CA AGEN (ch. civ.), 2 juin 2009
CERCLAB - DOCUMENT N° 2611
CA AGEN (ch. civ.), 2 juin 2009 : RG n° 09/01108 ; arrêt n° 546/09
Publication : Juris-Data n° 377986
Extrait : « Il résulte de ces clauses que le crédit consenti à l'ouverture est bien le crédit qualifié d'« autorisé » et non le montant du découvert « susceptible d'être autorisé », l'augmentation dans la limite de ce maximum n'étant pas automatique et restant subordonnée à l'accord des deux parties. Par ailleurs, la clause selon laquelle le montant de l'ouverture de crédit autorisé initialement pourra être augmenté ultérieurement avec l'accord du prêteur en fonction des « utilisations » de l'emprunteur, ne prévoit pas que cette augmentation devra donner lieu à l'émission d'une nouvelle offre préalable devant être acceptée par l'emprunteur et lui ouvrant une faculté de rétractation, comme le prévoient pourtant les articles L. 311-8 et suivants du Code de la consommation. Or le consommateur ne pouvant renoncer au bénéfice de ces dispositions protectrices d'ordre public, une telle stipulation permettant l'augmentation tacite de l'ouverture de crédit est illicite et réputée non écrite. Dès lors, elle ne peut avoir aucune incidence sur le point de départ du délai de forclusion. »
COUR D’APPEL D’AGEN
CHAMBRE CIVILE
ARRÊT DU 2 JUIN 2009
ÉLÉMENTS D’IDENTIFICATION DE LA DÉCISION (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)
R.G. n° 09/01108. Arrêt n° 546-09. Prononcé par mise à disposition au greffe conformément au second alinéa de l'article 450 et 453 du Code de procédure civile le deux juin deux mille neuf, par Edith O'YL, Président de Chambre, assistée d'Isabelle LECLERCQ, Greffier,
ENTRE :
Monsieur X.
né le [date] à [ville] de nationalité française, Demeurant […], représenté par la SCP J. et E. VIMONT, avoués, APPELANT d'un jugement rendu par le Tribunal d'Instance de CAHORS en date du 18 mars 2008, D'une part,
ET :
SA BANQUE ACCORD, prise en la personne de son représentant légal actuellement en fonctions domicilié en cette qualité au siège
Dont le siège social est [adresse], représentée par la SCP Guy NARRAN, avoués assistée de la SCP FAUGERE - LAVIGNE, avocats, INTIMÉE, D'autre part,
a rendu l'arrêt contradictoire suivant après que la cause ait été débattue et plaidée en audience publique, le 7 avril 2009, devant Edith O'YL, Président de Chambre, Thierry LIPPMANN, Conseiller (lequel, désigné par le Président de Chambre, a fait un rapport oral préalable) et Gérard SARRAU, Conseiller, assistés d'Isabelle LECLERCQ, Greffier, et qu'il en ait été délibéré par les magistrats du siège ayant assisté aux débats, les parties ayant été avisées par le Président, à l'issue des débats, que l'arrêt serait prononcé par sa mise à disposition au greffe à la date qu'il indique.
EXPOSÉ DU LITIGE (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)
[minute page 2] EXPOSÉ DU LITIGE :
Selon offre préalable du 12 juillet 2001, M. X. a conclu avec la société BANQUE ACCORD, société anonyme, un contrat de crédit.
Le 5 septembre 2007 la société BANQUE ACCORD a saisi le tribunal d'instance de CAHORS d'une demande en paiement des sommes restant dues, selon elle, par M. X. au titre de ce contrat.
Par jugement rendu le 18 mars 2008, le tribunal a condamné M. X. à payer à la société BANQUE ACCORD la somme de 10.743,62 €, ainsi que celle de un euro au titre de la clause pénale, avec les intérêts au taux du contrat.
Le tribunal a débouté la société BANQUE ACCORD de sa demande au titre de l'article 700 du Code de Procédure Civile et a condamné M. X. aux dépens.
M. X. a relevé appel de ce jugement dans des conditions de forme et de délai qui ne sont pas discutées.
Dans ses dernières écritures signifiées le 4 mars 2009, il demande à la Cour d'infirmer le jugement déféré et de déclarer forclose l'action diligentée par la société BANQUE ACCORD.
À titre subsidiaire, il demande à la Cour de constater la violation des dispositions des articles L. 311-9 et L. 311-10 du code de la consommation, de prononcer la déchéance du droit aux intérêts sur les sommes prêtées, d'ordonner à la société BANQUE ACCORD de verser aux débats un nouveau décompte des sommes dues, de dire et juger qu'il bénéficiera d'un délai de deux ans pour apurer sa dette et de condamner la société BANQUE ACCORD aux dépens, avec application des dispositions de l'article 699 du Code de Procédure Civile.
M. X. soutient que l'action de la société BANQUE ACCORD est atteinte par la forclusion prévue à l'article L. 311-37 du code de la consommation, dès lors que dès le 26 janvier 2002, le montant du crédit autorisé a été dépassé depuis le 26 janvier 2002, sans qu'une nouvelle offre de crédit n'ait été régularisée.
À titre subsidiaire, M. X. fait valoir que la société aurait dû lui soumettre une nouvelle offre préalable de crédit, dès lors qu'était intervenue une modification du montant du crédit et qu'en tout état de cause, elle n'a pas satisfait à son obligation d'information des conditions de reconduction du contrat trois mois avant l'échéance, ainsi que le prévoit l'article L. 311-9 du code de la consommation.
Il en déduit que la société de crédit doit être déchue du droit aux intérêts, par application des dispositions de l'article L. 311-33 du code de la consommation et devra en conséquence établir un nouveau décompte de créance présentant le montant du capital emprunté et les versements effectués qui seront imputés sur ledit capital.
Dans ses dernières conclusions, signifiées le 27 janvier 2009, la société BANQUE ACCORD demande à la Cour de confirmer le jugement déféré dans toutes ses dispositions, de condamner M. X. à lui payer la somme de 2.000 €, par application des dispositions de l'article 700 du Code de Procédure Civile, et de le condamner aux dépens, avec application des dispositions de l'article 699 du Code de Procédure Civile.
[minute page 3] Elle indique que le contrat litigieux est un crédit renouvelable, et non un découvert autorisé en compte, et précise d'une part que la première échéance impayée non régularisée remonte au 21 juin 2006 et, d'autre part que l'assignation de M. X. lui a été signifiée le 5 septembre 2007. Elle soutient en conséquence que l'action a été engagée dans le délai de deux ans prévu à l'article L. 311-37 du code de la consommation. Elle en déduit que son action n'est pas forclose.
La société soutient en outre qu'elle n'avait pas l'obligation d'établir une nouvelle offre de crédit, l'augmentation du crédit étant en l'espèce antérieure à l'entrée en vigueur de la loi du 28 janvier 2005, dite loi CHATEL, édictant une telle obligation, et qu'en tout état de cause le non respect de cette obligation n'est pas sanctionnée par la forclusion de l'action.
La société soutient enfin qu'elle a adressé chaque année au débiteur l'avis d'information conforme aux dispositions de l'article L. 311-9 du code de la consommation.
Elle fait valoir qu'en tout état de cause la déchéance du droit aux intérêts ne peut être prononcée pour la période du 12 juillet 2001 au 12 juillet 2002 ainsi que du 25 mars 2006 jusqu'à la clôture du compte.
MOTIFS (justification de la décision) (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)
MOTIFS DE LA DÉCISION :
Aux termes de l'article L. 311-37 du code de la consommation, l'action en paiement d'un contrat de crédit à la consommation doit être engagée dans le délai de deux ans qui suit l'événement qui lui a donné naissance.
D'une façon générale, le point de départ du délai à l'expiration duquel une action ne peut plus être exercée se situe nécessairement à la date d'exigibilité de l'obligation qui a donné naissance à cette action. Il s'ensuit que dans le cas d'une ouverture de crédit d'un montant déterminé qui se reconstitue au fur et à mesure des remboursements effectués par l'emprunteur et qui est assortie d'une obligation de remboursement à échéances convenues, le délai biennal de forclusion prévu à l'article L. 311-37 précité court à compter du moment où le montant maximum du crédit accordé à l'emprunteur a été dépassé sans être ensuite régularisé, cette situation caractérisant la défaillance de l'emprunteur.
En l'espèce, l'offre de crédit, qui mentionne que le « montant du découvert susceptible d'être autorisé » s'élève à 140.000 francs (21.342,86 €), a été plafonnée à 6.000 francs (914,69 €) à la date de son ouverture le 12 juillet 2001. Le contrat précise que « le montant du découvert maximum autorisé à l'ouverture du compte est celui indiqué aux conditions particulières ». Il précise encore que « l'emprunteur s'engage à ce que le découvert de son compte ne soit à aucun moment supérieur au découvert autorisé par Banque Accord ». Le contrat prévoit cependant que « ultérieurement (ce montant) pourra être augmenté ou diminué en une ou plusieurs fois, jusqu'à concurrence d'un montant maximum de 140.000 francs (21.342,86 €) » et que « l'accord entre les parties sur le nouveau plafond est lui-même donné sans forme particulière, et en particulier, peut résulter de la simple acceptation par la Banque Accord du financement d'une utilisation qui porte le montant du découvert à un niveau supérieur à celui jusqu'alors autorisé. »
Il résulte de ces clauses que le crédit consenti à l'ouverture est bien le crédit qualifié d'« autorisé » et non le montant du découvert « susceptible d'être autorisé », l'augmentation dans la limite de ce maximum n'étant pas automatique et restant subordonnée à l'accord des deux parties.
[minute page 4] Par ailleurs, la clause selon laquelle le montant de l'ouverture de crédit autorisé initialement pourra être augmenté ultérieurement avec l'accord du prêteur en fonction des « utilisations » de l'emprunteur, ne prévoit pas que cette augmentation devra donner lieu à l'émission d'une nouvelle offre préalable devant être acceptée par l'emprunteur et lui ouvrant une faculté de rétractation, comme le prévoient pourtant les articles L. 311-8 et suivants du Code de la consommation. Or le consommateur ne pouvant renoncer au bénéfice de ces dispositions protectrices d'ordre public, une telle stipulation permettant l'augmentation tacite de l'ouverture de crédit est illicite et réputée non écrite. Dès lors, elle ne peut avoir aucune incidence sur le point de départ du délai de forclusion.
Ainsi, alors qu'aucune offre préalable de crédit n'a été régularisée entre les parties depuis l'offre initiale du 12 juillet 2001, le montant initial du crédit de 6.000 francs (914,69 €) a été dépassé le 26 janvier 2002, pour atteindre, à cette date, la somme de 2.094,77 €. L'examen de l'historique du compte révèle que ce dépassement n'a jamais été régularisé et qu'au contraire la situation n'a cessé de s'aggraver. Ce dépassement du plafond constitue un incident de paiement caractérisant la défaillance de l'emprunteur, laquelle ne peut être régularisée par un crédit complémentaire octroyé dans des conditions irrégulières au regard des dispositions susvisées.
L'assignation de M. X. devant le tribunal d'instance de CAHORS a été délivrée le 5 septembre 2007, après l'expiration du délai biennal dont le point de départ était le 26 janvier 2002. L'action de la société BANQUE ACCORD est donc atteinte par la forclusion.
Le jugement déféré sera donc infirmé en toutes ses dispositions et la société BANQUE ACCORD sera déclarée irrecevable en ses demandes.
DISPOSITIF (décision proprement dite) (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)
PAR CES MOTIFS :
La Cour, après en avoir délibéré conformément à la loi, statuant par arrêt contradictoire prononcé par mise à disposition au greffe et en dernier ressort,
Infirme le jugement déféré dans toutes ses dispositions,
Et, statuant à nouveau,
Déclare la société BANQUE ACCORD irrecevable en ses demandes,
Condamne la société BANQUE ACCORD aux dépens et autorise la SCP VIMONT, avoués, à les recouvrer conformément aux dispositions de l'article 699 du Code de Procédure Civile.
Le présent arrêt a été signé par Edith O'YL, Président de Chambre et par Isabelle LECLERCQ, Greffier auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.
Le Greffier Le Président,
- 5745 - Code de la consommation - Régime de la protection - Consommateur - Effets - Suppression de la clause - Conséquences sur l’issue du litige - Effet rétroactif - Point de départ d’une forclusion - Illustrations
- 5826 - Code de la consommation - Clauses abusives - Nature de la protection - Législation d’ordre public - Principe
- 6631 - Code de la consommation - Présentation par contrat - Banque - Crédit à la consommation - Crédits spécifiques - Crédit renouvelable - 2 - Clause de dispense d’offre (augmentation du crédit) - Obligation de faire une offre
- 6635 - Code de la consommation - Présentation par contrat - Banque - Crédit à la consommation - Crédits spécifiques - Crédit renouvelable - 6 - Clause de dispense d’offre (augmentation du crédit) - Notion d’augmentation du crédit