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TGI MARSEILLE (10e ch. civ.), 16 janvier 2007

Nature : Décision
Titre : TGI MARSEILLE (10e ch. civ.), 16 janvier 2007
Pays : France
Juridiction : TGI Marseille. 10e ch.
Demande : 05/08553
Date : 16/01/2007
Nature de la décision : Rejet
Date de la demande : 2/08/2005
Décision antérieure : CA AIX-EN-PROVENCE (15e ch. B), 5 juin 2008
Numéro de la décision : 31
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CERCLAB - DOCUMENT N° 2753

TGI MARSEILLE (10e ch. civ.), 16 janvier 2007 : RG n° 05/08553 ; jugement n° 31

(sur appel CA Aix-en-Provence (15e ch. B), 5 juin 2008 : RG n° 07/01610)

 

Extrait : « Attendu que l'article L. 132-1 du Code de la Consommation dispose : « […] » ; Que la Commission des Clauses Abusives a exclu de sa compétence consultative les relations entre professionnels menées en vue de répondre à des besoins professionnels (Commission Clauses Abusives 14 /09/1993) ; Qu'il est constant que les dispositions de l'article L. 132-1 du Code de la Consommation ne s'appliquent pas aux contrats qui ont un rapport direct avec l'activité professionnelle exercée par le cocontractant ;

Attendu qu'en l'espèce, l'extrait Kbis versé aux débats fait apparaître que l'activité de la SCI B. consiste en « l'acquisition, la vente, la location de tous immeubles et biens et droits immobiliers sur le territoire français et notamment l'acquisition d'un immeuble à [adresse ville M.] ». Que cette société a assuré l'immeuble acquis situé au [adresse] auprès de la Compagnie AXA ASSURANCES après l'avoir donné en location à une société de transport et aux archives du Crédit Universel ; Que ce contrat d'assurance a ainsi un rapport direct avec l'activité professionnelle de la demanderesse ; Que dès lors, le régime des clauses abusives ne lui est pas applicable ».

 

TRIBUNAL DE GRANDE INSTANCE

DIXIÈME CHAMBRE CIVILE

JUGEMENT DU 16 JANVIER 2007

 

ÉLÉMENTS D’IDENTIFICATION DE LA DÉCISION       (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)

R.G. n° 05/08553. Jugement n° 31.

DÉBATS : Audience publique du 14 novembre 2006

COMPOSITION DU TRIBUNAL : Madame SPAZZOLA Rose-May, Vice-Président Madame DELACOUR Anne-Laure, Juge Madame POITEVIN Aurore, Juge

à l'issue de laquelle une date de délibéré a été fixée au 16 janvier 2007.

Greffier lors des débats : Mademoiselle Annie TCHEUREKDJIAN, Greffier Divisionnaire,

Les parties ont été avisées que le prononcé public de la décision aura lieu par mise à disposition au greffe le 16 JANVIER 2007.

JUGEMENT : Contradictoire et en premier ressort.

[minute page 2]

DEMANDEUR :

SCI B.,

Société Civile Immobilière au capital de 7.622,45 euros, dont le siège social est sis [adresse], immatriculée au RCS de Marseille sous le numéro XXX, représentée par son gérant en exercice demeurant es qualité audit siège. Représentée par Maître CHOLLET de la SCP BRAUNSTEIN CHOLLET MAGNAN GRIMALDI du barreau de MARSEILLE. DEMANDERESSE

 

CONTRE :

DÉFENDEUR :

Compagnie AXA ASSURANCES

[adresse],  prise en la personne de son représentant légal domicilié es qualité audit siège. Représentée par Maître ABEILLE de la SELARL ABEILLE & ASSOCIÉS du barreau de MARSEILLE. DÉFENDERESSE

 

EXPOSÉ DU LITIGE                                                           (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)

[minute page 3] EXPOSÉ DU LITIGE :

La SCI B. a souscrit le 3 mars 1995 auprès de la Compagnie AXA ASSURANCES, un contrat « Multirisque de l'entreprise » police numéro 000000051111YY couvrant notamment le risque incendie, concernant un ensemble immobilier situé [adresse ville M.].

Un incendie s'est déclaré dans les locaux assurés dans la nuit du 1re novembre 2003.

La SCI B. a déclaré ce sinistre auprès de la Compagnie AXA ASSURANCES le 4 novembre 2003.

L'assureur a diligenté une mesure d'expertise confiée au Cabinet GALTIER.

Le contrat d'assurance souscrit prévoyait qu'en cas d'incendie, l'assureur verserait deux indemnités :

- d'une part, l'indemnité immédiate correspondant à la valeur de l'immeuble sinistré, vétusté déduite,

- d'autre part, une indemnité valeur à neuf, qui, en substance, est versée lorsque l'assuré a procédé à la reconstruction à l'identique de l'immeuble détruit dans un délai de deux ans.

Le Cabinet d'expertise a fixé de la manière suivante les dites indemnités

- règlement immédiat : 276.157,51 euros H.T

- règlement différé : 178.896,00 euros H.T

La Compagnie AXA ASSURANCES n'ayant pas indemnisé l'assurée, la SCI B. a saisi le Juge des référés.

Par ordonnance en date du 28 février 2005, le Juge des référés a condamné l'assureur à verser à la demanderesse, à titre provisionnel, la somme de 276.157,51 euros correspondant à l'indemnité immédiate prévue au contrat.

Concernant le règlement de l'indemnité valeur à neuf, le Juge des référés a précisé qu'il appartenait au seul Juge du fond d'interpréter la clause relative à cette indemnité et de déterminer ainsi si l'indemnité pouvait être réglée alors même que la reconstruction de l'immeuble n'était pas terminée.

La SCI B. a alors, par acte d'huissier en date du 2 août 2005, assigné la Compagnie AXA ASSURANCES devant le Tribunal de Grande Instance de Marseille aux fins de la voir condamner à lui verser les sommes de :

* 178.896 euros avec intérêts au taux légal à compter du 7 octobre 2004, en règlement de l'indemnité valeur à neuf,

* 15.000 euros à titre de dommages et intérêts pour résistance abusive,

* et 5.000 euros sur le fondement de l'article 700 du Nouveau Code de Procédure Civile.

[minute page 4] La demanderesse sollicite également le bénéfice de l'exécution provisoire.

A l'appui de ses prétentions, elle expose que la clause subordonnant le règlement de l'indemnité à la reconstruction de l'immeuble à l'identique dans un délai de deux ans est abusive.

Elle indique n'avoir pu procéder à la reconstruction complète du bâtiment dans le délai précité faute de moyens financiers.

La Compagnie AXA ASSURANCES a constitué avocat le 22 septembre 2005.

Dans ses dernières écritures signifiées le 16 mars 2006 et reçues au greffe le 17 mars 2006, la SCI B. a maintenu ses prétentions initiales.

A titre subsidiaire et dans l'hypothèse où la défenderesse ne serait pas condamnée à régler l'indemnité valeur à neuf, la demanderesse précise que la Compagnie AXA ASSURANCES a commis une faute en refusant de l'indemniser. Elle réclame ainsi en réparation du préjudice subi l'octroi d'une indemnité de 178.896 euros.

Enfin, à titre infiniment subsidiaire, elle indique que la Compagnie AXA ASSURANCES doit être condamnée à régler le montant des travaux de reconstruction déjà réalisés et dont elle justifie pour un montant global de 99.886,23 euros outre les intérêts au taux légal à compter du 7 octobre 2004.

Par écritures récapitulatives signifiées 1er septembre 2006 et reçues au greffe le même jour, la Compagnie AXA ASSURANCES conclut au débouté de la SCI B. et sollicite à titre reconventionnel, l'octroi d'une somme de 1.500 euros sur le fondement de l'article 700 du Nouveau Code de Procédure Civile.

Elle expose que la clause « indemnité valeur à neuf » insérée au contrat souscrit ne peut être qualifiée de clause abusive dans la mesure où la réglementation relative aux clauses abusives n'est pas applicable au contrat ayant un rapport direct avec l'activité professionnelle d'une des parties, ce qui est bien le cas en l'espèce.

Elle ajoute que la SCI B. ne rapporte nullement la preuve de ce que les conditions d'application de la garantie sont réunies dans la mesure où il n'est pas contesté que d'une part, la reconstruction de l'immeuble n'est pas achevée et d'autre part, que la reconstruction n'a pas été réalisée à l'identique, la destination de l'immeuble ayant été modifiée.

Elle soutient par ailleurs que la SCI B. a vendu l'immeuble sinistré et que dès lors, elle s'enrichirait sans cause si elle obtenait le règlement de l'indemnité valeur à neuf destinée à compenser le coût de reconstruction du bâtiment alors même qu'elle n'a pas financé lesdits travaux.

Elle ajoute que le contrat d'assurance ayant été transféré au profit du nouvel acquéreur et la SCI B. ayant très logiquement cessé de régler les primes à compter de la vente, cette dernière ne peut prétendre bénéficier de la garantie souscrite dès lors que le fait générateur à savoir la reconstruction de [minute page 5] l'immeuble n'était pas réalisé au jour de la cession de l'immeuble.

Concernant les demandes formulées à titre subsidiaire, la Compagnie AXA ASSURANCES précise qu'elles ne pourront qu'être rejetées dans la mesure où :

- d'une part, la SCI B. ne rapporte la preuve d'aucune faute commise par son assureur,

- et d'autre part, le contrat d'assurance souscrit ne prévoit nullement l'indemnisation pour les travaux déjà réalisés en cours de reconstruction de l'immeuble.

L'ordonnance de clôture est intervenue le 4 septembre 2006.

L'affaire a été fixée à l'audience de plaidoirie juge unique du 4 décembre 2006.

A la demande de la Compagnie AXA ASSURANCES, l'affaire a été renvoyée à l'audience collégiale du 14 novembre 2006.

Le Président a été entendu en son rapport.

 

MOTIFS (justification de la décision)                                   (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)

SUR CE :

1) Sur le caractère abusif de la clause « indemnité valeur à neuf » :

Attendu que l'article L. 132-1 du Code de la Consommation dispose : « Dans les contrats conclus entre professionnels et non-professionnels ou consommateurs, sont abusives les clauses qui ont pour objet ou pour effet de créer, au détriment du non-professionnel ou du consommateur, un déséquilibre significatif entre les droits et obligations des parties au contrat » ;

Que la Commission des Clauses Abusives a exclu de sa compétence consultative les relations entre professionnels menées en vue de répondre à des besoins professionnels (Commission Clauses Abusives 14 /09/1993) ;

Qu'il est constant que les dispositions de l'article L. 132-1 du Code de la Consommation ne s'appliquent pas aux contrats qui ont un rapport direct avec l'activité professionnelle exercée par le cocontractant ;

Attendu qu'en l'espèce, l'extrait Kbis versé aux débats fait apparaître que l'activité de la SCI B. consiste en « l'acquisition, la vente, la location de tous immeubles et biens et droits immobiliers sur le territoire français et notamment l'acquisition d'un immeuble à [adresse ville M.] ».

Que cette société a assuré l'immeuble acquis situé au [adresse] auprès de la Compagnie AXA ASSURANCES après l'avoir donné en location à une société de transport et aux archives du Crédit Universel ;

[minute page 6] Que ce contrat d'assurance a ainsi un rapport direct avec l'activité professionnelle de la demanderesse ;

Que dès lors, le régime des clauses abusives ne lui est pas applicable ;

 

 2) Sur l'interprétation de la clause « indemnité valeur à neuf » :

Attendu que le contrat d'assurance souscrit par la SCI B. prévoit au paragraphe « Convention d'Assurance en valeur à neuf » des conditions particulières :

« L'indemnisation en valeur à neuf ne sera due que si la reconstruction, en ce qui concerne les bâtiments ou le remplacement, en ce qui concerne le mobilier ou le matériel, est effectué, sauf impossibilité absolue dans un délai de deux ans, à partir de la date du sinistre. La reconstruction devra, sauf impossibilité absolue, s'effectuer sur l'emplacement du bâtiment sinistré, sans qu'il soit apporté de modification importante à sa destination initiale » ;

Qu'il appartient à l'assuré qui se prévaut du contrat souscrit d'établir que sont réunies les conditions requises par la police pour mettre en jeu cette garantie ;

Attendu qu'en l'espèce, il n'est pas contesté que la reconstruction de l'immeuble situé [adresse] X. dans [ville M.] , détruit dans l'incendie du 1er novembre 2003 n'est pas achevée alors même qu'un délai de trois ans s'est écoulé après le sinistre ;

Que le non respect du délai de deux ans prévu contractuellement ne peut être opposé à l'assuré qui démontre qu'il a été dans l'impossibilité absolue de le respecter ;

Qu'en l'espèce, la SCI B. prétend n'avoir pu réaliser l'ensemble des travaux de réfection de l'immeuble pour des raisons financières ;

Mais attendu qu'un tel argument ne saurait emporter la conviction du Tribunal dans la mesure où il résulte des pièces versées aux débats que la SCI B. avait antérieurement au sinistre, signé un compromis de vente concernant l'immeuble ;

Que l'acte définitif de vente au profit de la SCI LES HUILERIES DE Z. a été régularisé le 31 mars 2005 ;

Que les pièces versées aux débats et notamment les factures en date des 28 septembre et 21 octobre 2004 établies par la Société Méditerranéenne de Démolition font apparaître que les travaux de reconstruction de l'immeuble ont été commandés par la SCI LES HUILERIES DE Z. alors même que l'acte définitif de vente n'était pas signé et non par la SCI B. ;

Que la demanderesse n'a donc pas financé les travaux de reconstruction de l'immeuble assuré, ce qu'elle ne conteste pas, non pas parce que sa trésorerie ne le lui permettait pas mais parce qu'elle avait vendu l'immeuble ;

[minute page 7] Que dans ces conditions et sans qu'il soit besoin d'examiner les autre moyens soulevés, la SCI B. ne peut prétendre au versement de l'indemnité « valeur à neuf », les conditions d'application de cette garantie n'étant pas réunies ;

 

3) Sur la faute alléguée de la Compagnie AXA ASSURANCES :

Attendu que la résistance opposée par la défenderesse au règlement de l'indemnité valeur à neuf ne peut être qualifiée d'abusive ;

Qu'en outre, la SCI B. ne rapporte la preuve d'aucune faute commise par son assureur ;

Que dans ces conditions, elle sera déboutée de ses demandes tendant à obtenir l'octroi des sommes de 178.896 euros et 15.000 euros à titre de dommages et intérêts ;

 

4) Sur le remboursement des travaux effectués :

Attendu que le contrat d'assurance ne prévoit nullement que l'assureur remboursera au fur et à mesure de leur réalisation les travaux effectués en vue de la reconstruction de l'immeuble assuré détruit par l'incendie ;

Qu'en outre, les factures versées aux débats font apparaître que lesdits travaux ont été réglés non pas par la SCI B. mais par le nouvel acquéreur ;

Que dans ces conditions, la SCI B. sera déboutée de sa demande ;

 

5) Sur l'article 700 du Nouveau Code de Procédure Civile et les dépens :

Attendu que l'équité commande de faire application des dispositions de l'article 700 du Nouveau Code de Procédure Civile au profit de la Compagnie AXA ASSURANCES et de lui allouer sur ce fondement une somme de 1.500 euros ;

Qu'enfin, la SCI B. succombant à l'instance sera déboutée du surplus de ses demandes et devra supporter les entiers dépens.

 

DISPOSITIF (décision proprement dite)                             (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)

PAR CES MOTIFS :

LE TRIBUNAL,

Statuant en audience publique, par jugement contradictoire, en matière civile ordinaire, en premier ressort et après en avoir délibéré conformément à la loi,

DÉBOUTE la SCI B. de l'intégralité de ses demandes ;

CONDAMNE la SCI B. à verser à la Compagnie AXA [minute page 8] ASSURANCES la somme de MILLE CINQ CENTS EUROS (1.500 euros ) sur le fondement de l'article 700 du Nouveau Code de Procédure Civile ;

CONDAMNE la SCI B. aux dépens avec distraction au profit de la SELARL ABEILLE & ASSOCIÉS.

AINSI JUGÉ ET PRONONCÉ PAR MISE À DISPOSITION AU GREFFE DE LA DIXIÈME CHAMBRE DU TRIBUNAL DE GRANDE INSTANCE DE MARSEILLE LE SEIZE JANVIER DEUX MILLE SEPT.

SIGNÉ PAR MADAME SPAZZOLA, PRÉSIDENT ET MLLE TCHEUREKDJIAN, GREFFIER PRÉSENT LORS DE LA MISE À DISPOSITION AU GREFFE DE LA DÉCISION.

LE GREFFIER,           LE PRÉSIDENT,