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CA CAEN (1re ch. sect. civ.), 15 janvier 2008

Nature : Décision
Titre : CA CAEN (1re ch. sect. civ.), 15 janvier 2008
Pays : France
Juridiction : Caen (CA), 1re ch.
Demande : 06/02120
Date : 15/01/2008
Nature de la décision : Infirmation
Mode de publication : Jurica
Décision antérieure : TGI CAEN (2e ch.), 10 mai 2006
Décision antérieure :
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CERCLAB - DOCUMENT N° 2644

CA CAEN (1re ch. sect. civ.), 15 janvier 2008 : RG n° 06/02120

Publication : Jurica

 

Extrait : « Attendu que dans ses propres conclusions, la compagnie estime que la clause contractuelle mettant à la charge de l'assurée d'établir les circonstances détaillées du vol ne peut se lire sans interprétation, puisqu'elle en propose une ;

Que, en effet sauf certains cas de violence, le vol se commet généralement à l'insu de sa victime et que limiter les cas d'assurance aux circonstances où l'assuré connaît les détails du déroulement de l'opération circonscrit l'assurance à un nombre très limité de cas, rendant l'assurance généralement sans effet ; Attendu qu'il faut retenir que l'assuré puisse présenter un nombre de données suffisantes pour que l'on puisse avec quelque vraisemblance retenir que le vol a bien eu lieu, sans que ces circonstances laissent apparaître de soupçon de fraude de la part de l'assuré ; que l'on peut aussi tenir compte des diligences ; Attendu qu'exiger une effraction exclurait sans raison les hypothèses où un vol se commet sans effraction, notamment, par la détention de clés copiées, prêtées ou autre ; qu'aucun cas d'exclusion pour ces types de cas n'est soulevé ; Qu'elle exclurait aussi les effractions qui n'auraient pas été comprises, l'imagination des délinquants étant souvent grande ; Qu'en soi, l'effraction ou l'absence de trace d'effraction, ou même leur caractère peu convainquant ne suffit pas à écarter la notion de vol ;

Attendu qu'en l'espèce, […] ; Attendu que dans ces conditions, le vol n'est pas contestable et que Mlle X. en a apporté suffisamment d'éléments pour que les exigences contractuelles soient satisfaites ; Que la seule réserve résulte des traces sur la fenêtre qui sont apparue à l'enquêteur de l'assurance comme une simulation ; mais qu'il s'agit d'une hypothèse et que personne n'a prétendu qu'elles aient été réalisées par l'assurée ; Que l'obligation de l'assureur est établie et que le jugement doit être réformé ».

 

COUR D’APPEL DE CAEN

PREMIÈRE CHAMBRE SECTION CIVILE

ARRÊT DU 15 JANVIER 2008

 

ÉLÉMENTS D’IDENTIFICATION DE LA DÉCISION          (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)

R.G. n° 06/02120. ORIGINE : DÉCISION du Tribunal de Grande Instance de CAEN en date du 10 mai 2006 - RG n° 04/0780.

 

APPELANTE :

Mademoiselle X.

[adresse], représentée par la SCP GRANDSARD DELCOURT, avoués, assistée de Maître JOUANNEAU LAUNAY, avocat au barreau de CAEN

 

INTIMÉE :

Société AXA ASSURANCES IARD MUTUELLE

[adresse], prise en la personne de son représentant légal, représentée par la SCP PARROT LECHEVALLIER ROUSSEAU, avoués, assistée de Maître AUGER, substitué par Maître L. DOREL, avocats au barreau de CAEN

 

COMPOSITION DE LA COUR LORS DES DÉBATS ET DU DÉLIBÉRÉ : M. BOYER, Président de Chambre, Conseiller, Mme CHERBONNEL, Conseiller, Monsieur ODY, Conseiller,

DÉBATS : A l'audience publique du 13 novembre 2007

GREFFIER : Madame GALAND

ARRÊT prononcé publiquement par mise à disposition au greffe le 15 janvier 2008 et signé par M. BOYER, Président de Chambre, et Madame GALAND, Greffier

 

EXPOSÉ DU LITIGE                                                                                         (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)

Par jugement du 10 mai 2006, le tribunal de grande instance de Caen a débouté Mme X. de ses demandes. Celle-ci avait demande à la compagnie AXA de l'indemniser à la suite du cambriolage de son appartement.

[minute Jurica page 2] Le tribunal a considéré qu'elle n'établissait pas les circonstances détaillées du vol lui assurant la prise en charge contractuelle du sinistre.

Mlle X. conclut à la réformation du jugement et à la condamnation de la compagnie AXA à lui payer 15.900 euros pour son préjudice matériel, avec intérêts de droit à compter du 18 février 2003, outre 5.000 euros de préjudice moral et financier.

Elle fait valoir que :

- « un premier expert a relevé des traces d'effraction » puis le cabinet d'expert auquel la compagnie avait donné mission a conclu « si le cambriolage n'est pas contestable, il y a un fort doute sur le mode de pénétration dans l'appartement » ;

- le juge de la mise en état a commis un expert qui a estimé impossible d'ouvrir la porte fenêtre à partir du balcon ;

- la procédure pénale, si elle a abouti à la relaxe des personnes poursuivies, a quand même établi l'existence du cambriolage et notamment permis de retrouver quelques bijoux,

- si le contrat garantit le vol « dès lors que vous pouvez en établir les circonstances détaillées », cette clause ne peut pas s'interpréter en une obligation de décrire des opérations auxquelles par hypothèse l'assuré n'a généralement pas assisté, sauf à constituer une clause abusive,

- elle a elle-même avisé immédiatement lorsqu'elle est rentrée de vacances les services de police et l'assureur,

- divers témoignages et traces montrent l'existence du vol, étant observé que l'effraction n'est pas une condition contractuelle de la garantie,

- une premier expert avait procédé à l’ouverture de la fenêtre à partir du balcon, même si l'expert judiciaire, deux ans après, n'y est pas parvenu.

La compagnie AXA conclut à la confirmation du jugement et subsidiairement à la limitation à 50 % de l'indemnisation du préjudice matériel, et au débouté du préjudice moral et financier.

Elle estime que :

« - les constatations sur la fenêtre montrent que l'effraction ne pouvait intervenir qu'en utilisant un tabouret sur ce balcon du cinquième étage, laissant des traces beaucoup plus importantes que celles constatées, et relève que selon son enquêteur, l'effraction a été simulée pour rendre crédible l'hypothèse du vol,

- l'expertise judiciaire a confirmé son opinion sur l'ouverture forcée de la fenêtre,

- par l'obligation faite à l'assuré d'établir les circonstances détaillées du vol, il faut comprendre qu'elle doit rapporter la preuve cohérente de la matérialité du vol, ce qui ne serait pas le cas dans la mesure où :

* aucune trace d'escalade n'a été relevée sur la façade,

* l'effraction de la porte fenêtre du salon n'st pas crédible,

* aucune effraction n'a été relevée sur la porte palière, côté extérieur,

- les témoignages invoqués ne sont pas convaincants,

- [minute Jurica page 3] il est normal dans une telle hypothèse que la réflexion soit focalisée sur des traces d'effraction ;

- il faut des mesures permettant de lutter contre les fraudes ».

Subsidiairement, elle fait valoir les clauses de la police obligeant à mettre en œuvre les fermetures et notamment les volets et persiennes, tandis que Mlle X. était partie sans fermer les volets.

Par ordonnance du 10 octobre 2007, le juge de la mise en état en a ordonné la clôture. Il a dit son rapport avant les plaidoiries.

 

MOTIFS (justification de la décision)                                                 (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)

SUR QUOI :

Attendu que la souscription du contrat d'assurance est constante ;

Attendu que dans ses propres conclusions, la compagnie estime que la clause contractuelle mettant à la charge de l'assurée d'établir les circonstances détaillées du vol ne peut se lire sans interprétation, puisqu'elle en propose une ;

Que, en effet sauf certains cas de violence, le vol se commet généralement à l'insu de sa victime et que limiter les cas d'assurance aux circonstances où l'assuré connaît les détails du déroulement de l'opération circonscrit l'assurance à un nombre très limité de cas, rendant l'assurance généralement sans effet ;

Attendu qu'il faut retenir que l'assuré puisse présenter un nombre de données suffisantes pour que l'on puisse avec quelque vraisemblance retenir que le vol a bien eu lieu, sans que ces circonstances laissent apparaître de soupçon de fraude de la part de l'assuré ; que l'on peut aussi tenir compte des diligences ;

Attendu qu'exiger une effraction exclurait sans raison les hypothèses où un vol se commet sans effraction, notamment, par la détention de clés copiées, prêtées ou autre ; qu'aucun cas d'exclusion pour ces types de cas n'est soulevé ;

Qu'elle exclurait aussi les effractions qui n'auraient pas été comprises, l'imagination des délinquants étant souvent grande ;

Qu'en soi, l'effraction ou l'absence de trace d'effraction, ou même leur caractère peu convainquant ne suffit pas à écarter la notion de vol ;

Attendu qu'en l'espèce, le cabinet S., commis par la compagnie concluait : « les investigations effectuées permettent d'établir avec certitude que Mlle X. Valérie a bien été victime du cambriolage de son appartement pendant ses congés » ;

Attendu qu'il prend notamment en compte le témoignage d'un couple de voisins ayant vu deux individus déménager le réfrigérateur de Mlle X. et qui ont pensé qu'il s'agissait d'un déménagement, puis ont alerté les services de police qui n'ont malheureusement pas pu dépêcher quiconque sur place à ce moment-là ;

Que Mlle X. a également immédiatement porté plainte ;

Que si la poursuite pénale a abouti à une décision de renvoi des fins de la poursuite c'est au motif que la personne poursuivie pour recel avait été victime d'une confusion avec une autre personne, ce qui n'affecte pas la réalité du vol pris en compte par le juge d'instruction ;

Que les services de police avaient indiqué dans un compte rendu technique : « le ou les auteurs ont forcé la porte d'entrée au niveau du verrou puis ils ont fouille toutes les pièces vidant le contenu des meubles eu sol... la cuisine a été vidée de tous ses meubles » ;

[minute Jurica page 4] Attendu que des photographies versées au dossier illustrent ce cambriolage attesté par les services de police ; que si le forçage de la porte d'entrée de l'extérieur n'apparaît finalement pas établi, le cambriolage le reste ;

Attendu que dans ces conditions, le vol n'est pas contestable et que Mlle X. en a apporté suffisamment d'éléments pour que les exigences contractuelles soient satisfaites ;

Que la seule réserve résulte des traces sur la fenêtre qui sont apparue à l'enquêteur de l'assurance comme une simulation ; mais qu'il s'agit d'une hypothèse et que personne n'a prétendu qu'elles aient été réalisées par l'assurée ;

Que l'obligation de l'assureur est établie et que le jugement doit être réformé ;

Attendu que la compagnie fait encore valoir que, en page 3 des conditions générales du contrat, il est stipulé : « pour bénéficier au maximum des garanties de votre contrat, vous vous engagez à respecter les mesures de prévention suivantes : ... en cas d'absence plus longue (plus de 24 heures), utilisez en plus tous les moyens de fermeture ou de blocage (volets, persiennes, etc.) et si vous avez un système d'alarme, mettez le en marche » ;

Qu'elle invoque les conditions particulières « en cas de non respect des mesures de prévention précisées aux Conditions Générales, vos garanties seront toujours acquises. Dans ce cas, vous serez indemnisé à concurrence de : 50 % en Vol » ;

Qu'elle reproche à l'assurée d'avoir omis de fermer le volet plastique de la porte fenêtre ;

Attendu cependant que cette diminution de moitié de l'indemnisation ne peut être prise en compte que si elle suffisamment explicite et claire ;

Que séparée en deux actes, sans que le lien entre les deux soit clairement précisé, alors que l'appartement se situe au quatrième étage, ce qui n'attire pas l'attention sur la nécessité de fermer un volet contre le vol, n'est pas suffisamment explicitée ;

Qu'il n'y a pas lieu à la diminution prétendue ;

Attendu en conséquence que la compagnie doit réparer l'entier dommage ;

Attendu que le chiffrage du préjudice matériel résultant du vol ne fait l'objet d'aucune critique précise et détaillée ; qu'il sera donc admis ;

Attendu que, en ne procédant pas à l'indemnisation dans un délai raisonnable, pour un motif qui s'est avéré infondé, l'assureur a manqué à son obligation et donc engagé sa responsabilité contractuelle ;

Qu'il en doit réparation, même si les dommages consécutifs à l'irrespect de cette obligation contractuelle n'était pas prévus au contrat ;

Que le dossier montre que tout la cuisine avait été vidée de ses meubles ; qu'il a donc fallu acheter, sans le secours des indemnités dues, ce qui était nécessaire à la vie courante ;

Que le cambriolage a été constaté le 25 août 2002 ; que l'indemnisation interviendra donc avec au moins cinq ans de retard ;

Attendu que Mlle X. verse au dossier un certificat médical du Docteur C. attestant la suivre pour un état anxio-dépressif lié à un symptôme post traumatique suite à un cambriolage aggravé par une procédure longue et difficile ; qu'il faut état du sentiment d'injustice subi ; que cet état n'est que partiellement dû à l'attitude de l'assureur, mais que cette attitude l'a aggravé ;

[minute Jurica page 5] Attendu que ces préjudices ne sont pas compensés par les intérêts de retard et justifient une indemnisation complémentaire ;

Attendu que l'on peut retenir une indemnité de 3.000 euros pour l'ensemble des préjudices liés au retard d'indemnisation ;

 

DISPOSITIF (décision proprement dite)                                          (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)

PAR CES MOTIFS :

Statuant contradictoirement

Infirme le jugement rendu par le Tribunal de grande instance de Caen le 10 mai 2006,

Condamne la compagnie AXA à payer à Mlle X. la somme de 15.900 euros avec intérêts de droit à compter de l'assignation, outre 3.000 euros de dommages intérêts et 2.000 euros en application de l'article 700 du Code de procédure civile,

La condamne aux dépens de première instance et d'appel avec application de l'article 699 du Code de procédure civile.

LE GREFFIER             LE PRESIDENT

C. GALAND                     J. BOYER