CA DOUAI (8e ch. sect. 1), 29 avril 2010
CERCLAB - DOCUMENT N° 2909
CA DOUAI (8e ch. sect. 1), 29 avril 2010 : RG n° 09/02724
Publication : Jurica
Extrait : « 3.1. En conséquence de ce qui précède et par application désormais des dispositions de l'article L. 141-4. du Code de la consommation, le juge peut donc relever d'office les irrégularités et manquements qu'il constate aux dispositions précitées et notamment aux articles L. 311-8 et suivants du Code de la consommation et il doit relever la fin de non recevoir tirée de l'article L. 311-37 du même Code sans qu'il n'y ait plus lieu de distinguer selon qu'il s'agit d'un ordre public de protection ou de direction en raison des objectifs recherchés par ces directives. »
COUR D’APPEL DE DOUAI
HUITIÈME CHAMBRE SECTION 1
ARRÊT DU 29 AVRIL 2010
ÉLÉMENTS D’IDENTIFICATION DE LA DÉCISION (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)
R.G. n° 09/02724. Jugement (n° 09-000537) rendu le 23 mars 2009 par le Tribunal d'Instance de LILLE.
APPELANTE :
CAISSE DE CRÉDIT MUTUEL DE FRETIN
prise en la personne de ses représentants légaux domiciliés en cette qualité audit siège ayant son siège social : [adresse]. Représentée par la SCP LEVASSEUR-CASTILLE-LEVASSEUR, avoués à la Cour, Assistée de Maître Yves SION, avocat au barreau de LILLE
INTIMÉS :
Monsieur X.,
né le [date] à [ville], demeurant : [adresse]. N'a pas constitué avoué.
Madame Y. épouse X.,
née le [date] à [ville], ayant son siège social : [adresse]. N'a pas constitué avoué.
DÉBATS : A l'audience publique du 3 février 2010 tenue par Catherine PAOLI magistrat chargé d'instruire l'affaire qui a entendu seul les plaidoiries, les conseils des parties ne s'y étant pas opposés et qui en a rendu compte à la Cour dans son délibéré (article 786 du Code de Procédure Civile).
Les parties ont été avisées à l'issue des débats que l'arrêt serait prononcé par sa mise à disposition au greffe.
GREFFIER LORS DES DÉBATS : Annie DESBUISSONS
COMPOSITION DE LA COUR LORS DU DÉLIBÉRÉ : Pierre CHARBONNIER, Président de chambre, Catherine PAOLI, Conseiller, Sophie VEJUX, Conseiller
ARRÊT : RENDU PAR DÉFAUT, prononcé publiquement par mise à disposition au greffe le 29 avril 2010 (date indiquée à l'issue des débats) et signé par Pierre CHARBONNIER, Président et Annie DESBUISSONS, greffier, auquel la minute a été remise par le magistrat signataire.
EXPOSÉ DU LITIGE (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)
Vu le jugement contradictoire du tribunal d'instance de LILLE en date du 23 mars 2009 ;
Vu l'appel formalisé le 15 avril 2009 par la CAISSE DE CRÉDIT MUTUEL DE FRETIN ;
Vu les conclusions déposées par la CAISSE DE CRÉDIT MUTUEL DE FRETIN le 2 juillet 2009 ;
Par acte d'huissier en date du 21 janvier 2009, la CAISSE DE CRÉDIT MUTUEL DE FRETIN, en exécution d'une offre préalable de prêt personnel en date du 25 janvier 2000, a assigné en paiement M. X. et Madame Y. épouse X. devant le Tribunal d'Instance de Lille lequel par, jugement dont appel, après avoir constaté que la créance de la banque était forclose a déclaré la CAISSE DE CRÉDIT MUTUEL DE FRETIN irrecevable en ses demandes et condamné cette dernière aux dépens de l'instance.
La CAISSE DE CRÉDIT MUTUEL DE FRETIN soutenant que le Code de la consommation met en œuvre au profit du consommateur un ordre public de protection, que seul ce dernier peut invoquer, ce qui n'est pas le cas en l'espèce, conclut donc à l'infirmation du jugement soutenant également que sa créance n'est pas forclose. Elle demande en conséquence à la cour de condamner solidairement M. et Mme X. à lui payer la somme de 7.345,39 euros à titre principal avec intérêts au taux contractuel de 8,50 % à compter du 10 octobre 2007 outre celle de 1.500 euros en application de l’article 700 du Code de procédure civile.
M X. a été assigné à personne le 29 septembre 2009 ; Madame Y. épouse X. a été assignée puis réassignée les 29 septembre et 30 octobre 2009 a domicile à la personne de son époux qui a accepté l'acte ; les conclusions précitées et le bordereau de pièces y annexées leur ont été signifiés à cette occasion. Ils n'ont pas constitué avoué. Il sera statué par arrêt de défaut les concernant par application de l’article 474 du Code de procédure civile.
L'ordonnance de clôture est intervenue le 14 janvier 2010 ; l'affaire est venue à l'audience de plaidoirie le 3 février 2010 à l'issue de laquelle elle a été mise en délibéré au 29 avril 2010.
MOTIFS (justification de la décision) (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)
SUR CE,
La CAISSE DE CRÉDIT MUTUEL DE FRETIN conteste qu'en matière de crédit à la consommation le juge puisse de manière générale soulever d'office un manquement à une disposition du Code de la consommation qui n'aurait pas été expressément invoquée par une partie en général et en particulier le moyen tiré de la forclusion prévue à l’article L. 311-37 du Code de la consommation s'agissant en la matière d'un ordre public de protection.
1. En la forme, sur les pouvoirs et l'office du juge, il sera rappelé qu'aux termes de l’article 12 du Code de procédure civile, il est fait obligation à ce dernier de trancher le litige non seulement conformément aux règles de droit qui lui sont applicables mais également, au besoin, après avoir donné ou restitué leur exacte qualification juridique aux faits ou aux actes litigieux sans s'arrêter aux dénominations que les parties en auraient proposé. De plus, cette obligation pour le juge d'asseoir sa décision sur un raisonnement juridique adéquat doit également se lire à la lumière de l’article 125 du Code de procédure civile qui fait obligation au juge de relever d'office les fins de non recevoir lorsqu'elles ont un caractère d'ordre public, sans qu'il y ait lieu de distinguer selon que le moyen d'irrecevabilité résulte d'un ordre public de direction ou de protection, et plus généralement à la possibilité désormais reconnue pour celui-ci de relever d'office toutes les dispositions d'ordre public du Code de la consommation. Enfin, lorsque le défendeur ne comparait pas comme en l'espèce, il est néanmoins statué sur le fond mais, par application de l'article 472 du nouveau Code de procédure civile, le juge ne fait droit à la demande que dans la mesure où il l'estime régulière, recevable et bien fondée.
2.1. La directive européenne n° 87/102 du 22 décembre 1986 (modifiée par les directives n° 90/88 du 22 février 1990 et n° 98/7 du 16 février 1998) relative aux crédits à la consommation et n° 93/13 du 5 avril 1993 relative aux clauses abusives ont fait l'objet d'une transposition en droit français à l'occasion de l'adoption de la loi du 23 juin 1989 puis d'une codification au livre III, titre I, Chapitre 1 et suivant du Code de la consommation (Art. L. 311 -1 et suivants) pour la première et de la loi du 1er février 1995 pour la seconde codifiée aux articles L. 132-1 et suivants du Code de la consommation; ces dispositions régissent la présente instance.
2.2. La Cour de Justice des Communautés Européenne a été amenée à préciser à plusieurs reprises dans l'un et l'autre de ces domaines, notamment dans les arrêts des 4 octobre 2007 (Franfinance, KparK/épx Rampion) et 4 mars 2004 (Cofinoga/Sachithanathan) en matière de crédit à la consommation ou les arrêts du 27 juin 2000 (Oceano Grupo) ou du 21 novembre 2002 (Cofidis/Fredout) que le but recherché par ces directives est une meilleure protection des consommateurs par l'imposition de certaines conditions valables pour toutes les formes de crédits ; cet objectif, double, doit donc tendre non seulement à la création d'un marché commun du crédit mais aussi à assurer la protection du consommateur. En raison des risques liés à l'ignorance de ses droits ou aux difficultés à les exercer dans laquelle le consommateur peut se trouver et afin de permettre l'émergence de ce marché unique et concurrentiel, la Cour a été amenée à préciser que pour que ce double objectif soit effectivement atteint il incombe au juge national d'appliquer d'office les dispositions transposant en droit interne les directives précitées, des lors qu'il dispose des éléments de droit et de fait nécessaire à cet effet. De ce double objectif, la protection du consommateur et le marché commun et concurrentiel étant d'égale importance, il se déduit également qu'il n'y a plus lieu en droit interne de distinguer selon que ces dispositions relèvent d'un ordre public de direction ou de protection. La cour de justice des communautés européenne a encore rappelé récemment (arrêt du 4 juin 2009 Pannon GSM/Ersebet Sustikne Gyorfi) que cette obligation qui pesait sur le juge national s'exerçait sans qu'il soit nécessaire qu'au préalable le consommateur ait contesté avec succès la dite clause et ce afin de suppléer au déséquilibre qui existe entre le consommateur et le professionnel, la conséquence en étant l'inopposabilité de la clause litigieuse au consommateur sauf si ce dernier, informé de cette conséquence par le juge, n'entend pas se prévaloir de ce moyen.
2.3. Enfin, si chaque État dispose d'une autonomie procédurale dans la détermination des moyens et des modalités nécessaires à la mise en œuvre des directives communautaires, ceux-ci doivent être propres à assurer non seulement la sauvegarde des droits que le justiciable tient de la directive transposée mais encore l'effectivité des buts poursuivis par cette dernière et ce, dans le respect des principes d'équivalence, d'effectivité et d'application uniforme du droit communautaire.
3.1. En conséquence de ce qui précède et par application désormais des dispositions de l'article L. 141-4 du Code de la consommation, le juge peut donc relever d'office les irrégularités et manquements qu'il constate aux dispositions précitées et notamment aux articles L. 311-8 et suivants du Code de la consommation et il doit relever la fin de non recevoir tirée de l'article L. 311-37 du même Code sans qu'il n'y ait plus lieu de distinguer selon qu'il s'agit d'un ordre public de protection ou de direction en raison des objectifs recherchés par ces directives.
3.2. Par ailleurs, aux termes de l’article L. 311-37 du Code de la consommation dans sa rédaction applicable lors de la conclusion du contrat, les actions nées d'un contrat de crédit à la consommation doivent être engagées, à peine de forclusion, dans les deux ans de l'événement qui leur a donné naissance. Le point de départ de ce délai de forclusion, dans le cadre d'une action en paiement à l'occasion d'un prêt personnel, est fixé à la date de l'exigibilité des sommes dont le recouvrement est poursuivi et plus précisément au premier incident de paiement non régularisé ; en cas de plan de redressement de la situation d'endettement des emprunteurs ce délai est reporté au premier incident non régularisé postérieurement à l'adoption du plan conventionnel s'il n'était précédemment acquis avant son adoption.
4. Au cas d'espèce le prêt consenti le 25 janvier 2000 a fait l'objet de réaménagements dans le cadre des deux plans de redressement dont ont bénéficié les emprunteurs intervenus successivement les 26 décembre 2001 et 11 février 2004.
Si le préteur fixe le premier incident de paiement non régularisé au 31 janvier 2007, il convient toutefois de constater à l'examen de l'historique du compte (pièce 8) que le premier juge a exactement fixé à l'échéance de septembre 2006, date à compter de laquelle d'ailleurs le solde progressif ne régressera plus.
Le jugement ne peut donc qu'être confirmé en toutes ses dispositions.
5. La CAISSE DE CRÉDIT MUTUEL DE FRETIN succombe en appel dans ses prétentions, elle supportera donc la charge des dépens de cette instance.
DISPOSITIF (décision proprement dite) (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)
PAR CES MOTIFS,
Statuant publiquement et par défaut ;
Confirme le jugement ;
Condamne la CAISSE DE CRÉDIT MUTUEL DE FRETIN aux dépens d'appel.
LE GREFFIER, LE PRÉSIDENT,
A. DESBUISSONS P. CHARBONNIER
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