civ.), 16 octobre 2008 : RG n° 07/01409

Publication : Jurica ; Juris-Data n° 2008-007142

 

Extraits : 1/ « L'article 4.4 du bail prévoit que le loyer étant stipulé portable, le locataire s'engage à régler au bailleur ou à son mandataire, en même temps que le loyer, les frais d'envoi de la quittance émise, à moins qu'il ne vienne la retirer. L'article 4 § p de la loi du 6 juillet 1989, modifié par l'article 84 de la loi n° 2006-872 du 13 juillet 2006, dispose qu'est réputée non écrite toute clause qui fait supporter au locataire des frais de relance ou d'expédition de la quittance ainsi que les frais de procédure, en plus des sommes versées au titre des dépens et de l'article 700 du code de procédure civile. Cependant, ce texte modifié n'est pas applicable au bail qui avait été conclu le 16 juin 2004 pour une durée de trois ans, soit antérieurement à son entrée en application, alors même que la recommandation n° 2000-01 du 17 février 2000 de la Commission des Clauses abusives (CCA) ne constituait qu'un avis sans création d'une obligation légale. Mademoiselle X. sera donc déboutée de sa demande de restitution des sommes perçues au titre des frais de quittance entre juillet 2004 et octobre 2006. »

2/ « Le contrat de bail dispose dans son article 4.12.1 qu'a défaut de paiement à son échéance exacte d'un terme de loyer et de ses accessoires, les sommes dues seront majorées de plein droit de 10 % à titre de clause pénale, cette majoration ne constitue en aucun cas une amende, mais la réparation du préjudice subi par le bailleur sans que cette stipulation puisse lui faire perdre le droit de demander l'application de la clause résolutoire. La CCA, dans sa recommandation susvisée du 17 février 2000 a considéré que de telles clauses, compte tenu de l'absence de réciprocité en cas de manquement du bailleur, sont source de déséquilibre contractuel au détriment du consommateur et doivent être éliminées des contrats. Cependant, cet avis de la CAA n'emportant pas obligation légale, la clause pénale litigieuse, qui a un caractère indemnitaire et ne constitue pas une amende, est donc licite et Mademoiselle X. doit être déboutée de sa demande de nullité de cette clause. »

 

COUR D’APPEL DE BORDEAUX

CINQUIÈME CHAMBRE CIVILE

ARRÊT DU 16 OCTOBRE 2008

 

ÉLÉMENTS D’IDENTIFICATION DE LA DÉCISION          (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)

R.G. n° 07/01409. Rédacteur Monsieur Bernard LAGRIFFOUL. Nature de la décision : AU FOND.     

[minute page 2] Décision déférée à la Cour : jugement rendu le 19 janvier 2007 par le Tribunal d'Instance de BORDEAUX (RG 11-06-000218) suivant déclaration d'appel du 15 mars 2007.

 

APPELANTE :

Mademoiselle X.

née le [date] à [ville], de nationalité française, demeurant [adresse], Représentée par la SCP FOURNIER, avoués à la Cour assistée de Maître CAZENAVE avocat au barreau de BORDEAUX (bénéficie d'une aide juridictionnelle Totale numéro 2007/XX du [date] accordée par le bureau d'aide juridictionnelle de BORDEAUX)

 

INTIMÉS :

Mademoiselle Y.

née le [date] à [ville] de nationalité française demeurant [adresse]

Monsieur Y.

de nationalité française demeurant [adresse]

Représentés par la SCP RIVEL & COMBEAUD, avoués à la Cour, assistés de Maître Béatrice LARRIEU loco de Maître DUPRAT avocat au barreau de BORDEAUX

 

COMPOSITION DE LA COUR : En application des dispositions des articles 786 et 910 du Code de Procédure Civile, l'affaire a été débattue le 4 septembre 2008 en audience publique, les avocats ne s'y étant pas opposés, devant Monsieur Bernard LAGRIFFOUL chargé du rapport,

Ce magistrat a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la Cour, composée de : Monsieur Robert MIORI, Président, Monsieur Bernard LAGRIFFOUL, Conseiller, Madame Danièle BOWIE, Conseiller,

Greffier lors des débats : Monsieur Hervé GOUDOT

ARRÊT : - contradictoire - prononcé publiquement par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues à l'article 450 alinéa 2 du Code de Procédure Civile.

 

EXPOSÉ DU LITIGE                                                                                         (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)

[minute page 3] FAITS ET PROCÉDURE :

Vu le jugement du Tribunal d'Instance de BORDEAUX, greffe détaché de PESSAC, en date du 19 janvier 2007 ;

Vu la déclaration d'appel de Mademoiselle X. en date du 15 mars 2007 ;

Vu les conclusions de Mademoiselle X. déposées le 25 juillet 2007 et signifiées le 25 juillet 2007 ;

Vu les conclusions des consorts Y. signifiées el déposées le 16 janvier 2008 ;

Vu l'ordonnance de clôture en date du 21 août 2008 ;

Monsieur Y. et Madame Y., es qualités de mandataires de l'indivision Y., ont donné à bail à Mademoiselle X. un local à usage d'habitation situé à [ville M.], [adresse], moyennant un loyer mensuel de 480 €, outre les charges.

Madame A. et Monsieur B. se sont portés cautions solidaires de Mademoiselle X. par acte sous-seing privé du 16 juin 2004.

Se prévalant de loyers impayés, les consorts Y. ont fait délivrer à Mademoiselle X., par acte d'huissier du 27 janvier 2005, un commandement de payer visant la clause résolutoire contractuelle. Cet acte a été dénoncé aux cautions par acte d'huissier du 2 février 2005.

Le Juge des Référés du Tribunal d'Instance, saisi par les bailleurs d'une demande de résiliation du bail et d'expulsion, a constaté l'existence d'une contestation sérieuse et renvoyé les parties au fond par ordonnance du 16 septembre 2005.

Saisi par les consorts Y. par assignation du 14 avril 2006, le Tribunal d'Instance a par le jugement déféré :

- débouté les bailleurs de leur demande d'expulsion de Mademoiselle X.,

- réduit la clause pénale visée dans le commandement de payer du 27 janvier 2005 à hauteur de 1 % des impayés,

- condamné solidairement Mademoiselle X. et les consorts A. et B. au paiement en deniers ou quittances de la somme de 947,74 € (somme arrêtée au 21 juin 2006) au titre des loyers et provisions impayées,

- accordé à Mademoiselle X. la faculté de se libérer de sa dette au moyen de trois versements mensuels égaux d'un montant de 40 € échelonnés à compter du 10 du mois suivant la signification de cette décision et ainsi de mois en mois jusqu'à parfait règlement, le solde lors du vingt quatrième et dernier versement,

- dit que le défaut de paiement d'une seule mensualité à l'échéance prescrite entraînera la déchéance du terme et que la totalité du solde restant dû deviendra immédiatement exigible,

- débouté Mademoiselle X. de sa demande d'annulation des frais de quittance, de ses demandes de dommages et intérêts et en application de l'article 700 du code de procédure civile,

- débouté Monsieur J. Y. et Madame M.-G. Y. de leurs demandes en application de l'article 700 du code de procédure civile,

- dit n'y avoir lieu à exécution provisoire de cette décision,

- condamné Mademoiselle X. aux dépens limités aux frais du commandement de payer du 27 janvier 2005 et à la moitié des frais d'instance au fond,

- [minute page 4] condamné Monsieur J. Y. et Madame M.-.Y. à la moitié des frais de cette instance au fond.

 

PRÉTENTIONS ET MOYENS :

Mademoiselle X., appelante, conclut à :

- la réformation du jugement déféré en ce qu'il a rejeté la demande de nullité de la clause du bail afférente aux frais de quittances et clause pénale,

- la restitution des sommes indûment perçues au titre des frais de quittances,

- la constatation de ce qu'elle était créditrice à l'égard de son bailleur au jour de la délivrance de l'assignation,

- la réformation du jugement déféré en ce qu'il l'a condamnée à payer solidairement avec la caution la somme de 949,74 €, arrêtée à fin juin.

- en toute hypothèse, à la confirmation du jugement pour le surplus,

- à titre reconventionnel

à la condamnation des bailleurs à lui restituer la somme de 469,29 €, sauf à parfaire, au titre du trop perçu de loyers et charges,

à la condamnation solidaire des bailleurs au paiement de la somme de 4.000 € de dommages et intérêts pour procédure abusive et de celle de 4.000 € au titre de l'article 700 du code de procédure civile.

L'appelante fait valoir l'illicéité des deux clauses du bail afférentes aux frais de quittance et à la clause pénale en se fondant sur l'article 4 de la loi du 6 juillet 1989 et sur l'avis de la Commission des clauses abusives. Elle soutient également que le décompte retenu par le Tribunal est erroné. Enfin, elle fonde sa demande de dommages et intérêts sur la mauvaise foi des bailleurs qui cherchaient par tout moyen à mettre fin au bail.

Monsieur et Madame Y. concluent à la confirmation du jugement entrepris, au débouté de Mademoiselle X. de l'ensemble de ses demandes et à sa condamnation au paiement de la somme de 3.000 € sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile.

Les intimés répliquent que les dispositions légales dont se prévaut l'appelante en ce qui concerne la charge des frais de quittance n'étaient pas applicables à la date de signature du bail et que l'avis de la Commission des clauses abusives ne constitue pas une obligation légale. Ils soutiennent par ailleurs que leur décompte a été justement validé par le Tribunal et ils contestent tout harcèlement procédural.

 

MOTIFS (justification de la décision)                                                 (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)

MOTIFS DE L'ARRÊT :

Sur la nullité de la clause du bail afférente aux frais de quittance :

L'article 4.4 du bail prévoit que le loyer étant stipulé portable, le locataire s'engage à régler au bailleur ou à son mandataire, en même temps que le loyer, les frais d'envoi de la quittance émise, à moins qu'il ne vienne la retirer.

L'article 4 § p de la loi du 6 juillet 1989, modifié par l'article 84 de la loi n° 2006-872 du 13 juillet 2006, dispose qu'est réputée non écrite toute clause qui fait supporter au locataire des frais de relance ou d'expédition de la quittance ainsi que les frais de procédure, en plus des sommes versées au titre des dépens et de l'article 700 du code de [minute page 5] procédure civile.

Cependant, ce texte modifié n'est pas applicable au bail qui avait été conclu le 16 juin 2004 pour une durée de trois ans, soit antérieurement à son entrée en application, alors même que la recommandation n° 2000-01 du 17 février 2000 de la Commission des Clauses abusives (CCA) ne constituait qu'un avis sans création d'une obligation légale.

Mademoiselle X. sera donc déboutée de sa demande de restitution des sommes perçues au titre des frais de quittance entre juillet 2004 et octobre 2006.

 

Sur la nullité de la clause pénale :

Le contrat de bail dispose dans son article 4.12.1 qu'a défaut de paiement à son échéance exacte d'un terme de loyer et de ses accessoires, les sommes dues seront majorées de plein droit de 10 % à titre de clause pénale, cette majoration ne constitue en aucun cas une amende, mais la réparation du préjudice subi par le bailleur sans que cette stipulation puisse lui faire perdre le droit de demander l'application de la clause résolutoire.

La CCA, dans sa recommandation susvisée du 17 février 2000 a considéré que de telles clauses, compte tenu de l'absence de réciprocité en cas de manquement du bailleur, sont source de déséquilibre contractuel au détriment du consommateur et doivent être éliminées des contrats.

Cependant, cet avis de la CAA n'emportant pas obligation légale, la clause pénale litigieuse, qui a un caractère indemnitaire et ne constitue pas une amende, est donc licite et Mademoiselle X. doit être déboutée de sa demande de nullité de cette clause.

 

Sur le montant de l'arriéré des loyers et charges :

Le décompte arrêté le 21 juin 2006, qui est le seul devant être pris en compte comme ayant été produit dans le cadre de la présente instance, fait apparaître que Mademoiselle X. restait débitrice de la somme de 949,74 € au titre des loyers et charges impayés depuis le 21 juin 2004 pour un montant de 16.801,48 €, en ce compris les frais de procédure d'un montant de 450 € en vertu de l'article 32 de la loi du 9 juillet 2001, et déduction faite des versements effectués par la locataire au 20 juin 2006 pour un montant de 15.851,74 €.

En revanche, le montant des deux quittances de mainlevée de saisie versées aux débats, soit 1.152,87 € (respectivement 714,78 € le 24 février 2005 et 438,09 € le 14 avril 2005), ne figure pas sur le décompte du 21 juin 2006 et cette somme doit donc venir en déduction de la créance.

Il en résulte un trop perçu de loyers et charges au 21 juin 2006 d'un montant de 203,13 € (1.152,87 - 949,74) au paiement de laquelle les consorts Y. seront donc solidairement condamnés dans le cadre de la demande reconventionnelle de Mademoiselle X.

[minute page 6]

Sur les demandes de paiement et de restitution de la somme de 115,56 € au titre de la clause pénale :

Mademoiselle X. doit être déboutée de sa demande de restitution des sommes visées de ce chef dans le commandement de payer et dont elle ne justifie pas le paiement spontané alors que le jugement déféré n'était pas assorti de l'exécution provisoire.

Par ailleurs, le jugement déféré doit être infirmé en ce qu'il a réduit la clause pénale à 1 % du montant des impayés alors que, la locataire étant créditrice au titre du décompte des loyers et charges, cette clause n'a dès lors pas lieu d'être appliquée.

 

Sur la demande de dommages et intérêts pour procédure abusive :

L'exercice d'une action en justice, de même que la défense à une telle action, constituant en principe un droit l'appelante, qui ne démontre pas la mauvaise foi des bailleurs, sera donc déboutée de sa demande de dommages et intérêts pour procédure abusive.

 

Sur les frais irrépétibles :

Il n'apparaît pas inéquitable de laisser les frais irrépétibles à la charge de l'indivision Y.

Il apparaît inéquitable de laisser les frais irrépétibles à la charge de Mademoiselle X.

 

DISPOSITIF (décision proprement dite)                                          (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)

Par ces motifs,

Confirme partiellement le jugement déféré en ce qu'il a :

- Débouté les consorts Y. de leur demande d'expulsion de Mademoiselle X.,

- Rejeté les demandes de Mademoiselle X. tendant à la nullité des clauses du bail afférentes aux frais de quittance et à la clause pénale.

- Infirme le jugement déféré en toutes ses autres dispositions ;

statuant à nouveau :

- Déboute Mademoiselle X. de sa demande de restitution des sommes versées au titre des frais de quittance,

- Condamne solidairement Monsieur Y. et Madame Y. au paiement de la somme de 203,13 € au titre du décompte des loyers et charges impayés au 21 juin 2006,

- Déboute Mademoiselle X. de sa demande de restitution au titre de la clause pénale,

- minute page 7] Dit n'y avoir lieu à application de la clause pénale,

- Déboute Mademoiselle X. de sa demande de dommages et intérêts pour procédure abusive,

- Rejette la demande des consorts Y. au titre des frais irrépétibles,

- Condamne Monsieur Y. et Madame Y. au paiement in solidum de la somme de 1.500 € au titre de l'article 700 du code de procédure civile ainsi que des dépens de première instance et d'appel, en ce compris le coût du commandement, avec distraction au profit des avoués en la cause en vertu de l'article 699 du code de procédure civile.

Le présent arrêt a été signé par Monsieur Robert MIORI, Président, et par Monsieur Hervé GOUDOT, Greffier, auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

Le Greffier,     Le Président,