CA COLMAR (1re ch. civ. sect. A), 29 mars 2011
CERCLAB - DOCUMENT N° 2903
CA COLMAR (1re ch. civ. sect. A), 29 mars 2011: RG n° 10/01409
Publication : Jurica
Extrait : « Attendu que c'est à juste titre que les premiers juges ont refusé de réputer non écrite cette stipulation contractuelle ; qu'en effet, la société IDEAC, qui a conclu le bail litigieux pour les besoins de son activité commerciale, ne bénéficie pas de la protection de l’article L. 132-1 du code de la consommation ».
RÉPUBLIQUE FRANÇAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
COUR D’APPEL DE COLMAR
PREMIÈRE CHAMBRE CIVILE SECTION A
ARRÊT DU 29 MARS 2011
ÉLÉMENTS D’IDENTIFICATION DE LA DÉCISION (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)
R.G. n° 1 A 10/01409. Décision déférée à la Cour : 22 janvier 2010 par le TRIBUNAL DE GRANDE INSTANCE A COMPETENCE COMMERCIALE DE STRASBOURG
APPELANTE :
SAS GRENKE LOCATION
Représentée par Maître Anne-Marie BOUCON, avocat à la Cour
INTIMÉE :
SARL IDEAC sous le nom commercial SARL METAFORME
Représentée par Maître Katja MAKOWSKI, avocat à la Cour
COMPOSITION DE LA COUR : L'affaire a été débattue le 22 février 2011, en audience publique, devant la Cour composée de : M. HOFFBECK, Président de Chambre, entendu en son rapport, M. CUENOT, Conseiller, M. ALLARD, Conseiller, qui en ont délibéré.
Greffier, lors des débats : Mme MUNCH-SCHEBACHER,
ARRÊT : - Contradictoire - prononcé publiquement par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l’article 450 du Code de Procédure Civile. - signé par M. Michel HOFFBECK, président et Mme Christiane MUNCH-SCHEBACHER, greffier, auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.
EXPOSÉ DU LITIGE (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)
Selon contrat en date du 4 octobre 2007, la société GRENKE LOCATION a donné en location à la société IDEAC un photocopieur de marque Canon fourni par la société ATEC BURO, moyennant le paiement de 21 loyers trimestriels de 825 euros HT.
Par courrier recommandé daté du 20 mai 2008, la société GRENKE LOCATION a procédé à la résiliation anticipée du contrat, en raison d'impayés.
Selon assignation en date du 28 octobre 2008, la société GRENKE LOCATION a attrait la société IDEAC devant le tribunal de grande instance de Strasbourg pour obtenir le paiement des loyers échus et de l'indemnité de résiliation, soit d'une somme globale de 18.065,40 euros.
La société IDEAC s'est opposée à cette demande en arguant de la nullité du contrat de location et subsidiairement des vices du matériel livré.
Par jugement du 22 janvier 2010, le tribunal de grande instance de Strasbourg a :
- condamné la société IDEAC à payer à la société GRENKE LOCATION la somme de 4.000 euros avec intérêts au taux légal à compter du 25 mai 2008,
- condamné la société IDEAC à payer à la société GRENKE LOCATION une somme de 1.000 euros sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile,
- rejeté le surplus des demandes de la société GRENKE LOCATION,
- ordonné l'exécution provisoire,
- condamné la société IDEAC aux dépens.
Les premiers juges ont principalement retenu :
- que le contrat litigieux n'était pas nul dès lors que sa durée et son terme avaient été précisés ;
- qu'en l'absence de toute réponse de la société GRENKE LOCATION aux doléances de sa locataire, il convenait de retenir que le contrat avait été résilié le 29 octobre 2007 par la société IDEAC ;
- que le matériel ayant été pris à bail dans le cadre de son activité professionnelle, la société IDEAC ne pouvait utilement se prévaloir des dispositions relatives aux clauses abusives pour échapper au règlement de l'indemnité de résiliation à laquelle ouvrait droit l'article 13 des conditions générales en cas de résiliation anticipée ;
- qu'il convenait de réduire l'indemnité de résiliation qui apparaissait manifestement excessive eu égard à la durée du contrat et à la valeur potentielle de la machine.
Par déclaration reçue le 4 mars 2010, la société GRENKE LOCATION a interjeté appel de cette décision. La société IDEAC a formé un appel incident.
Aux termes de ses conclusions récapitulatives déposées le 1er septembre 2010, la société GRENKE LOCATION demande à la cour de :
* sur appel principal,
- déclarer la société GRENKE LOCATION recevable en son appel ;
- infirmer le jugement entrepris en ce qu'il a condamné la société IDEAC à lui payer la somme de 4.000 euros avec intérêts au taux légal à compter du 25 mai 2008,
- condamné la société IDEAC à lui payer la somme de 18.065,40 euros avec intérêts au taux légal à compter du 29 octobre 2007 ;
- confirmer le jugement entrepris pour le surplus ;
- condamner la société IDEAC à lui payer une indemnité de 2.500 euros en application de l’article 700 du code de procédure civile ;
* sur appel incident,
- débouter la société IDEAC de son appel incident ;
- condamner la société IDEAC aux dépens nés de l'appel incident.
Au soutien de son appel, elle fait valoir en substance :
- que la locataire, à laquelle il appartenait de se retourner contre le fournisseur, ne pouvait pas procéder à la résiliation anticipée du bail ;
- que la locataire ne bénéficiant pas de la protection du code de la consommation, l'article 13 des conditions générales ne peut pas être tenue pour une clause abusive :
- qu'il n'y a pas lieu à réduction de l'indemnité de résiliation.
Selon conclusions récapitulatives remises le 25 octobre 2010, la société IDEAC rétorque :
- que le matériel s'étant avéré défectueux, la société GRENKE LOCATION a failli à son obligation de jouissance paisible et a encouru la résolution du contrat à ses torts ;
- que l'article 13 des conditions générales constitue une clause abusive au sens de l’article L. 132-1 du code de la consommation ;
- que les frais d'assurance mis en compte ne sont pas dus ;
- qu'aucune somme n'est due au titre des loyers échus puisque la résiliation a pris effet le 29 octobre 2007 et que les loyers ont été versés jusqu'au 31 décembre 2007 ;
- qu'aucune somme ne peut être mise en compte au titre des loyers à échoir en l'absence de terme contractuel ;
- que la pénalité contractuelle est manifestement excessive.
En conséquence, elle prie la cour de :
* sur appel principal,
- déclarer la société GRENKE LOCATION irrecevable et en tout cas mal fondée en son appel ;
- condamner la société GRENKE LOCATION aux dépens nés de l'appel principal ainsi qu'au paiement de 3.000 euros en application de l’article 700 du code de procédure civile ;
* sur appel incident,
- infirmer le jugement entrepris ;
- débouter la société GRENKE LOCATION de toutes ses demandes ;
- prononcer la résolution du contrat aux torts et griefs de la société GRENKE LOCATION ;
- dire que la somme versée de 953,80 euros est suffisante pour couvrir la période pendant laquelle la société GRENKE LOCATION pouvait reprendre la disposition du matériel à compter de la réception de la lettre recommandée avec AR du 29 octobre 2007 ;
- condamner la société GRENKE LOCATION aux dépens ainsi qu'au paiement de 3.000 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile ;
- subsidiairement, déclarer abusive et par conséquent sans effet la clause 13 du contrat de location par application de l’article L. 132-1 du code de la consommation ;
- plus subsidiairement, réduire le montant de l'indemnité de résiliation à la somme de 1.000 euros par application de l’article 700 du code de procédure civile.
L'ordonnance de clôture est intervenue le 21 janvier 2011.
MOTIFS (justification de la décision) (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)
SUR CE, LA COUR,
Vu les pièces et les écrits des parties auxquels il est renvoyé pour l'exposé du détail de leur argumentation,
Attendu que tout en concluant dans le dispositif de ses conclusions à l'irrecevabilité de l'appel, la société IDEAC n'expose aucun moyen à l'appui de sa demande ; qu'aucun élément du dossier ne démontrant qu'il aurait été tardivement exercé, l'appel principal qui a été interjeté suivant les formalités légales, sera déclaré recevable ;
Attendu que le 4 octobre 2007, la société IDEAC a attesté avoir « réceptionné le matériel loué », avoir « vérifié le caractère intégral de la livraison et le bon fonctionnement du matériel » et déclaré que ce matériel était « en parfait état et en état de fonctionnement » ;
Attendu que selon courrier recommandé daté du 29 octobre 2007, la société IDEAC a sollicité l'annulation du contrat souscrit en se plaignant notamment d'une mauvaise évaluation par le représentant, M. A., de l'indemnité qu'elle avait dû régler pour le rachat d'un précédent engagement envers la société XEROX et d'une mise en route « extrêmement lente » du photocopieur livré qui « ralentissait » le travail de ses collaborateurs ;
Attendu que selon l'article 2 des conditions générales, l'engagement de la société GRENKE LOCATION a consisté « exclusivement et ce à partir de la conclusion du Contrat, à se porter acquéreur des Produits en versant le prix au Fournisseur et à les donner en location au Locataire » ; qu'elle a rempli son engagement puisque le photocopieur donné en location a été acheté et mis à la disposition de la société IDEAC ;
Attendu que l'article 3 des conditions générales précise que « le Bailleur cède au Locataire les droits et actions qu'il détiendrait contre le Fournisseur à raison d'un retard, d'une non-conformité, d'un défaut, ou vice affectant le Matériel » ; que l'article 7 ajoute que « le Locataire exerce les recours utiles contre le Fournisseur et renonce à toute action contre le Bailleur » ; qu'il résulte de ces stipulations que la société GRENKE LOCATION n'a pas à répondre de la prétendue lenteur du photocopieur que sa locataire avait reconnu, quelques jours plus tôt, avoir réceptionné « en parfait état et en état de fonctionnement » ; qu'il appartenait à la société IDEAC d'agir contre la société ATEC BURO ; qu'aucun manquement à son obligation de délivrance, qui justifierait la résolution du contrat aux torts de la société GRENKE LOCATION, ne peut être reprochée à cette dernière ;
Attendu que la circonstance que la société GRENKE LOCATION n'ait pas jugé utile de répondre au courrier précité de sa locataire n'a pas eu effet d'entraîner la résiliation du bail à cette date dès lors que le contrat ne reconnaissait pas au locataire la faculté de rompre de façon unilatérale et anticipée les relations contractuelles (article 12.1) ;
Attendu que la société IDEAC ayant cessé tout règlement à compter du premier trimestre 2008, la société GRENKE LOCATION était fondée, en application de l'article 12.2 des conditions générales, à procéder à la résiliation anticipée du contrat (courrier recommandé daté du 20 mai 2008 et distribué le 27 mai) ;
Attendu qu'en raison de la résiliation anticipée, la société GRENKE LOCATION peut prétendre au paiement des loyers échus impayés et à celui d'une « indemnité égale à tous les loyers à échoir jusqu'au terme initial du contrat majorée de 10 % » (article 13.1 des conditions générales) ;
Attendu que c'est à juste titre que les premiers juges ont refusé de réputer non écrite cette stipulation contractuelle ; qu'en effet, la société IDEAC, qui a conclu le bail litigieux pour les besoins de son activité commerciale, ne bénéficie pas de la protection de l’article L. 132-1 du code de la consommation ;
Attendu que la société GRENKE LOCATION réclame le paiement des sommes suivantes :
- impayés
* 02/01/2008 : 417,00 euros
* 02/01/2008 : 986,70 euros
* 01/04/2008 : 986,70 euros
- indemnité de résiliation (loyers à échoir du
01/07/2008 au 01/01/2013) : 825 x 19 = 15.675,00 euros
18.065,40 euros ;
Attendu que la somme de 417 euros correspond à des « frais d'assurance 2008 » (facture n° 200XX/2008 du 14 décembre 2007) ; que la société GRENKE LOCATION ne justifiant pas avoir « intégré le matériel loué au contrat cadre d'assurance dommages du bailleur » (article 11.1), ce poste doit être écarté ;
Attendu, pour le surplus, que les montants inscrits en compte correspondent à 2 loyers échus (2 janvier 2008 et 1er avril 2008) et 19 loyers à échoir (1er juillet 2008 au 1er janvier 2013) ; que la société GRENKE LOCATION a réclamé à sa cliente un loyer de 953,81 euros TTC pour la période du 4 octobre 2007 au 31 décembre 2007 ; qu'il est constant que cette facture a été acquittée ; que la location ayant été consentie pour une durée de 21 trimestres, le règlement effectué par la société IDEAC doit s'imputer sur le montant réclamé ; qu'en conséquence, le montant dû par la société IDEAC ressort à 18.065,40 - (417 + 953,81) = 16.694,59 euros ;
Attendu qu'il n'y a pas lieu de réduire cette peine, dont le mode de calcul est similaire à celui des peines habituellement stipulées dans les conventions de même nature ;
Attendu qu'en conclusion, la société IDEAC doit être condamnée à payer la somme de 16.694,59 euros majorée des intérêts légaux à compter de l'assignation ;
Attendu que la société IDEAC supportera les dépens ; qu'il n'est pas inéquitable de laisser à la société GRENKE LOCATION la charge de ses frais irrépétibles ;
DISPOSITIF (décision proprement dite) (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)
PAR CES MOTIFS :
LA COUR,
DÉCLARE la société GRENKE LOCATION recevable en son appel principal ;
DÉCLARE la société IDEAC recevable en son appel incident ;
INFIRME le jugement entrepris en toutes ses dispositions ;
Statuant à nouveau, CONDAMNE la société IDEAC à payer à la société GRENKE LOCATION une somme de 16.694,59 euros (seize mille six cent quatre vingt quatorze euros cinquante neuf) avec intérêts au taux légal à compter du 28 octobre 2008 ;
DÉBOUTE la société GRENKE LOCATION de sa demande au titre de l’article 700 du code de procédure civile ;
CONDAMNE la société IDEAC aux dépens de première instance et d'appel.
LE GREFFIER LE PRÉSIDENT
- 5860 - Code de la consommation - Domaine d’application - Bénéficiaire de la protection - Notion de non professionnel - Personnes morales (avant la loi du 17 mars 2014) - Clauses abusives - Protection implicite
- 5878 - Code de la consommation - Domaine d’application - Bénéficiaire de la protection - Notion de professionnel - Critères - Clauses abusives - Critères alternatifs : besoins de l’activité
- 5947 - Code de la consommation - Domaine d’application - Bénéficiaire de la protection - Notion de professionnel - Illustrations - Contrats conclus pendant l’activité - Activité administrative - Reprographie : présentation globale
- 5948 - Code de la consommation - Domaine d’application - Bénéficiaire de la protection - Notion de professionnel - Illustrations - Contrats conclus pendant l’activité - Activité administrative - Reprographie : présentation par type d’activité