CA NANCY (2e ch. civ.), 14 janvier 2010
CERCLAB - DOCUMENT N° 2593
CA NANCY (2e ch. civ.), 14 janvier 2010 : RG n° 09/00905 ; arrêt n° 121/10
Publication : Jurica
Extraits : 1/ « En application de l'article 125 du code de procédure civile, il incombe aux juges du fond de relever d'office la fin de non-recevoir tirée de l'expiration du délai biennal de forclusion institué par l'article L. 311-7 du code de la consommation. Certes, pour relever cette fin de non-recevoir, le juge doit préalablement, constater, au vu des pièces qui lui sont soumises, que la forclusion est acquise. Mais c'est précisément ce que le premier juge a fait en l'espèce : au vu de l'historique des écritures passées au compte LIBRAVOU de Madame X. épouse Y., pièce produite par la société de crédit, il a considéré, à tort ou à raison, que la forclusion était acquise. Dès lors, la SA COFIDIS ne peut valablement prétendre que le juge n'avait pas le pouvoir de relever d'office la forclusion. Elle sera donc déboutée de ce moyen. »
2/ « En l'espèce, le découvert du compte LIBRAVOU de Madame X. épouse Y. avait atteint en août 2003 la somme de 2.030,21 euros. Ce montant se trouvait certes supérieur au montant initial du découvert autorisé, limité à 1.524,49 euros, mais sans dépasser le montant du découvert maximum autorisé de 7.622,45 euros. Le dépassement du montant initial du découvert, à compter du mois d'août 2003, ne constituait donc pas le point de départ du délai de forclusion. »
RÉPUBLIQUE FRANÇAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
COUR D’APPEL DE NANCY
DEUXIÈME CHAMBRE CIVILE
ARRÊT DU 14 JANVIER 2010
ÉLÉMENTS D’IDENTIFICATION DE LA DÉCISION (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)
R.G. n° 09/00905. Arrêt n° 121/10. Décision déférée à la Cour : jugement du Tribunal d'Instance de VERDUN, R.G. n° 11-07-000337, en date du 20 octobre 2008,
APPELANTE :
SA COFIDIS,
agissant poursuites et diligences de ses représentants légaux pour ce domiciliés audit siège, sis [adresse], représentée par la SCP VASSEUR, avoués à la Cour, assistée de Maître Danielle CHAUDEUR, avocat au barreau de NANCY
INTIMÉE :
Madame X., épouse Y.
demeurant [adresse], n'ayant pas constitué avoué
COMPOSITION DE LA COUR : L'affaire a été débattue le 26 novembre 2009, en audience publique devant la Cour composée de : Mme Sylvette CLAUDE-MIZRAHI, Présidente de la deuxième chambre civile, Monsieur Christian MAGNIN, Conseiller, Monsieur Francis MARTIN, Conseiller, qui a fait le rapport, qui en ont délibéré ;
Greffier, lors des débats : Madame Céline BARBIER ;
A l'issue des débats, le Président a annoncé que la décision serait rendue par mise à disposition au greffe le 14 janvier 2010, en application du deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile ;
ARRÊT : Défaut, rendu par mise à disposition publique au greffe le 14 janvier 2010, par Madame Céline BARBIER, Greffier, conformément à l'article 450 alinéa 2 du Code de Procédure Civile ; signé par Madame Sylvette CLAUDE-MIZRAHI, Présidente de la Deuxième Chambre civile, et par Madame Céline BARBIER, greffier ;
EXPOSÉ DU LITIGE (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)
[minute page 2] EXPOSÉ DU LITIGE :
Suivant l'offre acceptée le 30 mars 1990, la SA COFIDIS a consenti à Madame X. épouse Y. une ouverture de crédit utilisable par fractions et assortie d'une carte de crédit « LIBRAVOU » avec un découvert initial de 10.000 francs (1.524,49 euros) et un montant maximum de découvert autorisé de 50.000 francs (7.622,45 euros).
Un avenant à ce contrat de crédit a été conclu le 10 janvier 2006 pour augmenter de 1.000 euros le montant du capital mis à la disposition de l'emprunteur.
Plusieurs échéances n'ayant pas été honorées par Madame X. épouse Y., la SA COFIDIS a prononcé la déchéance du terme par lettre datée du 14 février 2007 et notifiée le 16 février 2007.
Par acte d'huissier du 30 octobre 2007, la SA COFIDIS a fait assigner Madame X. épouse Y. devant le Tribunal d'instance de VERDUN afin de la voir condamner à lui payer les sommes de 6.083,17 euros en principal, avec intérêts au taux contractuel de 17,28 % à compter du 16 février 2007, et de 400 euros sur le fondement de l'article 700 du Code de Procédure Civile.
Madame X. épouse Y. n'a pas comparu et ne s'est pas fait représenter devant le tribunal.
Par jugement rendu le 20 octobre 2008, le Tribunal d'instance de VERDUN a soulevé d'office la forclusion de l'action en paiement de la société de crédit pour la déclarer irrecevable, au motif que le montant du découvert autorisé avait été dépassé dès le 22 août 2003 de sorte que l'action en paiement de la SA COFIDIS était forclose depuis le 22 août 2005.
La SA COFIDIS a régulièrement interjeté appel de ce jugement le 2 avril 2009. Elle demande à la Cour d'infirmer le jugement déféré, de constater que le premier juge n'avait pas le pouvoir de soulever d'office la forclusion, de déclarer son action recevable et de condamner Madame X. épouse Y. à lui payer les sommes de 6.083,17 euros en principal, avec intérêts au taux contractuel de 17,28 % à compter du 16 février 2007, et de 1.000 euros sur le fondement de l'article 700 du Code de Procédure Civile.
Elle fait valoir, à titre principal que c'est au débiteur d'établir que la forclusion est acquise et non au juge de se substituer au débiteur dans la recherche de cette preuve, comme en l'espèce. Subsidiairement, elle relève que le juge a, pour retenir la date du premier incident de paiement, confondu le découvert utile initial et le montant maximum de découvert autorisé.
L'intimée n'ayant pas constitué avoué suite à l'avis que le greffe lui adressé, la SA COFIDIS a satisfait aux obligations de l'article 908 du code de procédure civile en lui faisant délivrer, le 31 août 2009, la notification de son appel et une assignation devant la Cour. L'assignation a été délivrée à l'étude de l'huissier instrumentaire.
Malgré ces diligences, Madame X. épouse Y. n'a toujours pas constitué avoué. Cet arrêt sera donc rendu par défaut.
MOTIFS (justification de la décision) (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)
MOTIFS DE LA DÉCISION :
Vu les écritures déposées les 25 août et 28 septembre 2009 par la SA COFIDIS et l'ordonnance de clôture du 29 septembre 2009.
Sur le pouvoir du juge de relever d'office la forclusion :
En application de l'article 125 du code de procédure civile, il incombe aux juges du fond de relever d'office la fin de non-recevoir tirée de l'expiration du délai biennal de forclusion institué par l'article L. 311-7 du code de la consommation.
[minute page 3] Certes, pour relever cette fin de non-recevoir, le juge doit préalablement, constater, au vu des pièces qui lui sont soumises, que la forclusion est acquise.
Mais c'est précisément ce que le premier juge a fait en l'espèce : au vu de l'historique des écritures passées au compte LIBRAVOU de Madame X. épouse Y., pièce produite par la société de crédit, il a considéré, à tort ou à raison, que la forclusion était acquise.
Dès lors, la SA COFIDIS ne peut valablement prétendre que le juge n'avait pas le pouvoir de relever d'office la forclusion. Elle sera donc déboutée de ce moyen.
Sur la recevabilité de l'action en paiement :
Le délai biennal de forclusion prévu par l'article L. 311-37 du code de la consommation court, dans le cas d'une ouverture de crédit reconstituable et assortie d'une obligation de remboursement à échéances convenues, à partir de la première échéance non régularisée.
Le dépassement du découvert maximum autorisé constitue un incident de paiement qui fait courir le délai de forclusion.
En l'espèce, le découvert du compte LIBRAVOU de Madame X. épouse Y. avait atteint en août 2003 la somme de 2.030,21 euros. Ce montant se trouvait certes supérieur au montant initial du découvert autorisé, limité à 1.524,49 euros, mais sans dépasser le montant du découvert maximum autorisé de 7.622,45 euros.
Le dépassement du montant initial du découvert, à compter du mois d'août 2003, ne constituait donc pas le point de départ du délai de forclusion.
Le montant maximum du découvert autorisé n'a d'ailleurs jamais été atteint, puisque le découvert s'établissait à 5.677,36 euros lors de la clôture du compte le 14 février 2007.
En outre, l'analyse de l'historique des écritures passées au compte LIBRAVOU de Madame X. épouse Y. montre que la première mensualité impayée non régularisée n'est intervenue qu'en mai 2006.
Par conséquent, en faisant assigner Madame X. épouse Y. devant le Tribunal d'instance de VERDUN le 30 octobre 2007, la SA COFIDIS a engagé son action en paiement avant l'expiration du délai de deux ans suivant le premier incident de paiement non régularisé et son action doit être déclarée recevable.
Le jugement déféré sera infirmé.
Sur le bien-fondé de l'action en paiement :
L'article L. 311-30 du code de la consommation dispose qu'en cas de défaillance de l'emprunteur, le prêteur pourra exiger le remboursement immédiat du capital restant dû, majoré des intérêts échus mais non payés, ainsi qu'une indemnité. Il résulte de l'article D. 311-11 dudit code que cette indemnité est égale, au plus, à 8 % du capital restant dû à la date de la défaillance.
En l'espèce, au vu des relevés de compte produits par la SA COFIDIS, le capital restant dû au 14 février 2007 s'élevait à 5.402,55 euros, outre une somme de 248,42 euros au titre des intérêts échus mais non réglés. Il y a donc lieu de condamner Madame X. épouse Y. à lui payer la somme de 5.650,97 euros avec intérêt au taux contractuel de 17,28 % à compter du 16 février 2007, date à laquelle la déchéance du terme a a notifiée à la débitrice.
Elle est également bien fondée à réclamer une indemnité qu'elle chiffre à 432,20 euros, soit 8 % du capital restant dû, laquelle portera intérêt au taux légal à compter du 16 février 2007.
[minute page 4] L'article L. 311-32 du code de la consommation interdit au prêteur de réclamer aucune autre indemnité ni aucun autre coût à l'emprunteur. La SA COFIDIS sera donc déboutée de sa demande fondée sur l'article 700 du Code de Procédure Civile.
Madame X. épouse Y. sera condamnée aux dépens de première instance et d'appel, avec autorisation donnée à la SOCIÉTÉ CIVILE PROFESSIONNELLE VASSEUR, Avoué, de faire application de l'article 699 du Code de Procédure Civile.
DISPOSITIF (décision proprement dite) (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)
PAR CES MOTIFS :
LA COUR, statuant par arrêt rendu par défaut prononcé par mise à disposition au greffe, conformément aux dispositions de l'article 450 alinéa 2 du code de procédure civile,
DÉCLARE l'appel recevable ;
DÉBOUTE la SA COFIDIS de son moyen tendant à dénier au juge le pouvoir de relever d'office la forclusion de l'action en paiement ;
Pour le surplus :
INFIRME le jugement déféré en toutes ses dispositions et statuant à nouveau :
DÉCLARE recevable l'action en paiement de la SA COFIDIS ;
CONDAMNE Madame X. épouse Y. à payer à la SA COFIDIS les sommes de :
- CINQ MILLE SIX CENT CINQUANTE EUROS ET QUATRE VINGT DIX SEPT CENTIMES (5.650,97 €) en principal avec intérêt au taux contractuel de 17,28 % à compter du 16 février 2007 ;
- QUATRE CENT TRENTE DEUX EUROS ET VINGT CENTIMES (432,20 €) à titre d'indemnité avec intérêt au taux légal à compter du 16 février 2007 ;
DÉBOUTE la SA COFIDIS de sa demande fondée sur l'article 7001 du Code de Procédure Civile ;
CONDAMNE Madame X. épouse Y. aux dépens et autorise la société civile professionnelle Barbara VASSEUR, Avoué, à faire application de l'article 699 du Code de Procédure Civile ;
Le présent arrêt a été signé par Madame CLAUDE-MIZRAHI, Présidente de la deuxième chambre civile à la Cour d'Appel de NANCY, et par Madame BARBIER, Greffier, auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.
LE GREFFIER, LE PRÉSIDENT,
Minute en quatre pages.
- 5719 - Code de la consommation - Régime de la protection - Consommateur - Procédure - Office du juge - Relevé d’office - Principe - Faculté - Jurisprudence antérieure - Crédit à la consommation
- 5723 - Code de la consommation - Régime de la protection - Consommateur - Procédure - Office du juge - Relevé d’office - Régime - Conditions - Disponibilité des preuves
- 6635 - Code de la consommation - Présentation par contrat - Banque - Crédit à la consommation - Crédits spécifiques - Crédit renouvelable - 6 - Clause de dispense d’offre (augmentation du crédit) - Notion d’augmentation du crédit