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TI AULNAY-SOUS-BOIS, 24 février 2000

Nature : Décision
Titre : TI AULNAY-SOUS-BOIS, 24 février 2000
Pays : France
Juridiction : Aulnay sous bois (TI)
Demande : 11-99-001036
Date : 24/02/2000
Nature de la décision : Rejet
Date de la demande : 6/05/1999
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CERCLAB/CRDP - DOCUMENT N° 26

TI AULNAY-SOUS-BOIS, 24 février 2000 : RG n° 99/001036

Publication : Site CCAB

 

Extrait : « M. X., loueur de meublés, ne peut raisonnablement être qualifié de professionnel au sens de l'article L. 132-1 du Code de la Consommation, sa profession de loueur de meublés n'ayant aucun lien direct avec le contrat litigieux, et l'appréciation du caractère abusif de la clause ne porte pas en l'espèce sur l'adéquation du prix au service offert. »

« M. X. indique que la clause litigieuse provoque un déséquilibre significatif en ce qu'elle autorise le professionnel à se prévaloir de conditions contractuelles inconnues du consommateur. Mais ainsi qu'il résulte de ce qui précède, les conditions imposées à Monsieur X. avaient un caractère parfaitement contractuel. Ne faisant que confirmer l'obligation faite au voyageur de respecter les termes contractuels et permettant au transporteur de réclamer le tarif applicable au trajet effectivement réalisé, ces conditions générales ne sauraient être considérées comme créant un déséquilibre significatif entre les droits et obligations des parties. De surcroît, les transporteurs peuvent parfaitement pratiquer des différences de tarifs sur des parcours voisins, la fixation des tarifs en Europe étant libre depuis le 1er juillet 1992. Par conséquent, la clause litigieuse ne saurait être considérée comme abusive au sens de l'article L. 132-1 du Code de la Consommation tel qu'issu de la loi du 1er février 1995. »

 

 

TRIBUNAL D’INSTANCE D’AULNAY-SOUS-BOIS

JUGEMENT DU 24 FÉVRIER 2000

AUDIENCE CIVILE

 

ÉLÉMENTS D’IDENTIFICATION DE LA DÉCISION                                      (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)

R.G. n° 11-99-001036.

A l'audience publique du Tribunal d'Instance tenue le VINGT QUATRE FEVRIER DEUX MILLE ;

Sous la Présidence de Madame Frédérique MAREC, Juge d'Instance, Assistée de Madame Marie-Hélène PETIT, Agent Administratif Assermenté faisant fonction de Greffier,

ENTRE

DEMANDEUR :

Monsieur X.,

demeurant [adresse], Représenté par Maître FRANCK Jérôme, avocat au barreau de PARIS, demeurant […], D'UNE PART

ET

DEFENDERESSE :

La Société AIR FRANCE, SA

dont le siège social est [adresse], prise en la personne de ses représentants légaux domiciliés en cette qualité audit siège, Représentée par Maître VISY Catherine, avocat au barreau de PARIS, demeurant […], D’AUTRE PART

 

EXPOSÉ DU LITIGE                                                                                         (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)

[minute page 2] EXPOSÉ DU LITIGE

Le 25 novembre 1998, M. X. a acquis auprès du comptoir AIR FRANCE de Varsovie un billet d'avion classe business moyennant un prix de 17.092 Sloties, correspondant à 4.972 dollars, pour le trajet suivant :

Varsovie - Paris CDG le 16 décembre 1998 avec le vol AF 2047 - Paris CDG - Mexico le 17 décembre 1998 avec le vol AF 0438 Mexico - Paris CDG le 23 janvier 1999 avec le vol AF 0439 - Paris CDG - Varsovie avec un vol ouvert.

M. X. a effectué le trajet Varsovie-Paris par un autre moyen de transport. Lorsqu'il s'est présenté à l'embarquement à Paris Charles de Gaulle à destination de Mexico le 17 décembre 1998, M. X. a fait l'objet d'un redressement tarifaire représentant la différence entre le prix d'un billet Paris-Mexico et celui d'un billet Varsovie-Mexico via Paris, soit 8.700 francs, taxes comprises.

Par courrier du 26 janvier 1999, M. X. a adressé une lettre à la société AIR FRANCE sollicitant le remboursement du redressement tarifaire.

Le 11 février 1999, la société AIR FRANCE a répondu à l'intéressé que le redressement tarifaire était justifié par une utilisation du billet non conforme aux stipulations du contrat de transport.

Par exploit d’huissier en date du 06 mai 1999, M. X. a fait assigner la SA AIR FRANCE devant le tribunal d'instance d'AULNAY-SOUS-BOIS, à l'audience du 24 juin 1999, pour obtenir sa condamnation au remboursement de la somme de 8.700 Francs avec intérêt au taux légal à compter du 17 décembre 1998, outre 5.000 Francs en application de l'article 700 du Nouveau Code de Procédure Civile.

La condamnation aux dépens est également sollicitée.

Après trois renvois sollicités par les parties, l'affaire a été plaidée à l'audience du 13 janvier 2000.

A cette date, M. X. a réitéré l'intégralité de ses demandes.

[minute page 3] Il a exposé que la SA AIR FRANCE, en position dominante sur le marché des transports aériens, pratique une discrimination tarifaire ; que le billet valant contrat ne précise pas qu'il était nécessaire d'utiliser les coupons de vol dans un ordre déterminé ; que n'ayant pu prendre matériellement connaissance des clauses de renvoi figurant sur ce billet lors de la formation du contrat, celles-ci doivent être déclarées non écrites en application de l'article L. 132-1 du Code de la Consommation ; qu'enfin les conditions générales de transport invoquées par la SA AIR FRANCE ne contiennent qu'une clause très générale ne suffisant pas à informer le consommateur contractant sur les droits et obligations des parties.

En défense, la SA AIR FRANCE s'est opposée aux demandes de M. X. et a sollicité reconventionnellement la condamnation de ce dernier, avec exécution provisoire, au paiement d'une somme de 15.000 francs à titre de dommages et intérêts pour procédure abusive outre 10.000 francs en application de l'article 700 du Nouveau Code de Procédure Civile.

Elle a indiqué que M. X. a commis un dol incident au moment de la formation du contrat ouvrant droit à des dommages et intérêts en s'abstenant de lui indiquer qu'il n'avait pas l'intention d'utiliser le coupon Varsovie - Paris et qu'il a, en tout état de cause, violé la force obligatoire du contrat de transport, lequel précisait bien qu'il devait partir de Varsovie pour se rendre à Mexico et non de Paris.

La SA AIR FRANCE a fait également valoir que la clause litigieuse porte sur l'adéquation de la rémunération au service offert ce qui fait interdiction au tribunal de céans de l'apprécier selon les dispositions de l'article L. 132-1 alinéa 7 du Code de la Consommation ; que cet article est inapplicable dans la mesure où le contrat avait un rapport direct avec l'activité professionnelle de commerçant du demandeur ; que de surcroît la clause litigieuse ne présente pas un caractère abusif au sens de l'article L. 132-1 du Code de la Consommation ; que les conditions générales de transports AIR FRANCE sont mentionnées dans le contrat de transport et mises à la disposition des voyageurs dans les points de vente d'AIR France ; qu'enfin elle n'a commis aucun abus de position dominante.

Monsieur X. a répondu que le fait qu'il ait acquis à Varsovie un billet par tronçon ne formant pas un tout indissociable démontre l'absence d'intention frauduleuse et, partant, l'absence de dol incident ouvrant droit à des dommages et intérêts ; qu'enfin la SA AIR FRANCE ne justifie d'aucun préjudice et que la réparation forfaitaire demandée constitue une clause pénale pouvant être réduite à 0 franc.

 

MOTIFS (justification de la décision)                                                                 (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)

[minute page 4] MOTIFS DE LA DÉCISION :

- Sur le dol incident :

S'il est constant que M. X. se déplace fréquemment par la voie aérienne et ne pouvait ignorer la politique commerciale de la SA AIR FRANCE consistant à proposer des tarifs plus avantageux pour se rendre à Mexico au départ de Varsovie, aucun élément du dossier ni des débats n'établit qu'il aurait eu l'intention, dès la formation du contrat, de ne pas utiliser le coupon du vol Varsovie-Paris et aurait omis sciemment d'en informer le comptoir AIR FRANCE.

La preuve d'un dol incident imputable à M. X. n'est donc nullement rapportée.

 

- Sur l'étendue des obligations contractuelles respectives des parties :

Le contrat de transport est celui par lequel l'une des parties s'oblige à amener une personne à sa destination aux dates et heures stipulées et l'autre à payer le prix de la prestation.

Mais en l'occurrence, le contrat liant les parties revêt le caractère d'un contrat d'adhésion dans lequel le transporteur impose des conditions indissociables au voyageur.

En l'espèce les conditions générales de transport AIR FRANCE stipulent que « le billet ne sera pas accepté et perdra toute validité si tous les coupons n'ont pas été utilisés dans leur ordre démission [N.B. : lire de mission ?] » ; que « le billet n'est pas valable et le Transporteur pourra refuser de l'honorer si le premier Coupon de vol correspondant à un parcours international n'a pas été utilisé et si le Passager commence son voyage à un arrêt volontaire ou à une escale intermédiaire » et que « dans le cas où l'utilisation par le passager de son billet, selon un itinéraire différent de celui inscrit sur le billet, entraînerait une différence tarifaire, le transporteur pourra, à tout moment, réajuster le montant dû par le passager au nouveau tarif applicable ».

De jurisprudence constante, de telles clauses ont un caractère contractuel et sont opposables au souscripteur d'un contrat d'adhésion même lorsqu'elles figurent sur des documents annexes, à la double condition que le co-contractant connaisse leur existence et soit informé des conditions dans lesquelles il peut les consulter.

[minute page 5] En l'occurrence Monsieur X. s'est vu délivrer à la formation du contrat une pochette IATA (International Air Transport Association), dans laquelle était inséré son titre de transport, comprenant quatre pages recto verso rédigées en langue française et anglaise et stipulant notamment que « le transport effectué et tous autres services rendus par chaque transporteur sont régis par (I) les stipulations figurant sur le présent billet, (II) les tarifs applicables, (III) les conditions de transport du transporteur et la réglementation applicable, lesquelles sont réputées faire partie intégrante des présentes et peuvent être consultées sur demande dans les bureaux du transporteur ».

La simple lecture de son titre de transport a donc permis à M. X. d'avoir connaissance de l'existence de ces conditions générales de transport et l'a informé de la façon de les consulter, étant précisé qu'il est un voyageur habituel et a été à maintes reprises dans la possibilité de les consulter tant à Varsovie, qu'à Paris ou Mexico.

Par conséquent, Monsieur X. s'est non seulement valablement engagé à payer le prix stipulé mais encore à respecter l'ordre des embarquements prévus par le billet à savoir le trajet Varsovie - Paris CDG le 16 décembre 1998, Paris CDG - Mexico le 17 décembre 1998, Mexico - Paris CDG le 23 janvier 1999 et Paris CDG - Varsovie en billet ouvert.

En n'embarquant qu'à PARIS, Monsieur X. a donc méconnu l'étendue de ses obligations contractuelles.

 

- Sur le caractère abusif de la clause :

L'article L. 132-1 du Code de la Consommation dispose que, dans les contrats conclus entre professionnels et non professionnels ou consommateurs, sont abusives les clauses qui ont pour objet ou pour effet de créer, au détriment du non professionnel ou du consommateur, un déséquilibre significatif entre les droits et obligations des parties au contrat.

M. X., loueur de meublés, ne peut raisonnablement être qualifié de professionnel au sens de l'article L. 132-1 du Code de la Consommation, sa profession de loueur de meublés n'ayant aucun lien direct avec le contrat litigieux, et l'appréciation du caractère abusif de la clause ne porte pas en l'espèce sur l'adéquation du prix au service offert.

[minute page 6] Les dispositions de l'article précité sont donc applicables, le juge devant s'attacher, indépendamment de l'existence ou non d'un abus de position dominante au demeurant non démontrée, à rechercher si la clause de renvoi critiquée confère au co-contractant un avantage excessif.

M. X. indique que la clause litigieuse provoque un déséquilibre significatif en ce qu'elle autorise le professionnel à se prévaloir de conditions contractuelles inconnues du consommateur.

Mais ainsi qu'il résulte de ce qui précède, les conditions imposées à Monsieur X. avaient un caractère parfaitement contractuel.

Ne faisant que confirmer l'obligation faite au voyageur de respecter les termes contractuels et permettant au transporteur de réclamer le tarif applicable au trajet effectivement réalisé, ces conditions générales ne sauraient être considérées comme créant un déséquilibre significatif entre les droits et obligations des parties.

De surcroît, les transporteurs peuvent parfaitement pratiquer des différences de tarifs sur des parcours voisins, la fixation des tarifs en Europe étant libre depuis le 1er juillet 1992.

Par conséquent, la clause litigieuse ne saurait être considérée comme abusive au sens de l'article L. 132-1 du Code de la Consommation tel qu'issu de la loi du 1er février 1995.

Le demandeur ayant sciemment modifié l'ordre d'émission des coupons, la SA AIR FRANCE pouvait parfaitement procéder au redressement contesté, lequel représentant l'exact tarif du trajet effectivement réalisé par l'intéressé, soit un transport en Classe Affaire Paris - Mexico, soit la somme de 8.700 francs, ne peut être qualifié de clause pénale au sens de l'article 1152 du Code Civil et n'est en tout état de cause pas manifestement excessif eu égard au préjudice subi.

Il convient en conséquence de débouter M. X. de sa demande en paiement.

 

- Sur la demande de dommages et intérêts pour procédure abusive :

L'action en justice intentée par M. X. ne peut être considérée comme abusive au sens de l'article 32-1 du Nouveau Code de Procédure civile. La SA AIR FRANCE sera donc débouté de sa demande de ce chef.

[minute page 7]

- Sur l'article 700 du Nouveau Code de Procédure Civile :

Compte tenu de la situation économique respective des parties, il n'apparaît pas inéquitable de laisser à la charge de chacune d'elle les frais exposés par elle et non compris dans les dépens.

 

- Sur l'exécution provisoire :

Aucune circonstance ne justifie l'exécution provisoire sollicitée.

 

- Sur les dépens :

M. X., partie perdante, sera condamné aux entiers dépens de l'instance.

 

DISPOSITIF (décision proprement dite)                                                            (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)

PAR CES MOTIFS :

Le tribunal, statuant publiquement, en dernier ressort et par jugement contradictoire,

DEBOUTE M. X. de sa demande principale ;

DEBOUTE M. X. de sa demande fondée sur l'article 700 du Nouveau Code de Procédure Civile ;

DEBOUTE la SA AIR FRANCE de sa demande de dommages et intérêts et de celle fondée sur l'article 700 du Nouveau Code de Procédure Civile,

DIT n'y avoir lieu à exécution provisoire,

CONDAMNE Monsieur X. aux dépens.

Ainsi jugé et prononcé en audience publique, les jour, mois et an que dessus.