CEntre de Recherche sur les CLauses ABusives
Résultats de la recherche

CA RENNES (1re ch. B), 23 janvier 2009

Nature : Décision
Titre : CA RENNES (1re ch. B), 23 janvier 2009
Pays : France
Juridiction : Rennes (CA), 1re ch. sect. B
Demande : 07/03224
Date : 23/01/2009
Nature de la décision : Confirmation
Mode de publication : Juris Data
Numéro de la décision : 58
Imprimer ce document

 

CERCLAB - DOCUMENT N° 2707

CA RENNES (1re ch. B), 23 janvier 2009 : RG n° 07/03224 ; arrêt n° 58

Publication : Jurica ; Juris-Data n° 2009-002344

 

Extraits : 1/ « Considérant que la clause contestée par la FLCE 35 est libellée comme suit : «  a) L'emprunteur peut toujours, à son initiative, rembourser par anticipation, sans indemnité, en partie ou en totalité le crédit qui lui a été consenti, à condition d'en prévenir le prêteur un mois à l'avance. Tout remboursement anticipé doit intervenir à une date d'échéance » ;

Considérant que l'article L. 311-29 du code de la consommation dispose que l'emprunteur peut toujours à son initiative, rembourser par anticipation sans indemnité, en partie ou en totalité, le crédit qui lui a été consenti ; Considérant que la clause critiquée impose à l'emprunteur un délai de préavis d'un mois et un remboursement pour une date d'échéance, de telle sorte que le préavis peut atteindre près de deux mois, alors que l'article L. 311-29 du Code de la Consommation et le modèle-type lui accordent le droit de rembourser à tout moment le prêt ; qu'une telle clause, qui permet au professionnel d'imposer à l'emprunteur la perception d'intérêts pendant près de deux mois en lui interdisant un remboursement immédiat du prêt sans raison technique véritable et d'imposer ainsi un « coût » prohibé par l'article L. 311-32 du code la consommation, a manifestement pour effet de créer au détriment de ce dernier un déséquilibre significatif entre les droits et obligations des parties au contrat ; Que cette clause apparaît abusive ».

2/ « Considérant que cette clause, contestée par la FLCE 35, est libellée comme suit : « e) Les sommes dues seront de plein droit et immédiatement exigibles, si bon semble au préteur, sans formalité ni mise en demeure, dans les cas suivants : - […] - si un emprunteur ou un co-emprunteur décède, - si les déclarations faites par l'emprunteur tant dans les présentes que dans la demande de crédit sont reconnues fausses ou inexactes » ;

Considérant que l'article L. 311-30 du code de la consommation prévoit qu'en cas de défaillance de l'emprunteur, le prêteur pourra exiger le remboursement immédiat du capital restant dû, majoré des intérêts échus mais non payés augmenté des intérêts au taux du prêt outre une indemnité ;

Considérant que la clause concernant les déclarations de l'emprunteur prévoit une résiliation de plein droit du crédit pour des raisons extérieures à l'exécution du contrat ; qu'elle apparaît abusive en raison de son extrême généralité qui met l'emprunteur à la [minute page 6] discrétion du prêteur, alors qu'une simple inexactitude ne saurait constituer une faute contractuelle justifiant la résiliation du contrat, sanction disproportionnée, et alors qu'aux termes du modèle-type, seule la défaillance de l'emprunteur est susceptible d'entraîner une telle sanction ;

Considérant que la clause concernant le décès de l'emprunteur ou du co-emprunteur, qui n'est pas non plus prévue dans le modèle type, apparaît également abusive comme créant un déséquilibre significatif au détriment du consommateur puisqu'elle permet la résiliation d'un contrat, alors même que les échéances en seraient régulièrement acquittées, ce qui aggrave nécessairement sa situation en raison de l'exigibilité anticipée de la totalité des sommes dues ;

Qu'il doit d'ailleurs être observé que, si le décès d'un emprunteur n'ayant pas souscrit d'assurance-décès devait entraîner un arrêt dans le paiement des échéances du contrat, il y aurait défaillance de l'emprunteur au sens de l'article L. 311-30 du code de la consommation ».

 

RÉPUBLIQUE FRANÇAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

 

COUR D’APPEL DE RENNES

PREMIÈRE CHAMBRE B

ARRÊT DU 23 JANVIER 2009

 

ÉLÉMENTS D’IDENTIFICATION DE LA DÉCISION          (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)

R.G. n° 07/03224. Arrêt n° 58.

 

APPELANTE :

SA GROUPE SOFEMO

[adresse] représentée par la SCP JACQUELINE BREBION ET JEAN-DAVID CHAUDET, avoués, assistée de Maître LUTZ, avocat

 

INTIMÉE :

FÉDÉRATION DU LOGEMENT, DE LA CONSOMMATION ET DE L'ENVIRONNEMENT D'ILLE ET VILAINE, FLCE 35

[adresse] représentée par la SCP GAUVAIN & DEMIDOFF, avoués assistée du Cabinet SEVESTRE SIZARET, avocats

 

COMPOSITION DE LA COUR LORS DU DÉLIBÉRÉ : Monsieur Jean-Bernard PIPERAUD, Président, Mine Rosine NIVELLE, Conseiller, Monsieur Jean-Pierre GIMONET, Conseiller,

GREFFIER : Mme Marie-Noëlle CARIOU, lors des débats et lors du prononcé

DÉBATS : À l'audience publique du 11 décembre 2008, devant Monsieur Jean-Pierre GIMONET, entendu en son rapport à l'audience, siégeant en qualité de magistrat rapporteur, sans opposition des représentants des parties, et qui a rendu compte au délibéré collégial

ARRÊT : Contradictoire, prononcé par l'un des magistrats ayant participé au délibéré, à l'audience publique du 23 janvier 2009, date indiquée à l'issue des débats

 

EXPOSÉ DU LITIGE                                                                                         (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)

[minute page 2] Par jugement du 26 avril 2007, le tribunal d'instance de RENNES :

- a déclaré recevable l'action de la Fédération du Logement, de la Consommation et de l'Environnement d'Ille-et-Vilaine, en ce qu'elle visait les contrats diffusés en d’Ille-et-Vilaine ;

- a déclaré illicites et abusives les clauses a) et e) tirets 2 et 3 figurant sous l'intitulé « exécution du contrat » de l'offre préalable de crédit accessoire à un contrat de vente ou de prestation de services référencée 42-02-40 - 02/2005 ;

- a ordonné la cessation de la diffusion de cette offre en Ille-et-Vilaine dans les 15 jours de la signification du jugement et à défaut à peine d'astreinte de trois cents euros par manquement constaté ;

- a condamné la société GROUPE SOFEMO à faire publier en caractères gras, de corps 16, dans le journal Ouest-France édition Rennes, dans les 15 jours de la signification du jugement et à défaut à peine d'astreinte de trois cents euros par jour de retard, l'extrait suivant :

« Par jugement du 26 avril 2007, le Tribunal d'Instance de Rennes a déclaré illicites et abusives au regard des dispositions du Code de la Consommation, les clauses a) et e) tirets 2 et 3 de l'offre préalable de crédit accessoire à un contrat de vente ou de prestations de services, référencée 42-02-40 - 02/2005, figurant sous l'intitulé « exécution du contrat » »,

- s'est réservé la liquidation des astreintes prononcées,

- a condamné la Société Anonyme GROUPE SOFEMO à payer à la Fédération du Logement, de la Consommation et de l'environnement d'Ille-et-Vilaine la somme de trois mille euros à titre de dommages et intérêts,

- a ordonné l'exécution provisoire,

- a condamné la Société Anonyme GROUPE SOFEMO à payer à la Fédération du Logement, de la Consommation et de l'environnement d'Ille-et-Vilaine la somme de 1.500 euros sur le [minute page 3] fondement de l'article 700 du code de procédure civile ainsi qu'aux dépens,

- a rejeté toutes les autres demandes ;

La société GROUPE SOFEMO a interjeté appel de cette décision et, par conclusions du 11 février 2008, a demandé à la cour :

- d'infirmer le jugement,

- de déclarer la Fédération du Logement, de la Consommation et de l'Environnement d'Ille-et-Vilaine irrecevable en ses demandes et subsidiairement mal fondée,

- de rejeter l'ensemble des prétentions de la Fédération du Logement, de la Consommation et de l'Environnement d'Ille-et-Vilaine,

- de condamner la Fédération du Logement, de la Consommation et de l'Environnement d'Ille-et-Vilaine à lui payer la somme de 3.000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile ainsi qu'aux dépens de première instance et d'appel ;

La Fédération du Logement, de la Consommation et de l'Environnement d'Ille-et-Vilaine, par conclusions du 8 avril 2008, a demandé à la cour de confirmer le jugement et de condamner société GROUPE SOFEMO à lui payer la somme de 2.000 euros à titre d'indemnité pour frais irrépétibles ainsi qu'à payer les entiers dépens qui seront recouvrés conformément aux dispositions de l'article 699 du code de procédure civile ;

 

MOTIFS (justification de la décision)                                                 (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)

SUR CE,

Considérant que l'article L. 132-1 du Code de la consommation dispose que, dans les contrats conclus entre professionnels et non professionnels ou consommateurs, sont abusives les clauses qui ont pour objet ou pour effet de créer, au détriment du non-professionnel ou du consommateur, un déséquilibre significatif entre les droits et obligations des parties au contrat ;

[minute page 4] Que l'alinéa 2 précise, que sans préjudice des règles d'interprétation prévues aux articles 1156 à 1161, 1163 et 1164 du Code civil, le caractère abusif d'une clause s'apprécie en se référant, au moment de la conclusion du contrat, à toutes les circonstances qui entourent sa conclusion, de même qu'à toutes les autres causes du contrat ;

Que l'article L. 421-6 permet aux associations de demander à la juridiction civile d'ordonner, le cas échéant sous astreinte, la suppression d'une clause illicite ou abusive dans tout contrat ou type de contrat proposé ou destiné au consommateur ;

Considérant qu'aux termes des articles L. 311-13 et R. 311-6 du code de la Consommation, l'offre préalable de crédit soumise par le professionnel à l'emprunteur doit comporter les indications figurant dans le modèle-type applicable à l'opération de crédit envisagée fixé par le comité de réglementation bancaire ; que l'offre ne satisfait pas aux dispositions de l'article L. 311-13 lorsqu'elle contient des clauses qui, ajoutées aux mentions imposées par le modèle-type, aggravent la situation financière de l'emprunteur ;

 

SUR LA CLAUSE a) DE L'OFFRE PRÉALABLE DE PRÊT : REMBOURSEMENT ANTICIPÉ :

Considérant que la clause contestée par la FLCE 35 est libellée comme suit :

«  a) L'emprunteur peut toujours, à son initiative, rembourser par anticipation, sans indemnité, en partie ou en totalité le crédit qui lui a été consenti, à condition d'en prévenir le prêteur un mois à l'avance. Tout remboursement anticipé doit intervenir à une date d'échéance » ;

Considérant que l'article L. 311-29 du code de la consommation dispose que l'emprunteur peut toujours à son initiative, rembourser par anticipation sans indemnité, en partie ou en totalité, le crédit qui lui a été consenti ;

[minute page 5] Considérant que la clause critiquée impose à l'emprunteur un délai de préavis d'un mois et un remboursement pour une date d'échéance, de telle sorte que le préavis peut atteindre près de deux mois, alors que l'article L. 311-29 du Code de la Consommation et le modèle-type lui accordent le droit de rembourser à tout moment le prêt ; qu'une telle clause, qui permet au professionnel d'imposer à l'emprunteur la perception d'intérêts pendant près de deux mois en lui interdisant un remboursement immédiat du prêt sans raison technique véritable et d'imposer ainsi un « coût » prohibé par l'article L. 311-32 du code la consommation, a manifestement pour effet de créer au détriment de ce dernier un déséquilibre significatif entre les droits et obligations des parties au contrat ;

Que cette clause apparaît abusive ;

 

SUR LA CLAUSE e) DE L'OFFRE PRÉALABLE DE PRÊT : EXIGIBILITÉ ANTICIPÉE :

Considérant que cette clause, contestée par la FLCE 35, est libellée comme suit :

« e) Les sommes dues seront de plein droit et immédiatement exigibles, si bon semble au préteur, sans formalité ni mise en demeure, dans les cas suivants :

- […]

- si un emprunteur ou un co-emprunteur décède,

- si les déclarations faites par l'emprunteur tant dans les présentes que dans la demande de crédit sont reconnues fausses ou inexactes » ;

Considérant que l'article L. 311-30 du code de la consommation prévoit qu'en cas de défaillance de l'emprunteur, le prêteur pourra exiger le remboursement immédiat du capital restant dû, majoré des intérêts échus mais non payés augmenté des intérêts au taux du prêt outre une indemnité ;

Considérant que la clause concernant les déclarations de l'emprunteur prévoit une résiliation de plein droit du crédit pour des raisons extérieures à l'exécution du contrat ; qu'elle apparaît abusive en raison de son extrême généralité qui met l'emprunteur à la [minute page 6] discrétion du prêteur, alors qu'une simple inexactitude ne saurait constituer une faute contractuelle justifiant la résiliation du contrat, sanction disproportionnée, et alors qu'aux termes du modèle-type, seule la défaillance de l'emprunteur est susceptible d'entraîner une telle sanction ;

Considérant que la clause concernant le décès de l'emprunteur ou du co-emprunteur, qui n'est pas non plus prévue dans le modèle type, apparaît également abusive comme créant un déséquilibre significatif au détriment du consommateur puisqu'elle permet la résiliation d'un contrat, alors même que les échéances en seraient régulièrement acquittées, ce qui aggrave nécessairement sa situation en raison de l'exigibilité anticipée de la totalité des sommes dues ;

Qu'il doit d'ailleurs être observé que, si le décès d'un emprunteur n'ayant pas souscrit d'assurance-décès devait entraîner un arrêt dans le paiement des échéances du contrat, il y aurait défaillance de l'emprunteur au sens de l'article L. 311-30 du code de la consommation ;

 

SUR L'ILLICÉITÉ DES CLAUSES :

Considérant que la société GROUPE SOFEMO soutient que l'article L. 421-6 du code de la consommation prévoit que les associations peuvent agir pour faire cesser ou interdire tout agissement illicite au regard des dispositions transposant les directives mentionnées à la directive 98/27/CE du Parlement européen et du Conseil relative aux actions en cessation en matière de protection des consommateurs et que les clauses critiquées ne peuvent être qualifiées de clauses illicites au sens de ce texte ;

Mais considérant que le premier juge a seulement et dans le cadre de l'action préventive en suppression de clauses abusives ouverte aux associations de défense des consommateurs agréées, en exacte application des dispositions de l'article L. 421-6 du Code de la consommation, déclaré abusives et illicites par application du texte précité et par référence aux articles L. 311-13 et L. 311-29 du code de la consommation, la clause prévoyant un délai de préavis pour le remboursement anticipé du prêt et les clauses prévoyant une exigibilité dudit prêt ;

[minute page 7] Que le jugement doit être confirmé en ce qu'il a déclaré ces clauses abusives et illicites ;

 

SUR LES DOMMAGES-INTÉRÊTS :

Considérant que, contrairement à ce que soutient la société GROUPE SOFEMO qui se fonde sur une hypothèse d'intervention de l'association sur la demande présentée en justice par un consommateur, l'association de consommateurs, lorsqu'elle agit sur le fondement de l'article L. 421-6 du code de la consommation, est parfaitement recevable à demander la réparation du préjudice causé à l'intérêt collectif des consommateurs ;

Et considérant que le premier juge a fait une exacte appréciation du montant du préjudice causé par l'offre aux consommateurs de contrats contenant des clauses illicites et abusives à l'intérêt collectif des consommateurs ;

Que le jugement sera confirmé en toutes ses dispositions ;

 

DISPOSITIF (décision proprement dite)                                          (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)

PAR CES MOTIFS :

La Cour

Confirme le jugement en toutes ses dispositions ;

Déboute la société GROUPE SOFEMO de toutes ses demandes ;

Condamne la société GROUPE SOFEMO à payer à la Fédération du Logement, de la Consommation et de l'Environnement d'Ille-et-Vilaine la somme de 2.000 euros à titre d'indemnité pour frais irrépétibles ainsi qu'à payer les dépens qui seront recouvrés conformément aux dispositions de l'article 699 du code de procédure civile.

LE GREFFIER                LE PRÉSIDENT