CA BESANÇON (2e ch. civ.), 4 février 2009
CERCLAB - DOCUMENT N° 2634
CA BESANÇON (2e ch. civ.), 4 février 2009 : RG n° 08/00437
Publication : Jurica
Extrait : « Attendu, en l'espèce, que M. X. a, le 10 février 2001, répondu négativement à chacun des termes de la question posée dans le bulletin de demande d'admission dans l'assurance décomposée comme suit : « Avez-vous au cours de votre existence subi : - un traitement pour troubles nerveux, dépression nerveuse ; - d'autres traitements de plus d'un mois » ; […] ; Attendu en revanche, sur le second point, qu'il y a lieu de relever qu'ayant été traité par antidépresseurs de 1999 à fin 2000, soit quelques semaines avant l'établissement du questionnaire médical d'assurance, les premiers juges ont, à juste titre, retenu qu'en raison de la durée et de la proximité temporelle des traitements suivis, la fausse déclaration faite par M. X. sur l'absence de traitement apparaissait intentionnelle ; Attendu que dès lors que cette question posée en termes précis et compréhensibles, même non limitée dans le temps, ne caractérise par un abus de puissance économique et ne détermine pas un avantage excessif pour l'assureur dans la mesure où sa décision d'accepter un candidat à l'assurance et de définir l'étendue des garanties accordées résulte des seules déclarations que celui-ci accepte de faire, son annulation au titre d'une clause abusive n'est pas encourue ».
COUR D’APPEL DE BESANÇON
- 172 501 116 00013 -
DEUXIÈME CHAMBRE CIVILE
ARRÊT DU 4 FÉVRIER 2009
ÉLÉMENTS D’IDENTIFICATION DE LA DÉCISION (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)
R.G. n° 08/00437 ? S/appel d'une décision du TRIBUNAL DE GRANDE INSTANCE DE BESANCON en date du 15 JANVIER 2008 [RG N° 06/2664]. Code affaire : 58G : Demande en paiement de l'indemnité d'assurance dans une assurance de personnes
PARTIES EN CAUSE :
APPELANTS :
Monsieur X.,
né le [date] à [ville], de nationalité française, demeurant [adresse]
Monsieur Y.,
né le [date] à [ville], de nationalité française, demeurant [adresse]
Ayant Maître Bruno GRACIANO pour avoué et Maître Alexandre MAILLOT, avocat au barreau de LONS-LE-SAUNIER
ET :
INTIMÉES :
SA CNP ASSURANCES,
ayant son siège, [adresse], prise en la personne de ses représentants légaux en exercice demeurant pour ce audit siège, INTIMÉE, [minute Jurica page 2] Ayant la SCP DUMONT - PAUTHIER pour avoué et Maître Fabien STUCKLE, avocat au barreau de BESANCON
CAISSE D'ÉPARGNE ET DE PRÉVOYANCE DE BOURGOGNE FRANCHE-COMTÉ,
ayant son siège, [adresse], prise en la personne de ses représentants légaux en exercice demeurant pour ce audit siège, INTIMÉE, Ayant la SCP DUMONT - PAUTHIER pour avoués et Maître Philippe CADROT pour avocat au barreau de BESANCON
COMPOSITION DE LA COUR : Lors des débats :
MAGISTRATS : M. SANVIDO, Président de Chambre, M. POLANCHET et R. VIGNES,
Conseillers,
GREFFIER : M. ANDRE, Greffier,
Lors du délibéré : M. SANVIDO, Président de Chambre, M. POLANCHET et R. VIGNES, Conseillers,
L'affaire plaidée à l'audience du 6 janvier 2009, a été mise en délibéré au 4 février 2009. Les parties ont été avisées qu'à cette date l'arrêt serait rendu par mise à disposition au greffe.
EXPOSÉ DU LITIGE (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)
FAITS ET PRÉTENTIONS DES PARTIES :
M. X. et M. Y. ont accepté le 21 février 2001, en qualité de co-emprunteurs, une offre de prêt de la Caisse d'épargne et de prévoyance de Bourgogne Franche-Comté d'un montant de 310.000 € destiné à financer l'acquisition de leur résidence principale et ont souscrit, le 10 février 2001, un contrat d'assurance auprès de la société CNP ASSURANCES afin de les garantir contre les risques de décès, invalidité permanente et absolue et incapacité totale de travail.
Souffrant d'une lombosciatalgie ayant dégénéré par la suite en hernie discale, M. X. a sollicité fin 2005 la mise en œuvre de la garantie au titre de l'incapacité totale de travail.
La société CNP ASSURANCES a refusé sa garantie au motif d'une fausse déclaration emportant nullité du contrat.
Par actes délivrés les 26 et 30 octobre 2006, MM. X. et Y. ont fait assigner la société CNP ASSURANCES et la Caisse d'épargne devant le tribunal de grande instance de Besançon afin d'entendre déclarer le jugement intervenir commun et opposable à la Caisse d'épargne, condamné la société CNP ASSURANCES à prendre en charge, avec effet rétroactif au 7 décembre 2005, le remboursement des échéances du prêt jusqu'au terme de l'ITT fixé à titre provisoire au 4 décembre [minute Jurica page 3] 2006, ainsi qu'à leur payer une indemnité de 1.500 € pour frais irrépétibles.
Par jugement du 15 janvier 2008, auquel la cour se réfère pour un plus ample exposé des faits et moyens, ainsi que pour les motifs, le tribunal a :
- prononcé la nullité du contrat d'assurance,
- débouté M. X. et M. Y. de leurs demandes au titre de l'article 700 du code de procédure civile,
- condamné les demandeurs à payer solidairement à la Caisse d'épargne la somme de 500 € au titre de l'article 700 du code de procédure civile.
Par déclaration déposée au greffe de la cour le 21 février 2008, MM. X. et Y. ont interjeté appel de cette décision.
Par conclusions déposées le 19 juin 2008, les appelants demandent à la cour d'infirmer le jugement entrepris et de :
- constater que depuis le 8 septembre 2005, M. X. se trouve dans l'obligation d'interrompre totalement toute activité professionnelle,
- dire que les conditions de mise en œuvre de la garantie sont réunies,
- prononcer la nullité de la question concernant l'existence d'autres traitements de plus d'un mois subis au cours de l'existence figurant dans le questionnaire médical,
- en conséquence, condamner la société CNP ASSURANCES à prendre en charge avec effet rétroactif au 7 décembre 2005 le remboursement des échéances du prêt souscrit auprès de la Caisse d'épargne jusqu'au terme de l'ITT,
- la condamner à leur rembourser les sommes qu'ils ont eux-mêmes payées à la banque depuis le 7 décembre 2005,
- dire que le refus de CNP ASSURANCES d'exécuter ses obligations contractuelles leur occasionne un préjudice matériel et moral,
- condamner la CNP ASSURANCES à leur payer la somme de 1.500 € à titre de dommages-intérêts,
- la condamner au paiement d'une indemnité de 2.500 € en application de l'article 700 du code de procédure civile.
Par conclusions déposées le 10 juillet 2008, la Caisse D'EPARGNE demande à la cour de statuer ce que de droit sur l'appel interjeté par MM. X. et Y. et de les condamner en toute hypothèse à lui payer la somme de 750 € sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile.
Par conclusions déposées le 7 octobre 2008, la société CNP ASSURANCES demande à la cour de confirmer le jugement en toutes ses dispositions, subsidiairement, de dire que toute éventuelle prise en charge des échéances du prêt ne pourra se faire que dans les termes et limites contractuelles au profit de la Caisse d'épargne à compter de la date d'expiration du délai de carence, de lui donner acte de ce qu'elle ne s'opposerait pas à la désignation d'un médecin expert aux frais avancés des appelants et de condamner MM. X. et Y. à lui payer une indemnité de 1.500 € en remboursement des frais irrépétibles qu'elle a exposés.
[minute Jurica page 4] Par application de l'article 455 du code de procédure civile, il est renvoyé aux écritures susvisées pour l'exposé complet des moyens et prétentions des parties.
Vu l'ordonnance de clôture du 4 novembre 2008,
Vu les pièces régulièrement produites ;
MOTIFS (justification de la décision) (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)
MOTIFS DE LA DÉCISION :
Attendu que, suivant les dispositions de l'article L. 113-8 alinéa 1er du code des assurances, le contrat d'assurance est nul en cas de fausse déclaration intentionnelle de la part de l'assuré, quand cette réticence ou cette fausse déclaration change l'objet du risque ou en diminue l'opinion pour l'assureur, alors même que le risque omis ou dénaturé a été sans influence sur le sinistre ;
Que l'alinéa 2 prévoit que l'assuré, lors de la déclaration des risques, doit répondre exactement aux questions posées par l'assureur sur les circonstances qui sont de nature à faire apprécier par celui-ci les risques qu'il prend en charge ;
Attendu, en l'espèce, que M. X. a, le 10 février 2001, répondu négativement à chacun des termes de la question posée dans le bulletin de demande d'admission dans l'assurance décomposée comme suit :
« Avez-vous au cours de votre existence subi :
- un traitement pour troubles nerveux, dépression nerveuse ;
- d'autres traitements de plus d'un mois » ;
Que pour justifier le refus de garantie, CNP ASSURANCES fait valoir qu'il résulte d'un premier certificat médical du Docteur S. du 12 avril 2006 que l'intéressé lui a signalé avoir eu des troubles dépressifs depuis janvier 1996 et qu'il a été traité par antidépresseurs de 1999 à 2000, tandis que selon un second certificat du 8 janvier 2006, ce même praticien a certifié suivre M. X. qui a présenté, en février 1999, un syndrome dépressif : tristesse et troubles de l'humeur, insomnies et a bénéficié d'un traitement par Ixel et Xanax, Ixel ayant été interrompu en raison de troubles urinaires et remplacé par Seropram ;
Attendu, sur le premier point, que les troubles nerveux ou dépression nerveuse, qui correspondent à une pathologie psychiatrique, doivent être distingués du syndrome dépressif qui s'analyse en une affection bénigne caractérisée par des troubles du sommeil, de la fatigue, une « déprime », correspondant à une tristesse passagère liée à une situation difficile ; que s'agissant de troubles largement répandus dans la population, M. X. n'a pas eu conscience d'être atteint d'une ou des affections mentionnées dans le questionnaire d'assurance et qu'il ne peut lui être fait grief d'avoir fait à cet égard une fausse déclaration intentionnelle ;
Attendu en revanche, sur le second point, qu'il y a lieu de relever qu'ayant été traité par antidépresseurs de 1999 à fin 2000, soit quelques semaines avant l'établissement du questionnaire médical d'assurance, les premiers juges ont, à juste titre, retenu qu'en raison de la durée et de la proximité temporelle des traitements suivis, la fausse déclaration faite par M. X. sur l'absence de traitement apparaissait intentionnelle ;
Attendu que dès lors que cette question posée en termes précis et compréhensibles, même non limitée dans le temps, ne caractérise par un abus de puissance économique et ne détermine pas un avantage excessif pour l'assureur dans la mesure où sa décision d'accepter un candidat à l'assurance [minute Jurica page 5] et de définir l'étendue des garanties accordées résulte des seules déclarations que celui-ci accepte de faire, son annulation au titre d'une clause abusive n'est pas encourue ;
Attendu que par des motifs que la cour adopte, les premiers juges, après avoir relevé que CNP ASSURANCES avait précisé que la déclaration du traitement médical l'aurait conduite à proposer une assurance ne garantissant pas le risque d'incapacité totale de travail et retenu que l'absence d'indication de la prise pendant plusieurs mois d'un traitement pour troubles dépressifs pouvant conduire à des arrêts de travail était de nature à diminuer l'opinion du risque pour l'assureur qui apprécie ce risque selon l'existence ou pas d'antécédent médical, ont, à bon droit, prononcé la nullité du contrat d'assurance ;
Que la confirmation du jugement s'impose donc ;
Attendu que MM. X. et Y. qui succombent en leur appel supporteront les dépens et leurs frais irrépétibles ;
Que l'équité ne commande pas de faire application en cause d'appel des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile au profit des intimées ;
DISPOSITIF (décision proprement dite) (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)
PAR CES MOTIFS :
LA COUR, statuant publiquement, par arrêt contradictoire, après en avoir délibéré,
CONFIRME le jugement rendu le 15 janvier 2008 par le tribunal de grande instance de Besançon,
Y ajoutant,
DEBOUTE M. X. et M. Y. de leurs demandes d'annulation d'une question et en paiement de dommages-intérêts,
DIT n'y avoir lieu à application de l'article 700 du code de procédure civile au profit de la société
CNP ASSURANCES et de la Caisse d'épargne et de prévoyance de Bourgogne Franche-Comté,
CONDAMNE M. X. et M. Y. solidairement aux dépens d'appel, avec possibilité de recouvrement direct au profit de la SCP DUMONT-PAUTHIER, avoués associés, conformément aux dispositions de l'article 699 du code de procédure civile,
LEDIT arrêt a été signé par M. SANVIDO, Président de Chambre, ayant participé au délibéré et M. ANDRE, Greffier.
LE GREFFIER, LE PRÉSIDENT DE CHAMBRE,
- 5735 - Code de la consommation - Régime de la protection - Consommateur - Effets - Suppression de la clause - Nature - Clause nulle
- 5803 - Code de la consommation - Clauses abusives - Évolution de la protection (2) - Cass. civ. 1re, 14 mai 1991 - Application directe de la loi n° 78-23 du 10 janvier 1978 : illustrations
- 5816 - Code de la consommation - Clauses abusives - Application dans le temps - Clauses abusives - Illustrations : Loi n° 95-96 du 1er février 1995
- 6018 - Code de la consommation - Notion de clauses abusives - Appréciation du déséquilibre - Clauses sur l’objet principal ou le prix - Loi du 1er février 1995 - Exceptions : clauses obscures
- 6361 - Code de la consommation - Présentation par contrat - Assurance - Assurances de groupe - Assurance-crédit - Obligations de l’assuré