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T. COM. PARIS (1re ch. B), 26 juin 1995

Nature : Décision
Titre : T. COM. PARIS (1re ch. B), 26 juin 1995
Pays : France
Juridiction : TCom Paris. 1re ch. sect. B
Demande : 93/86761
Date : 26/06/1995
Nature de la décision : Admission
Date de la demande : 22/10/1993
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CERCLAB/CRDP - DOCUMENT N° 289

T. COM. PARIS (1re ch. B), 26 juin 1995 : RG n° 93/86761

Publication : Lamyline

 

Extrait : « Attendu enfin que la Société OFFICE DU FROID ne saurait se prévaloir de la Loi du 10 Janvier 1978 concernant la protection des consommateurs alors qu'elle est une société commerciale, qu'elle souligne elle-même l'ancienneté de ses relations (depuis 1984) avec la Société demanderesse ».

 

TRIBUNAL DE COMMERCE DE PARIS

PREMIÈRE CHAMBRE B

JUGEMENT DU 26 JUIN 1995

 

ÉLÉMENTS D’IDENTIFICATION DE LA DÉCISION                                      (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)

R.G. n° 93/86761.

ENTRE :

PARTIE DEMANDERESSE :

SOCIETE GENERALE ELECTRIC CAPITAL LOCATION SA

dont le siège social est [adresse], assistée de Maître DELACHE, Avocat (C502), et comparant par Maître DELAY-PEUCH, Avocat (A377).

ET :

PARTIE DEFENDERESSE :

SOCIETE OFFICE DU FROID SA

dont le siège social est [adresse], assistée de Maître DEVIN, Avocat (R1730), et comparant par Maître HERNE, Avocat (B835).

 

APRES EN AVOIR DÉLIBÉRÉ,

 

EXPOSÉ DU LITIGE                                                                                         (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)

[minute page 2] Faits et procédure :

La Société OFFICE DU FROID a conclu le 30 avril 1990 un contrat de location pour du matériel informatique avec la société WANG FRANCE aujourd'hui Société GENERALE ELECTRIC CAPITAL LOCATION (ci-après GE CAP. LOC.) pour une durée de 57 mois moyennant un loyer mensuel de 16.421,78 Francs HT.

Le 29 août 1990 est intervenu entre ces deux sociétés un deuxième contrat de location également pour du matériel informatique d'une durée de 52 mois moyennant un loyer mensuel de 2.259,89 Francs HT.

La Société OFFICE DU FROID ayant informé le 7 décembre 1992 GE CAP. LOC. de sa décision de résilier par anticipation les deux contrats en cause, le loueur lui a demandé, par lettre recommandée avec accusé de réception du 15 mars 1993, une indemnité de résiliation de 340.630 Francs HT.

Cette mise en demeure étant restée sans effet, GE CAP. LOC., par acte du 22 octobre 1993, a assigné la Société OFFICE DU FROID demandant au Tribunal de

- condamner la Société OFFICE DU FROID à régler à la Société GE CAP. LOC. la somme de 461.956,56 Francs TTC en principal avec intérêts au taux légal à compter de la présente assignation ainsi que la somme de 10.000 Francs sur le fondement de l'article 700 du NCPC,

- l'exécution et les dépens étant requis.

Par conclusions du 11 février 1994, la société OFFICE DU FROID demande au Tribunal de

- constater que l'indemnité de résiliation stipulée au contrat revêt le caractère d'une clause pénale,

- constater que compte tenu des circonstances de la rupture des contrats conclus entre la Société GE CAP. LOC. et la Société OFFICE DU FROID, cette indemnité n'est pas due,

- à titre subsidiaire, et eu égard notamment à la valeur résiduelle du matériel objet des contrats, réduire à un Franc symbolique le montant de l'indemnité de résiliation,

- [minute page 3] débouter la Société GE CAP. LOC. de sa demande de loyer et de ses demandes au titre des intérêts de retard sur les loyers impayés et les indemnités de résiliation,

- condamner la Société GE CAP. LOC. au paiement de la somme de 8.000 Francs sur le fondement de l'article 700 du NCPC,

- la condamner en tous les dépens.

Par conclusions du 6 mars 1995, La Société GE CAP. LOC. demande au Tribunal de :

- débouter purement et simplement la Société OFFICE DU FROID de l'ensemble de ses demandes, fins et conclusions,

et confirme ses précédentes demandes énoncées dans l'assignation.

Par conclusions régularisées à l’audience du Juge Rapporteur du 22 mai 1995, la société OFFICE DU FROID confirme ses précédentes écritures.

 

Prétentions des parties :

En réponse à la demande de la Société GE CAP. LOC., la Société OFFICE DU FROID explique que son absorption par le Groupe ESYS MONTENAY a rendu le matériel et le logiciel loués incompatibles avec le système informatique de la Société absorbante et obsolète en raison de son caractère non évolutif, que sa demande de résiliation qui en est résulté ne présente aucun caractère fautif de sa part et que l'indemnité stipulée qui revêt le caractère d'une clause pénale doit être très fortement réduite voire ramenée à la somme symbolique de 1 Franc compte tenu de la valeur résiduelle du matériel, ajoutant que la clause pénale doit être examinée par le Juge avec d'autant plus de vigilance que les contrats de location dont il s'agit étaient des contrats d'adhésion non susceptibles de discussion.

La Société GE CAP. LOC. répond que les indemnités de résiliation figurant à l'article 10 des conditions générales des contrats ne constituent nullement une clause pénale mais une indemnité contractuelle pour la réparation de son préjudice résultant de la résiliation dont le montant est variable selon la date de cette dernière, et qui ne peut donc être réduite par le Juge. La Société GE CAP. LOC. ajoute que la Loi du 10 janvier 1978, à laquelle semble se référer la défenderesse en parlant de clause abusive, s'applique entre professionnels et non professionnels ou consommateurs (ce qui n'est pas le cas de l'espèce), que de plus la société OFFICE DU FROID a choisi librement son matériel et que son obsolescence non plus que les conséquences de l'absorption de son débiteur ne sauraient l'exonérer de ses obligations contractuelles.

La société OFFICE DU FROID rétorque, concernant la Loi du 10 janvier 1978 qu'elle vise alors expressément que, celle-ci doit effectivement s'appliquer puisqu'il ne peut être contesté qu'il [minute page 4] n'est compétent ni en matière d'informatique ni en matière de crédit bail.

 

MOTIFS (justification de la décision)                                                                 (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)

Sur ce, le Tribunal,

Attendu qu'il est produit aux débats les deux contrats ci-dessus visés n° 1003 ODF et 1004 ODF ainsi qu'un contrat de maintenance attaché eu contrat 1003 ODF, la lettre recommandée avec accusé de réception de la Société OFFICE DU FROID du 7 décembre 1992 jugeant trop élevée l'indemnité de résiliation de 386.000 Francs HT, la lettre recommandée avec accusé de réception de GE CAP. LOC. du 14 décembre 1992 acceptant de ramener le montant des loyers à échoir au 31 mars 1993 de 374.377 Francs HT à 340.630 Francs HT, enfin le décompte de la Société GE CAP. LOC, par lettre recommandée avec accusé de réception du 19 juillet, s'établissant, y compris intérêts de retard et frais à la somme de 461.956,56 Francs TTC ramenée pour un règlement amiable de leur différend à un montant de 914.981,54 Francs TTC, étant observé que dans son exploit introductif d'instance, la société GE CAP. LOC. reprend le premier montant de 461.956,56 Francs,

Attendu qu'il est stipulé à l'article 1-1 que « Le client a choisi sous sa seule responsabilité, le fournisseur, le type, la marque du matériel, ainsi que ses conditions de livraison et de paiement. Ce choix a été fait par le client en fonction de ses besoins », à l'article 1-2 qu’ « en aucun cas WANG LOCATION ne pourra être considérée comme spécialiste du matériel, il est en effet rappelé que WANG LOCATION ne conclut le présent contrat qu'aux seules fins de louer le matériel. », que ces mentions sont sans ambiguïté et de surcroît très habituelles dans les contrats de location financière portant sur du matériel,

Attendu que par ailleurs l'article 10 précise qu'en cas de résiliation, notamment pour défaut de paiement, l'ensemble des loyers afférents à la période contractuelle restant à courir deviendra Immédiatement exigible à titre de pénalité, sans préjudice de tous autres dommages et intérêts que WANG (GE CAP. LOC.) pourrait exiger,

Attendu qu'il ressort de cet article 10 que le loueur parle lui-même de pénalité à propos de l'indemnité de résiliation en dépit du fait que cette dernière inclut, à l'évidence et pour une part importante, le remboursement pur et simple de l'avance de fonds faite par lui au moment de l'acquisition du matériel,

Attendu néanmoins que dans le présent litige cette indemnité n'a pas lieu d'être réduite, la Société OFFICE DU FROID n'apportant pas la démonstration de son caractère manifestement excessif tel que visé par l'article 1152-2 du Code civil,

Qu'en effet, le changement de système informatique de la Société OFFICE DU FROID résultant de son absorption par la Groupe ESYS MONTENAY ne saurait faire grief à la Société GE CAP. LOC. qui est totalement étrangère à cet évènement, qu'il n'est pas contesté ni même allégué que celle-ci ait manqué à ses obligations d'achat et de livraison, que bien au contraire, la Société OFFICE DU FROID en cessant ses paiements a tenté de se faire justice à elle-même, refusant la réduction proposée à titre amiable par le loueur, que [minute page 5] la Société OFFICE DU FROID ne saurait davantage invoquer l'obsolescence du matériel et du logiciel, objets des contrats, qu'elle a elle-même choisis et leur faible valeur comparée à l'indemnité demandée, qu'elle opère ainsi une confusion entre la valeur résiduelle du bien loué résultant de son amortissement financier et sa valeur marchande qui décroît plus rapidement en raison de l'évolution rapide des techniques,           

Que, contrairement à ses affirmations, la Société OFFICE DU FROID avait parfaitement le choix de poursuivre l'exécution des contrats jusqu'à leur terme,

Attendu enfin que la Société OFFICE DU FROID ne saurait se prévaloir de la Loi du 10 Janvier 1978 concernant la protection des consommateurs alors qu'elle est une société commerciale, qu'elle souligne elle-même l'ancienneté de ses relations (depuis 1984) avec la Société demanderesse,

Attendu que la Société OFFICE DU FROID se doit à ses obligations, et qu'en conséquence elle sera condamnée à verser à la Société GE CAP. LOC. 1a somme demandée de 461.956,56 Francs majorée, ainsi qu'il est demandé de l'intérêt au taux légal à compter du 22 octobre 1993, date de l'assignation,

Attendu qu'il serait inéquitable de laisser à la Société GE CAP. LOC, la charge des frais irrépétibles qu'elle a dû engager au soutien de son action, que la Société OFFICE du FROID sera condamnée à lui verser la somme de 6.000 Francs sur le fondement de l'article 700 du NCPC, la Société GE CAP. LOC étant déboutée du surplus de sa demande à ce titre,

Attendu que, compte tenu du caractère non sérieusement contestable du litige, l'exécution provisoire sera ordonnée avec constitution de garantie,

 

DISPOSITIF (décision proprement dite)                                                            (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)

[minute page 6] PAR CES MOTIFS :

Le Tribunal, statuant contradictoirement et en premier ressort ;

Condamne la SOCIETE OFFICE DU FROID à payer à la SOCIETE GENERALE ELECTRIC CAPITAL LOCATION la somme en principal de QUATRE CENT SOIXANTE ET UN MILLE NEUF CEUT CINQUANTE SIX FRANCS ET CINQUANTE SIX CENTIMES, majorée des intérêts au taux légal à compter du 22 octobre 1993, date de l'assignation ;

Condamne la SOCIETE OFFICE DU FROID à payer à la SOCIETE GENERALE ELECTRIC CAPITAL LOCATION la somme de SIX MILLE FRANCS sur le fondement de l'article 700 du NCPC, cette dernière étant déboutée du surplus de sa demande à ce titre ;

Ordonne l'exécution provisoire du présent jugement avec fourniture d'une caution bancaire par la demanderesse à hauteur des condamnations ci-dessus prononcées.

Condamne la SOCIETE OFFICE DU FROID aux dépens, dont ceux à recouvrer par le Greffe liquidés à la somme de : 275,21 francs TTC (APP 5.25, AFF 42.00, EMOL 184.80, TVA 43.16, TOTAL TTC 275.21).

Confié, lors de l'audience du 03 avril 1995, à Monsieur POCQUET du HAUT JUSSE, en qualité de Juge-Rapporteur.

Mis en délibéré le 22  mai 1995.

Délibéré par Messieurs POCQUET du HAUT JUSSE, SCHIFF et SOUTUMIER et prononcé à l'audience publique où siégeaient :

Messieurs MESNARD, PRESIDENT, Messieurs ALLAROUSSE, ZIMERAY, POCQUET du HAUT JUSSE, SCHIFF, GUERIN, LEBOUCHARD, GERONIMI, SOUTUMIER, JUGES, les parties en ayant été préalablement avisées.

La Minute du Jugement est signée par le Président du Délibéré et par Monsieur OLIVIERO, Greffier.