CA AMIENS (1re ch. 1re sect.), 27 novembre 2008
CERCLAB - DOCUMENT N° 2623
CA AMIENS (1re ch. 1re sect.), 27 novembre 2008 : RG n° 08/03248 ; arrêt n° 605
Publication : Juris-Data n° 2008-374480
Extrait : « Considérant que l'insertion dans l'offre préalable de crédit d'une clause permettant l'augmentation, dans des proportions considérables, du montant du découvert initialement convenu sans acceptation par l'emprunteur d'une nouvelle offre de crédit, fait obstacle, d'une part, à l'information que ce dernier doit recevoir, préalablement à tout nouvel engagement, sur l'ensemble des caractéristiques du crédit projeté, notamment sur les charges de remboursement à venir, qu'une nouvelle offre de crédit, si elle lui avait été proposée à chaque dépassement du crédit précédemment autorisé, aurait permis d'assurer ainsi que, d'autre part, à la faculté de rétractation imposée par l'article L. 311-15 du code de la consommation à l'occasion de chaque nouvelle offre de crédit ;
Considérant que la clause litigieuse qui permet au prêteur d'augmenter le montant du crédit initialement consenti sans soumettre à l'emprunteur une nouvelle offre préalable lors de chaque dépassement du crédit autorisé est de nature à créer au détriment de l'emprunteur un déséquilibre significatif entre les droits et obligations des parties au contrat par rapport aux dispositions protectrices prévues par la loi en sa faveur ; que la loi encadre très strictement les conditions dans lesquelles le consentement de l'emprunteur doit être donné de manière à le protéger contre des engagements dont il n'aurait pas pu évaluer toute la portée au moment où il les prend ; que tel est précisément le cas en l'espèce ; Qu'il s'ensuit que la clause litigieuse est abusive et par suite doit être réputée non écrite en application de l'article L. 132-1 du code de la consommation ;
Considérant que le premier juge n'a pas excédé ses pouvoirs en relevant d'office le moyen tiré du caractère abusif de la clause litigieuse ; qu'il résulte en effet de la directive 93/13/CEE du Conseil du 5 avril 1993 concernant les clauses abusives dans les contrats conclus avec les consommateurs, que la protection qu'elles assurent implique que le juge national puisse apprécier d'office le caractère abusif d'une clause du contrat qui lui est soumis ; qu'il n'a statué qu'au regard du caractère abusif de la clause litigieuse et non pas de la conformité du contrat aux dispositions de l'article L. 311-9 du code de la consommation, de sorte que le reproche que lui fait la banque du Groupe Casino d'avoir relevé d'office le moyen tiré de la violation de ces dispositions qui ne peut être invoqué que par les emprunteurs, n'est pas fondée ;
Considérant que, dès lors que la clause permettant l'augmentation du montant du découvert est non écrite conformément à l'article L. 132-1 du code de la consommation, le montant du découvert reste fixé à 9.000 euros ; qu'il a été dépassé depuis le mois d'avril 2005, sans être régularisé depuis cette époque ».
COUR D’APPEL D’AMIENS
PREMIÈRE CHAMBRE PREMIÈRE SECTION
ARRÊT DU 27 NOVEMBRE 2008
ÉLÉMENTS D’IDENTIFICATION DE LA DÉCISION (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)
R.G. n° 08/03248. Arrêt n° 605. APPEL D'UN JUGEMENT DU TRIBUNAL D'INSTANCE D'ABBEVILLE du 20 juillet 2007.
PARTIES EN CAUSE :
APPELANTE :
SA BANQUE DU GROUPE CASINO
[adresse], Représentée par la SCP LE ROY, avoué à la Cour et plaidant par Maître VERFAILLIE substituant Maître Xavier D'HELLENCOURT, avocats au barreau d'AMIENS
ET :
INTIMÉE :
Madame X.
née le [date] à [ville], Assignée à domicile suivant exploit de la SCP SANNINO-MOTTAY-BARTET Huissiers de Justice Associés à CHAMBERY en date du 20 février 2008 à la requête de la SA BANQUE DU GROUPE CASINO. Non comparante.
DÉBATS : À l'audience publique du 17 octobre 2008 devant M. GRANDPIERRE, Président, entendu en son rapport, magistrat rapporteur siégeant, sans opposition des avocats, en vertu de l'article 786 du Code de procédure civile qui a avisé les parties à l'issue des débats que l'arrêt sera prononcé par sa mise à disposition au greffe le 27 novembre 2008.
GREFFIER : M. DROUVIN
COMPOSITION DE LA COUR LORS DU DÉLIBÉRÉ : M. Le Président en a rendu compte à la Cour composée de M. GRANDPIERRE, Président, Mme CORBEL et M. DAMULOT, Conseillers qui en ont délibéré conformément à la Loi.
[minute page 2] PRONONCÉ PUBLIQUEMENT : Le 27 novembre 2008 par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 45 du Code de procédure civile : M GRANDPIERRE, Président, a signé la minute avec M. DROUVIN, Greffier
EXPOSÉ DU LITIGE (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)
DÉCISION :
Statuant sur l'appel interjeté par la banque du Groupe Casino contre le jugement rendu le 20 juillet 2007 par le Tribunal d'instance d'Abbeville qui l'a déclarée irrecevable en son action dirigée contre Madame X., ensemble a laissé les dépens à sa charge ;
Considérant que la banque au Groupe Casino, qui poursuit l'infirmation du jugement, demande que Madame X. soit condamnée à lui payer la somme de 14.463,96 euros augmentée des intérêts au taux de 17,31 % sur la somme de 13.664,12 euros à compter du 13 février 2007 ;
Qu'à ces fins et après avoir exposé qu'elle a consenti un crédit de 15.000 euros à Madame X. qui n’a pas remboursé les mensualités de sorte qu'elle a prononcé la déchéance du terme, la banque du Groupe Casino soutient d'abord que le premier juge n'avait pas le pouvoir de soulever d'office le moyen tiré d'une prétendue forclusion de l'action ; que, sur la recevabilité de l'action, elle fait valoir que, compte tenu du découvert maximum autorisé, elle n'était pas dans l'obligation de faire souscrire à Madame X. l'acceptation d'une nouvelle offre à l'occasion de chaque évolution du crédit dès lors qu'il demeurait dans la limite de 15.000 euros ; qu'elle en déduit qu'ayant fait assigner Madame X. le 16 mai 2007 à la suite du premier incident de payement survenu au mois de janvier 2007, elle a agi dans le délai de deux ans prévu par l'article L. 311-37 du Code de la consommation ; qu'au fond, elle affirme justifier de sa créance au moyen de décomptes ;
Considérant que Madame X., assignée à une personne présente à son domicile, n'a pas constitué avoué ; que, par application des dispositions de l'article 473, alinéa 1er du Code de procédure civile, le présent arrêt sera rendu par défaut ;
MOTIFS (justification de la décision) (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)
Considérant qu'en fait, par offre préalable acceptée le 29 juillet 2004, la banque du Groupe Casino a consenti à Madame X. une ouverture de crédit utilisable par découvert en compte autorisé de 15.000 euros ouvrant droit, pour l'établissement de crédit, à la perception d'intérêts au taux effectif global de 16,51 % calculés sur les sommes réellement empruntées, la fraction disponible s'élevant à 6.000 euros ; qu'à la suite d'incidents de payement et par lettre recommandée avec demande d'avis de réception en date du 15 janvier 2007, la banque du Groupe Casino a prononcé la déchéance du terme ;
Considérant que, comme l'a relevé le premier juge, dès le mois d'avril 2005, Madame X. était débitrice d'une somme excédant 6.000 euros ;
Considérant qu'est insérée au contrat une clause selon laquelle « le montant maximum du découvert autorisé par le prêteur est de 15.000 €. Le montant que vous choisissez dans cette limite constitue la fraction disponible du découvert. Cette fraction disponible est de 9.000 €. » ;
Qu'en l'espèce, aucun avenant écrit n'a été conclu ;
[minute page 3] Considérant que l'insertion dans l'offre préalable de crédit d'une clause permettant l'augmentation, dans des proportions considérables, du montant du découvert initialement convenu sans acceptation par l'emprunteur d'une nouvelle offre de crédit, fait obstacle, d'une part, à l'information que ce dernier doit recevoir, préalablement à tout nouvel engagement, sur l'ensemble des caractéristiques du crédit projeté, notamment sur les charges de remboursement à venir, qu'une nouvelle offre de crédit, si elle lui avait été proposée à chaque dépassement du crédit précédemment autorisé, aurait permis d'assurer ainsi que, d'autre part, à la faculté de rétractation imposée par l'article L. 311-15 du code de la consommation à l'occasion de chaque nouvelle offre de crédit ;
Considérant que la clause litigieuse qui permet au prêteur d'augmenter le montant du crédit initialement consenti sans soumettre à l'emprunteur une nouvelle offre préalable lors de chaque dépassement du crédit autorisé est de nature à créer au détriment de l'emprunteur un déséquilibre significatif entre les droits et obligations des parties au contrat par rapport aux dispositions protectrices prévues par la loi en sa faveur ; que la loi encadre très strictement les conditions dans lesquelles le consentement de l'emprunteur doit être donné de manière à le protéger contre des engagements dont il n'aurait pas pu évaluer toute la portée au moment où il les prend ; que tel est précisément le cas en l'espèce ;
Qu'il s'ensuit que la clause litigieuse est abusive et par suite doit être réputée non écrite en application de l'article L. 132-1 du code de la consommation ;
Considérant que le premier juge n'a pas excédé ses pouvoirs en relevant d'office le moyen tiré du caractère abusif de la clause litigieuse ; qu'il résulte en effet de la directive 93/13/CEE du Conseil du 5 avril 1993 concernant les clauses abusives dans les contrats conclus avec les consommateurs, que la protection qu'elles assurent implique que le juge national puisse apprécier d'office le caractère abusif d'une clause du contrat qui lui est soumis ; qu'il n'a statué qu'au regard du caractère abusif de la clause litigieuse et non pas de la conformité du contrat aux dispositions de l'article L. 311-9 du code de la consommation, de sorte que le reproche que lui fait la banque du Groupe Casino d'avoir relevé d'office le moyen tiré de la violation de ces dispositions qui ne peut être invoqué que par les emprunteurs, n'est pas fondée ;
Considérant que, dès lors que la clause permettant l'augmentation du montant du découvert est non écrite conformément à l'article L. 132-1 du code de la consommation, le montant du découvert reste fixé à 9.000 euros ; qu'il a été dépassé depuis le mois d'avril 2005, sans être régularisé depuis cette époque ;
Considérant qu'en application des dispositions de l'article L. 311-37 du code de la consommation, les actions en paiement doivent être engagées, à peine de forclusion, dans les deux ans de l'événement qui leur a donné naissance ; que, dans le cas d'une ouverture de crédit d'un montant déterminé et reconstituable, assortie d'une obligation de remboursement à échéances convenues, le dépassement du découvert convenu constitue, en l'absence de régularisation, un incident qui manifeste la défaillance de l'emprunteur, contrairement à ce que soutient la banque du Groupe Casino, et qu'il constitue le point de départ du délai biennal de forclusion édicté par l'article précité ;
Que la banque du Groupe Casino ayant introduit son action par assignation du 16 mai 2007, soit plus de deux ans après le point de départ du délai de forclusion, sa demande est irrecevable ;
Que, par voie de conséquence, il convient de confirmer le jugement frappé d'appel ;
[minute page 4] Et considérant que la banque du Groupe Casino, qui succombe en ses prétentions et supporte les dépens, sera déboutée de sa demande d'indemnité fondée sur les dispositions de l'article 700 du Code de procédure civile ;
DISPOSITIF (décision proprement dite) (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)
PAR CES MOTIFS :
Statuant publiquement, par défaut et en dernier ressort,
Confirme le jugement rendu le 20 juillet 2007 par le Tribunal d'instance d'Abbeville au profit de Madame X. ;
Déboute la banque du Groupe Casino de sa demande d'indemnité fondée sur les dispositions de l'article 700 du Code de procédure civile ;
Condamne la banque du Groupe Casino aux dépens d'appel.
LE GREFFIER LE PRÉSIDENT,
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